JÉSUS-CHRIST EST LE FILS DE DIEU
TOME I
Le Verbe Incarné
 

 

par Paulette Leblanc

 

Introduction

 

Sœur Marie-Aimée de Jésus voulant prendre le contre-pied des affirmations d'Ernest Renan va considérer, dans son œuvre "Jésus est le Fils de Dieu", les principaux aspects de la révélation concernant le Verbe de Dieu. Puis elle abordera la nature de Jésus-Christ, Verbe de Dieu incarné, vrai Dieu et vrai homme ayant un corps et une âme. Marie-Aimée écrit comme sous la dictée, traitant, sans aucun document[1], les thèmes les plus délicats de la théologie avec une facilité déconcertante; même les références bibliques ou celles des écrits des Pères et des docteurs de l'Église lui arrivent sans effort.

Lorsque le thème traité est bien exposé, Marie-Aimée replace souvent au sein de la sainte Trinité, dont Il est, le Verbe de Dieu et par conséquent Jésus-Christ qui est le Verbe de Dieu incarné. Marie-Aimée aurait pu en rester là, et son œuvre aurait été magistrale; mais elle devait aller plus loin. Ce long et remarquable travail que Dieu demande à une simple religieuse peu cultivée doit être comme un manuel destiné à conduire les âmes, surtout les âmes religieuses, à l'oraison, à la contemplation, et à la sainteté. Aussi, "Jésus-Christ est le Fils de Dieu", outre son objet initial: contrer les affirmations d'Ernest Renan, est-il également un ouvrage destiné à conduire les âmes à la perfection que Dieu leur demande.

Quelques remarques générales s'imposent maintenant:

Sœur Marie-Aimée de Jésus ne se présente jamais comme une mystique. Elle ne parlera jamais d'éventuelles révélations qu'elle aurait reçues. Les scènes de l'Évangile, qu'elle décrit, elle les imagine, écrit-elle. Comment "voit-elle" ce qu'elle écrit? Mystère! Son texte "dicté" par Jésus, mais sans parole, se présente sous la forme de réflexions personnelles. Jésus lui dicte tout, mais indirectement; car tout "sort" d'elle-même et ne vient pas de l'extérieur. Autant qu'on puisse en juger, elle n'eut pas d'extase et rien, dans sa vie de carmélite ne la distingua jamais de ses compagnes. Sa discrétion concernant son travail d'écriture fut grande, mais, comme nous venons de le signaler, cela lui arrivait "tout seul"; elle n'avait qu'à écrire ce qui lui venait à l'esprit. On peut également être étonné, non seulement par la qualité littéraire et intellectuelle de ses textes, mais également par leur structure et leur richesse théologique et mystique.

L'œuvre de Marie-Aimée de Jésus suit, pas à pas, la vie de Jésus présentée dans l'Évangile. Marie-Aimée contemple des scènes, les médite, cherche à les comprendre pour en tirer quelques conclusions profitables pour la vie spirituelle des âmes religieuses, car Marie-Aimée de Jésus semble s'adresser essentiellement à des âmes religieuses, ou consacrées. En effet, chaque chapitre de cette œuvre immense se termine par de longues réflexions sur la vie d'oraison, la vie spirituelle, l'union à Dieu, etc... toujours adaptées au thème qui vient d'être développé. L'œuvre de Marie-Aimée de Jésus constitue ainsi un véritable traité de vie de contemplation, de vie mystique, à l'imitation de Jésus-Christ.

Un autre point est important à signaler: après avoir décrit et médité une scène de la vie de Jésus, Marie-Aimée de Jésus, au moins dans le tome 1,  revient presque toujours à la Sainte Trinité. Car Jésus-Christ, Verbe de Dieu incarné est vraiment un homme comme nous, mais Il appartient toujours à la Sainte Trinité dont Il est; Jésus, Verbe de Dieu incarné, est, en raison de l'union hypostatique, vrai Dieu et vrai homme.

Enfin, il ne faut pas oublier le but des écrits de Marie-Aimée: réfuter les erreurs d'Ernest Renan émises dans sa "Vie de Jésus".  Lorsqu'un dogme est émis, ou quand une évidence est énoncée, Marie-Aimée n'hésite pas à montrer son indignation envers "les hérétiques", avec force, et parfois violence. 

1-Le Verbe de Dieu

  • 1-1-La révélation du Verbe de Dieu (tome 1 - Chapitre 1)

Reprenant l'Évangile de saint Jean, Marie-Aimée de Dieu paraphrase: "Au commencement était le Verbe. Au commencement, c'est-à-dire dans le principe sans principe... était le Verbe, était, avait l'être, l'être éternel dans l'Être éternel... Le Verbe n'est pas un son, mais il est Dieu... C'est le Père qui a dit: 'Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd'hui...' aujourd'hui qui est le terme de l'Éternité... le jour de Dieu... Et qu'y avait-il avant la création du temps, sinon l'éternité?..." Marie-Aimée dira plus loin, citant saint Grégoire le Thaumaturge: "Il n'y a qu'un Dieu le Père qui est le Père du Verbe vivant, sa sagesse essentielle, sa puissance et son éternelle image.... Il n'y a qu'un Seigneur, seul Fils du seul Père: Dieu engendré de Dieu... le vrai Fils du vrai Père... Et il n'y a qu'un seul Esprit qui procède de Dieu et qui a été manifesté par le Fils aux hommes."

Ainsi, tout naturellement, parlant de la révélation du Verbe de Dieu, Marie-Aimée aborde la sainte Trinité: "Il n'y a donc dans la Trinité rien de créé... Le Père n'a jamais été sans le Fils, ni le Fils sans le Saint-Esprit, mais la Trinité, toujours la même, est immuable..."

Devant un tel mystère l'âme fidèle ne peut qu'adorer; et Marie-Aimée s'écrie: "Seigneur, donnez-moi des ailes de colombe afin que... je m'élève sur les hauteurs de la foi seule... La foi seule me montre Dieu éternel et en Lui le Verbe éternel; elle me montre l'Esprit-Saint qui procède du Père et du Fils... Mon Dieu, je ne veux plus rien voir, rien entendre, pour vous entendre, vous seul, vous toujours..." Devant un tel mystère, l'âme se tait, car "le flux et le reflux de paroles inutiles obscurcit l'intelligence, charge la mémoire, affaiblit la volonté, agite le sens..."

