Introduction
Sœur Marie-Aimée de
Jésus voulant prendre le contre-pied des affirmations d'Ernest Renan
va considérer, dans son œuvre "Jésus est le Fils de Dieu",
les principaux aspects de la révélation concernant le Verbe de Dieu.
Puis elle abordera la nature de Jésus-Christ, Verbe de Dieu incarné,
vrai Dieu et vrai homme ayant un corps et une âme. Marie-Aimée écrit
comme sous la dictée, traitant, sans aucun document,
les thèmes les plus délicats de la théologie avec une facilité
déconcertante; même les références bibliques ou celles des écrits
des Pères et des docteurs de l'Église lui arrivent sans effort.
Lorsque le thème traité
est bien exposé, Marie-Aimée replace souvent au sein de la sainte
Trinité, dont Il est, le Verbe de Dieu et par conséquent
Jésus-Christ qui est le Verbe de Dieu incarné. Marie-Aimée aurait pu
en rester là, et son œuvre aurait été magistrale; mais elle devait
aller plus loin. Ce long et remarquable travail que Dieu demande à
une simple religieuse peu cultivée doit être comme un manuel destiné
à conduire les âmes, surtout les âmes religieuses, à l'oraison, à la
contemplation, et à la sainteté. Aussi, "Jésus-Christ est le Fils
de Dieu", outre son objet initial: contrer les affirmations
d'Ernest Renan, est-il également un ouvrage destiné à conduire les
âmes à la perfection que Dieu leur demande.
Quelques remarques
générales s'imposent maintenant:
Sœur Marie-Aimée de
Jésus ne se présente jamais comme une mystique. Elle ne parlera
jamais d'éventuelles révélations qu'elle aurait reçues. Les scènes
de l'Évangile, qu'elle décrit, elle les imagine, écrit-elle. Comment
"voit-elle" ce qu'elle écrit? Mystère! Son texte "dicté" par Jésus,
mais sans parole, se présente sous la forme de réflexions
personnelles. Jésus lui dicte tout, mais indirectement; car tout
"sort" d'elle-même et ne vient pas de l'extérieur. Autant qu'on
puisse en juger, elle n'eut pas d'extase et rien, dans sa vie de
carmélite ne la distingua jamais de ses compagnes. Sa discrétion
concernant son travail d'écriture fut grande, mais, comme nous
venons de le signaler, cela lui arrivait "tout seul"; elle n'avait
qu'à écrire ce qui lui venait à l'esprit. On peut également être
étonné, non seulement par la qualité littéraire et intellectuelle de
ses textes, mais également par leur structure et leur richesse
théologique et mystique.
L'œuvre de Marie-Aimée
de Jésus suit, pas à pas, la vie de Jésus présentée dans l'Évangile.
Marie-Aimée contemple des scènes, les médite, cherche à les
comprendre pour en tirer quelques conclusions profitables pour la
vie spirituelle des âmes religieuses, car Marie-Aimée de Jésus
semble s'adresser essentiellement à des âmes religieuses, ou
consacrées. En effet, chaque chapitre de cette œuvre immense se
termine par de longues réflexions sur la vie d'oraison, la vie
spirituelle, l'union à Dieu, etc... toujours adaptées au thème qui
vient d'être développé. L'œuvre de Marie-Aimée de Jésus constitue
ainsi un véritable traité de vie de contemplation, de vie mystique,
à l'imitation de Jésus-Christ.
Un autre point est
important à signaler: après avoir décrit et médité une scène de la
vie de Jésus, Marie-Aimée de Jésus, au moins dans le tome 1,
revient presque toujours à la Sainte Trinité. Car Jésus-Christ,
Verbe de Dieu incarné est vraiment un homme comme nous, mais Il
appartient toujours à la Sainte Trinité dont Il est; Jésus, Verbe de
Dieu incarné, est, en raison de l'union hypostatique, vrai Dieu et
vrai homme.
Enfin, il ne faut pas
oublier le but des écrits de Marie-Aimée: réfuter les erreurs
d'Ernest Renan émises dans sa "Vie de Jésus". Lorsqu'un dogme est
émis, ou quand une évidence est énoncée, Marie-Aimée n'hésite pas à
montrer son indignation envers "les hérétiques", avec force, et
parfois violence.
1-Le Verbe de Dieu
Reprenant l'Évangile de
saint Jean, Marie-Aimée de Dieu paraphrase: "Au commencement
était le Verbe. Au commencement, c'est-à-dire dans le principe sans
principe... était le Verbe, était, avait l'être, l'être éternel dans
l'Être éternel... Le Verbe n'est pas un son, mais il est Dieu...
C'est le Père qui a dit: 'Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré
aujourd'hui...' aujourd'hui qui est le terme de l'Éternité... le
jour de Dieu... Et qu'y avait-il avant la création du temps, sinon
l'éternité?..." Marie-Aimée dira plus loin, citant saint
Grégoire le Thaumaturge: "Il n'y a qu'un Dieu le Père qui est le
Père du Verbe vivant, sa sagesse essentielle, sa puissance et son
éternelle image.... Il n'y a qu'un Seigneur, seul Fils du seul Père:
Dieu engendré de Dieu... le vrai Fils du vrai Père... Et il n'y a
qu'un seul Esprit qui procède de Dieu et qui a été manifesté par le
Fils aux hommes."
Ainsi, tout
naturellement, parlant de la révélation du Verbe de Dieu,
Marie-Aimée aborde la sainte Trinité: "Il n'y a donc dans la
Trinité rien de créé... Le Père n'a jamais été sans le Fils, ni le
Fils sans le Saint-Esprit, mais la Trinité, toujours la même, est
immuable..."
Devant un tel mystère
l'âme fidèle ne peut qu'adorer; et Marie-Aimée s'écrie:
"Seigneur, donnez-moi des ailes de colombe afin que... je m'élève
sur les hauteurs de la foi seule... La foi seule me montre Dieu
éternel et en Lui le Verbe éternel; elle me montre l'Esprit-Saint
qui procède du Père et du Fils... Mon Dieu, je ne veux plus rien
voir, rien entendre, pour vous entendre, vous seul, vous
toujours..." Devant un tel mystère, l'âme se tait, car "le
flux et le reflux de paroles inutiles obscurcit l'intelligence,
charge la mémoire, affaiblit la volonté, agite le sens..."
