7

Catherine de Sienne
(1347-1380)

Lavée dans le Sang du Christ

 

Dieu dit à Sainte Catherine : “Je suis Celui qui EST. Tu es celle qui n’est pas.”

Jésus est le Pont [1]  qui mène à Dieu. Dieu dit à Catherine :“Nul ne peut venir à Moi que par Lui (Jésus) et c’est pourquoi J’en ai fait un pont à trois marches. Ces trois marches représentent les trois états de l’âme, ou les trois puissances de l’âme: la mémoire,  l’intelligence, et la volonté.

Dieu admire ce Pont, son Fils unique : “Regarde ce Pont qu’est mon Fils unique. Vois sa grandeur: il touche le Ciel d’un côté et la terre de l’autre...  Il remplit l’espace depuis le Ciel jusqu’à la terre, grâce à l’union que J’ai consommée dans l’homme... Et ce Pont est maçonné et il est abrité par ma Miséricorde,..”  La Miséricorde de Dieu qui nous a créés et recréés dans le sang du Fils“ est parfaite et illimitée. Si une comparaison était possible ce serait celle du fini à l’infini.”  

Nous, nous sommes les sarments de la vigne qu’est le Fils de Dieu... Dieu dit : “Je  suis l’Ouvrier qui a planté la vigne, mon Fils, dans la terre de votre humanité, afin que vous, sarments, unis à la Vigne, vous puissiez fructifier... En demeurant dans le Verbe, mon Fils, vous demeurerez en moi parce que Je ne suis qu’une seule chose avec Lui, et Lui avec Moi... “

Le 25 mars 1347 naissait à Sienne celle qui deviendra Sainte Catherine de Sienne. Catherine Benincasa était la vingt troisième des vingt cinq enfants de Jacques et de Lapa, ses père et mère. Ses parents, teinturiers, étaient relativement aisés bien qu’appartenant au “petit peuple”. Consacrée à Dieu très jeune, elle souhaitait devenir dominicaine. Sa famille s’opposa avec force à cette vocation, et Catherine n’entra jamais dans les ordres mais fut seulement reçue tertiaire de Saint Dominique vers 1365. Elle restera toujours chez ses parents, pourra sortir librement, et apprendra à rejoindre Dieu dans la vie quotidienne.

Sa vie, exceptionnellement austère, fut favorisée de nombreuses révélations et extases destinées à la préparer à la difficile mission à laquelle Dieu la destinait dans l’Église. Pourtant Catherine n’est qu’une créature comme les autres, et le Seigneur lui rappellera un jour cette vérité essentielle: “Sais-tu, ma fille, qui tu es et qui Je suis? Si tu as cette double connaissance tu seras heureuse. Tu es celle qui n’est pas; Je suis Celui qui suis...”

Catherine recevra des grâces extraordinaires: elle sera mystiquement épousée  par le Christ qui échangea son cœur contre le Sien. Elle sera également stigmatisée. Elle mourut le 29 avril 1380 à l’âge de 33 ans.

Catherine de Sienne [2]

C’est à cause du grand Amour de Dieu, que nous avons été lavés et re-créés
dans le Sang répandu par le Fils unique avec un si grand Amour...

Remarques préliminaires importantes

Aux mystiques et à ses âmes choisies, c’est généralement Jésus qui se révèle Lui-même, qui révèle son Amour et son Cœur, ou qui révèle le Père. Ainsi, la plupart des mystiques, depuis ceux des origines du Christianisme jusqu’à nos jours, ont reçu leurs révélations de Jésus Lui-même, Jésus qui souvent montre son Cœur “qui a tant aimé le monde.”  La conséquence directe et obligatoire, mais pas toujours explicitement exprimée, est la révélation du Cœur du Père.

Dans Le Livre des Dialogues  la démarche de Dieu s’adressant à sa servante Catherine est inverse: c’est le Père qui révèle son Fils, avec un Amour et une complaisance tels que le Cœur du Fils est finalement amoureusement manifesté. Et cette double connaissance du Cœur du Père et du Cœur du Fils conduit irrésistiblement à découvrir le Cœur de la Trinité.

L’âme de Catherine,“s’unit à Dieu par la prière et l’imitation du Christ crucifié. Par ce désir, par cette volonté et par cette union d’amour, elle devient un autre Lui.”  Voulant connaître et imiter la Vérité, Catherine adressa au Père suprême quatre requêtes, pour elle-même, pour l’Église, et pour le monde entier. La quatrième requête était une supplication envers la divine Providence en faveur des besoins du monde. Dieu répondit à Catherine, et son âme “semblait alors se serrer plus suavement contre Dieu et mieux connaître sa vérité” (l’âme est alors en Dieu et Dieu dans l’âme comme le poisson est dans la mer et la mer dans le poisson). Le Père, la Vérité éternelle se manifestant, révèle “la douce Vérité -son Fils- qui envoie le feu de la clémence du Saint-Esprit.” 

Ce sont les demandes de Catherine et les réponses du Père qui constituent le Livre des Dialogues dans lequel le Père, sans le nommer, laisse transparaître son Cœur plein d’Amour et de Miséricorde, et révèle le Cœur du Fils tant chéri.

Au sujet du pardon et de l’expiation de ses fautes, Catherine entend: “Tout désir et toute vertu n’ont de pouvoir et de vie que par le Christ crucifié, mon Fils unique, et pour autant que l’âme puise en Lui son amour et l’imite vertueusement... C’est à cause de cet amour ineffable que J’ai eu pour vous, que voulant vous “re-créer” de nouveau par la grâce, Je vous ai lavés et re-créés dans le Sang répandu par mon Fils unique avec un si grand Amour... Seul ce Sang, et lui seul, fait connaître la vérité à celui qui a dissipé, par la connaissance de soi-même, la nuée de l’amour-propre... Pour cela Je vous donnai le Verbe de mon Fils unique... Vous étiez mon image, Je suis devenu la vôtre en prenant forme humaine... Mais... le monde n’est pas conforme à Moi et c’est pourquoi il a persécuté mon Fils unique jusqu’à le faire mourir ignoblement sur la Croix.” 

On sent qu’ici, et on le sentira bien souvent dans les Dialogues, le Père qui parle, et le Fils se confondent. Ou, s’ils ne se confondent pas, l’admiration et la tendresse du Père pour le Fils débordent constamment: “Je vous envoyai le Verbe de mon Fils... C’est en souffrant dans son corps, jusqu’à l’ignominieuse mort sur la Croix, qu’il apaiserait ma colère... J’agréai le sacrifice du Sang de mon Fils tout mêlé et pétri dans sa nature divine par le feu de ma divine charité qui fut ce lien qui le tint cloué et rivé sur la Croix.. C’est pour vous soigner qu’il vous donna sa vie.”  Car seul le Fils peut souffrir, le Père, lui, ne souffre pas.

