CHAPITRE 28.

PRODIGES ARRIVÉS PENDANT LES MISSIONS DU PÈRE PAUL. SES PRÉDICTIONS.

L'ennemi des âmes ne pouvait voir, sans un grand déplaisir, tout le bien que Paul faisait. Aussi mit-il toute sorte de moyens en œuvre, afin d'empêcher le fruit des missions et de distraire ou d'intimider le peuple qui y concourait. Toutefois il ne put réussir dans ses mauvais desseins.

Paul prêchait un jour sur la place publique d'Orbetello, lorsque deux jeunes buffles se détachèrent à l'improviste d'un chariot qui avait été décharger du bois au magasin militaire. Ils couraient furieux dans la rue qui mène à la grand'place où la population presque tout entière était réunie pour entendre le sermon. Quand on les vit venir de ce côté, la confusion et le trouble se mirent parmi les assistants, et ils commencèrent à fuir, l'un d'un côté, l'autre de l'autre. Le serviteur de Dieu sentit sur-le-champ que c'était une manœuvre du démon, et voyant la consternation de son auditoire, il se mit à crier avec force que personne ne quittât sa place, parce que ce trouble n'était qu'un artifice du démon pour empêcher le fruit de la parole de Dieu. Il prit ensuite le crucifix en main, et se tournant du côté des buffles qui étaient sur le point d'entrer dans la place, plein de confiance en Dieu, il commanda avec empire à ces bêtes furieuses de rebrousser chemin. Aussitôt, comme s'ils eussent respecté la voix même du Créateur dans celle de son ministre, les buffles retournent sur leurs pas et s'engagent dans la rue de la boucherie qui conduisait à la porte de la ville. Le peuple fut ainsi préservé du danger, et le démon, trompé dans ses malignes tentatives.

   D'autres fois, l'ennemi infernal s'efforça de troubler le peuple, en suscitant des orages imprévus et en faisant tomber de grosses pluies. Le Bienheureux prêchait un jour à Sainte Flore, du haut d'une estrade qu'on avait dressée près de la porte de la grande église. Le peuple était rassemblé sur la place en plein air, ce qui n'offrait pas d'inconvénient, parce que la journée était calme. Mais voici qu'au moment où on y pensait le moins, commence à tomber une forte pluie qui disperse tout le peuple et l'oblige à chercher un refuge, soit dans l'église, soit sous le portique, partout enfin où il pouvait. Le serviteur de Dieu comprit que c'était une ruse du démon. Il recourut avec une grande confiance, selon sa coutume, au saint crucifix, le prit dévotement entre les mains, et le tenant élevé au-dessus de l'estrade, il exhorta vivement ceux qui étaient demeurés sur la place à ne pas bouger, et ceux qui s'étaient enfuis, à revenir sans crainte d'être mouillés. La pluie en effet cessa instantanément, et ce qu'il y a de plus admirable, c'est que ni le missionnaire, ni aucun de ceux qui étaient restés en plein air ne furent nullement mouillés, bien qu il fût tombé une pluie abondante.

Il prêchait un autre jour, aussi sur la place publique et dans le même lieu. Le démon essaya de nouveau de le troubler par ses artifices accoutumés. Bien que le jour fût pur et serein, tout d'un coup on entendit le tonnerre retentir d'une manière épouvantable ; le ciel se couvrit de nuages, l'air s'obscurcit et la pluie menaçait de tomber en abondance. Le père Paul, armé de sa foi, cria aux assistants de ne pas craindre et de ne pas quitter leur place, parce que c'était là un effort de l'ennemi, jaloux de leur bien. On reconnut bientôt qu'il parlait par l'Esprit de Dieu et que le Seigneur était avec lui pour le défendre, lui et son cher peuple contre les attaques de l'enfer. La nuée se fondit en une pluie très épaisse, au point que tous les environs furent comme changés en un lac et que les campagnes furent toutes couvertes d'eau; mais sur la place où le peuple se trouvait avec le missionnaire, il n'en tomba pas une goutte. Touché d'une protection si bienveillante, le serviteur de Dieu se sentit enflammé d'une ferveur nouvelle; il saisit un fouet en disant qu'il voulait faire pénitence pour le peuple et apaiser la colère de Dieu irrité  par les ingratitudes et les péchés des hommes; puis, il se frappe lui-même avec tant de force que la discipline se rompt et qu'un des morceaux est lancé sur le toit d'une maison qui était à quelque distance, à une hauteur assez considérable. Le zélé missionnaire ne s'en tient pas là; mais saisissant la chaîne qu'il avait au cou, il renouvelle ses rigueurs sur lui-même, et il aurait continué à se frapper, si un prêtre ne fût monté sur l'estrade et ne lui eût arraché la chaîne de vive force. C'est ainsi que le père Paul confondait l'ennemi et cherchait à gagner les âmes que le démon s'efforçait de perdre par tout moyen.