La vie du Verbe
"dont l'être est éternel est un acte pur, simple et éternel. De
toute éternité le Père se connaît, se contemple et engendre son fils
unique, Dieu comme Lui... De toute éternité le Fils connaît le Père
et contemple son Père... et de cette occupation... procède un amour
infini... qui est le Saint-Esprit. Tel est l'acte par excellence de
la suradorable Trinité... Le Verbe est Dieu... Il règne avec le Père
et le Saint-Esprit. Voilà sa vie!... Le Verbe connaît... Il
contemple... Il aime. Il est connu, Il est contemplé, Il est
aimé..." Le Verbe est Dieu: "Ces mots ne suffisent-ils pas à
réduire au silence tous ceux qui osent nier la divinité de
Jésus-Christ?" Incontestablement, Marie-Aimée de Jésus s'adresse
ici directement à Ernest Renan qui niait la divinité de Jésus.
L'âme de la grande
mystique qu'était Marie-Aimée se laisse alors transporter
d'admiration: "... Ô mon Dieu! Qui êtes-vous et qui suis-je?...
Vous êtes Dieu, et je suis une vile créature... Vous êtes la sagesse
et je suis pleine de vanité! Vous êtes la vérité de Dieu, et je suis
pleine de mensonge... Vous êtes dans la lumière, et moi dans les
ténèbres de la foi... Vous vous louez sans interruption, et moi je
suis sujette à une foule de distractions, occupée nécessairement aux
choses d'ici-bas..."
Marie-Aimée contemple
longuement les perfections du Verbe, Fils unique de Dieu, éternel
comme le Père et le saint-Esprit, Sagesse de Dieu. Il contient tout,
et rien ne peut le contenir, mais comme le Père et l'Esprit, Il est
incompréhensible à cause de la simplicité de son Être.
"Le Verbe est la
Vérité de Dieu... la science, la richesse, la gloire... Le Verbe
est immuable... Lui seul est digne de Lui!... Le verbe est Dieu et,
à cause de cela, Il est indépendant, souverain, infini, infiniment
infini! Il est la bonté, l'amabilité, la grandeur, la douceur même;
mais Il est aussi fort, terrible et redoutable... Rien ne l'atteint,
rien ne lui nuit, rien ne lui manque... Il est le tout... Sa gloire,
le Verbe ne l'a pas reçue du dehors, mais elle vient de lui-même:
c'est la Gloire du fils unique du Père!" (Chapitre 3)
Marie-Aimée a hâte de
découvrir le Verbe de Dieu "en son entier... Dieu est charité...
et sa tendresse n'a pas plus de limites que son immensité... Parce
que Dieu est amour, Dieu est source et parce que Dieu est éternel,
Il est source intarissable; parce que Dieu est immense et infini, il
n'a qu'à se répandre en Lui-même. Mystère de gloire!... Cette source
divine ne demande qu'à se épandre en l'abîme humain, en sept fleuves
principaux: fleuves de bonté, de tendresse, de miséricorde, de
douceur, de charité, de dévouement et d'union...
Fleuve de bonté
parce que Dieu est amour et faire du bien à celui qu'on aime, c'est
se contenter soi-même. Fleuve de tendresse... car l'amour est
d'abord un sentiment... De toute éternité, Dieu m'a aimée, a pensé à
moi... Fleuve de miséricorde parce que Dieu est amour et
celui qui aime pardonne beaucoup... Fleuve de douceur... Dieu
est doux parce qu'Il est fort... Le Verbe incarné vient au monde:
c'est un petit enfant comme moi... Il grandit comme moi, nous sommes
de la même taille, nous mangeons à la même table, nous goûtons les
mêmes plaisirs, nous endurons les mêmes douleurs... Quelle
douceur!... Fleuve de dévouement... Pour moi Il veut être
trahi, garrotté, flagellé, couronné d'épines, moqué, couvert de
plaies, crucifié. Quel dévouement! Fleuve d'union. Parce que
Dieu est amour, Dieu tend essentiellement à s'unir avec ce qu'Il
aime, et je suis cet objet!... Le Verbe de Dieu incarné institue la
sainte Eucharistie afin de s'unir à moi et de m'unir à Lui, en sorte
que nous ne fassions plus qu'un. Quelle union! C'est dans ce but...
qu'Il m'attend dans son Tabernacle." (Chapitre 4)
Devant les merveilles
de la perfection du Verbe de Dieu, l'âme ne peut qu'admirer, adorer,
aimer, et même trembler. L'âme ainsi saisie par Dieu est soudain
pleine d'une crainte ineffable, mais, "cette crainte ne porte pas
l'âme à fuir... elle la rend immobile et silencieuse devant la
Majesté divine." L'âme est captivée par Dieu et effrayée
d'elle-même: "elle sonde son néant... sa petitesse... son
impureté... son inconstance... Ces vues augmentent son respect,
purifient sa crainte... Ô crainte chaste et sainte, que vous
glorifiez le Verbe! Vous êtes le principe de l'amour, source de
toutes les vertus... Un amour né de la crainte, de l'admiration, du
respect, c'est un amour chaste et viril qui enfantera toutes les
vertus, et qui... parce qu'il est vierge, ira se perdre en Dieu..."
(Chapitre 3)
Ainsi livré à la
contemplation de l'Être infiniment grand, l'âme ne voit plus que
trois choses à craindre: la colère de Dieu, sa faiblesse à elle et
le péché.La crainte véritable est le commencement de tout, parce que
cette crainte est le commencement de l'amour, de l'humilité, le
commencement de toute âme qui commence bien. (Chapitre 3) Et le cœur
de l'âme est plein de reconnaissance pour tous les bienfaits de
Dieu. En effet, Dieu commence par faire le vide en Marie-Aimée en
lui rappelant son néant, son insuffisance, en lui montrant sa
perversité et l'horreur de ses plaies. Dieu a fait le vide en elle
en lui montrant ses infidélités et l'arrêt de sa condamnation. Mais
Dieu l'a comblée de son amour, et Marie-Aimée s'écrie: "Ô
Dieu! Que vous êtes près, par l'amour, de l'âme humble qui s'éloigne
de vous par respect! Qu'elle est près de vous connaître celle qui se
connaît, qui vous aime, qui vous loue de vos bienfaits."
