CHAPITRE 27.

AUTRES CONVERSIONS MERVEILLEUSES OPÉRÉES PAR LES SOINS DU PÈRE PAUL.

La conversion des âmes étant la merveille qui fait éclater davantage la puissance de Dieu et les charmes de sa bonté, le pieux lecteur apprendra sans doute avec intérêt quelques-unes des conversions admirables que la droite du Seigneur opéra par l'entremise de son serviteur.

Dans l'une des missions qu'il donna à Orbetello, travaillant sans relâche à ravir les âmes au démon, un soir, après le sermon, deux heures environ après la retraite, on entendit du vacarme dans Ie quartier où se trouvait le régiment de Namur, un de ceux qui composaient la garnison d'Orbetello. A ce bruit, une foule de monde, tant bourgeois que militaires, accourt, et l'on voit un des soldats emporté par une force invisible. Aussitôt on envoie un sergent et quelques soldats chercher le père Paul qui dans ce moment prenait un peu de repos, après les grandes fatigues de la journée. Arrivé à la porte de la maison, le sergent se met à crier: «Père Paul, venez vite, hâtez-vous; il y a au quartier un soldat que le démon veut emporter». Le bon père s'élance à l'instant de son lit, et bien que d'abord il se sente saisi d'horreur, il court en toute hâte, avec le crucifix qu'il portait sur sa poitrine. Il arrive à la port de la caserne et voit de ses yeux le pauvre soldat tremblant, la figure blême et contrefaite, qui, entraîné par une puissance invisible, s'écriait: «Au secours! au secours! le démon m'emporte». S'étant convaincu qu'en effet le démon entraînait ce malheureux, il donne aussitôt, plein d'une foi vive, ses ordres à l'esprit malin, puis s'approchant du soldat : «Ne craignez pas, lui dit-il, je suis ici pour vous secourir ; il suffit que vous vous repentiez de vos péchés». En même temps, il s'attache à lui inspirer une grande confiance dans la miséricorde infinie de Dieu et les mérites de Jésus-Christ, il l'engage à faire de cœur des actes de contrition, en renonçant à tout commerce ou pacte avec le démon. Les assistants et surtout les soldats du quartier étaient dans la stupeur. Le père Paul continue avec intrépidité de commander à l'ennemi infernal qui cède enfin à sa voix et est contraint de prendre la fuite. Le malheureux soldat, après cette secousse effrayante, resta si défiguré, si tremblant et si abattu, qu'à peine il pouvait se tenir sur ses pieds; il semblait plus mort que vif. Le père Paul lui demanda alors s'il voyait encore le démon, et le soldat lui répondit que non. Comprenant en même temps pourquoi le démon avait cherché à l'entraîner dans l'enfer, il pensa au remède et demanda sur-le-champ à se confesser. Le bon père l'engagea à prendre courage et lui promit de l'entendre le lendemain; en attendant, pour le rassurer, il lui mit au cou son rosaire, et lui dit de n'avoir plus peur, qu'il avait endossé une armure puissante. Le lendemain, le soldat fut ponctuel au rendez-vous. Déjà le père Paul se mettait en devoir de le confesser, mais comme c'était un soldat français et que ne sachant pas l'italien, il ne pouvait s'exprimer convenablement, le père le conduisit à l'aumônier du régiment et le fit confesser pour l'enlever aux mains de l'ennemi et le réconcilier avec Dieu. On imagine assez quelle fut la joie de ce pauvre soldat. Toute sa vie, il fut reconnaissant de ce bienfait. Il témoigna comme il pouvait, sa reconnaissance, un jour qu'il rencontra à Rome un de nos religieux, le père Philippe du Saint-Sauveur, homme d'une piété et d'une candeur de mœurs fort remarquable : il dit à ce père d'un ton pénétré que c'était lui qui avait été délivré du démon par l'intervention du père Paul. Un événement si prodigieux fit une profonde impression sur les habitants d'Orbetello et accrut sensiblement le zèle pour la mission. Les pécheurs y accouraient en foule, mus par le désir de faire leur paix avec Dieu. C'est ainsi que la bonté divine secondait son serviteur qui travaillait si fidèlement pour sa gloire.

