Les Bénédictins de l'abbaye de Saint-Paul de Wisques, ont publié, d'abord en juin 1915, puis dans une nouvelle édition en juillet 1919, une traduction en français des œuvres de Ruysbroeck, réalisée d'après un texte original flamand. C'est ce texte français de 1919 que nous utiliserons pour présenter les œuvres du grand mystique flamand. Nous nous inspirerons également des commentaires et des notes des moines de Wisques lorsqu'il s'agira de mettre en garde le lecteur contre certaines interprétations erronées qui avaient conduit, en leur temps, à la condamnation de certains des textes de Ruysbrœck. Les bénédictins de Wisques avaient parfaitement compris cette difficulté, aussi prirent-ils soin de préciser, à la fin de leur introduction générale, qu'ils ont cherché à suivre le texte de Ruysbroeck le plus près possible, quitte à faire souffrir l'expression française, afin de ne pas trahir la pensée de l'auteur, "en des matières où les termes demandent à être pesés avec soin."

Les Bénédictins de Wisques présentent chaque œuvre en particulier et multiplient les notes explicatives. Ceci était indispensable, et ils n'hésitaient pas à écrire, notamment dans "Les sept degrés de l'échelle d'amour": "C'est en ces passages surtout que le langage de Ruysbrœck s'élève à des hauteurs de doctrine particulièrement délicates à traiter, et il importe plus que jamais de ne pas travestir sa pensée par une traduction inexacte."

Pour ce qui nous concerne, nous présenterons chaque œuvre individuellement mais seulement pour en faciliter la compréhension.

Remarques:

1-De nombreuses expressions de Ruysbrœck sont liées à son époque et à la mentalité de son temps. Ruysbrœck vécut au XIVème siècle, époque tourmentée de l'histoire de l'Église, durant laquelle les papes durent, pour des raison de sécurité, se réfugier en France, en Avignon. Par ailleurs, de nombreuses sectes cherchaient à imposer leurs erreurs. Certaines remarques, certaines affirmations ou prises de position de Ruysbrœck peuvent nous surprendre: d'où la nécessité de se référer sans cesse à l'histoire. Enfin, il convient d'éviter, à tout prix, de critiquer ses prises de position, car il n'est pas sûr que nos façons de penser et de vivre aujourd'hui, soient meilleures que celles émises par Ruysbroeck.

2-Nous avons déjà indiqué que notre seul véritable but était de faire connaître les œuvres de Ruysbrœck. Les faire connaître, les faire aimer, et donner ensuite à nos lecteurs, l'envie de les lire. Notre présente étude n'est donc pas un travail de théologien; nous laissons aux théologiens de métier le soin d'établir des comparaisons entre les pensées de Ruysbrœck et celles des théologiens confirmés. En conséquence, nos lecteurs ne liront ni critiques savantes, ni comparaisons entre la doctrine mystique de Ruysbrœck et plusieurs autres théories appréciées et reconnues par l'Église, dont celle de saint Thomas d'Aquin. Par contre, ils découvriront, mises dans un ordre qui satisfait mieux nos esprits du XXIème, et avec de courtes présentations explicatives, les idées de Ruysbrœck et ses étonnantes facultés mystiques. 

3-Pour mieux intégrer les œuvres de Ruysbrœck dans sa vie, nous donnons ci-dessous quelques rappels chronologiques. Ils pourront faciliter la tâche de nos lecteurs.

Vie de Ruysbrœck

– Naissance: 1293

– Ordination sacerdotale: 1317

– Arrivée à Groenendael: 1343

– Mort de Ruysbrœck:  2 décembre 1381 à l'âge de 88 ans

– Béatification: 1908

Publication des œuvres de Ruysbrœck,
suivant l'ordre chronologique

Plusieurs auteurs, spécialistes de Ruysbrœck et de ses œuvres, ont essayé d'établir la liste de ses ouvrages, soit en fonction de la chronologie, soit en fonction des thèmes qu'ils voulaient présenter, ou de leur propre inspiration. Nous donnons ci-dessous la liste chronologique. Cependant, il convient de remarquer que les dates sont souvent imprécises: il ne faut pas oublier que nous sommes au XIVème siècle, que l'imprimerie n'existait pas encore et que les exigences chronologiques de l'époque n'étaient pas les nôtres. Certes, les moines copistes ont fait un travail énorme et remarquable, mais les dates qu'ils indiquaient, quand ils en indiquaient, n'étaient pas forcément la date de composition de l'œuvre. Et les erreurs ont pu se poursuivre ainsi pendant plusieurs années.

Voici donc l'ordre chronologique des œuvres de Jean de Ruysbrœck

– Le Royaume des amants de Dieu fut probablement le premier essai de Ruysbroeck.  On pense qu'il a été composé aux environs de l'an 1330.