(Chapitre 4)
Comment expliquer la
divine beauté du Verbe puisqu'il est pur esprit? Comment un homme
peut-il parler de cette beauté à un autre homme? "Dieu est la
beauté même... beauté spirituelle, beauté éternelle... immuable
parce qu'elle est éternelle. La beauté de Dieu, quoique invisible,
opère, même ici-bas, de merveilleux effets: elle purifie les âmes,
les console, les captive, les enchaîne... C'est une beauté qui
tourmente admirablement et commence sur terre, le Purgatoire de
certaines âmes: cette souffrance peut s'appeler le martyre de
l'amour... Ô tourment mystérieux de la beauté divine! Supplice pour
les damnés... béatitude des anges, des saints et de la Trinité
elle-même... beauté ancienne... beauté nouvelle... Les attributs du
Verbe sont autant de traits de sa divine beauté, autant de jets
lumineux de ses divins charmes...
Le Verbe est Dieu,
il est le vrai beau, le seul beau, la beauté même, la beauté
vraiment belle, seule belle... Le Verbe est ce Tout infiniment digne
d'être aimé pour lui-même... Ô beauté de mon Dieu, que vous êtes
belle!... Ô Seigneur, Fils de Dieu qui ne vous aimera pour
vous-même?...
Mais si Dieu est la
beauté même, il est aussi la béatitude; il est à lui-même sa
béatitude... parce qu'il est 'Celui qui est' ... Le bonheur
consiste, non seulement à posséder la vie, mais encore à la posséder
dans la paix ou le repos, dans la joie ou le plaisir, dans l'amour
pur et satisfait, dans la gloire sans ombre et sans nuage, enfin
dans la communication de ce même bonheur... Le Verbe de Dieu, dans
le sein de Dieu... est amour... il est à lui-même sa propre
gloire... Il est l'Unique Fils de Dieu, le Bien-Aimé de celui qui
l'engendre, la seconde personne de la Trinité adorable; de lui aussi
bien que du Père, procède le Saint-Esprit. Voilà la gloire du
Verbe... Le bonheur n'est véritable que s'il est éternel; c'est
pourquoi la béatitude n'est pas de la terre..."
Mais le Verbe
s'incarna pour sauver sa créature. Marie-Aimée de Jésus, contemplant
le bonheur du Verbe s'écrie: "J'ai trouvé le moyen de ne plus
souffrir: vous aimer; vous savoir heureux et jouir, c'est tout un,
c'est la même opération... Qu'elles me semblent vaines toutes les
joies de la terre! La pensée de votre bonheur émousse toutes les
épines qui m'attendent sur le chemin de la vie..."
Dès lors, l'âme qui a
compris cela affermit son espérance, car, dans la beauté de Dieu
elle a vu à quel point elle était méprisable. Mais par la grâce de
Dieu, son union avec Dieu se fait plus intime. Cependant une
incroyable angoisse surgit: l'ennemi peut se manifester avec ses
craintes, ses fantômes; l'intelligence peut s'obscurcir, la volonté
s'affaiblir. Alors, "pour rester fidèle et ne rien perdre de sa
force, l'âme s'armera de courage et de simplicité confiante, disant:
'Ô Jésus, Fils de Dieu! ne vous seriez-vous révélé à moi que pour me
refuser la lumière?... Le fini n'est-il pas créé pour se perdre dans
l'infini, comme le ruisseau dans l'océan? Je vous suivrai donc, ô
mon Dieu... Le démon fuira alors devant cette foi intrépide..."
Depuis toute éternité,
Dieu vivait sa vie dans un bonheur parfait... Mais le moment étant
venu, Dieu "par un acte de sa volonté, fit sortir du néant des
milliers de créatures, purs esprits, doués d'admirables prérogatives
et parfaitement beaux: les anges..." Cependant, selon
Marie-Aimée, ils ne pouvaient contempler leur créateur que dans la
lumière de la foi, Dieu leur réservant une épreuve avant de leur
accorder la vision béatifique. "Dieu leur montra le Verbe, Fils
de Dieu, sous la figure d'un petit enfant et le proposa à leur
adoration... Hélas! La charité de Dieu rencontra la folie de
l'orgueil de Lucifer." On connaît la suite: Lucifer n'ayant pas
cru à l'amour restera privé d'amour. Quelle lumière pour l'âme
appelée à l'union divine! Quelle leçon d'humilité! "Pour l'âme
comme pour l'ange, la divinité restera le but de ses adorations et
de son amour; sous le voile de l'humanité... elle aimera sans mesure
la Personne adorable du Fils de Dieu?"
Depuis toute éternité,
Dieu vivait sa vie dans un bonheur parfait... Mais le moment étant
venu, Dieu "par un acte de sa volonté, fit sortir du néant des
milliers de créatures, purs esprits, doués d'admirables prérogatives
et parfaitement beaux: les anges..." Cependant, selon
Marie-Aimée, ils ne pouvaient contempler leur créateur que dans la
lumière de la foi, Dieu leur réservant une épreuve avant de leur
accorder la vision béatifique. "Dieu leur montra le Verbe, Fils
de Dieu, sous la figure d'un petit enfant et le proposa à leur
adoration... Hélas! La charité de Dieu rencontra la folie de
l'orgueil de Lucifer." On connaît la suite: Lucifer n'ayant pas
cru à l'amour restera privé d'amour. Quelle lumière pour l'âme
appelée à l'union divine! Quelle leçon d'humilité! "Pour l'âme
comme pour l'ange, la divinité restera le but de ses adorations et
de son amour; sous le voile de l'humanité... elle aimera sans mesure
la Personne adorable du Fils de Dieu?"
Dieu est un acte pur et
éternel. Après avoir créé les anges, Dieu opéra le grand ouvrage de
la création de l'univers matériel et tout se montrait docile à la
voix du Verbe. Bientôt Dieu créa l'homme, "d'une nature
inférieure aux célestes intelligences; il le créa âme et corps,
esprit et chair... Et Dieu déposa dans l'âme de l'homme, un immense
besoin de l'infini, une soif inextinguible d'amour et de vérité...
et le besoin d'un Dieu à qui il puisse rendre hommage...."