  • 1-2-La vie du Verbe (tome 1 – Chapitre 2)

La vie du Verbe "dont l'être est éternel est un acte pur, simple et éternel. De toute éternité le Père se connaît, se contemple et engendre son fils unique, Dieu comme Lui... De toute éternité le Fils connaît le Père et contemple son Père... et de cette occupation... procède un amour infini... qui est le Saint-Esprit. Tel est l'acte par excellence de la suradorable Trinité... Le Verbe est Dieu... Il règne avec le Père et le Saint-Esprit. Voilà sa vie!... Le Verbe connaît... Il contemple... Il aime. Il est connu, Il est contemplé, Il est aimé..." Le Verbe est Dieu: "Ces mots ne suffisent-ils pas à réduire au silence tous ceux qui osent nier la divinité de Jésus-Christ?" Incontestablement, Marie-Aimée de Jésus s'adresse ici directement à Ernest Renan qui niait la divinité de Jésus.

L'âme de la grande mystique qu'était Marie-Aimée se laisse alors transporter d'admiration: "... Ô mon Dieu! Qui êtes-vous et qui suis-je?... Vous êtes Dieu, et je suis une vile créature... Vous êtes la sagesse et je suis pleine de vanité! Vous êtes la vérité de Dieu, et je suis pleine de mensonge... Vous êtes dans la lumière, et moi dans les ténèbres de la foi... Vous vous louez sans interruption, et moi je suis sujette à une foule de distractions, occupée nécessairement aux choses d'ici-bas..." 

  • 1-3-Les perfections du Verbe (tome 1 – Chapitres 3 et 4)

Marie-Aimée contemple longuement les perfections du Verbe, Fils unique de Dieu, éternel comme le Père et le saint-Esprit, Sagesse de Dieu. Il contient tout, et rien ne peut le contenir, mais comme le Père et l'Esprit, Il est incompréhensible à cause de la simplicité de son Être.

"Le Verbe est la Vérité de Dieu...  la science, la richesse, la gloire... Le Verbe est immuable... Lui seul est digne de Lui!... Le verbe est Dieu et, à cause de cela, Il est indépendant, souverain, infini, infiniment infini! Il est la bonté, l'amabilité, la grandeur, la douceur même; mais Il est aussi fort, terrible et redoutable... Rien ne l'atteint, rien ne lui nuit, rien ne lui manque... Il est le tout... Sa gloire, le Verbe ne l'a pas reçue du dehors, mais elle vient de lui-même: c'est la Gloire du fils unique du Père!"  (Chapitre 3)

Marie-Aimée a hâte de découvrir le Verbe de Dieu "en son entier... Dieu est charité... et sa tendresse n'a pas plus de limites que son immensité... Parce que Dieu est amour, Dieu est source et parce que Dieu est éternel, Il est source intarissable; parce que Dieu est immense et infini, il n'a qu'à se répandre en Lui-même. Mystère de gloire!... Cette source divine ne demande qu'à se épandre en l'abîme humain, en sept fleuves principaux: fleuves de bonté, de tendresse, de miséricorde, de douceur, de charité, de dévouement et d'union...

Fleuve de bonté parce que Dieu est amour et faire du bien à celui qu'on aime, c'est se contenter soi-même. Fleuve de tendresse... car l'amour est d'abord un sentiment... De toute éternité, Dieu m'a aimée, a pensé à moi...  Fleuve de miséricorde parce que Dieu est amour et celui qui aime pardonne beaucoup... Fleuve de douceur... Dieu est doux parce qu'Il est fort... Le Verbe incarné vient au monde: c'est un petit enfant comme moi... Il grandit comme moi, nous sommes de la même taille, nous mangeons à la même table, nous goûtons les mêmes plaisirs, nous endurons les mêmes douleurs... Quelle douceur!... Fleuve de dévouement... Pour moi Il veut être trahi, garrotté, flagellé, couronné d'épines, moqué, couvert de plaies, crucifié. Quel dévouement! Fleuve d'union. Parce que Dieu est amour, Dieu tend essentiellement à s'unir avec ce qu'Il aime, et je suis cet objet!... Le Verbe de Dieu incarné institue la sainte Eucharistie afin de s'unir à moi et de m'unir à Lui, en sorte que nous ne fassions plus qu'un. Quelle union! C'est dans ce but... qu'Il m'attend dans son Tabernacle." (Chapitre 4)

Devant les merveilles de la perfection du Verbe de Dieu, l'âme ne peut qu'admirer, adorer, aimer, et même trembler. L'âme ainsi saisie par Dieu est soudain pleine d'une crainte ineffable, mais, "cette crainte ne porte pas l'âme à fuir... elle la rend immobile et silencieuse devant la Majesté divine." L'âme est captivée par Dieu et effrayée d'elle-même: "elle sonde son néant... sa petitesse... son impureté... son inconstance... Ces vues augmentent son respect, purifient sa crainte... Ô crainte chaste et sainte, que vous glorifiez le Verbe! Vous êtes le principe de l'amour, source de toutes les vertus... Un amour né de la crainte, de l'admiration, du respect, c'est un amour chaste et viril qui enfantera toutes les vertus, et qui... parce qu'il est vierge, ira se perdre en Dieu..."  (Chapitre 3)

Ainsi livré à la contemplation de l'Être infiniment grand, l'âme ne voit plus que trois choses à craindre: la colère de Dieu, sa faiblesse à elle et le péché.La crainte véritable est le commencement de tout, parce que cette crainte est le commencement de l'amour, de l'humilité, le commencement de toute âme qui commence bien. (Chapitre 3) Et le cœur de l'âme est plein de reconnaissance pour tous les bienfaits de Dieu. En effet, Dieu commence par faire le vide en Marie-Aimée en lui rappelant son néant, son insuffisance, en lui montrant sa perversité et l'horreur de ses plaies. Dieu a fait le vide en elle en lui montrant ses infidélités et l'arrêt de sa condamnation. Mais Dieu l'a        comblée de son amour, et Marie-Aimée s'écrie: "Ô Dieu! Que vous êtes près, par l'amour, de l'âme humble qui s'éloigne de vous par respect! Qu'elle est près de vous connaître celle qui se connaît, qui vous aime, qui vous loue de vos bienfaits." (Chapitre 4)