Parmi les âmes qu'on regarde comme les plus égarées et les plus éloignées de la voie du repentir, on a coutume de ranger les brigands et les autres criminels qui vivent publiquement dans l'état du péché. Or, il semble que le Seigneur ait donné à son serviteur fidèle un talent particulier pour convertir cette classe de pécheurs. Il brûlait du désir de leur être utile et de les ramener dans la voie du salut, et un grand nombre d'entre eux, après l'avoir entendu, renoncèrent à leur vie de péché et de brigandage et revinrent à Dieu. Le bon missionnaire les traitait avec beaucoup de suavité et de douceur, et ces pauvres gens, gagnés par ses manières charitables, voulaient ensuite le suivre partout et semblaient ne pouvoir plus se séparer de lui. Ils l'escortaient dans ses voyages, et comme il marchait pieds nus, pour qu'il ne se blessât pas parmi les épines qui hérissaient quelquefois le chemin, ils descendaient de cheval, étendaient leurs manteaux sur le sol et l'obligeaient à passer dessus. C'est ce qu'ils firent, lorsque le père alla à Montiano, petit village de la Toscane, près de Grosseto. L'humble missionnaire faisait des difficultés, regardant comme une délicatesse ce qui paraissait une nécessité à d'autres; il ne put cependant refuser ces petits services, pour ne pas faire de peine à ces pauvres gens qui le considéraient et l'aimaient comme un père.

On n'en finirait pas, si on voulait raconter en détail toutes les conversions que la grâce divine opéra par son moyen parmi les malfaiteurs. Nous en omettons un grand nombre pour ne rapporter que les plus signalées. Lorsqu'il donnait la mission à Rocca Albigna en Toscane, un certain seigneur le pria de mander auprès de lui un brigand fameux qui avait menacé de le tuer, pour l'engager à rentrer en lui-même. Il n'en fallait pas tant pour décider le père Paul à entreprendre une œuvre de charité si conforme à ses inclinations. Il fait donc appeler cet homme malveillant, et un matin, pendant qu'il confessait à l'église, il le voit venir à lui, chargé de ses armes, très mal disposé, avec un air et un visage de brigand. «Eh bien! Lui dit cet audacieux, que me voulez-vous»? Le père Paul qui savait que la grossièreté et l'orgueil ne peuvent être vaincus plus efficacement que par la douceur et l'humilité, se prosterne à ses pieds, tenant en mains le crucifix : «Mon fils, lui dit-il, ce que je veux, c'est votre âme».... Ce peu de mots suffirent pour amollir ce cœur endurci et pour le déterminer à songer sérieusement à se convertir.