L'âme contemplative
s'émerveille: "Dieu de toute puissance recherche un être petit,
faible, et qu'Il sait devoir être pécheur... quelle leçon!... Mais
l'âme est d'autant plus unie à Dieu qu'elle se conforme davantage à
sa volonté..." Curieusement "elle ne peut s'exempter de
l'action. Elle ne peut vivre uniquement de contemplation... L'âme
que la vérité instruit est au large, elle se dilate... Si elle
allait toujours droit à la vérité,... elle trouverait le juste
milieu qui constitue la vertu. Et ce juste milieu, n'est-ce pas la
seconde Personne de la Sainte Trinité qui nous l'enseigne,
n'est-ce-pas le Fils de Dieu?... Elle est vraiment libre l'âme que
la vérité délivre des illusions du démon et du pauvre esprit
humain... Pourquoi donc les saints qui priaient avec tant de
bonheur, travaillaient-ils avec non moins de courage?... C'est qu'il
est nécessaire que toutes choses soient réglées, équilibrées...
Marie-Aimée contemple
la création d'Adam et d'Ève et la petite épreuve à laquelle ils
furent soumis: ne pas manger le fruit d'un arbre. Mais l'homme et la
femme désobéirent. Dieu les condamna à la souffrance et à la mort,
maudit le serpent dont la tête serait écrasée par le talon d'une
femme, laquelle mettrait au monde Jésus-Christ, Fils de Dieu, le
Rédempteur du monde. Pour se venger, l'Ange orgueilleux cherchera à
attirer l'homme dans son malheur, et à refuser l'amour. Mais Dieu
fidèle à Lui-même s'est fait homme. "Dieu s'est abaissé et ne
s'est point amoindri." Dès lors, l'union à Dieu promise à l'âme
exigera d'elle une grande fidélité et un guide sûr: le Rédempteur
venu du ciel.
Qu'est-ce que cette
union promise? "C'est la liaison étroite en plusieurs personnes
ou de plusieurs choses en une seule. L'amour de Dieu à l'égard de
l'homme va jusque là..." Il y a plusieurs degrés dans l'union à
Dieu que Marie-Aimée cite:
– Le Baptême
qui incorpore l'homme à Jésus-Christ et lui donne la grâce
sanctifiante; l'âme devenue ainsi le sanctuaire de la Très Sainte
Trinité est unie aux trois personnes divines et participe à la vie
de Dieu.
– Par
l'Eucharistie, l'âme est tellement unie à Jésus-Christ qu'elle ne
fait qu'un avec lui: "Elle ne vit plus, c'est Jésus-Christ qui
vit en elle."
– La
profession religieuse est destinée à compléter l'union que l'homme a
contractée avec Dieu par le Baptême. "La profession religieuse
est une glorieuse réparation à l'amour de Dieu outragé ou délaissé
par l'ingratitude des créatures... La profession religieuse n'est
pas un sacrement; elle achève en l'homme ce qui manque du côté de
l'homme à l'efficacité des sacrements. " Mais c'est une immense
faveur que Dieu fait à l'âme qui y est appelée, et dont la virginité
lui assigne une place à la suite de l'Agneau.
Comme il y a diverses
sortes de perfections adaptées à chaque âme, Marie-Aimée fait
remarquer que "plus les âmes découvrent Dieu, plus Dieu leur
montre, dans des proportions toujours croissantes, la perfection
qu'il veut d'elle... La diversité des appels, des grâces, des
inspirations, est un des plus beaux aspects du monde spirituel...
Tous ces attraits sont autant de signes que Dieu appelle une âme à
une union intime avec lui..." Mais attention! "Le plus petit
obstacle empêche l'union parfaite de l'âme avec Dieu." C'est la
doctrine clairement exprimée par saint Jean de la Croix auquel
Marie-Aimée se réfère souvent.
Marie-Aimée donne un
autre avertissement: "Il ne faut pas non plus prendre le
sentiment pour la volonté; seules les fautes volontaires entravent
l'union divine..." Marie-Aimée ajoute: "L'union à Dieu, qui
est le travail de toute la vie et dont le degré est connu de Dieu
seul, demande la résolution sincère de travailler sans trêve ni
relâche..." L'union à Dieu demande aussi la rupture de tous les
fils qui la rendent captive: attache aux créatures, aux parents et
aux amis, l'attache pour un animal, pour un lieu, un emploi. L'âme
s'aperçoit qu'elle est trop attachée à elle-même quand elle tient à
ses pensées, quand ses désirs sont trop ardents, qu'elle est trop
agitée, préoccupée... Elle constatera ses antipathies dont le motif
est généralement la jalousie, la vengeance, l'orgueil: l'antipathie
est un obstacle à l'union divine.. . "Par le saint détachement,
l'âme rompt tous ses liens, elle s'élève au-dessus d'elle-même, de
la création entière et s'unit à son Créateur... Dieu l'embrasse et
la perd en son sein..."
Dès lors, "tout est
détruit, tout est livré, tout a cédé aux divines exigences, et
Dieu... inonde cette âme d'une paix, d'une joie aussi douce qu'elle
est pure..."
Remarque importante:
À partir du chapitre 8,
Marie-Aimée, nous venons de le voir, revient à la création et à la
chute d'Adam et d'Ève. Puis, aux chapitres 9 et 10, elle passe en
revue les grandes figures, hommes et femmes, de l'Ancien Testament
et les prophètes. Toutes ces figures annonçaient la venue du
Rédempteur. À la demande de son directeur, Marie-Aimée rassembla
toutes ses méditations concernant les "annonciateurs" du
Rédempteur, en un volumineux Appendice qui est comme une
illustration d'un important traité de vie spirituelle. Nous
présenterons en détail ce long "Appendice" à la fin de notre étude.
Pour conserver la structure remarquable de la pensée de Marie-Aimée,
nous donnons cependant ci-dessous un bref résumé des chapitres 9 et
10.