Voici ce que dit le Père, à l’adresse des âmes qui sont parvenues au quatrième état, celui des larmes unitives, en fait l’union parfaite avec Dieu: “L’âme qui est parvenue à ce dernier état se repose contre le sein de ma divine charité, serrant entre ses lèvres le saint désir de la chair du Christ crucifié: elle imite son exemple et sa doctrine puisque, lors du troisième état elle a compris que ce n’est pas Moi, le Père, qu’elle doit suivre (dans le Père Éternel nulle douleur ne saurait être) mais mon Fils bien-aimé, ce doux et amoureux Verbe en qui se trouve toute douleur. Or vous ne pouvez avancer sans la douleur.” [3]

La tonalité est tout à fait différente dans la correspondance de Catherine: ce qui domine c’est le Sang du Christ, ce sang versé par le Sauveur, “le doux Christ”  qui donne sa vie, symbolisée par le sang, pour racheter les pécheurs que nous sommes tous. Le sang du Seigneur, qui nous lave et nous redonne la vie, vient de son Cœur. Donc, si nous tenons compte des différences de mentalités, d’expression et de vocabulaire, en fonction des époques, le sang dont parle Catherine, c’est le Cœur du Seigneur. Quand donc Catherine parle “sang”, pensons “Coeur” pour nous retrouver sur la même longueur d’ondes, en fait la réalité du Seigneur et de son Amour.

Remarque :

Des mystiques modernes, notamment Sainte Faustine, récemment canonisée, nous permettent de justifier ce raisonnement. L’image que Jésus demande à Sœur Faustine de propager dans le monde représente le Seigneur et son Cœur ouvert d’où partent des rayons rouges et blancs: le sang et l’eau. Les rayons rouges, explique Sainte Faustine, signifient le sang qui est la vie des âmes, les rayons pâles représentent l’eau qui justifie les âmes. “Ces deux rayons jaillis des entrailles de la Miséricorde de Jésus alors que son Cœur, agonisant sur la Croix, fut ouvert par la lance.”

Dieu se révèle à Sainte Catherine de Sienne

C’est le Père qui parle :

Nul ne peut venir à Moi le Père, sinon par Lui, Jésus, le Fils.
Mon Fils est la porte et la voie par où l’on passe
pour venir en Moi qui suis l’océan de paix.

et qui admire le Fils :

Regarde ce Pont qu’est mon Fils unique.
Vois sa grandeur: il touche le Ciel d’un côté et la terre de l’autre.

La Miséricorde de Dieu

Catherine révèle les sentiments du Père pour le Fils et pour les hommes, l’Amour et la miséricorde qui expliquent la Passion : “Dieu aima tellement sa créature qu’Il lui sacrifia son Fils unique pour qu’Il apaisât sa colère, pour qu’Il tirât l’homme de cette guerre issue d’Adam, pour qu’Il lavât dans son doux Sang le visage de l’âme, toute sale de péchés. Il fut notre intermédiaire entre Dieu et nous pour recevoir les coups de la justice. Il fut le médecin qui vint soigner le genre humain qui gisait malade... Ce doux Verbe ouvrit son corps qui laissait couler du sang par tous les côtés. Tout cela prouve bien l’Amour que Dieu a pour l’homme.” (lettre 33)  [4]

Ou encore : “poussé par le feu de sa charité, le Père nous a envoyé le Verbe de son Fils qui, tel un char de feu, est venu nous manifester l’ardeur de l’ineffable amour du Père, ainsi que sa miséricorde...”

Parlant des hommes rachetés par le Sang de son Fils, et on verra que le Sang de l’Agneau a une grande importance pour Catherine de Sienne, Dieu dit : “Avec mon humilité (l’humilité de Dieu !), J’ai détruit sa superbe (de l’homme) ; J’ai humilié ma nature divine en me revêtant de votre humanité... J’ai accompli la réconciliation au moyen du Sang de mon Fils... Vous, les hommes, êtes tenus de me glorifier et de Me louer en suivant les traces du Verbe incarné, mon Fils unique.” 

Dieu est ivre d’amour pour le salut des hommes, et l’âme doit se “noyer dans la Miséricorde de Dieu. Je veux faire miséricorde au monde puisque la miséricorde est mon apanage. C’est par miséricorde et par amour pour l’homme que J’ai envoyé le Verbe, mon Fils. Je l’ai comparé à un pont qui touche le ciel et la terre, grâce à l’union de ma nature divine et de votre nature humaine  [5]...”

Catherine émerveillée par la Miséricorde de Dieu épanche son cœur. On verra qu’insensiblement la Miséricorde du Père se confond avec la Miséricorde du Fils, car le Père et le Fils ne font qu’un : “O Miséricorde éternelle, Tu couvres les fautes de tes créatures... ô Miséricorde ineffable... qui s’écoule de ta divinité ô Père Éternel!... C’est dans ta Miséricorde que nous avons été créés, dans ta miséricorde que nous avons été recréés dans le Sang de ton Fils. C’est ta Miséricorde qui nous conserve. Ta Miséricorde donne la vie. Elle donne la lumière qui permet de connaître ta clémence... Ta Miséricorde resplendit dans tes saints. La terre entière foisonne de ta Miséricorde... Car je sais que la Miséricorde t’appartient en propre et c’est pourquoi tu ne peux pas la refuser à qui te la demande. Ils frappent à la porte de ta vérité, puisque c’est dans ta vérité, ton Fils, qu’ils connaissent l’Amour ineffable que tu éprouves pour l’homme.

Avec ta Miséricorde Tu tempères ta justice; par ta Miséricorde Tu nous as lavés dans le sang. Par Miséricorde, ô fou d’Amour, Tu as voulu vivre avec tes créatures! T’incarner ne t’a point suffi: c’est mourir que Tu as voulu! Mais la mort ne Te suffisant point encore, Tu descendis aux enfers pour délivrer les saints patriarches, afin qu’en eux s’accomplissent aussi ta Vérité et ta Miséricorde...  C’est ta Miséricorde qui T’a poussé à donner à l’homme encore davantage puisque Tu t’es laissé Toi-même en nourriture... ô Miséricorde ! Le cœur s’y perd! [6]... Ne tarde pas, tourne vers nous l’œil de ta miséricorde et réponds-nous de ta voix miséricordieuse puisque tu veux répondre avant que nous ne t’appelions.” [7]

Le Père complète la contemplation de Catherine : “...Sans qu’aucune comparaison soit possible, sache que ma Miséricorde est encore plus grande que vous ne sauriez le voir, puisque ta vue est imparfaite et limitée, alors que ma Miséricorde est parfaite et illimitée. Si une comparaison était possible ce serait celle du fini à l’infini.” 

Plus tard le Père évoquera le péché impardonnable : “C’est celui de l’homme qui, en méprisant ma Miséricorde, n’a pas voulu être pardonné. C’est pourquoi Je le tiens pour le plus grave, et c’est pourquoi le désespoir de Judas m’attrista plus Moi-même et fut plus pénible à mon Fils.”