– L'Ornement des Noces spirituelles aurait été publié avant 1336

– La Pierre brillante aux environs de l'année 1336,

– Le livre des quatre Tentations  entre 1336 et 1343

– La foi chrétienne entre 1336 et 1343

– Le Livre du Tabernacle Spirituel aurait été achevé vers 1343-1344

– Le Miroir du salut éternel" écrit vers 1359

– Le Livre des sept clôtures", composé probablement vers 1359 ou 1360

– Les sept degrés de l'Échelle d'Amour Spirituel entre 1360 et 1363

– Les douze béguines vers 1360

– Le Livre de la plus haute vérité, serait la dernière œuvre de Ruysbroeck, peut-être vers 1663, ou même à la fin de sa vie.

NOTA: Nous rappelons ici que la langue employée par Ruysbrœck était le flamand ou, d'une façon plus précise, le dialecte brabançon. En effet, à l'exemple de Maître Eckhart, Ruysbrœck voulait servir et édifier ses  disciples, qu'ils fussent moines ou simples laïques.

4-Notre présentation. Le but de cette étude, nous l'avons déjà dit plus haut, était de faire connaître et aimer les œuvres de Ruysbrœck. Les textes de Ruysbrœck, qui sont le plus souvent des textes mystiques, d'un niveau très élevé, sont parfois difficiles à comprendre, même pour les personnes initiées. En conséquence, nous les présentons suivant l'ordre qui nous a semblé le plus apte, non pas à suivre l'évolution de la pensée de Ruysbrœck, qui était déjà intégralement contenue dans son premier ouvrage, les Amants de Dieu, mais à faciliter la compréhension de sa pensée. Nous étudierons donc successivement:

A - La foi chrétienne qui commence par une méditation de notre Credo.

B - Les quatre tentations sont un ouvrage très court qui s'élève contre les principales tendances de l'époque: l'amour des aises et du confort, l'esprit d'hypocrisie, l'orgueil de l'esprit qui veut tout comprendre, enfin la fausse liberté, la plus grave de toutes ces tentations subtiles et, qui, au temps de Ruysbroeck, inspirait la secte des Frères et des Sœurs du libre esprit.

C - Le Livre de la plus haute Vérité a été composé à la demande de quelques amis de  Ruysbrœck. Bien que cet ouvrage soit  surtout une explication de quelques passages difficiles du Royaume des Amants de Dieu, il permet, quand on l'a lu, de mieux comprendre les autres travaux de Ruysbrœck.

D - Le Miroir du Salut Éternel mérite une place de choix parmi les traités de Ruysbroeck. C'est comme un résumé de toute sa doctrine, en même temps que l'exposé fondamental de sa théorie sur l'image et la ressemblance de Dieu, qui reviendra sans cesse dans ses écrits.

E - Les sept Degrés de l'échelle d'Amour spirituel constituent l'échelle mystérieuse, par laquelle on s'élève dans la pratique de l'amour jusqu'à la possession intime de Dieu.

F - Les Sept clôtures énumèrent les retranchements toujours plus serrés dans lesquels s'enferme l'âme, pour arriver à la cohabitation secrète avec les trois personnes de la Sainte Trinité.

G - L'Ornement des Noces éternelles est une œuvre très élaborée, écrite par Ruysbroeck pour, en quelque sorte, expliquer son premier ouvrage: Le Royaume des Amants de Dieu, qui avait été mal compris. Il y expose en trois livres les diverses formes de vie spirituelle, qu'il appelle la vie active, la vie intime et la vie contemplative, et qui marquent les étapes successives par lesquelles l'âme aboutit à l'union avec Dieu.

H - La Pierre brillante serait le résultat d'un entretien de Ruysbrœck avec un ermite, le Chartreux Gérard de Hérinnes. Ce dernier lui demanda d'écrire ce qu'il lui avait expliqué, et notamment, les trois catégories d'hommes qui reçoivent et possèdent la grâce de Dieu, et que Ruysbrœck appelle les serviteurs fidèles, les amis intimes et les fils cachés .

I - Le Royaume des Amants de Dieu premier ouvrage connu de Ruysbrœck qui  explique comment Dieu, après avoir créé et racheté l'homme, le conduit par ses voies, au moyen surtout des sept dons du Saint-Esprit, jusqu'à la contemplation et la possession de son royaume. Ce traité est comme un abrégé de tout l'ascétisme et de la mystique.

J - Le Livre du Tabernacle Spirituel est le plus long de tous ses ouvrages de Ruysbrœck. Notre auteur suit pas à pas la description du Tabernacle de l'Ancien Testament, avec les prescriptions données par Dieu pour sa construction. Il en fait ensuite l'application aux sept demeures spirituelles dans lesquelles l'âme doit s'établir pour posséder Dieu d'une façon toujours plus haute.

K - Les douze Béguines est, en réalité, la réunion de plusieurs traités qui se suivent sans lien apparent. La dernière partie est une application de la Passion de Notre-Seigneur aux sept heures du Bréviaire.

VOIR : Vie de Jean de Ruysbroeck