Marie-Aimée de Jésus
grâce à un rapide survol de la Bible, rappelle les grandes figures,
qui après Adam, ont annoncé la venue du Sauveur et ses grandes
qualités: Abel l'innocent, Noé, le consolateur, Melchisédech le
grand-prêtre, puis Isaac, Jacob, Joseph, et Moïse. Marie-Aimée cite
aussi d'autres grands nom: Josué, Gédéon, Samson, David et Salomon,
sans oublier le saint homme Job. Au passage elle harangue les
incrédules de son temps qui, sans le savoir, sont à l'origine de son
œuvre. "Le Verbe Incarné est, par excellence, le roi des cœurs...
Que les incrédules sont coupables! Qu'ils sont aveugles! Qu'ils sont
malheureux! Oui, Jésus est le Roi des cœurs! Que les incrédules et
les hérétiques le veuillent ou non, au ciel et déjà sur la terre,
des millions de martyrs ont confessé et confesseront encore la foi à
sa divinité! Qu'ils le veuillent ou non, des millions de saints ont
été et seront encore épris de ses bontés! Qu'ils le veuillent ou
non, des millions de vierges forment et formeront éternellement son
cortège et chanteront ses louanges!"
Et Marie-Aimée peut
affirmer que l'âme entre alors dans une connaissance plus précise de
l'union à laquelle elle est conviée. "Cette union intime avec
Dieu est une union d'état plutôt que d'actes; elle est l'ouvrage de
toute la vie..." Cependant l'âme a besoin de s'informer sur le
chemin qu'elle devra parcourir, sur les ennemis qu'elle rencontrera,
sur toute l'étendue de ses promesses initiales. C'est un long
travail qui se présente, et l'âme doit trouver les moyens qui lui
seront nécessaires pour avancer: la mortification, la prière et la
patience. "Tout d'abord, l'âme se donne généreusement..."
Elle semble prête à tout, elle s'est donnée pleinement à Dieu et
elle s'abandonne à Lui, disposée à recevoir de sa main les peines ou
les consolations, les épreuves ou les faveurs. Mais que de travail
cela suppose!
"L'âme doit
travailler pour acquérir les vertus que désire trouver en elle Celui
à qui elle désire s'unir: piété, douceur, humilité... vertus de
force, de générosité, de magnanimité, mais surtout elle tendra à
l'amour, à un amour désintéressé, prêt à tout sacrifier, amour libre
cependant... Et elle peut reculer... Mais si l'âme entre dans la
voie étroite, elle trouvera la vie... S'il lui en coûte quelque peu,
n'est-ce pas justice? Mais, de combien de souffrances Jésus-Christ
ne l'affranchira-t-il pas si elle se donne à Lui. Oui, elle peut
aller à sa rencontre, mais du plus loin que le Fils de Dieu
l'apercevra il dira: 'Notre sœur est petite.' Qu'elle ne s'arrête
donc pas... qu'elle prenne l'Écriture, mange le pain des forts,
s'abreuve du vin qui fait germer les vierges; car il lui reste
encore un long chemin à parcourir; elle est loin de Bethléem, et de
Bethléem, elle doit aller jusqu'au Calvaire."
Marie-Aimée rappelle
que l'Incarnation du Fils de Dieu, qui avait d'abord été annoncée
par voie orale, aux patriarches, le sera bientôt par les prophètes.
Ces derniers annoncent, racontent et chantent le Sauveur d'Israël.
Les premières annonces sont d'abord rassemblées dans le 2ème
livre des rois, puis dans les livres des prophètes dont certains,
comme Isaïe et Michée, sont remarquablement précis. Ainsi, Isaïe a
vu les épreuves du Sauveur qui échappe au massacre ordonné par le
roi Hérode. La vie publique de Jésus est bien signalée par le
prophète Michée qui proclame: "Celui qui doit venir... conduira
son troupeau... dans la sublimité de la majesté de Dieu; les peuples
se convertiront parce que sa grandeur éclatera jusqu'aux extrémités
du monde... Il délivrera le pauvre qui crie vers lui et le
malheureux dépourvu de secours..." Zacharie annonce le triomphe
de Jésus à Jérusalem, monté sur le petit d'une ânesse. Isaïe "voit"
la Passion du Christ, et la dépeint "comme s'il avait assisté à
ces scènes lugubres."
Mais les prophéties
vont encore plus loin, les psaumes chantent souvent "la pierre
rejetée par les bâtisseurs devenue la pierre d'angle..., car le
Christ "a vraiment été élevé en gloire..." Marie-Aimée ne nie
pas que ceux qui ont condamné Jésus aient été bien coupables,
"mais de quel nom qualifier l'obstination de ceux qui les nient,
depuis qu'elles sont accomplies à la face du ciel et de la terre?
Malheureux hérétiques de tous les temps!"
Après cette longue
méditation, Marie-Aimée parle de l'âme qui sera éprouvée par la
sécheresse; "dans sa tristesse elle aura recours aux armes dont
elle ne sépare jamais: la défiance d'elle-même, la confiance en
Dieu, le mépris de ses adversaires, et par-dessus tout, la prière...
Elle devra supporter les épreuves de Dieu avec une parfaite
générosité, les délais ou les rigueurs du Seigneur, mépriser les
agitations et les rugissements de l'ennemi... L'âme ne craint rien
parce que le Seigneur la conduit, parce qu'il la console en lui
faisant sentir sa présence, en confirmant sa foi..." Avec les
séraphins elle chantera la gloire de Dieu.
Comme Isaïe, elle se voit avec ses péchés en présence du Saint
des saints et la gloire de Dieu lui découvre qu'il n'y a rien de
sain dans son être. Que peut faire l'âme? "Se livrer, c'est dire
plus que s'abandonner, invoquer Jésus agonisant, qui, pour nos
péchés, a senti la colère de Dieu..." Mais, ce faisant, Dieu
purifie sa bien-aimée, la visite et se donne à elle: "Le moment
de l'union approche..." Mais "il serait difficile et
téméraire de décrire, ou même d'entreprendre d'expliquer ce qui se
passe entre Dieu et son humble amante."