La Miséricorde de Dieu est présente même pour les corps ressuscités : “Je te parlais du bien qu’éprouverait le Corps glorifié dans l’humanité de mon Fils unique qui, elle, vous donne la certitude de votre résurrection. Là ils exultent (les corps ressuscités) dans ses plaies toujours fraîches, dans les blessures de son corps toujours ouvertes et qui clament continuellement miséricorde vers Moi, Souverain Père éternel.... Comme vous êtes en Moi vous serez en Lui parce qu’Il ne fait qu’un avec Moi.” 

Ou encore : “Le péché d’Adam a été guéri sur le bois de la très sainte Croix avec le corps blessé de mon Fils unique... mon très doux Fils, qui, par son obéissance vous a lavés de votre désobéissance... Lui a guéri vos plaies avec son propre sang... Le bon berger a lavé ses brebis dans son sang... J’ai souffert que ses mains fussent liées afin de vous libérer, vous et tout le genre humain, du péché qui vous enchaînait... J’ai supporté que ses pieds fussent cloués pour que son corps devînt votre échelle; que son côté fût percé afin que vous vissiez le secret de son Cœur dont j’ai fait pour vous un refuge ouvert où il vous est loisible de voir et de goûter l’Amour ineffable que j’ai pour vous, lorsque vous y découvrirez ma nature divine unie à votre nature humaine... Le sang ne vous est pas donné sans le feu qui vous enflamme, puisque c’est par feu d’amour qu’il vous a été donné [8]...”

Car tout a été fait par l’Amour : “Que pouvons-nous voir qui puisse davantage confondre notre orgueil sinon un Dieu que s’humilie dans l’homme ? La haute divinité descendue vers toute la bassesse de l’humanité ? Quelle en est la cause ? L’Amour. L’Amour le fait habiter dans l’étable au milieu des animaux. L’Amour le fait se rassasier d’opprobres, se vêtir de souffrances et endurer la faim et la soif. L’Amour le fait courir, dans sa prompte obéissance, jusqu’à l’ignominieuse mort de la Croix. L’Amour le fait descendre aux enfers et piller les limbes pour récompenser pleinement ceux qui avaient longtemps attendu leur rédemption. L’Amour l’a fait se laisser à nous en nourriture. L’Amour, après l’Ascension, a envoyé le feu du Saint-Esprit qui nous a illuminés par son enseignement... Toute chose a donc été faite par l’amour.”

Le Pont [9]

Jésus est le Pont qui mène à Dieu. Voici ce que le Père confie à Sainte Catherine : “Je t’ai dit que nul ne peut venir à Moi que par Lui et c’est pourquoi J’en ai fait un pont à trois marches. Ces trois marches représentent les trois états de l’âme, ou les trois puissances de l’âme: la mémoire,  l’intelligence, et la volonté. La mémoire doit retenir mes bienfaits et ma bonté; l’intelligence doit considérer mon Amour ineffable manifesté par mon Fils unique qui doit demeurer l’objet, par excellence, de votre intelligence. Elle doit contempler en Lui le feu de ma charité. La volonté doit alors s’unir aux deux autres puissances pour M’aimer et Me désirer, Moi, sa fin. Dès que ces trois vertus et puissances de l’âme sont assemblées, Je me tiens au milieu d’elle (l’âme) par ma grâce. Rempli de ma charité et de celle de son prochain, l’homme trouve aussitôt la compagnie de toutes les autres vertus... Dès que l’âme a gravi la troisième marche, elle n’est plus seule... Lorsque l’âme a connu cette volonté, elle s’en revêt... elle ouvre et fixe l’œil de son intelligence, éclairée par la lumière, la foi, sur le Christ crucifié, mon Fils unique. Elle aime, elle suit sa doctrine: règle et voie des parfaits comme des imparfaits. Elle voit alors que l’amoureux Agneau, ma Vérité, leur donne une doctrine de perfection.”  [10]

Parfois le Père se laisse aller à contempler ce doux et amoureux Verbe: “Il a couru avec une grande sollicitude à l’ignominieuse mort de la Croix, Il a accompli l’obédience qui Lui avait été imposée par Moi, son Père, sans se dérober ni à la douleur, ni aux outrages, sans reculer ni devant votre ingratitude, ni devant votre ignorance qui ne voulait point reconnaître un tel bienfait, ni devant les persécutions des juifs, ni devant les railleries, les affronts, les calomnies et les cris de la foule. Rien ne L’arrêta... afin que par son combat Il vous arrachât des mains du démon et vous libérât de la plus perverse des servitudes.”

Ou encore [11] : “...tel un amoureux et un véritable obéissant, Il courut vers l’ignominieuse mort de la Croix pour vous donner la vie, non point en vertu de son humanité, mais en vertu de ma divinité que ma providence a voulues unies pour punir la faute qui avait été commise contre Moi... Se dépouillant Lui-même, Il vous revêtit d’innocence et de grâce... C’est ainsi que J’ai revêtu l’homme, mais Je l’ai également réchauffé quand mon Fils, par les blessures de son corps, vous manifesta le feu de ma charité caché sous les cendres de votre nature humaine.”

“Suivez-Le car nul ne peut venir à Moi le Père, sinon par Lui... Mes élus, mes fils, en suivant la voie de dessus (les vertus), c’est-à-dire le Pont, suivent et n’abandonnent pas la voie de la vérité (la vérité qui est le Fils du Père) et cette vérité est une porte puisqu’Elle-même a dit: “Nul ne peut venir aller au Père sinon par Moi.”  Et aussi: “Il est la porte et la voie par où l’on passe pour venir en Moi qui suis l’océan de paix.” 

Ceux qui le suivent et L’imitent courageusement “se sont revêtus de l’homme nouveau.”

Dans l’Église, l’homme qui cherche l’honneur de Dieu, deviendra un fils très cher, et, ajoute Dieu: “Il reposera, avec mes autres serviteurs, sur la poitrine de mon Fils unique dont J’ai fait un Pont afin que vous puissiez tous atteindre la récompense de toutes les peines que vous avez endurées.”  Dieu admire ce Pont, son Fils unique: “...Regarde ce Pont qu’est mon Fils unique. Vois sa grandeur: il touche le Ciel d’un côté et la terre de l’autre. Ce que tu vois est donc la grandeur de la déité unie à la terre de votre humanité. C’est pourquoi Je dis qu’il remplit l’espace depuis le Ciel jusqu’à la terre, grâce à l’union que J’ai consommée dans l’homme.” 

Mais ce Pont, comment est-il construit ?

“Ce Pont remplit l’espace depuis le Ciel jusqu’à la terre en vertu de l’union que J’ai consommée dans l’homme fait du limon de la terre. Ce Pont, qui est mon Fils, a trois marches dont deux furent taillées sur le bois de la très sainte Croix. Quant à la troisième, elle éprouva la grande amertume quand on donna à mon Fils le fiel et le vinaigre... Dans ces trois marches tu reconnaîtras les trois états de l’âme:

            – “La première marche, ce sont les pieds, lesquels signifient le désir qui porte l’âme.”  Sur cette première marche, s’élevant au-dessus de l’amour de la terre, l’âme se dépouille du vice.