Mais, parmi toutes les conversions de ce genre, il en est une surtout qui mérite d'être mentionnée spécialement; c'est celle d'un fameux chef de brigands. C'était en 1750. Le père Paul était occupé à donner la mission dans la ville de Camerino. Ses travaux, fécondés par une grâce particulière, y produisaient tout le fruit qu'en attendaient le pieux évêque qui avait sollicité la mission et le peuple qui la recevait. Un chef de contrebandiers qui s'appelait le caporal Horace, et qui, outre le délit de fraude, avait commis plusieurs meurtres, se trouvait alors dans cette ville en compagnie de plusieurs autres fraudeurs de sa suite qui ne le quittaient jamais. Comme cet homme avait toujours une escorte de gens armés et que, s'étant rencontré plusieurs fois avec les douaniers, il en avait tué plusieurs, il s'était rendu redoutable à tout le monde, et les douaniers eux-mêmes fuyaient son approche. Son audace et sa témérité croissaient donc de jour en jour. Il en vint au point d'ouvrir dans la ville un magasin où il tenait et vendait publiquement des marchandises fraudées. Mais la divine bonté attendait ce grand pécheur, cette nature si perverse, parce qu'elle voulait user d'une miséricorde spéciale envers lui pendant la mission du serviteur de Dieu. Il se mit à assister aux exercices, sans trop savoir pour quel motif. Le zélé missionnaire, averti de sa présence, commença de son côté à avoir l'œil sur lui, désirant extrêmement de le convertir, lui et ses complices. Il prit secrètement des renseignements et alla à la recherche de cette brebis perdue. Aux menaces terribles, aux tendres exhortations du ministre du Seigneur, le malheureux pécheur commença à s'émouvoir et à reconnaître le déplorable état de son âme, et se voyant tout couvert de plaies hideuses, il songea à chercher un médecin; mais comme il n'avait pas encore cette volonté sincère qui est requise pour revenir à Dieu, il alla se mettre entre les mains d'un confesseur qui n'avait certainement pas ou la science ou le zèle nécessaire pour bien exercer son ministère. A peine Paul eut-il appris cette nouvelle que, percé de douleur, il dit dans l'amertume de son âme : «Oh! pour le coup, il n'y a plus guère d'espoir qu'il se convertisse! L'absolution qu'il a reçue va lui endormir de plus en plus la conscience». Cependant, se souvenant que la charité espère tout, Paul trouva dans son zèle de quoi ranimer sa confiance; il réfléchit, et puis il résolut de faire appeler ce pécheur public par l'entremise d'un gentilhomme honorable. A son arrivée, il le tira à l'écart et lui parlant avec toute la douceur et la charité possible, il lui mit sous les yeux sa vie criminelle, afin qu'il en conçut une juste horreur. Horace ne disconvint pas de ses méfaits, mais il répondit: «Tout cela est très vrai, mais je me suis confessé». C'est bien, répliqua aussitôt le père Paul ; mais votre bon propos, où est-il, puisque vous continuez votre commerce de contrebande et que l'occasion est toujours là? Mais quoi! Lui dit alors le contrebandier, le confesseur n'avait-il pas le pouvoir de m'absoudre»? Le père Paul, pour le désabuser, lui répondit sagement en ce peu de mots : «Et la disposition nécessaire, où était-elle»? Ce fut un trait de lumière pour le pauvre pécheur; il résolut de se confesser de nouveau au père Paul, et de fait, il se confessa au bon missionnaire avec de vifs sentiments de componction et avec la ferme résolution de faire tout ce qui était nécessaire dans sa position. Ses complices en firent autant. On se figure quelle dut être la joie du serviteur de Dieu, en voyant à ses pieds une âme qu'il avait tant cherchée, et avec quelle charité il travailla à la réconcilier avec Dieu. Il ne s'en tint pas là. Pour le garantir désormais du danger de la rechute, il adressa une supplique au souverain pontife, Benoît XIV, par l'entremise du cardinal Annibal Albani, son dévoué protecteur, et il obtint le pardon et la grâce du malfaiteur. La réponse ne se fit pas attendre. Le vénérable père lui-même, qui, après la mission, avait dû donner les exercices dans un monastère de la ville, put la lui présenter. Le pauvre homme fut très consolé, ainsi que ses complices, de l'amnistie qu'il devait à la charité du père Paul. Il se retira dans sa maison, où il vécut ensuite chrétiennement et finit ses jours en paix, en 1765.