Mais que l'âme se
rassure, Dieu ne la dédaigne pas parce que son amour, imparfait est
le fruit de son cœur. L'âme ne peut rien par elle-même;
"cependant une étincelle d'amour, la moindre flamme de charité,
reçue en don gratuit mais attisée à l'aide du secours de Dieu, ravit
ce Dieu tout-aimant... L'âme ainsi préparée par les épreuves et les
labeurs de la vie intérieure... est conviée à entrer dans l'union
qu'elle désire; elle est prête à entendre la voix de l'Époux qui
l'appelle..."
Le Verbe doit
s'incarner dans un corps d'homme, pour sauver l'humanité. Mais le
Verbe doit aussi "connaître" et "vivre" tout ce qui est dans
l'homme. Il doit donc se préparer une maman. Marie-Aimée de Jésus
écrit: "Le Verbe de Dieu devant habiter parmi nous, son Père
voulut lui préparer une demeure digne de lui dans l'âme de sa Mère.
En conséquence, Marie devait être élevée au-dessus de toutes les
créatures, de tous les anges, de tous les saints, comblée de dons
célestes et douée de la sainteté la plus grande que l'on puisse
concevoir au-dessous de Dieu, sainteté telle que nous ne pouvons la
comprendre... Et de même que Marie, toute pure et immaculée, a le
droit et la puissance d'écraser la tête du serpent infernal, de même
Marie, Mère de Jésus-Christ Verbe Incarné, devient par droit la Mère
des enfants de Dieu, des frères et des cohéritiers de Jésus-Christ,
son Fils...
Marie, dans sa
conception, échappe au venin du serpent; elle est le jardin fermé,
la fontaine scellée, la toute belle; la toute pure, la parfaite,
l'unique... Elle est la toison de Gédéon... la porte close
d'Ézéchiel, ouverte à Dieu seul... Marie naît. C'est l'aurore qui se
lève... C'est la blanche colombe... c'est l'arc-en-ciel... Dès l'âge
de trois ans Marie entendit et comprit cette divine parole: 'Ma
fille, oublie ton peuple et la maison de ton Père, et le roi sera
épris de ta beauté...' Marie s'engage à demeurer vierge... Marie vit
dans la solitude du Temple...
Marie avait à peine
quatorze ans lorsque Dieu, dans sa sagesse, voulut qu'elle eût un
époux, pour cacher sans doute au démon l'incarnation du Verbe et
sauvegarder, aux yeux d'un monde pervers, l'honneur de la Vierge
bénie... Le Saint-Esprit survient en elle et le Verbe s'incarne dans
son chaste sein..."
Marie-Aimée retrouve
Marie au pied de la Croix, et la compare à Esther ou à Judith qui
ont risqué leur vie pour sauver le peuple de Dieu. "Marie s'offre
avec son fils et devient réellement la nouvelle Ève, la Mère des
vivants, c'est à dire de ceux que son Fils a rachetés... Au cénacle,
Marie reçoit l'abondance des dons du Saint-Esprit... C'est le
buisson ardent dans lequel Dieu se fait entendre. Marie meurt
d'amour... Elle est enlevée au ciel par les anges et prend place à
côté de son Fils... Elle est reine comme épouse du Saint-Esprit,
reine comme Mère du Fils, reine comme Fille du Père. Elle est reine
car le Père est Roi, le Fils est Roi, le Saint-Esprit est Roi; ce ne
sont pas trois rois, mais un seul, et il n'y a aussi qu'une reine,
c'est Marie... Marie a surpassé toutes les reines... elle est la
merveille des siècles, l'étonnement des anges, la joie des élus, la
consolation de la terre et toute son espérance..."
Pour que Marie soit
reconnue, Dieu donne un signe exceptionnel: la maternité liée à la
virginité. 'Son Fils est appelé Emmanuel: Dieu avec nous'.
Ceci dit, Marie-Aimée comprend que les hérétiques "aient intérêt
à nier la virginité de Marie, puisqu'ils ne veulent pas reconnaître
le divinité de Jésus-Christ.... Certes, la virginité de Marie reste
cachée sous l'ombre protectrice de Joseph, mais ce n'est pas une
excuse pour l'incrédule... Si Marie n'est pas la Vierge, Mère du
Fils de Dieu fait homme, alors c'est une autre... Mais quelle est
cette autre?... Et ils gardent le silence... Les hérétiques nient
sans dire pourquoi; ils nient sans même savoir pourquoi. Ils nient
parce qu'ils veulent nier... peut-être uniquement parce que le
courage leur manque pour mettre leur conduite à la hauteur de leur
foi..."
Quelle conversion se
manifeste alors pour l'âme épouse de Jésus-Christ? Marie n'a pas
besoin de conversion, mais tout le vieil homme, le vieil Adam doit
être immolé. "Alors, Jésus-Christ vivra en nous, non en prenant
notre vie, mais en nous donnant la sienne. Mourir pour vivre, mourir
à nous pour vivre à Dieu, c'est ce travail, c'est cette mort et
cette vie qui constituent la transformation... et l'âme peut dire:
'Je vis; non ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit
en moi'."
Ce travail n'est pas
facultatif. "La transformation n'est pas un état extraordinaire
auquel certaines âmes privilégiées puissent seules parvenir; toutes
y sont appelées... Notre transformation en Jésus-Christ est le but
de la vie de Jésus-Christ en ce monde... Tous les hommes sont tenus
de devenir ce que Jésus-Christ a eu l'intention qu'ils devinssent,
d'autres lui-même... Que dire alors de l'âme religieuse qui est
l'épouse de Jésus-Christ?... Cette âme doit s'efforcer de bannir les
pensées terrestres de son esprit, les sentiments imparfaits de son
cœur... elle doit reproduire l'image de son Époux... elle s'élance,
elle court, elle vole au-devant des moyens qui peuvent assurer sa
réussite. Et le moyen par excellence, c'est de regarder
Jésus-Christ... Ce regard sur Jésus-Christ, quelle créature...
pourrait mieux nous en donner une idée que Marie?..."
Marie-Aimée de Jésus
contemple le mystère de l'Annonciation. La Vierge Marie prie...
L'Ange la salue et lui annonce qu'elle va concevoir un Fils auquel
elle donnera le nom de Jésus. "Il sera grand et sera appelé Fils
de Dieu." Intérieurement la Vierge Marie "relit" le prophète
Isaïe: "Une Vierge concevra et enfantera un fils qui sera appelé
Emmanuel: Dieu avec nous." L'Ange poursuit son annonce... Marie
attend dans un humble silence... Marie est la Servante du Seigneur.