            – “Les pieds cloués te servent de deuxième marche pour que tu puisses atteindre le côté, lequel te manifeste le secret du cœur: en effet, en posant l’œil de l’intelligence dans le cœur ouvert de mon Fils, l’âme trouve le parfait, l’ineffable Amour. Je dis qu’il est parfait parce qu’Il ne vous aime pas pour son intérêt; vous ne Lui êtes d’aucune utilité puisqu’Il ne fait qu’un avec Moi. L’âme donc se remplit d’amour quand elle se voit aimée à ce point.” Sur cette deuxième marche, l’âme se remplit d’amour et de vertu.

            – Sur la troisième marche, c’est-à-dire la bouche, l’âme goûte une grande paix. “Ce pont est élevé mais non point séparé de la terre... il fut élevé quand Il (mon Fils) fut hissé sur le bois de la croix sans que sa nature divine se séparât de la bassesse de votre humanité? Quelle plus grande preuve d’amour aurait-Il pu vous donner que celle de livrer sa vie pour vous?... Il a dit qu’une fois élevé en haut, Il attirerait tout à Lui, et telle est la vérité.”

Toujours le Pont: avec quoi est-il bâti ?

Le Père explique avec quoi et comment ce Pont est bâti: “Ce Pont est bâti avec des pierres maçonnées afin que la pluie n’empêche point l’homme de passer. Sais-tu ce que sont ces pierres? Les véritables et agissantes vertus. Ces pierres n’étaient point maçonnées avant la Passion de mon Fils... Mais maintenant ces pierres sont taillées et posées sur le Corps du Verbe, et mon doux Fils Lui-même les ajuste, pétrit la chaux et les maçonne avec son propre sang... Par ma puissance, les pierres des vertus sont maçonnées sur Lui-même, car il n’est pas une vertu qui ne soit éprouvée en Lui, et c’est de Lui que toutes reçoivent vie... C’est Lui qui a mûri les vertus... afin que tout fidèle puisse avancer sans encombre, abrité par ma Miséricorde... qui descendit du ciel lors de l’incarnation de mon Fils... Tu vois donc que ce pont est maçonné et qu’il est abrité par ma Miséricorde...”  Cette Miséricorde qui nous a créés et recréés dans le sang du Fils. “C’est pour cela que ma charité a ordonné que vous soient administrés le sang et le corps de mon Fils unique, tout Dieu et tout homme... Le Pont traversé, on arrive à la porte, partie du pont lui-même, par laquelle vous devez tous passer. C’est pourquoi Il a dit: Je suis la voie, la vérité, la vie... et cette voie est le pont qui vous conduit dans les hauteurs du Ciel.”

Le Père reprend aussi les images utilisées par le Fils, par exemple l’image de la Vigne et des sarments, et laisse transparaître sa tendresse: “Vous êtes les sarments de cette vigne qu’est mon Fils... Je suis l’Ouvrier qui a planté la vigne, mon Fils, dans la terre de votre humanité, afin que vous, sarments, unis à la Vigne, vous puissiez fructifier... En demeurant dans le Verbe, mon Fils, vous demeurerez en moi parce que Je ne suis qu’une seule chose avec Lui, et Lui avec Moi... Ceux qui suivent la doctrine du doux et amoureux Verbe, Je les taille pour qu’ils produisent beaucoup et pour que leurs fruits soient doux... Vous êtes unis dans la Vigne du Corps mystique de la sainte Église dont vous tirez votre vie. Dans cette vigne est planté le cep de mon Fils unique sur lequel vous devez tous être greffés.”   [12]

Les trois marches. Le Père révèle le Fils comme le Fils révèle le Père [13]

Le Père et le fils ne font qu’un: “Nul ne peut venir à Moi sans Lui car, il ne fait qu’un avec Moi... La lumière de la foi fait discerner, connaître et suivre la voie et la doctrine de ma vérité, le Verbe incarné... nul ne peut venir à Moi que par Lui et c’est pourquoi J’en ai fait un pont à trois marches.”  Ces trois marches sont les trois puissances de l’âme, la mémoire, l’intelligence et la volonté. “On ne peut gravir l’une sans gravir les autres si on tient à passer par ce pont qu’est la doctrine de mon Fils... Tous vous êtes appelés par ma Vérité (le Fils) qui, angoissée de désir, criait dans le temple: “que celui qui a soif vienne à Moi et qu’il boive car Je suis la source d’Eau vive.”  Pourquoi “à Moi”, le Fils et non “au Père”? “parce qu’en Moi le Père, il ne peut y avoir nulle souffrance, alors qu’en mon Fils il y en a.”

Mais : “En vous trouvant en Lui vous vous trouverez en Moi, mer pacifique, puisque Je suis une seule chose avec Lui et Lui une seule chose avec Moi.”

Il faut avoir soif pour gravir les trois marches : “La mémoire doit retenir mes bienfaits et ma bonté. L’intelligence doit considérer mon Amour ineffable manifesté par mon Fils unique qui doit demeurer l’objet par excellence de votre intelligence. Elle doit contempler en lui le Feu de ma Charité... Voici la deuxième marche gravie, celle de la lumière de l’intelligence qui se mire dans mon profond Amour, dans le Christ crucifié qui m’a servi à vous le prouver.” 

Plus loin le Père précise : “Nul ne peut marcher sur le pont sans gravir les trois marches... Ceux qui n’ont pas atteint la première marche du Christ crucifié n’atteindront pas la deuxième, celle du Cœur.” Cette dernière phrase est importante. En effet, jusque là on était baigné dans le Cœur du Père par l’Amour du Père et du Fils, mais sans que le mot “Cœur” soit prononcé. C’est seulement au chapitre 59 du Traité de la Discrétion que le mot Cœur apparaît pour la première fois.

Peu à peu nous approchons des mystères de l’union à Dieu, dans le Père, par le Fils. Le Père parle : “... C’est alors que Je Me manifeste Moi-même, ainsi que ma Vérité (le Fils) l’a dit: “Celui qui M’aimera deviendra une seule chose avec Moi et Moi avec lui, Je me manifesterai Moi-même et nous demeurerons ensemble.” Telle est la nature de l’ami bien-aimé: deux corps, une seule âme. L’Amour en effet devient la chose aimée. S’ils ne forment plus qu’une âme, il n’est plus de secret...”  A ceux qui aiment Dieu de cette façon, Dieu dit : “Je forme dans leur esprit, et de multiples manières, la présence de ma vérité, mon Fils unique, selon le désir et le vouloir de cette âme.”