Les travaux du père Paul étaient immenses, mais immense aussi étaient les consolations dont le Seigneur le comblait souvent, en lui accordant de gagner çà et là des âmes perdues. Ce gain valait à ses yeux plus que tous les trésors. Lorsqu'il donnait la mission en Toscane, voyant quelle était la componction de ce bon peuple, il en éprouvait beaucoup de joie; mais d'un autre coté, son âme était dans l'angoisse, parce qu'il avait appris qu'il y avait là un pécheur scandaleux qui depuis longtemps vivait publiquement en concubinage. Le pauvre père ne savait comment faire cesser un si grand désordre, ni à quels remèdes recourir pour guérir une maladie opiniâtre qui les rend pour ainsi dire tous inutiles. Voilà pourtant qu'un jour, sans doute par une inspiration d'en haut, avant de monter en chaire, il prend le crucifix qu'il portait sur sa poitrine, et va trouver ce misérable pécheur dans sa maison même, comme pour le retirer du tombeau où il était enseveli. Celui-ci vient à sa rencontre tout armé et lui dit avec humeur et audace : «Eh bien! Que me voulez-vous»? Paul, tenant son crucifix à la main, lui répond tout enflammé de zèle : «Que vous chassiez cette femme de chez vous». Mais, mon père, ajouta ce pécheur, il n'y a pas là de mal». «C'est égal, répliqua le père Paul, congédiez-la, sinon j'aurai recours au grand duc». Dieu avait touché le cœur de ce pauvre pécheur; il commença à s'humilier et à parler au serviteur de Dieu d'un ton plus humble : «Et quand faut-il que je la congédie? Combien de temps me donnez-vous» ? «A l'instant même, et sans le moindre délai», répondit le père. Cet homme ne put résister au ton d'autorité avec lequel le missionnaire lui parlait au nom de Dieu : «Oui, mon père, je le ferai, lui dit-il; mais ensuite, me confesserez-vous»? «Oui, mon cher fils», lui répondit le serviteur de Dieu, prenant alors le ton d'un père plein de charité, «oui, je vous confesserai, je vous consolerai, et vous serez fort content». Le pécheur tint sa promesse; il chassa sa concubine, et de la sorte le mal fut tranché  dans sa racine, et un énorme scandale cessa d'affliger le public.

Plusieurs manifestaient d'une manière visible leur repentir; au point qu'en entendant le serviteur de Dieu prêcher avec tant de zèle, ils ne pouvaient presque s'empêcher de confesser publiquement leurs péchés et de demander pardon de leurs scandales. C'est ainsi que plusieurs femmes qui avaient imité la pécheresse de l'Évangile dans ses désordres, l'imitèrent aussi en quelque sorte dans sa pénitence. Lorsque le père Paul donnait la mission à Montalte, il y avait là une femme qui avait fait beaucoup de mal dans le pays par ses dérèglements. Le scandale était si notoire que monseigneur l'évêque de Viterbe s'était vu contraint d'user de toute son autorité et de la punir sévèrement. Ce fut toutefois sans profit pour elle, car elle continua, la malheureuse, à vivre dans le péché. Le vénérable père ayant donc commencé à prêcher la pénitence, ce qu'il faisait toujours avec beaucoup de zèle, cette femme vint un soir au sermon et fut frappée au cœur, comme si les paroles du prédicateur eussent été des dards ou des traits enflammés. Sa componction fut si vive que, ne pouvant se contenir, elle se lève et, étendant les bras, elle demande publiquement pardon à haute voix des scandales qu'elle avait donnés dans le pays. L'auditoire, voyant cette pécheresse publique devenue une pénitente publique, fut saisi d'une émotion générale; c'étaient de tous côtés des sanglots et des larmes qui vinrent se mêler aux larmes de la pauvre pécheresse. La conversion de celle-ci fut aussi stable que sincère. Elle rompit tous les liens du démon, se consacra sans retour à Dieu, vécut d'une manière exemplaire tout le reste de sa vie et mourut dans les plus beaux sentiments de piété, après avoir souffert fort patiemment une très longue maladie.

Une jeune fille de vingt dans, nommée Élisabeth, fit une chose semblable par un mouvement extraordinaire de repentir. La mission se donnait alors dans une autre localité. La père Paul faisait la méditation sur la passion de Jésus-Christ, lorsque tout à coup cette jeune fille, se dressant sur ses pieds, demanda à haute voix aux assistants pardon de ses scandales; elle se confessa ensuite au serviteur de Dieu et mena depuis une conduite fort exemplaire.