  • 1-4-La beauté et le bonheur du Verbe (tome 1 – Chapitre 5)

Comment expliquer la divine beauté du Verbe puisqu'il est pur esprit? Comment un homme peut-il parler de cette beauté à un autre homme? "Dieu est la beauté même... beauté spirituelle, beauté éternelle... immuable parce qu'elle est éternelle. La beauté de Dieu, quoique invisible, opère, même ici-bas, de merveilleux effets: elle purifie les âmes, les console, les captive, les enchaîne... C'est une beauté qui tourmente admirablement et commence sur terre, le Purgatoire de certaines âmes: cette souffrance peut s'appeler le martyre de l'amour... Ô tourment mystérieux de la beauté divine! Supplice pour les damnés... béatitude des anges, des saints et de la Trinité elle-même... beauté ancienne... beauté nouvelle... Les attributs du Verbe sont autant de traits de sa divine beauté, autant de jets lumineux de ses divins charmes...

Le Verbe est Dieu, il est le vrai beau, le seul beau, la beauté même, la beauté vraiment belle, seule belle... Le Verbe est ce Tout infiniment digne d'être aimé pour lui-même... Ô beauté de mon Dieu, que vous êtes belle!... Ô Seigneur, Fils de Dieu qui ne vous aimera pour vous-même?...

Mais si Dieu est la beauté même, il est aussi la béatitude; il est à lui-même sa béatitude... parce qu'il est 'Celui qui est' ... Le bonheur consiste, non seulement à posséder la vie, mais encore à la posséder dans la paix ou le repos, dans la joie ou le plaisir, dans l'amour pur et satisfait, dans la gloire sans ombre et sans nuage, enfin dans la communication de ce même bonheur... Le Verbe de Dieu, dans le sein de Dieu... est amour... il est à lui-même sa propre gloire... Il est l'Unique Fils de Dieu, le Bien-Aimé de celui qui l'engendre, la seconde personne de la Trinité adorable; de lui aussi bien que du Père, procède le Saint-Esprit. Voilà la gloire du Verbe... Le bonheur n'est véritable que s'il est éternel; c'est pourquoi la béatitude n'est pas de la terre..."

 Mais le Verbe s'incarna pour sauver sa créature. Marie-Aimée de Jésus, contemplant le bonheur du Verbe s'écrie: "J'ai trouvé le moyen de ne plus souffrir: vous aimer; vous savoir heureux et jouir, c'est tout un, c'est la même opération... Qu'elles me semblent vaines toutes les joies de la terre! La pensée de votre bonheur émousse toutes les épines qui m'attendent sur le chemin de la vie..."

Dès lors, l'âme qui a compris cela affermit son espérance, car, dans la beauté de Dieu elle a vu à quel point elle était méprisable. Mais par la grâce de Dieu, son union avec Dieu se fait plus intime. Cependant une incroyable angoisse surgit: l'ennemi peut se manifester avec ses craintes, ses fantômes; l'intelligence peut s'obscurcir, la volonté s'affaiblir. Alors, "pour rester fidèle et ne rien perdre de sa force, l'âme s'armera de courage et de simplicité confiante, disant: 'Ô Jésus, Fils de Dieu! ne vous seriez-vous révélé à moi que pour me refuser la lumière?... Le fini n'est-il pas créé pour se perdre dans l'infini, comme le ruisseau dans l'océan? Je vous suivrai donc, ô mon Dieu... Le démon fuira alors devant cette foi intrépide..."

  • 1-5-Les anges doivent adorer le Verbe de Dieu incarné (tome 1 – Chapitre 6)

Depuis toute éternité, Dieu vivait sa vie dans un bonheur parfait... Mais le moment étant venu, Dieu "par un acte de sa volonté, fit sortir du néant des milliers de créatures, purs esprits, doués d'admirables prérogatives et parfaitement beaux: les anges..." Cependant, selon Marie-Aimée, ils ne pouvaient contempler leur créateur que dans la lumière de la foi, Dieu leur réservant une épreuve avant de leur accorder la vision béatifique. "Dieu leur montra le Verbe, Fils de Dieu, sous la figure d'un petit enfant et le proposa à leur adoration... Hélas! La charité de Dieu rencontra la folie de l'orgueil de Lucifer." On connaît la suite: Lucifer n'ayant pas cru à l'amour restera privé d'amour. Quelle lumière pour l'âme appelée à l'union divine! Quelle leçon d'humilité! "Pour l'âme comme pour l'ange, la divinité restera le but de ses adorations et de son amour; sous le voile de l'humanité... elle aimera sans mesure la Personne adorable du Fils de Dieu?"  

Depuis toute éternité, Dieu vivait sa vie dans un bonheur parfait... Mais le moment étant venu, Dieu "par un acte de sa volonté, fit sortir du néant des milliers de créatures, purs esprits, doués d'admirables prérogatives et parfaitement beaux: les anges..." Cependant, selon Marie-Aimée, ils ne pouvaient contempler leur créateur que dans la lumière de la foi, Dieu leur réservant une épreuve avant de leur accorder la vision béatifique. "Dieu leur montra le Verbe, Fils de Dieu, sous la figure d'un petit enfant et le proposa à leur adoration... Hélas! La charité de Dieu rencontra la folie de l'orgueil de Lucifer." On connaît la suite: Lucifer n'ayant pas cru à l'amour restera privé d'amour. Quelle lumière pour l'âme appelée à l'union divine! Quelle leçon d'humilité! "Pour l'âme comme pour l'ange, la divinité restera le but de ses adorations et de son amour; sous le voile de l'humanité... elle aimera sans mesure la Personne adorable du Fils de Dieu?"  

  • 1-6-Le Verbe de Dieu et les hommes (tome 1 – Chapitre 7)

Dieu est un acte pur et éternel. Après avoir créé les anges, Dieu opéra le grand ouvrage de la création de l'univers matériel et tout se montrait docile à la voix du Verbe. Bientôt Dieu créa l'homme, "d'une nature inférieure aux célestes intelligences; il le créa âme et corps, esprit et chair... Et Dieu déposa dans l'âme de l'homme, un immense besoin de l'infini, une soif inextinguible d'amour et de vérité... et le besoin d'un Dieu à qui il puisse rendre hommage...."