Et l’on voit apparaître l’unicité de Dieu : Le Père et le Fils sont UN

La connaissance du Père passe par la connaissance du Fils : l’âme qui cherche Dieu dans la sagesse du Fils est satisfaite par le Père qui “lui donne le Fils comme objet pour sa contemplation.”  En effet, à Philippe qui demandait à Jésus: “Montre-nous le Père et cela nous suffira.”  il fut répondu: “Qui Me voit, voit le Père, qui voit le Père Me voit.” car le Père et le Fils sont UN: “En se manifestant à vous, le Fils ne vous offrait que ce qu’Il avait reçu de Moi, le Père, car le Fils ne fait qu’une seule chose avec Moi.”  Plus loin, dans le Traité de l’oraison, Dieu dit: “J’ai eu la prévoyance d’unir le don au donateur, c’est-à-dire la nature divine à la nature humaine, de vous donner le Verbe, mon Fils unique, qui ne fait qu’une seule chose avec Moi et Moi avec Lui. Ainsi, par cette union, vous ne pouvez regarder le don sans Me regarder Moi-même qui suis le Donateur.”

Le Père et le mystère du Cœur du Fils

Parfois, Dieu le Père laisse apercevoir le mystère du Cœur de son Fils. Parlant de ceux qu’Il appelle les parfaits, “ivres et embrasés d’amour, ceux qui ont franchi les trois marches, ils ont réuni ces trois puissances de l’âme, les trois états représentés par les trois marches matérielles du corps de Jésus-Christ, mon Fils unique.” Dieu dit : “Avec les pieds de la volonté ils sont arrivés à la blessure du côté où ils ont trouvé le secret du Cœur où, pour avoir tendu la coupe de leur âme, ils ont connu le baptême de l’eau qui tire du sang toute sa vertu. Où l’âme a-t-elle connu la dignité de se voir unie et pétrie dans le Sang de l’Agneau en recevant le saint baptême ? Dans la blessure du côté où elle a connu le feu de la divine charité. C’est ce que montra ma vérité, s’il t’en souvient...” 

Et le Père rappelle ce que Jésus dit un jour à Catherine : “... Mon désir du genre humain était infini, alors que les tourments et les souffrances que j’endurais étaient finis. Aussi n’est-ce point avec ce qui était fini que Je pouvais vous montrer tout l’Amour que J’avais pour vous, puisque mon Amour était infini. Je voulus donc, en vous montrant mon côté ouvert, que vous voyiez le secret du Cœur, afin que vous voyiez que J’aimais beaucoup plus que Je ne pouvais le montrer avec ma souffrance finie...”  Donc, dit le Père à Catherine : “Plonge-toi dans le Sang du Christ crucifié, de l’humble, du douloureux, de l’immaculé Agneau, mon Fils unique, en accroissant toujours ta vertu afin qu’en toi s’alimente le feu de ma divine charité.”  Ou encore : “Que votre asile soit toujours le Christ crucifié, mon Fils unique; habitez et cachez-vous dans la caverne de son côté ouvert où vous goûterez, par amour, dans sa nature humaine, ma divine nature. Dans ce Cœur ouvert vous trouverez ma charité et celle de votre prochain, puisque c’est pour mon honneur à Moi, Père Éternel, et pour accomplir l’obédience que je lui avais imposée pour votre salut, qu’il courut à l’ignominieuse mort de la Croix...”

Le Cœur du Fils est doux et humble

Le Cœur du Fils est doux et humble; il est aussi pauvre, car pauvreté et humilité vont de pair. Écoutons le Père parler de la pauvreté du Fils : [14]. “..regarde ce doux et amoureux Verbe naître dans une étable, alors que Marie était en voyage... Lui qui était le feu de la charité voulut pâtir le froid de son humanité... Au moment de sa mort, il fut dépouillé, dénudé et flagellé contre une colonne... C’est bien une règle d’amour qu’Il vous a donnée puisqu’Il ne pouvait vous témoigner de plus grand amour qu’en donnant sa vie pour vous...  Il vous a donné la vraie règle de l’humilité en se soumettant à l’ignominieuse mort de la Croix... Les pauvres en esprit ont choisi pour épouse la Reine pauvreté...  Les murs des cités de la Reine pauvreté sont solides car leurs assises reposent sur la pierre vive, sur le doux Christ Jésus, mon Unique.”

Le Cœur du Fils est obéissant

Le Cœur du Fils est aussi très obéissant : “Où trouve-t-on l’obéissance ?... Tu la trouves parfaitement achevée dans le doux et amoureux Verbe, mon Fils unique. Elle était si vive en Lui, cette vertu, que, pour l’accomplir, il courut à l’ignominieuse mort de la Croix...”  S’adressant à Catherine, le Père dit : “Les clés de l’obéissance, je les avais confiées aux mains du doux et amoureux Verbe, ma vérité... Le Verbe est venu, Il a pris en mains cette clef, Il l’a purifiée au feu de la divine charité, Il l’a lavée avec son sang, Il l’a redressée avec le glaive de la justice, Il a forgé vos iniquités sur l’enclume de son propre corps... O obéissance, tu te conformes au Verbe, mon Fils unique. Tu montes dans la nef de la très sainte Croix... Je veux que tu connaisses bien, dans l’humble Agneau immaculé, cette excellente vertu et que tu saches d’où elle procède.

D’où vient que ce Verbe fut tellement obéissant?  De l’amour qu’il eut pour mon honneur et pour votre salut. D’où lui vient cet amour? De cette lumière qui lui faisait parfaitement voir la divine essence et la Trinité éternelle. C’est ainsi qu’il me voyait toujours, Moi, le Dieu Éternel... C’est parce qu’il fut fidèle à son Père Éternel qu’il courut comme un amoureux, et dans une glorieuse lumière, sur la voie de l’obéissance. Mais l’amour n’est jamais seul... L’obéissance a une nourrice: l’humilité. On n’est obéissant que si on est humble. On n’est humble que si on est obéissant. L’humilité est la nourrice et la gouvernante de la charité: c’est son propre lait qui nourrit l’obéissance... Et c’est dans le doux Christ Jésus que vous trouverez l’humilité parfaitement accomplie.” [15]

“L’obéissance est un bien que vous avez pu connaître dans le Verbe qui vous a montré qu’elle est une règle puisqu’Il a obéi jusqu’à la mort ignominieuse de la Croix. C’est sur son obéissance, sur cette clef qui a ouvert le Ciel, qu’est fondée votre obéissance, commune ou particulière...”  C’est la voie que le Christ nous a montrée en nous enseignant l’humilité, l’obéissance, la patience, la force d’âme et la persévérance, puisque “malgré les tourments, il ne se débarrassa ni du joug de l’obéissance envers son Père, ni du joug de notre salut. Il les supporta au contraire avec un si grande patience qu’on ne l’entendit jamais pousser un cri ou une plainte. Il demeura fort et patient jusqu’à ce moment suprême où Il donna pour épouse au souverain Père l’humanité tout entière.” (lettre 35)

Mais : “Il n’est pas d’obéissance sans humilité, et point d’humilité sans la charité.”  Ces vertus, Catherine, la servante de Dieu les trouve dans le Verbe : “Avec l’obéissance envers son Père, avec l’humilité, Il court à l’ignominieuse mort. Il s’y rive, il s’y attache avec les clous et avec les liens de la charité, il endure avec une si grande patience qu’on n’entend ni un cri ni une récrimination.” (lettre 38)