L'Ange peut se retirer. "Dieu s'approche; la Trinité tout entière
va opérer son œuvre."
De même que les trois
personnes avaient créé l'homme, ces trois Personnes: un seul et
unique Dieu, vont façonner, en Marie, l'Homme unique qui sera revêtu
de la divinité. "La Trinité a accompli le prodige: Dieu s'est
fait homme sans cesser d'être Dieu. Il est tout à la fois le
Dieu-Homme et l'Homme-Dieu, Dieu parfait, homme parfait; vrai Fils
unique du Père qui l'engendre de toute éternité, vrai fils unique de
la Vierge qui l'engendre dans le temps et devient ainsi la Mère de
son Créateur..."
Marie est en extase. Le
Verbe est en elle comme en un temple. "Marie est le premier autel
où Jésus s'offre en hostie de louange, en oblation et en sacrifice
pour le salut de tous..." Les anges adorent leur Dieu fait
homme... Marie-Aimée de Jésus salue Marie pleine de grâces...
Poussée par la grâce de
Dieu, Marie-Aimée de Jésus contemple son âme. "L'âme est appelée
à concevoir mystiquement Jésus-Christ de deux manières: par la
connaissance et par l'amour. L'âme le conçoit par la connaissance
dans son intelligence; elle le conçoit dans son cœur par l'amour."
L'intelligence de l'âme lui découvre Jésus-Christ: Dieu, Verbe
éternel, tout-puissant, mais doux et humble de Cœur, accessible à
tous, accueillant les petits et les grands. Jésus est pauvre; il n'a
rien en propre, il accepte l'hospitalité, s'approche des malades,
éclaire les esprits, redresse les écarts, fortifie, purifie...
"Les pardons de Jésus sont sans retour comme sans défiance... Ses
appels sont tendres. Rempli de sagesse... il loue la foi, affermit
l'espérance... Il temporise, il attend... Soumis à ses créatures,
Jésus-Christ ne conteste jamais, il obéit, il se tait et ne fait
sentir son empire qu'aux démons...
Jésus-Christ est
passé sur la terre en faisant le bien, et il n'a rencontré le plus
souvent que des ingrats... Il a été en butte aux contradictions des
hommes... Il s'est laissé conduire à la mort comme un agneau, et,
près d'expirer, il a prié pour ses bourreaux... et celui qui agit
ainsi comme homme, c'est le Fils unique de Dieu, le Créateur et le
Roi du ciel et de la terre, le Dieu de gloire et de majesté, le juge
souverain des vivants et des morts. Tel est le Verbe, abrégé pour
nous, abrégé aussi dans le sein de Marie... Il faut que l'âme
conçoive Jésus-Christ en son cœur par l'amour... par la volonté qui
aime et qui agit parce qu'elle veut aimer... Et le parfait amour
chasse la crainte, il est fort comme la mort..."
Pour Marie-Aimée de
Jésus, il existe des relations intimes entre Dieu et sa créature
préférée: l'homme. "Mais Dieu, avec l'homme déchu, mais le Verbe,
se revêtant d'une chair de péché, voilà le mystère, un mystère
profond d'humiliation... Dieu descend jusqu'à l'homme pécheur...
Qu'est-ce donc que
Dieu? Qu'est-ce donc que l'homme déchu et pécheur? Dieu est le Saint
des saints, l'homme déchu est par nature le péché vivant,
personnel... Dieu est un monde de gloire, l'homme déchu, un monde
d'ignominies... un amas de misères... Dieu descend dans le bourbier
du péché, dans cet abîme de ténèbres... C'est ce mystère
d'humiliation que le Verbe, aussi vrai Fils de Marie qu'il est vrai
Fils de Dieu, rappelle si souvent dans l'Évangile quand il se nomme:
'le Fils de l'Homme.'..."
Marie-Aimée s'étonne:
"L'homme, par une aberration qu'on ne peut qualifier, répond à un
tel amour par la plus monstrueuse des ingratitudes, celle de
l'orgueil. Qu'est-ce qu l'orgueil, en effet, sinon l'amour et
l'estime de soi, jusqu'à l'oubli et le mépris de Dieu?... On trouve
en lui la racine de tous nos défauts, et nous en sommes tous
infectés dans une mesure plus ou moins grande. Mais rien n'est plus
opposé au règne de Jésus-Christ dans l'âme... Que l'âme considère
donc combien l'esprit dont elle est si fière, est inférieur à ce
qu'elle le suppose, combien ce qu'elle croit savoir, et dont elle
tire vanité, est peu au regard de ce qu'elle ignore... L'âme, se
voyant assaillie du démon de l'orgueil, ne quittera pas les pieds de
Jésus-Christ sans avoir obtenu de comprendre que le néant n'a droit
à rien, et que Dieu à qui tout est dû s'est abaissé jusqu'au rien de
notre humanité, pour lui donner l'exemple... N'oublions pas au prix
de quelles humiliations il nous a réhabilités, et quel sort nous
attendait sans sa miséricorde.."
La Trinité ne pouvant
être divisée, le Verbe de Dieu en s'incarnant, ne s'est pas séparé
du Père ni de l'Esprit. Ainsi, "Dieu Trois et un, un dans son
essence, trois dans ses personnes, s'est rendu accessible à l'homme
en la personne du Verbe qui a revêtu notre nature humaine... Il est
venu sur la terre sans quitter le ciel, il s'est fait homme sans
cesser d'être Dieu... car Dieu ne peut cesser d'être Dieu...
tressaillons d'allégresse!... tout en s'abaissant, le Verbe conserve
sa gloire... l'humanité du Verbe, hypostatiquement unie à la
divinité en est pénétrée, comme l'éponge est imprégnée de l'eau dans
laquelle on la plonge..."