L'âme contemplative s'émerveille: "Dieu de toute puissance recherche un être petit, faible, et qu'Il sait devoir être pécheur... quelle leçon!... Mais l'âme est d'autant plus unie à Dieu qu'elle se conforme davantage à sa volonté..." Curieusement "elle ne peut s'exempter de l'action. Elle ne peut vivre uniquement de contemplation... L'âme que la vérité instruit est au large, elle se dilate... Si elle allait toujours droit à la vérité,... elle trouverait le juste milieu qui constitue la vertu. Et ce juste milieu, n'est-ce pas la seconde Personne de la Sainte Trinité qui nous l'enseigne, n'est-ce-pas le Fils de Dieu?... Elle est vraiment libre l'âme que la vérité délivre des illusions du démon et du pauvre esprit humain... Pourquoi donc les saints qui priaient avec tant de bonheur, travaillaient-ils avec non moins de courage?... C'est qu'il est nécessaire que toutes choses soient réglées, équilibrées...

  • 1-7-Le Verbe rédempteur (tome 1 – Chapitre 8)

Marie-Aimée contemple la création d'Adam et d'Ève et la petite épreuve à laquelle ils furent soumis: ne pas manger le fruit d'un arbre. Mais l'homme et la femme désobéirent. Dieu les condamna à la souffrance et à la mort, maudit le serpent dont la tête serait écrasée par le talon d'une femme, laquelle mettrait au monde Jésus-Christ, Fils de Dieu, le Rédempteur du monde. Pour se venger, l'Ange orgueilleux cherchera à attirer l'homme dans son malheur, et à refuser l'amour. Mais Dieu fidèle à Lui-même s'est fait homme. "Dieu s'est abaissé et ne s'est point amoindri." Dès lors, l'union à Dieu promise à l'âme exigera d'elle une grande fidélité et un guide sûr: le Rédempteur venu du ciel.

Qu'est-ce que cette union promise? "C'est la liaison étroite en plusieurs personnes ou de plusieurs choses en une seule. L'amour de Dieu à l'égard de l'homme va jusque là..." Il y a plusieurs degrés dans l'union à Dieu que Marie-Aimée cite:

        – Le Baptême qui incorpore l'homme à Jésus-Christ et lui donne la grâce sanctifiante; l'âme devenue ainsi le sanctuaire de la Très Sainte Trinité est unie aux trois personnes divines et participe à la vie de Dieu.

        – Par l'Eucharistie, l'âme est tellement unie à Jésus-Christ qu'elle ne fait qu'un avec lui: "Elle ne vit plus, c'est Jésus-Christ qui vit en elle."

        – La profession religieuse est destinée à compléter l'union que l'homme a contractée avec Dieu par le Baptême. "La profession religieuse est une glorieuse réparation à l'amour de Dieu outragé ou délaissé par l'ingratitude des créatures... La profession religieuse n'est pas un sacrement; elle achève en l'homme ce qui manque du côté de l'homme à l'efficacité des sacrements. " Mais c'est une immense faveur que Dieu fait à l'âme qui y est appelée, et dont la virginité lui assigne une place à la suite de l'Agneau.

Comme il y a diverses sortes de perfections adaptées à chaque âme, Marie-Aimée fait remarquer que "plus les âmes découvrent Dieu, plus Dieu leur montre, dans des proportions toujours croissantes, la perfection qu'il veut d'elle... La diversité des appels, des grâces, des inspirations, est un des plus beaux aspects du monde spirituel... Tous ces attraits sont autant de signes que Dieu appelle une âme à une union intime avec lui..." Mais attention! "Le plus petit obstacle empêche l'union parfaite de l'âme avec Dieu." C'est la doctrine clairement exprimée par saint Jean de la Croix auquel Marie-Aimée se réfère souvent.

Marie-Aimée donne un autre avertissement: "Il ne faut pas non plus prendre le sentiment pour la volonté; seules les fautes volontaires entravent l'union divine..." Marie-Aimée ajoute: "L'union à Dieu, qui est le travail de toute la vie et dont le degré est connu de Dieu seul, demande la résolution sincère de travailler sans trêve ni relâche..." L'union à Dieu demande aussi la rupture de tous les fils qui la rendent captive: attache aux créatures, aux parents et aux amis, l'attache pour un animal, pour un lieu, un emploi. L'âme s'aperçoit qu'elle est trop attachée à elle-même quand elle tient à ses pensées, quand ses désirs sont trop ardents, qu'elle est trop agitée, préoccupée... Elle constatera ses antipathies dont le motif est généralement la jalousie, la vengeance, l'orgueil: l'antipathie est un obstacle à l'union divine.. . "Par le saint détachement, l'âme rompt tous ses liens, elle s'élève au-dessus d'elle-même, de la création entière et s'unit à son Créateur... Dieu l'embrasse et la perd en son sein..."

Dès lors, "tout est détruit, tout est livré, tout a cédé aux divines exigences, et Dieu... inonde cette âme d'une paix, d'une joie aussi douce qu'elle est pure..."

Remarque importante:

À partir du chapitre 8, Marie-Aimée, nous venons de le voir, revient à la création et à la chute d'Adam et d'Ève. Puis, aux chapitres 9 et 10, elle passe en revue les grandes figures, hommes et femmes, de l'Ancien Testament et les prophètes. Toutes ces figures annonçaient la venue du Rédempteur. À la demande de son directeur, Marie-Aimée rassembla toutes ses méditations concernant les "annonciateurs" du Rédempteur, en un volumineux Appendice qui est comme une illustration d'un important traité de vie spirituelle. Nous présenterons en détail ce long "Appendice" à la fin de notre étude. Pour conserver la structure remarquable de la pensée de Marie-Aimée, nous donnons cependant ci-dessous un bref résumé des chapitres 9 et 10.