Le Sang de l’Agneau

Quand le Père parle de l’Eucharistie

Le Père parle souvent de la dignité à laquelle Il a élevé les ministres de la Sainte Église car ils ont été choisis pour administrer le Corps et “le Sang de l’humble Agneau immaculé, son Fils unique.”  dont le Corps est un soleil ne faisant qu’un avec le Père qui précise: “Il m’est tellement  uni (le Fils), que l’un ne peut être séparé ni coupé de l’autre, comme dans le soleil on ne peut séparer ni la chaleur de sa lumière, ni la lumière de sa couleur, tant est grande la perfection de cette union... Le Verbe, mon Fils, avec son très doux Sang est un soleil, tout-Dieu et tout-homme, car Il est une seule chose avec Moi et Moi avec Lui. Ma puissance n’est point séparée de sa sagesse, ni la chaleur du feu de l’Esprit-Saint, de Moi qui suis le Père, ni de Lui qui est le Fils, car Il est une seule chose avec nous puisque l’Esprit-Saint procède de Moi Père, et du Fils, et nous sommes un seul et même soleil... C’est toute l’essence divine que vous recevez dans le doux sacrement, sous la blancheur du pain.”

Dieu le Père poursuit plus loin: “Cette substance est l’Amour puisque je vous ai créés par amour: c’est pourquoi vous ne pouvez jamais vivre sans Amour... Votre âme est tellement destinée à aimer que sans amour elle ne saurait vivre. Sa nourriture, c’est l’Amour...”  Et encore: “Le verbe, soleil, mon Fils unique, ne se détache point de Moi, soleil, Père éternel, bien que dans le corps mystique de la Sainte Église il soit administré à tous ceux qui veulent Le recevoir. Il demeure entier et vous L’avez tout entier, Dieu et homme...” 

C’est l’Amour caché dans le Saint-Sacrement que le Père exprime: “Peut-il y avoir une seule créature dont le cœur pourrait ne point se briser d’amour en contemplant, parmi tant d’autres bienfaits, le bienfait de ce sacrement?”

Ou encore [16] : “En recevant ce sacrement, l’âme demeure en Moi et Moi en elle. Comme le poisson dans la mer et la mer dans le poisson, Moi je suis dans l’âme et l’âme est en Moi, mer pacifique... La vertu de ce sacrement subsiste dans votre âme: la chaleur de la divine charité, la clémence du Saint-Esprit. Il y subsiste aussi la lumière de la sagesse de mon Fils unique qui, illuminant l’œil de votre intelligence, vous fait voir et connaître la doctrine de ma vérité et la sagesse même...”

Car [17] : “La nourriture de l’homme c’est le corps et le sang du Christ crucifié, Tout-Dieu-et-tout-Homme, nourriture des anges et nourriture de vie. Nourriture qui rassasie tout affamé qui s’en délecte...”

L’Église

Revenant sur la dignité qu’Il a accordée aux prêtres, et sur le respect qu’on leur doit, quelles que soient leurs fautes [18], Dieu aborde le mystère de l’Église : “La clef du Sang de mon Fils unique a déverrouillé la vie éternelle qui avait été fermée par le péché d’Adam. Mais lorsque je vous eus donné ma Vérité, le Verbe, mon Fils unique, celui-ci par sa mort et sa passion a détruit votre mort en vous baignant dans son Sang. C’est ainsi que son Sang et sa mort, par la vertu de ma nature divine unie à la nature humaine, ont ouvert la vie éternelle. A qui laissa-t-il les clefs de ce sang ? Au glorieux Saint-Pierre, à ceux qui l’ont remplacé, à ceux qui se succèderont jusqu’au jour du jugement.... Ainsi donc, le Christ de la terre détient les clefs du Sang...” 

Voici maintenant une allégorie pour mieux faire comprendre ce mystère: “Le corps mystique de la sainte Église est le cellier dans lequel est enfermé le sang de mon Fils unique. C’est dans ce Sang que tous les sacrements puisent leur vertu... A la porte de ce cellier se tient le Christ de la terre chargé par Moi-même de dispenser le Sang.”

A un cardinal ambitieux, Catherine ne craint pas d’écrire : “O mon père très cher... quelle honte ce serait pour les enfants de la lumière, pour ces serviteurs de Dieu, choisis et tirés du monde, et particulièrement pour ces fleurs et pour ces colonnes placées dans le jardin de la Sainte Église! Vous devez être une fleur embaumée et non puante, vêtu de la blancheur de la pureté, parfumé de patience et d’ardente charité. Vous devez être large et généreux et non serré, imitant la souveraine vérité qui, par générosité, donna sa vie. Voilà le parfum que vous devez répandre sur la douce Épouse du Christ qui repose en ce jardin... Le Fils de Dieu, c’est comme un Agneau, humble, paisible et méprisé qu’il est venu parmi les hommes. C’est pour cela que ses vrais serviteurs se plaisent à suivre sa voie.” (lettre 101)

L’Agneau

Quand Catherine parle de Jésus, elle le présente souvent comme le doux Agneau immolé: “Il a été cet Agneau immaculé qui a méprisé la richesse et le pouvoir. Bien qu’Il fût Dieu et Homme, oui, malgré cela, en tant que règle et voie Il nous apprend qu’Il observait la loi et qu’Il ne la transgressait jamais. Il est humble et doux. Quand a-t-on pu entendre un cri ou une récrimination? Il s’est ouvert lui-même dans un large amour... Il ne respecte que l’honneur du Père et le bien des créatures.” Ou encore: “Le Christ est la voie si douce et si lumineuse que celui qui la suit ne peut pas tomber dans les ténèbres... La voie de l’Agneau qui s’est fait égorger avec un si grand feu d’amour qu’il a pu conclure la paix entre Dieu et l’homme... Ce médiateur lava, sur la Croix, les injures faites au Père et nous donna la vie de la Grâce... Sur la voie du doux Jésus crucifié on ne saurait rencontrer ni la mort, ni la faim... Il est la voie sûre... Plein de douceur et de miséricorde, Il vous élèvera dans son Cœur. Pour l’amour de Jésus crucifié, ne dédaignez donc plus l’unique voie, ne fuyez pas la règle qui vous a été donnée par votre chef crucifié, le doux et bon Jésus.” 