Ce ne furent pas les seules qui donnèrent des témoignages publics de repentir. Il y eut, dans une paroisse du diocèse d'Acquapendente, une dame qui, en entendant le père Paul prêcher contre le scandale, comprit que vivre, comme elle faisait, selon les modes et les maximes du monde, violer les règles de la sainte modestie dans les vêtements et la parure, est une faute de grande conséquence pour le salut, et une très grande injure pour Dieu. Profondément frappée de cette vérité qu'annonçait le missionnaire, elle quitte la place où elle était assise, va se mettre au-devant de l'estrade, et se met à crier bien haut : «Je suis une femme déréglée dont la vanité a été un sujet de scandale». Après quoi elle demande pardon de la manière la plus touchante. A partir de ce moment, elle ne fut plus la même; elle commença une vie pieuse et édifiante dans laquelle elle eut le bonheur de persévérer jusqu'à la mort.

Elle fut imitée dans sa conversion par une autre dame du même endroit, qui avait également besoin de réformer sa mise, jusque là peu chrétienne et même scandaleuse. Elle aussi se convertit sincèrement par suite des prédications du père Paul, et depuis elle vécut toujours si bien dans la piété, la retraite et la modestie, qu'elle répara parfaitement par ses bons exemples le tort qu'elle avait fait par ses désordres. Voici la manière dont s'y prenait le père Paul pour convertir les pécheurs, même les plus endurcis. Il commençait par les secouer avec beaucoup de force, il les épouvantait et les atterrait d'abord avec une voix de tonnerre; mais ensuite il les encourageait avec beaucoup d'affection et de douceur et les engageait à revenir à Jésus-Christ; il leur montrait combien le Fils de Dieu avait souffert par amour pour eux, et en leur mettant sous les yeux la tendresse et la charité de son cœur sacré, il les pénétrait de componction et leur arrachait bien souvent des larmes de repentir et d'amour. Après cela, allaient-ils se jeter à ses pieds pour se confesser? Il les traitait avec une bonté inexprimable. On eût dit une mère pleine de tendresse, qui accueille ses enfants pour soigner leurs blessures et les guérir des morsures mortelles de quelque serpent venimeux.

Connaissant par expérience les avantages de cette méthode, le père ne manquait pas de l'inculquer aux autres, les engageant à user de beaucoup de douceur et de charité envers les pécheurs. Il avait coutume de dire que la douceur triomphe des coeurs les plus obstinés, au lieu que la dureté éloigne le repentir. A ce propos, il aimait à raconter un fait très instructif. Étant un jour occupé à confesser pendant une mission, un pauvre homme s'approche de lui et lui dit à l'oreille: «Père, confessez-moi ; il y a douze ans que je n'ai été à confesse». Le père Paul, comprenant le besoin de cette pauvre âme et désirant de la secourir au plus vite, lui dit d'attendre un peu et de le suivre à sa sortie du confessionnal. II confessa une autre personne et sortit immédiatement pour aller entendre ce pauvre homme. Le pénitent le suivit dans un endroit à l'écart, où le père se mit à l'entendre avec une extrême charité, et lui fit faire une confession générale qui le consola beaucoup. La confession terminée, le vénérable père, parfaitement sûr alors de la sincérité du pénitent, lui demanda pour quel motif il était resté si longtemps sans se confesser. L'autre lui répondit : «Sachez, père, que m'étant un jour présenté pour me confesser, le confesseur commença par me gronder fortement et puis me chassa en disant : «Allez-vous-en, vous êtes damné». Épouvanté et atterré par ces paroles, je n'ai plus osé m'approcher du confesseur». Le charitable père l'encouragea, l'aida, et après l'avoir absous, il le congédia fort content. Quelques années après, le serviteur de Dieu rencontra ce même pénitent. Dès que celui-ci l'eut aperçu, il descendit de cheval, courut lui baiser la main, et lui dit entre autres choses: «Sachez, père Paul, que depuis que je me suis confessé à vous, avec la grâce de Dieu, je lui ai été fidèle, et je ne suis plus jamais retombé dans le péché». Voilà comment cet homme était revenu à Dieu, gagné par les charmes de la charité.