  • 1-8-Les figures annonciatrices du Verbe (tome 1 – Chapitre 9)

Marie-Aimée de Jésus grâce à un rapide survol de la Bible, rappelle les grandes figures, qui après Adam, ont annoncé la venue du Sauveur et ses grandes qualités: Abel l'innocent, Noé, le consolateur, Melchisédech le grand-prêtre, puis Isaac, Jacob, Joseph, et Moïse. Marie-Aimée cite aussi d'autres grands nom: Josué, Gédéon, Samson, David et Salomon, sans oublier le saint homme Job. Au passage elle harangue les incrédules de son temps qui, sans le savoir, sont à l'origine de son œuvre. "Le Verbe Incarné est, par excellence, le roi des cœurs... Que les incrédules sont coupables! Qu'ils sont aveugles! Qu'ils sont malheureux! Oui, Jésus est le Roi des cœurs! Que les incrédules et les hérétiques le veuillent ou non, au ciel et déjà sur la terre, des millions de martyrs ont confessé et confesseront encore la foi à sa divinité! Qu'ils le veuillent ou non, des millions de saints ont été et seront encore épris de ses bontés! Qu'ils le veuillent ou non, des millions de vierges forment et formeront éternellement son cortège et chanteront ses louanges!"

Et Marie-Aimée peut affirmer que l'âme entre alors dans une connaissance plus précise de l'union à laquelle elle est conviée. "Cette union intime avec Dieu est une union d'état plutôt que d'actes; elle est l'ouvrage de toute la vie..." Cependant l'âme a besoin de s'informer sur le chemin qu'elle devra parcourir, sur les ennemis qu'elle rencontrera, sur toute l'étendue de ses promesses initiales. C'est un long travail qui se présente, et l'âme doit trouver les moyens qui lui seront nécessaires pour avancer: la mortification, la prière et la patience. "Tout d'abord, l'âme se donne généreusement..." Elle semble prête à tout, elle s'est donnée pleinement à Dieu et elle s'abandonne à Lui, disposée à recevoir de sa main les peines ou les consolations, les épreuves ou les faveurs. Mais que de travail cela suppose!

"L'âme doit travailler pour acquérir les vertus que désire trouver en elle Celui à qui elle désire s'unir: piété, douceur, humilité... vertus de force, de générosité, de magnanimité, mais surtout elle tendra à l'amour, à un amour désintéressé, prêt à tout sacrifier, amour libre cependant... Et elle peut reculer... Mais si l'âme entre dans la voie étroite, elle trouvera la vie... S'il lui en coûte quelque peu, n'est-ce pas justice? Mais, de combien de souffrances Jésus-Christ ne l'affranchira-t-il pas si elle se donne à Lui. Oui, elle peut aller à sa rencontre, mais du plus loin que le Fils de Dieu l'apercevra il dira: 'Notre sœur  est petite.' Qu'elle ne s'arrête donc pas... qu'elle prenne l'Écriture, mange le pain des forts, s'abreuve du vin qui fait germer les vierges; car il lui reste encore un long chemin à parcourir; elle est loin de Bethléem, et de Bethléem, elle doit aller jusqu'au Calvaire."

  • 1-9-Le Verbe annoncé par les prophètes (tome 1 – Chapitre 10)

Marie-Aimée rappelle que l'Incarnation du Fils de Dieu, qui avait d'abord été annoncée par voie orale, aux patriarches, le sera bientôt par les prophètes. Ces derniers annoncent, racontent et chantent le Sauveur d'Israël. Les premières annonces sont d'abord rassemblées dans le 2ème livre des rois, puis dans les livres des prophètes dont certains, comme Isaïe et Michée, sont remarquablement précis. Ainsi, Isaïe a vu les épreuves du Sauveur qui échappe au massacre ordonné par le roi Hérode. La vie publique de Jésus est bien signalée par le prophète Michée qui proclame: "Celui qui doit venir... conduira son troupeau... dans la sublimité de la majesté de Dieu; les peuples se convertiront parce que sa grandeur éclatera jusqu'aux extrémités du monde... Il délivrera le pauvre qui crie vers lui et le malheureux dépourvu de secours..." Zacharie annonce le triomphe de Jésus à Jérusalem, monté sur le petit d'une ânesse. Isaïe "voit" la Passion du Christ, et la dépeint "comme s'il avait assisté à ces scènes lugubres."

Mais les prophéties vont encore plus loin, les psaumes chantent souvent  "la pierre rejetée par les bâtisseurs devenue la pierre d'angle..., car le Christ "a vraiment été élevé en gloire..." Marie-Aimée ne nie pas que ceux qui ont condamné Jésus aient été bien coupables, "mais de quel nom qualifier l'obstination de ceux qui les nient, depuis qu'elles sont accomplies à la face du ciel et de la terre? Malheureux hérétiques de tous les temps!"

Après cette longue méditation, Marie-Aimée parle de l'âme qui sera éprouvée par la sécheresse; "dans sa tristesse elle aura recours aux armes dont elle ne sépare jamais: la défiance d'elle-même, la confiance en Dieu, le mépris de ses adversaires, et par-dessus tout, la prière... Elle devra supporter les épreuves de Dieu avec une parfaite générosité, les délais ou les rigueurs du Seigneur, mépriser les agitations et les rugissements de l'ennemi... L'âme ne craint rien parce que le Seigneur la conduit, parce qu'il la console en lui faisant sentir sa présence, en confirmant sa foi..." Avec les séraphins elle chantera la gloire de Dieu.[2] Comme Isaïe, elle se voit avec ses péchés en présence du Saint des saints et la gloire de Dieu lui découvre qu'il n'y a rien de sain dans son être. Que peut faire l'âme? "Se livrer, c'est dire plus que s'abandonner, invoquer Jésus agonisant, qui, pour nos péchés, a senti la colère de Dieu..." Mais, ce faisant, Dieu purifie sa bien-aimée, la visite et se donne à elle: "Le moment de l'union approche..."  Mais "il serait difficile et téméraire de décrire, ou même d'entreprendre d'expliquer ce qui se passe entre Dieu et son humble amante."

Mais que l'âme se rassure, Dieu ne la dédaigne pas parce que son amour, imparfait est le fruit de son cœur. L'âme ne peut rien par elle-même; "cependant une étincelle d'amour, la moindre flamme de charité, reçue en don gratuit mais attisée à l'aide du secours de Dieu, ravit ce Dieu tout-aimant... L'âme ainsi préparée par les épreuves et les labeurs de la vie intérieure... est conviée à entrer dans l'union qu'elle désire; elle est prête à entendre la voix de l'Époux qui l'appelle..."   