Ou bien : “Ce doux Agneau est un aigle véritable qui ne regarde pas la terre de son humanité, mais qui fixe son œil dans la roue du soleil, le Père éternel... (lettre 36) Contemplez ce blanc Agneau écorché qui, avec tant d’amour, vous appelle.” (lettre 44)

A frère Jérôme, de Sienne, des frères ermites de Saint Augustin, elle écrit: “Si vous me demandiez quelle est la Pâque que je désire faire avec vous, je vous répondrais: il n’est pas d’autre Pâque que celle de l’Agneau immaculé, c’est-à-dire celle-là même qu’Il fit de Lui-même quand Il se donna à ses doux disciples. O doux Agneau rôti au feu de la divine charité, sur la broche de la très sainte Croix! O nourriture très suave, pleine de joie, d’allégresse, de consolation! En Toi rien ne manque puisque, pour l’âme qui te sert en vérité, Tu T’es fait table, nourriture et serviteur.” (lettre 52)

Parfois Catherine se fait éloquente : “Admirez, admirez donc l’Amour ineffable que Dieu a pour vous et la suave douceur de ce fruit: l’Agneau immaculé semé dans le doux champ de Marie.” (lettre 133) Ou encore: “Je veux que vous vous blottissiez dans le côté ouvert du Fils de Dieu. C’est un refuge tellement parfumé que le péché lui-même y devient un baume. Là, la douce Épouse repose sur un lit de feu et de sang. Là, on voit se manifester le secret du Cœur du Fils de Dieu. O bonde ouverte, à laquelle viennent boire et s’enivrer les amoureux désirs, tu donnes la joie, tu illumines tout esprit et tu combles toute mémoire qui s’y travaille pour mieux connaître, à tel point que l’âme ne peut plus ni retenir, ni entendre, ni aimer, que ce doux et bon Jésus! Sang et feu, inestimable Amour!” (lettre 173)

Et le Sang de l’Agneau

Le Sang versé par le Christ durant sa Passion a une très grande importance pour Catherine de Sienne. Sans cesse elle revient au Sang de Jésus, dans toute sa correspondance, comme un leitmotiv. Car ce Sang versé est le signe visible de l’Amour du Christ pour nous, la manifestation de son Cœur. En voici quelques exemples, extraits de ses lettres. [19]

Elle écrit au prévôt de Casole (lettre 3ème) “... Moi, Catherine servante et esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux Sang, avec le désir de vous voir imiter l’Agneau que s’est fait égorger pour nous sur le bois de la très Sainte Croix...”

Ou à un moine retenu prisonnier (lettre 4e) : “... Je vous réconforte dans le Sang précieux du Fils de Dieu... La vraie charité, l’âme ne peut la posséder si elle ne regarde pas ce Jésus égorgé sur la très Sainte Croix, sur ce bois où seul l’Amour a pu le tenir cloué et rivé...” Blottissons-nous dans ses blessures comme l’enfant qui recourt à sa mère.  Et à un malade (lettre 5e): “... Il ouvrit et saigna son corps, Il en fit couler une telle abondance de sang, et avec un tel feu d’Amour que toute la dureté de nos cœurs devrait se dissoudre. ... Il n’est pas de chose si amère qui, dans le Sang de l’Agneau ne devienne douce, ni fardeau si lourd qui ne devienne léger.”

Et à une veuve, dame Agnès : “... C’est par Amour qu’Il vous a créée à son image et ressemblance, c’est par Amour qu’Il vous a créée à nouveau à la grâce dans le Sang de son Fils unique.” (lettre 53)  Et à un dominicain: “De quoi avons-nous donc besoin ? Nous avons besoin du sang. C’est dans le Sang du Christ que nous trouverons une espérance ferme... Nous y trouverons une foi vive, nous nous réjouirons de penser que Dieu ne veut que notre bien. C’est pour cela qu’Il nous a donné le Verbe, son Fils unique, et que le Fils nous a donné sa vie, afin de nous rendre la vie, et son Sang comme un bain, afin que nous y lavions la lèpre de nos iniquités.” (lettre 56)

Ou à une religieuse : “Baigne-toi dans le Sang du Christ crucifié, blottis-toi dans son côté: tu verras le secret de son Cœur... Réponds-lui par ton amour. Il est notre Dieu si doux qui ne veut que notre amour...” (lettre 72)

Et encore : “... je t’encourage dans son précieux Sang avec le désir de te voir baignée et noyée dans le précieux Sang du Fils de Dieu. Je pense en effet, que c’est dans le souvenir du sang qu’on trouve le feu de l’ardente charité, seule capable de chasser le trouble et l’amertume... C’est dans le feu de son Amour que tu éteindras le feu de la crainte et de l’amour-propre... parce que ce Sang a été répandu avec un ardent feu d’Amour... Dans ce glorieux bain tu trouves la chaleur de la divine charité qui a donné son sang par amour...” (lettre 73)

Jésus avait d’ailleurs dit lui-même à Catherine : “... tu commenceras à te connaître toi-même. Puis tu parviendras à mon côté ouvert dont la blessure te montreras mon secret: tout ce que J’ai fait, Je l’ai fait pour l’amour de ton cœur.”  (lettre 74)

Ou encore, en vrac, quelques phrases que l’on rencontre partout dans la correspondance de Catherine. Il est d’ailleurs curieux de constater que Catherine commence presque toutes ses lettres par cette phrase: “Je vous écris dans son  précieux Sang, avec le désir de...”

“L’humble Agneau immaculé, tel un amoureux, s’est élancé vers l’ignominieuse mort de la Croix pour accomplir l’obédience du Père et notre salut. Elle ne nous est pas cachée, cette vérité: le sang nous la manifeste.”

“Regardons le Sang de l’humble Agneau immaculé, puisque le Christ, déchiré, tourmenté et martyrisé sur la Croix par la soif, nous montre que l’éternel  et souverain Père nous aime inestimablement.”

“Noyez-vous dans le sang du Christ crucifié, crucifiez-vous avec le Christ crucifié, enfoncez-vous dans les blessures du Christ crucifié, plongez-vous dans le Sang du Christ crucifié.”

“Je vous écris dans son précieux Sang avec le désir de vous voir plongé dans le Sang du Christ crucifié, lequel Sang enivre, fortifie, embrase, illumine l’âme de vérité... C’est dans le Sang qu’elle trouve l’Amour divin qui chasse l’amour-propre...”

“Cet Amour nous le tirons de la fontaine du Sang du Fils de Dieu qui fut répandu pour notre rachat, uniquement pour laver la faute du péché.”

“Je vous écris dans son précieux Sang avec le désir de vous voir fondée sur la vraie patience...”

“...l’ineffable amour, le Fils nous l’a montré avec son Sang qu’il a répandu avec un si grand feu d’Amour...”

“... Je vous encourage dans son précieux Sang avec le désir de vous voir revêtue du nouvel homme...”

“... Je t’écris dans son précieux Sang  avec le désir que tu ne retournes pas en arrière...”