On fut de même préservé miraculeusement de la pluie à Satri. C'était précisément le jour où devait se donner la bénédiction papale. Le ciel s'obscurcit tout à coup et la pluie tomba en abondance aux alentours, excepté dans l'endroit où Paul prêchait et où le peuple était rassemblé pour l'entendre. Le même prodige se répéta dans plusieurs autres lieux où le père Paul faisait des missions. Le Seigneur dissipait les orages ou garantissait de la pluie le prédicateur et les auditeurs, afin que la mission pût continuer avec le calme et l'ordre nécessaires pour la faire réussir.

D'autres signes encore marquèrent les travaux du père Paul comme d'un sceau divin, le Seigneur prenant plaisir à accréditer un homme qui exécutait si fidèlement ses desseins. Il arriva souvent que la voix du père Paul fût entendue de fort loin et à des distances où elle ne pouvait pas atteindre naturellement. Le fait eut lieu en particulier dans les missions de Castellazzo, qu'il fit étant encore jeune, et, depuis l'établissement de la congrégation, dans les missions de Tolfa et de Castellana, et encore dans l'île d'Elbe, où, donnant la mission dans un lieu appelé Poggio, il fut entendu à la distance d'environ cinq milles.

Mais, laissons de côté les autres faits prodigieux et pour n'être pas trop long, bornons-nous au récit d'un seul qui mérite une mention spéciale. En 1738, le serviteur de Dieu donnait la mission à Piagaro, diocèse de la Pieve. Plusieurs fois, dans le cours de cette mission, mais surtout en la terminant, il dit ces paroles remarquables : «Il y en a plusieurs qui désirent tellement mon départ et la fin de cette mission, qu'il leur semble qu'elle a duré mille ans; mais je laisse quelqu'un qui fera la mission mieux que moi». En effet, la mission terminée, la bénédiction donnée, le père Paul partit pour aller en commencer de nouvelles dans d'autres localités du diocèse. A son départ, il fut accompagné d'une grande partie du peuple, l'autre partie resta dans l'église pour prier. Tout à coup, chose vraiment admirable, voilà un grand crucifix sculpté en bois, qui commence à répandre une sueur abondante, et cette sueur était couleur d'azur. A cette vue, ce ne fut qu'un cri de surprise et d'étonnement parmi les assistants. Ils considèrent attentivement cette sueur et la voient découler par ruisseaux de la sainte image. Se rappelant alors les paroles du serviteur de Dieu, pendant que les prêtres essuient avec des linges cette sueur miraculeuse, plusieurs se mettent à courir après le vénérable missionnaire, et l'ayant joint, ils lui racontent ce qui venait d'arriver. Le père Paul se contenta de leur répondre : «Je le savais déjà». Il leur demanda ensuite de quelle couleur était la sueur. On lui répondit qu'elle était de couleur d'azur. «C'est un bon signe», répondit-il, et sans s'expliquer davantage, il poursuivit sa route comme un homme qui connaissait les vues du Seigneur dans ce prodige et ce qu'il attendait en retour de son peuple. Le peuple de Piagaro voyant avec quelle miséricorde le Seigneur l'appelait à la pénitence fit, par suite de ce miracle, ce qu'il n'avait pas fait pendant la mission, et ceux que n'avait point touchés le tonnerre des prédications, s'émurent à la vue d'un prodige si extraordinaire. On s'occupa depuis, comme il convenait, à rendre un culte spécial à cette image bénie. On construisit une nouvelle chapelle pour y placer le Christ miraculeux, et on y mit les inscriptions suivantes « Haec imago, patre Paulo de Cruce, e monte Argentario, sacram missionem peragente, spectante, et ingemiscente populo Plagarensi, ceruleo sudore manavit, anno 1738». «Cette image, pendant une mission que donnait le père Paul de la Croix du mont Argentario, a répandu une sueur de couleur d'azur, à la vue du peuple de Piagaro, attendri par ce miracle, en 1738».