  • 1-10-La préparation de Marie (tome 1 – Chapitre 11)

Le Verbe doit s'incarner dans un corps d'homme, pour sauver l'humanité. Mais le Verbe doit aussi "connaître" et "vivre" tout ce qui est dans l'homme. Il doit donc se préparer une maman. Marie-Aimée de Jésus écrit: "Le Verbe de Dieu devant habiter parmi nous, son Père voulut lui préparer une demeure digne de lui dans l'âme de sa Mère. En conséquence, Marie devait être élevée au-dessus de toutes les créatures, de tous les anges, de tous les saints, comblée de dons célestes et douée de la sainteté la plus grande que l'on puisse concevoir au-dessous de Dieu, sainteté telle que nous ne pouvons la comprendre... Et de même que Marie, toute pure et immaculée, a le droit et la puissance d'écraser la tête du serpent infernal, de même Marie, Mère de Jésus-Christ Verbe Incarné, devient par droit la Mère des enfants de Dieu, des frères et des cohéritiers de Jésus-Christ, son Fils...

Marie, dans sa conception, échappe au venin du serpent; elle est le jardin fermé, la fontaine scellée, la toute belle; la toute pure, la parfaite, l'unique... Elle est la toison de Gédéon... la porte close d'Ézéchiel, ouverte à Dieu seul... Marie naît. C'est l'aurore qui se lève... C'est la blanche colombe... c'est l'arc-en-ciel... Dès l'âge de trois ans Marie entendit et comprit cette divine parole: 'Ma fille, oublie ton peuple et la maison de ton Père, et le roi sera épris de ta beauté...' Marie s'engage à demeurer vierge... Marie vit dans la solitude du Temple...

Marie avait à peine quatorze ans lorsque Dieu, dans sa sagesse, voulut qu'elle eût un époux, pour cacher sans doute au démon l'incarnation du Verbe et sauvegarder, aux yeux d'un monde pervers, l'honneur de la Vierge bénie... Le Saint-Esprit survient en elle et le Verbe s'incarne dans son chaste sein..."

Marie-Aimée retrouve Marie au pied de la Croix, et la compare à Esther ou à Judith qui ont risqué leur vie pour sauver le peuple de Dieu. "Marie s'offre avec son fils et devient réellement la nouvelle Ève, la Mère des vivants, c'est à dire de ceux que son Fils a rachetés... Au cénacle, Marie reçoit l'abondance des dons du Saint-Esprit... C'est le buisson ardent dans lequel Dieu se fait entendre. Marie meurt d'amour... Elle est enlevée au ciel par les anges et prend place à côté de son Fils... Elle est reine comme épouse du Saint-Esprit, reine comme Mère du Fils, reine comme Fille du Père. Elle est reine car le Père est Roi, le Fils est Roi, le Saint-Esprit est Roi; ce ne sont pas trois rois, mais un seul, et il n'y a aussi qu'une reine, c'est Marie... Marie a surpassé toutes les reines... elle est la merveille des siècles, l'étonnement des anges, la joie des élus, la consolation de la terre et toute son espérance..."

Pour que Marie soit reconnue, Dieu donne un signe exceptionnel: la maternité liée à la virginité. 'Son Fils est appelé Emmanuel: Dieu avec nous'. Ceci dit, Marie-Aimée comprend que les hérétiques "aient intérêt à nier la virginité de Marie, puisqu'ils ne veulent pas reconnaître le divinité de Jésus-Christ.... Certes, la virginité de Marie reste cachée sous l'ombre protectrice de Joseph, mais ce n'est pas une excuse pour l'incrédule... Si Marie n'est pas la Vierge, Mère du Fils de Dieu fait homme, alors c'est une autre... Mais quelle est cette autre?... Et ils gardent le silence... Les hérétiques nient sans dire pourquoi; ils nient sans même savoir pourquoi. Ils nient parce qu'ils veulent nier... peut-être uniquement parce que le courage leur manque pour mettre leur conduite à la hauteur de leur foi..."

Quelle conversion se manifeste alors pour l'âme épouse de Jésus-Christ? Marie n'a pas besoin de conversion, mais tout le vieil homme, le vieil Adam doit être immolé. "Alors, Jésus-Christ vivra en nous, non en prenant notre vie, mais en nous donnant la sienne. Mourir pour vivre, mourir à nous pour vivre à Dieu, c'est ce travail, c'est cette mort et cette vie qui constituent la transformation... et l'âme peut dire: 'Je vis; non ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi'."

Ce travail n'est pas facultatif. "La transformation n'est pas un état extraordinaire auquel certaines âmes privilégiées puissent seules parvenir; toutes y sont appelées... Notre transformation en Jésus-Christ est le but de la vie de Jésus-Christ en ce monde... Tous les hommes sont tenus de devenir ce que Jésus-Christ a eu l'intention qu'ils devinssent, d'autres lui-même... Que dire alors de l'âme religieuse qui est l'épouse de Jésus-Christ?... Cette âme doit s'efforcer de bannir les pensées terrestres de son esprit, les sentiments imparfaits de son cœur... elle doit reproduire l'image de son Époux... elle s'élance, elle court, elle vole au-devant des moyens qui peuvent assurer sa réussite. Et le moyen par excellence, c'est de regarder Jésus-Christ... Ce regard sur Jésus-Christ, quelle créature... pourrait mieux nous en donner une idée que Marie?..."

  • 1-11-Le Verbe s'incarne dans le sein de Marie (tome 1 – Chap 12)

Marie-Aimée de Jésus contemple le mystère de l'Annonciation. La Vierge Marie prie... L'Ange la salue et lui annonce qu'elle va concevoir un Fils auquel elle donnera le nom de Jésus. "Il sera grand et sera appelé Fils de Dieu." Intérieurement la Vierge Marie "relit" le prophète Isaïe: "Une Vierge concevra et enfantera un fils  qui sera appelé Emmanuel: Dieu avec nous."  L'Ange poursuit son annonce... Marie attend dans un humble silence... Marie est la Servante du Seigneur. L'Ange peut se retirer. "Dieu s'approche; la Trinité tout entière va opérer son œuvre."