Le sang, c’est d’ailleurs l’amour de Jésus, l’humble amour de Jésus, manifesté aux hommes. Écoutons encore Catherine : “La vie s’est greffée sur la mort et nous qui étions morts, avons, dans cette union, reçu la vie. C’est parce que Dieu s’est greffé sur l’homme que Dieu-et-Homme s’est précipité, tel un amoureux, vers l’ignominieuse mort à la Croix. C’est sur cet arbre que ce Verbe Incarné a voulu se greffer. Ce ne sont ni les clous ni la croix qui l’ont tenu, mais l’Amour, car ce ne sont pas les clous qui auraient suffi à maîtriser Dieu-et-Homme... C’est Lui qui est la voie... et voici qu’Il est un père... Celui qui suit le Verbe à travers les injures, les tortures, les moqueries, les flétrissures, les peines et les tourments, celui qui véritablement et saintement pauvre, supporte avec humilité et douceur n’importe quelle épreuve avec une sincère patience, celui-là, imitant ce Maître qui est la voie... rend à chacun le bien pour le mal.” (lettre 101) 

Et la soif de Jésus

Car si l’Agneau a donné son Sang, c’est qu’Il a soif des âmes, et Catherine ne cesse de le proclamer. A un frère prieur qui se posait des questions au sujet de l’admission d’un candidat (lettre 8e) elle écrit : “... Il nous montre combien est grande sa soif du genre humain : O doux et bon Jésus, en même temps que Tu montres ta soif, Tu demandes qu’on Te désaltère. Et quand demandes-tu à l’âme qu’elle T’abreuve ? Lorsque Tu nous montres ton amour et ta charité... L’âme désaltère son créateur lorsqu’elle Lui rend amour pour amour. Seulement elle ne peut Le servir Lui-même. Elle doit passer par le prochain... Si nous levons avec amour et désir les yeux de notre intelligence, nos regards se concentreront dans le Christ crucifié qui nous a manifesté la volonté et l’Amour du Père avec lequel Il nous a créés pour cette fin: la vie éternelle. Le Sang du Verbe Fils unique de Dieu nous manifeste cet Amour, cette fin pour laquelle nous avons été créés.

A un grand prélat (lettre 16e) elle insiste: “Je vous écris dans son précieux Sang, avec le désir de vous voir affamé de créatures pour la gloire de Dieu, imitant la suprême et douce Vérité qui a tellement faim et soif de notre salut qu’elle en meurt. Il ne semble pas que cet Agneau immolé puisse jamais se rassasier. Il crie sur la Croix, et gorgé d’opprobres, il dit qu’Il a soif...” 

Car sa Pâque, Jésus l’avait désirée d’un grand désir. Le Fils de Dieu s’est fait chenal pour nous amener l’eau de la grâce : “Moi, je vous manifeste l’attachement de mon Père, parce que cet amour qu’Il a, moi Je l’ai, et celui que j’ai, Lui l’a aussi, puisque Je ne fais qu’un avec le Père et puisque Lui ne fait qu’un avec Moi. Par Moi Il s’est manifesté. La cause de toute chose, c’est l’Amour... Voyez combien Il est obéissant, ce Verbe!... C’est animé d’un grand désir qu’Il s’élance.”  (lettre 36)

Conclusion

Quand on a réussi à dépasser les outrances du langage de l’époque de Catherine de Sienne, on ne peut qu’être émerveillé par l’Amour du Cœur de Dieu: Amour du Père pour le doux Fils unique, Amour du Fils pour le Père, Amour du Fils pour les hommes pour le salut desquels il versa son sang. On découvre alors la puissance de l’Amour du Cœur de Jésus et toute sa richesse. Les deux textes qui suivent permettront aisément de s’en convaincre.

Le premier raconte une vision: Catherine a dû assister à une exécution capitale, et elle a reçu la tête du supplicié converti dans ses mains. Elle assiste à l’accueil de Tuldo, le supplicié, au Ciel : “... Aussitôt je vis Dieu-et-Homme, comme on voit la clarté du soleil. Son côté était ouvert et Il y recevait le sang du supplicié. Dans ce sang il y avait ce feu du saint désir donné et caché dans une âme par la grâce. Il le recevait dans le feu de sa divine charité. Dès qu’Il eut reçu le sang et le désir, Il reçut l’âme qu’Il plaça dans ce refuge qu’est son côté ouvert et plein de miséricorde: la souveraine Vérité montrait ainsi que c’était seulement par grâce et par miséricorde qu’elle le recevait, et non par ses mérites. Ah! qu’elle était douce et immense à voir la bonté de Dieu ! Avec quelle douceur, avec quel amour elle attendait cette âme séparée de son corps! Au moment où elle pénétrait dans son flanc, Dieu tourna les yeux de sa miséricorde vers elle, encore toute baignée de sang, si précieux à cause du sang de Fils de Dieu. Ainsi elle fut reçue par la puissance de Dieu (puissant pour le faire). Et le Fils, la Sagesse, le Verbe incarné, lui donna et lui fit partager cet amour crucifié pour lequel Il mourut si douloureusement et si ignominieusement, afin d’accomplir l’obédience du Père au profit du genre humain.” (lettre 173)

Le second texte est extrait d’une lettre de Catherine à son confesseur : “...Noyez-vous dans le Sang du Christ crucifié, baignez-vous dans le Sang, rassasiez-vous de Sang, enivrez-vous de Sang, revêtez-vous de Sang, pleurez sur vous dans le Sang, réjouissez-vous dans le Sang, croissez et fortifiez-vous dans le Sang, quittez votre faiblesse et votre aveuglement dans le Sang de l’Agneau immaculé; enfin, illuminé, courez, tel un viril chevalier, poursuivez l’honneur de Dieu, le bien de la sainte Église, et le salut des âmes, dans le Sang. Demeurez dans la douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus Amour.” 

Ainsi, on peut résumer :

Dieu le Père aime Dieu le Fils, le Fils aime le Père : l’Esprit est l’Amour qui les unit. L’Amour du Fils pour le Père et pour tous les hommes, c’est l’Amour de son Cœur. Le Cœur du Père reçoit l’Amour du Fils. Le Père et le Fils sont UN. Le Cœur de Jésus et le Cœur du Père sont un seul et même Cœur, c’est le Cœur de Dieu, le Cœur de l’Amour.


[1] Toutes les citations qui sont rapportées ci-dessous ont été extraites du Livre des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne - Éditions du Seuil 1953- Réédition de 1981.

[2] Livre des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne (Éditions du Seuil).

[3] Traité de l’Oraison.

[4]Livre des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne(Choix de Lettres) Éditions du Seuil (1953)Réédition en 1981.

[5]Livre des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne (Éditions du Seuil) Traité de l’Obéissance.

[6] Traité de la Discrétion.

[7]   Livre des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne (Éditions du Seuil) Traité de l’Oraison.

[8] Traité de l’Oraison.

[9]  Traité de la Discrétion.

[10] Traité de l’Oraison-Chapitre 100.

[11]  Traité de la Providence.

[12] Traité de la Discrétion- Chapitre XXIV.

[13] Traité de la Discrétion.

[14] Traité de la Providence.

[15] Traité de l’Obéissance.

[16] Traité de l’Oraison.

[17] Traité de la Providence.

[18] Ce n’est pas à la personne que le respect est dû aux prêtres, mais à l’autorité qui leur est conférée.

[19]Lettres publiées dans “Le Livre des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne”  Éditions du Seuil.
 

 

pour toute suggestion ou demande d'informations