Ces manières douces et suaves que le père Paul estimait tant, voilà ce qui portait les malfaiteurs et les criminels à se confesser à lui, même hors le temps des missions. Ils se donnaient le mot les uns aux autres, s'en allaient trouver le bon père et revenaient d'auprès de lui, guéris de leurs maladies spirituelles et pleins de joie. Il y en eut qui l'arrêtèrent au milieu même des chemins, dans ses voyages, pour avoir le bonheur de se confesser à lui. Un jour que le serviteur de Dieu allait à Montemarano, village de la Toscane, il vint à passer par un bois. Ses compagnons le précédaient à quelque distance, lorsque tout à coup un brigand tout armé sort à l'improviste, se met sur son passage, et, le tirant à l'écart, lui dit d'entrer plus avant dans le bois. Le père éprouva d'abord quelque crainte, comme cela était naturel. L'ayant suivi quelques pas, il lui demande ce qu'il voulait. «Allons plus avant, répond le brigand, et il le tire en même temps par le bras. Pour le coup, le père Paul eut beaucoup plus peur, ne pouvant se douter à quoi cette scène allait aboutir. Toutefois il reprend courage et suit le brigand, et quand ils furent un peu plus loin, ce pauvre homme, que le vif désir de se confesser à lui avait engagé à prendre ces formes un peu rudes, change tout d'un coup de manière et de ton: «Père, lui dit-il d'une voix humble, confessez-moi». «Mais, mon frère, lui répond alors le père Paul, vous pouviez bien me dire cela tout de suite; restez donc ici, pendant que j'irai avertir mes compagnons». Il va en effet prier ses compagnons de l'attendre; puis, comme il en avait le pouvoir, il se met, dans le bois même, à entendre la confession du brigand. Il ne néglige aucune des précautions qu'un zèle éclairé réclame d'un véritable ministre du Seigneur, et parvient à ramener à Dieu cette âme égarée. C'est ainsi que par sa charité et sa douceur, le vénérable père arrachait un grand nombre de brebis aux dents du loup infernal.

Dieu qui se complaisait dans les travaux et les pieuses industries de son ministre, ne se contentait pas de les bénir; il confirma et accrédita souvent sa parole par des prodiges. Quelquefois une voix miraculeuse pressait les pécheurs d'aller se confesser au père Paul. C'est ce qui eut lieu pour une pauvre âme dont je vais rapporter la conversion. Le serviteur de Dieu donnait la mission dans une certaine ville. Le matin de la communion générale, après avoir célébré la sainte messe, il rentre à la maison pour se reposer, car il n'avait pu le faire de toute la nuit précédente. Mais voici qu'à la porte de l'escalier, il trouve un homme qui l'attendait pour se confesser et il lui demande de vouloir bien lui accorder cette consolation. Le père, épuisé de fatigue, lui répond avec candeur que n'ayant pas dormi de la nuit, il avait besoin de reposer un peu la tête, mais que, s'il voulait aller à l'église, et s'adresser de sa part à quelqu'un de ses compagnons, il le confesserait: Cela dit, le père entre dans sa chambre. II y était à peine qu'il entend soudain une voix intérieure qui lui dit : «Va confesser ce pauvre homme». Le serviteur fidèle obéit immédiatement. Il appelle le pénitent, le confesse; après quoi, celui-ci lui dit que cette nuit-là même que le père avait passé sans dormir, il lui était apparu, et l'avait engagé à venir se confesser. « Mais comment cela est-il possible, lui dit le père Paul»? C'est ainsi, réplique le pénitent, vous m'avez dit: viens te confesser». Le serviteur de Dieu admira les jugements également insondables et miséricordieux du Très-Haut; il crut avec raison que cette apparition venait de son ange gardien qui avait voulu le seconder dans l'œuvre si sainte et si divine de la conversion des âmes.

   

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