Du côté de l'épître, on lisait cette autre inscription : «Admirandi sudoris monumentum, quaestores populi Plagarensis, stipe collatitia, et Antonius Pazzaglia, civis Callensis, sacerdos et ecclesiae Rector, consilio, industria, et pecunia, sacelli hujus,ornatum, anno 1738, fieri curavit». «Les magistrats de la ville de Piagaro ont fait élever ce monument, à l'aide de souscriptions, en mémoire de la sueur miraculeuse; et Antoine Pazzaglia, citoyen de Galles, prêtre et recteur de cette église, a consacré ses soins, son industrie et son argent à l'ornement de cette chapelle, en 1738».

On donna sans doute d'autres nouvelles sur ce prodige au serviteur de Dieu, car voici ce qu'il mandait dans une de ses lettres : «Le fait arrivé à Civita Vecchia était déjà à ma connaissance». (De quel fait il est ici question, c'est ce que nous ignorons ; il est clair toutefois qu'il s'agit d'un fait miraculeux). Il est arrivé, continue le père Paul, quelque chose de non moins merveilleux dans une de nos missions dans l'Ombrie. Un Christ sculpté en relief a répandu une sueur abondante. On a dressé procès verbal du prodige et on l'a envoyé à Rome. Maintenant ce Christ est en grande vénération, à cause des miracles que Dieu a opérés par cette sainte image. C'est ce que je tiens d'une lettre datée de Saint-Ange, 28 juin 1749, et adressée au docteur Dominique Antoine Ercolani de Castellana. Ce sont les paroles du Bienheureux. Le peuple de Piagaro a toujours continué depuis à honorer ce Christ d'un culte spécial. Du reste sa seule vue invite à la componction et rappelle la mémoire du prodige. On y voit encore la trace des ruisseaux de sueur miraculeuse qui en découlèrent de la tête aux pieds. Moi-même, je m'en suis convaincu par mes propres yeux, pendant la mission qui eut lieu dans ce pays là, en 1777.

Ainsi se vérifia la parole du père Paul, qu'après son départ, il y aurait une autre mission beaucoup plus efficace que la sienne, où les prodiges tiendraient lieu de prédication.

Le Bienheureux prédit avec la même assurance et dans les termes les plus clairs, la fin malheureuse de certaines personnes qui, au lieu de profiter des visites de la divine Miséricorde, s'attiraient les redoutables châtiments de la justice par leur endurcissement. Lorsqu'il donnait la mission dans une certaine paroisse du diocèse de Monte Fiascone, un ecclésiastique qui entretenait des liaisons coupables vint se confesser à lui. On sut de la bouche même de cet ecclésiastique ce qui se passa dans cette confession. Étant tombé gravement malade, avant de recevoir le viatique, il demanda pardon vis-à-vis du Saint-Sacrement et en présence du clergé de l'endroit, tant aux présents qu'aux absents, du scandale qu'il avait donné; puis il ajouta: «Sachez tous que dans la dernière mission donnée au mois de mai, je me confessai au père Paul qui me refusa l'absolution. Je retournai vers lui en versant des larmes et je lui promis de quitter cette maison. II me dit alors : «Allez et sachez que si vous y mettez encore les pieds, avant la fin de juillet, vous serez cité au tribunal de Dieu». Je ne tardai pas à y aller comme auparavant, etc. Priez pour moi». C'est de la sorte qu'après avoir rendu un témoignage authentique à la prédiction du serviteur de Dieu, il alla au tribunal du souverain juge lui rendre compte de sa vie.