L'homme n'est pas fait
pour le néant mais pour la gloire. En raison du péché, le chemin qui
conduit l'homme à la gloire, c'est l'humilité. Et se bien connaître
et s'estimer à sa juste valeur, qui est bien peu, est le début de
l'humilité. La vertu d'humilité nous est antipathique; aussi nous
faut-il ressembler à Jésus, autant que possible. En conséquence,
"tout ce qui a été pour Jésus-Christ, une humiliation et un
abaissement, devient pour nous un sujet de gloire... Nous nous
sentons obligés de soutenir cette divine noblesse divine, en
imprimant en nous le cachet de son humilité..."
Le Fils de Dieu est
venu sur la terre parce qu'il l'a voulu, pour accomplir la volonté
du Père. La volonté du Père est la loi du Fils et sa nourriture;
librement le Fils s'offrira au Père, à l'Heure marquée par ce
dernier. Mystère qui révèle l'obéissance du Fils de Dieu!
Qu'en est-il pour
l'homme? Marie-Aimé explique que des deux volontés qui sont en nous,
l'une veut le bien, tandis que l'autre incline au mal. "Pour se
maintenir en équilibre, pour assujettir la volonté perverse, il faut
du courage sans doute, mais la foi et la confiance en Jésus-Christ,
sont des armes invincibles... Ce que Jésus-Christ veut, c'est notre
transformation en lui... Pour cela une seule chose est nécessaire:
le vouloir; et le vouloir, c'est déjà commencer d'obéir à Dieu... En
se désappropriant, l'âme commence à vivre pour celui qui l'attire à
son amour... Et comme l'obéissance ne peut exister sans l'humilité,
l'âme peut dire à Dieu: 'Me voici pour faire votre volonté, mais
enseignez-moi vos sentiers... car toute mon espérance est en
vous'."
Dieu est Amour! C'est
donc à l'Amour que Jésus s'adresse quand il parle au Père. Jésus
aime la Loi du Père, parce qu'en accomplissant cette Loi, il rend à
Dieu tout l'amour que la créature avait refusée. "Dieu étant un,
aucune de ses personne n'agit sans le concours des deux autres... De
toute éternité Dieu avait prévu le péché; de toute éternité
l'Incarnation du Verbe avait été décrétée... L'Incarnation est donc,
par excellence, le prodige de l'amour; mais qui en est l'objet?
L'homme... et l'homme pécheur... Et c'est en cela que le Verbe
manifeste l'amour qu'il porte aux hommes... Ô extase d'amour qui
fait descendre celui qui ne peut monter... folie d'amour qui attire
Dieu vers l'homme!... "
C'est dans cet amour
que l'âme réalisera sa transformation. La seule reconnaissance que
nous puissions témoigner à Dieu c'est de l'aimer, puisqu'il nous a
aimés le premier. "L'amour envers Dieu consiste à garder ses
commandements, et ses commandements ne sont pas difficiles... car
celui qui les garde demeure en Dieu et Dieu en lui... Tout est
possible à celui qui croit, combien plus à celui qui aime...
L'esprit d'amour nous fera courir, voler dans les voies de l'amour,
mais de l'amour pratique, qui sait agir, se dépenser, s'oublier pour
l'objet aimé... en toute chose faire la volonté de Notre
Seigneur..."
Marie-Aimée précise:
"M'immoler pour mes frères, les embrasser tous dans la charité de
Jésus-Christ, voilà ce qu'il faut à mon amour. Que Jésus-Christ soit
aimé, que toutes les âmes soient sauvées, c'est le désir de l'amour.
Il n'y en a pas d'autre..."
Après l'annonciation,
Marie, après avoir longtemps adoré "Dieu devenu son Fils" se
hâta, pressée par la charité, vers sa cousine Élisabeth. "Et le
Verbe, en Marie veut sanctifier son précurseur... Ô Jésus, vous êtes
la sainteté même... Votre héraut, votre précurseur, vous le voulez
pur et sans tache... vous vous hâtez d'aller lui conférer cette
grâce de sainteté que seul vous pouvez donner, parce que vous en
avez la plénitude... Le fils d'Élisabeth tressaille et salue son
libérateur, le sauveur attendu par Israël... Élisabeth fut aussitôt
remplie de l'Esprit-Saint... et Marie, l'humble Servante du
Seigneur, chanta le Magnificat..."
Quelle leçon l'âme
fidèle doit-elle tirer pour aujourd'hui? "Il semble que ce Dieu
de toute bonté se montre plus empressé à lui communiquer sa vie que
l'âme n'est capable de la désirer... Dieu s'annonce, il se découvre,
il descend dans l'âme... se sert d'une petite épreuve, et le germe
fructifiera; car partout où Jésus entre, c'est pour y croître
jusqu'à l'âge parfait... Cette semence est précieuse; la fidélité la
conserve, l'humilité la féconde, la confiance la nourrit... La joie,
la dilatation de cœur rejaillissent sur la physionomie, sur la
conduite... Elle prie, et sa piété est aimable; elle souffre, et son
humeur ne perd pas son égalité... Jésus est là...
L'âme fidèle doit
suivre l'exemple de Marie et de Jean-Baptiste... dans le silence...
pour écouter la parole de l'Époux... qui un jour fera tressaillir
cette âme d'un amour dont la seule joie sera de glorifier Dieu par
son humilité et par sa vie cachée à tous les yeux."..."
Saint Joseph, véritable
époux de Marie, n'est pas le Père du Verbe incarné. Marie ne lui a
pas parlé du mystère qui s'est accompli en elle; d'où les craintes
de Joseph et sa décision de la renvoyer en secret. Mais le Seigneur
veillait et demanda à Joseph de servir de père adoptif à l'Enfant
qui allait naître de Marie. Et à cet enfant qui sauvera son peuple
de ses péchés, Joseph devra donner le nom de Jésus. Immédiatement
Joseph prit Marie chez lui, et ils vécurent ensemble dans la
virginité. "Joseph est le modèle par excellence de la vie
intérieure et silencieuse dont il reçut les enseignements à l'école
de Jésus et de Marie... Il est le type de l'humilité et du parfait
détachement de soi-même..."
Joseph est le modèle
des âmes inexpérimentées, débutantes dans la vie spirituelle. Si
elles sont tentées, le silence et l'humilité de Marie et de Joseph,
leur seront un exemple des épreuves qu'il faut parfois savoir
supporter dans la discrétion et dans l'espérance.
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