De même que les trois personnes avaient créé l'homme, ces trois Personnes: un seul et unique Dieu, vont façonner, en Marie, l'Homme unique qui sera revêtu de la divinité. "La Trinité a accompli le prodige: Dieu s'est fait homme sans cesser d'être Dieu. Il est tout à la fois le Dieu-Homme et l'Homme-Dieu, Dieu parfait, homme parfait; vrai Fils unique du Père qui l'engendre de toute éternité, vrai fils unique de la Vierge qui l'engendre dans le temps et devient ainsi la Mère de son Créateur..."

 

Marie est en extase. Le Verbe est en elle comme en un temple. "Marie est le premier autel où Jésus s'offre en hostie de louange, en oblation et en sacrifice pour le salut de tous..." Les anges adorent leur Dieu fait homme... Marie-Aimée de Jésus salue Marie pleine de grâces...

Poussée par la grâce de Dieu, Marie-Aimée de Jésus contemple son âme. "L'âme est appelée à concevoir mystiquement Jésus-Christ de deux manières: par la connaissance et par l'amour. L'âme le conçoit par la connaissance dans son intelligence; elle le conçoit dans son cœur par l'amour." L'intelligence de l'âme lui découvre Jésus-Christ: Dieu, Verbe éternel, tout-puissant, mais doux et humble de Cœur, accessible à tous, accueillant les petits et les grands. Jésus est pauvre; il n'a rien en propre, il accepte l'hospitalité, s'approche des malades, éclaire les esprits, redresse les écarts, fortifie, purifie... "Les pardons  de Jésus sont sans retour comme sans défiance... Ses appels sont tendres. Rempli de sagesse... il loue la foi, affermit l'espérance... Il temporise, il attend... Soumis à ses créatures, Jésus-Christ ne conteste jamais, il obéit, il se tait et ne fait sentir son empire qu'aux démons...

Jésus-Christ est passé sur la terre en faisant le bien, et il n'a rencontré le plus souvent que des ingrats... Il a été en butte aux contradictions des hommes... Il s'est laissé conduire à la mort comme un agneau, et, près d'expirer, il a prié pour ses bourreaux... et celui qui agit ainsi comme homme, c'est le Fils unique de Dieu, le Créateur et le Roi du ciel et de la terre, le Dieu de gloire et de majesté, le juge souverain des vivants et des morts. Tel est le Verbe, abrégé pour nous, abrégé aussi dans le sein de Marie... Il faut que l'âme conçoive Jésus-Christ en son cœur par l'amour... par la volonté qui aime et qui agit parce qu'elle veut aimer... Et le parfait amour chasse la crainte, il est fort comme la mort..."

  • 1-12-L'Incarnation, mystère d'humiliation (tome 1 – Chap 13)

Pour Marie-Aimée de Jésus, il existe des relations intimes entre Dieu et sa créature préférée: l'homme. "Mais Dieu, avec l'homme déchu, mais le Verbe, se revêtant d'une chair de péché, voilà le mystère, un mystère profond d'humiliation... Dieu descend jusqu'à l'homme pécheur...

Qu'est-ce donc que Dieu? Qu'est-ce donc que l'homme déchu et pécheur? Dieu est le Saint des saints, l'homme déchu est par nature le péché vivant, personnel... Dieu est un monde de gloire, l'homme déchu, un monde d'ignominies... un amas de misères... Dieu descend dans le bourbier du péché, dans cet abîme de ténèbres... C'est ce mystère d'humiliation que le Verbe, aussi vrai Fils de Marie qu'il est vrai Fils de Dieu, rappelle si souvent dans l'Évangile quand il se nomme: 'le Fils de l'Homme.'..."

Marie-Aimée s'étonne: "L'homme, par une aberration qu'on ne peut qualifier, répond à un tel amour par la plus monstrueuse des ingratitudes, celle de l'orgueil. Qu'est-ce qu l'orgueil, en effet, sinon l'amour et l'estime de soi, jusqu'à l'oubli et le mépris de Dieu?... On trouve en lui la racine de tous nos défauts, et nous en sommes tous infectés dans une mesure plus ou moins grande. Mais rien n'est plus opposé au règne de Jésus-Christ dans l'âme... Que l'âme considère donc combien l'esprit dont elle est si fière, est inférieur à ce qu'elle le suppose, combien ce qu'elle croit savoir, et dont elle tire vanité, est peu au regard de ce qu'elle ignore... L'âme, se voyant assaillie du démon de l'orgueil, ne quittera pas les pieds de Jésus-Christ sans avoir obtenu de comprendre que le néant n'a droit à rien, et que Dieu à qui tout est dû s'est abaissé jusqu'au rien de notre humanité, pour lui donner l'exemple... N'oublions pas au prix de quelles humiliations il nous a réhabilités, et quel sort nous attendait sans sa miséricorde.."

  • 1-13-L'incarnation, mystère d'humiliation et de gloire (tome 1 – Chapitre 14)

La Trinité ne pouvant être divisée, le Verbe de Dieu en s'incarnant, ne s'est pas séparé du Père ni de l'Esprit. Ainsi, "Dieu Trois et un, un dans son essence, trois dans ses personnes, s'est rendu accessible à l'homme en la personne du Verbe qui a revêtu notre nature humaine... Il est venu sur la terre sans quitter le ciel, il s'est fait homme sans cesser d'être Dieu... car Dieu ne peut cesser d'être Dieu... tressaillons d'allégresse!... tout en s'abaissant, le Verbe conserve sa gloire... l'humanité du Verbe,  hypostatiquement unie à la divinité en est pénétrée, comme l'éponge est imprégnée de l'eau dans laquelle on la plonge..."

L'homme n'est pas fait pour le néant mais pour la gloire. En raison du péché, le chemin qui conduit l'homme à la gloire, c'est l'humilité. Et se bien connaître et s'estimer à sa juste valeur, qui est bien peu, est le début de l'humilité. La vertu d'humilité nous est antipathique; aussi nous faut-il ressembler à Jésus, autant que possible. En conséquence, "tout ce qui a été pour Jésus-Christ, une humiliation et un abaissement, devient pour nous un sujet de gloire... Nous nous sentons obligés de soutenir cette divine noblesse divine, en imprimant en nous le cachet de son humilité..."