Pendant que le père Paul donnait la mission dans une autre paroisse du même diocèse, il fut informé par le vicaire forain et par le curé, qu'un jeune ecclésiastique, d'un caractère léger, fréquentait une maison où étaient deux jeunes personnes avec qui il se permettait des familiarités inconvenantes. Le peuple pour ce motif, disait ouvertement que cette maison était la maison du murmure. Le serviteur de Dieu, désirant abolir ce scandale, parla avec bonté au scandaleux et lui prédit d'un ton ferme et assuré que s'il ne s'éloignait de cette maudite maison, il y mourrait d'une mort malheureuse. L'ecclésiastique étant d'une complexion robuste et d'une excellente santé, en fit des risées. Mais malheur à celui qui raille et méprise les avertissements des hommes de Dieu! Il est frappé, lorsqu'il y pense le moins. La prédiction du père Paul eut lieu à la fin de mai, et au mois d'octobre, pendant qu'il continuait ses missions dans la diocèse de Monte Fiascone, le curé alla le voir et lui apprit que le malheureux prêtre avait été frappé d'apoplexie dans la maison même du murmure, et qu'il était mort sur le coup, sans avoir même eu le temps de se confesser.

Un autre prêtre fit une mort semblable au diocèse de Viterbe. En 1759, le père Paul donnait les exercices spirituels à ce peuple. Un jour, de retour à la maison, il témoigna une peine extrême, parce qu'il avait appris qu'un prêtre et sa famille se raillaient de lui, de sa congrégation et de ses sermons. Ce qui était encore pis, aucun d'eux n'assistait jamais aux saints exercices, et le peuple qui connaissait leur opposition et leur mauvais esprit, en était surpris et scandalisé. Le chagrin qu'en conçut le serviteur de Dieu, ne venait pas de l'injure faite à sa personne, mais du mépris de la parole de Dieu et de  l'obstacle qu'il voyait mettre au salut des âmes. Comme on en parlait en sa présence, tout à coup le serviteur de Dieu laissa échapper cette parole : «Ce prêtre mourra de mort subite, et cette famille sera ruinée». C'était une lumière divine qui le faisait parler de la sorte. Lé temps le fit bien voir; sa prédiction fut vérifiée de point en point. Le 7 mai 1764, au moment même où il se mettait à table pour dîner, ce prêtre fut frappé d'un accident qui le priva tout à fait de sentiment. A cette nouvelle funeste, l'archiprêtre, celui-là même qui a déposé de ce fait, accourut, mais à peine put-il lui donner l'Extrême-Onction per unicam Unctionem; le malade expira aussitôt, et la famille qui s'était unie à lui pour combattre la gloire de Dieu, commença à déchoir à dater de l'époque de la prédiction; elle alla de mal en pire, jusqu'à ce qu'enfin elle fût réduite à une extrême misère. C'est ainsi que pour notre instruction à tous, Dieu se venge du mépris qu'on fait de sa divine parole.

En 1751, il faisait la mission dans la même paroisse, au diocèse de Viterbe, et toujours avec le même zèle. Or, il y avait là une vieille dame qui refusait opiniâtrement de pardonner une injure qu'une autre dame lui avait faite. Les pacificateurs qu'on a coutume de désigner dans chaque mission, employèrent toutes les ressources de leur charité pour engager cette dame à pardonner et à se réconcilier avec son ennemie; tout fut inutile. Son obstination ayant été connue du père Paul, son zèle ardent le porta à faire d'autres tentatives qui demeurèrent également sans succès. Cette dame, j'allais dire cette vipère, s'obstinait dans sa haine. Le serviteur de Dieu en ressentit une peine profonde, et prédit que sous peu Dieu l'aurait punie. Il en fut ainsi. La mission terminée, le père Paul quitta l'endroit, et peu de jours après, l'infortunée dame mourut subitement sans avoir pu recevoir les sacrements. On la trouva Morte dans sa maison. Son visage était si défiguré et si horrible que sa vue causait de l'épouvante.

Nous pourrions rapporter ici plusieurs autres traits, également merveilleux ; nous nous en dispensons pour ne pas être trop long. Ceux que nous avons cités suffisent pour montrer combien le Seigneur agréait les travaux de son serviteur, puisqu'il les honorait de tels prodiges.

   

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