  • 1-14-L'Incarnation, mystère d'obéissance (tome 1 – Chapitre 15)

Le Fils de Dieu est venu sur la terre parce qu'il l'a voulu, pour accomplir la volonté du Père. La volonté du Père est la loi du Fils et sa nourriture; librement le Fils s'offrira au Père, à l'Heure marquée par ce dernier. Mystère qui révèle l'obéissance du Fils de Dieu!

Qu'en est-il pour l'homme? Marie-Aimé explique que des deux volontés qui sont en nous, l'une veut le bien, tandis que l'autre incline au mal. "Pour se maintenir en équilibre, pour assujettir la volonté perverse, il faut du courage sans doute, mais la foi et la confiance en Jésus-Christ, sont des armes invincibles... Ce que Jésus-Christ veut, c'est notre transformation en lui... Pour cela une seule chose est nécessaire: le vouloir; et le vouloir, c'est déjà commencer d'obéir à Dieu... En se désappropriant, l'âme commence à vivre pour celui qui l'attire à son amour... Et comme l'obéissance ne peut exister sans l'humilité, l'âme peut dire à Dieu: 'Me voici pour faire votre volonté, mais enseignez-moi vos sentiers... car toute mon espérance est en vous'." 

Dieu est Amour! C'est donc à l'Amour que Jésus s'adresse quand il parle au Père. Jésus aime la Loi du Père, parce qu'en accomplissant cette Loi, il rend à Dieu tout l'amour que la créature avait refusée. "Dieu étant un, aucune de ses personne n'agit sans le concours des deux autres... De toute éternité Dieu avait prévu le péché; de toute éternité l'Incarnation du Verbe avait été décrétée... L'Incarnation est donc, par excellence, le prodige de l'amour; mais qui en est l'objet? L'homme... et l'homme pécheur... Et c'est en cela que le Verbe manifeste l'amour qu'il porte aux hommes... Ô extase d'amour qui fait descendre celui qui ne peut monter... folie d'amour qui attire Dieu vers l'homme!... "  

C'est dans cet amour que l'âme réalisera sa transformation. La seule reconnaissance que nous puissions témoigner à Dieu c'est de l'aimer, puisqu'il nous a aimés le premier. "L'amour envers Dieu consiste à garder ses commandements, et ses commandements ne sont pas difficiles... car celui qui les garde demeure en Dieu et Dieu en lui... Tout est possible à celui qui croit, combien plus à celui qui aime... L'esprit d'amour nous fera courir, voler dans les voies de l'amour, mais de l'amour pratique, qui sait agir, se dépenser, s'oublier pour l'objet aimé... en toute chose faire la volonté de Notre Seigneur..."

Marie-Aimée précise: "M'immoler pour mes frères, les embrasser tous dans la charité de Jésus-Christ, voilà ce qu'il faut à mon amour. Que Jésus-Christ soit aimé, que toutes les âmes soient sauvées, c'est le désir de l'amour. Il n'y en a pas d'autre..."

  • 1-16-L'Incarnation, mystère de grâce. La visitation (tome 1 – Chapitre 17)

Après l'annonciation, Marie, après avoir longtemps adoré "Dieu devenu son Fils" se hâta, pressée par la charité, vers sa cousine Élisabeth. "Et le Verbe, en Marie veut sanctifier son précurseur... Ô Jésus, vous êtes la sainteté même... Votre héraut, votre précurseur, vous le voulez pur et sans tache... vous vous hâtez d'aller lui conférer cette grâce de sainteté que seul vous pouvez donner, parce que vous en avez la plénitude... Le fils d'Élisabeth tressaille et salue son libérateur, le sauveur attendu par Israël... Élisabeth fut aussitôt remplie de l'Esprit-Saint... et Marie, l'humble Servante du Seigneur, chanta le Magnificat..."

Quelle leçon l'âme fidèle doit-elle tirer pour aujourd'hui? "Il semble que ce Dieu de toute bonté se montre plus empressé à lui communiquer sa vie que l'âme n'est capable de la désirer... Dieu s'annonce, il se découvre, il descend dans l'âme... se sert d'une petite épreuve, et le germe fructifiera; car partout où Jésus entre, c'est pour y croître jusqu'à l'âge parfait... Cette semence est précieuse; la fidélité la conserve, l'humilité la féconde, la confiance la nourrit... La joie, la dilatation de cœur rejaillissent sur la physionomie, sur la conduite... Elle prie, et sa piété est aimable; elle souffre, et son humeur ne perd pas son égalité... Jésus est là...

L'âme fidèle doit suivre l'exemple de Marie et de Jean-Baptiste... dans le silence... pour écouter la parole de l'Époux... qui un jour fera tressaillir cette âme d'un amour dont la seule joie sera de glorifier Dieu par son humilité et par sa vie cachée à tous les yeux."..."

  • 1-17-Le mystère de l'Incarnation révélé à saint Joseph (tome 1  Chapitre 18)

Saint Joseph, véritable époux de Marie, n'est pas le Père du Verbe incarné. Marie ne lui a pas parlé du mystère qui s'est accompli en elle; d'où les craintes de Joseph et sa décision de la renvoyer en secret. Mais le Seigneur veillait et demanda à Joseph de servir de père adoptif à l'Enfant qui allait naître de Marie. Et à cet enfant qui sauvera son peuple de ses péchés, Joseph devra donner le nom de Jésus. Immédiatement Joseph prit Marie chez lui, et ils vécurent ensemble dans la virginité. "Joseph est le modèle par excellence de la vie intérieure et silencieuse dont il reçut les enseignements à l'école de Jésus et de Marie... Il est le type de l'humilité et du parfait détachement de soi-même..."

Joseph est le modèle des âmes inexpérimentées, débutantes dans la vie spirituelle. Si elles sont tentées, le silence et l'humilité de Marie et de Joseph, leur seront un exemple des épreuves qu'il faut parfois savoir supporter dans la discrétion et dans l'espérance.


[1] Dès le début de son travail, le Seigneur avait exigé cela d'elle: Marie-Aimée de Jésus devait écrire sans aucun document de référence.
[2] Isaïe (VI, 1 à 8).

    

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