LA VIE DE DOROTHÉE QUONIAM
Découvrir ses œuvres

 

par Paulette Leblanc

 

Découvrir les œuvres de Sœur Marie-Aimée de Jésus

 

Sœur Marie-Aimée de Jésus est, de nos jours et comme la plupart des grands mystiques non encore béatifiés, très peu connue. C'est dommage car, son œuvre consacrée à Jésus-Christ, Fils de Dieu, contient, non seulement de nombreux arguments théologiques, valables tout autant de nos jours qu'au temps d'Ernest Renan, mais également des conseils très importants pour les âmes qui désirent vivre à fond la volonté de Dieu, dans une union intime et étroite avec leur Seigneur.

Nous présenterons en détails, dans une étude à part, l'œuvre maîtresse de Sœur Marie-Aimée de Jésus, "Jésus-Christ est le Fils de Dieu". Cependant, de temps en temps, Marie-Aimée fut conduite à écrire aussi des textes moins considérables, mais qui renferment des conseils inestimables pour tous ceux qui, aujourd'hui comme hier, désirent développer en eux la vie spirituelle qui les conduira à l'union à Dieu. Ce sont ces textes que nous vous présentons ci-dessous, et dont vous pourrez trouver l'intégralité dans un livre préfacé par Édith Stein et intitulé "Les Douze Degrés du Silence"

 

Nous présenterons successivement:

– Les douze degrés du silence

– À l'école de l'amour

– La vierge féconde

– Sur l'union divine et la transformation de l'âme en Dieu

– La vie cachée en Dieu

 

Les douze degrés du silence

 

Nous avons vu ci-dessus que Sœur Marie-Aimée de Jésus, vers 1860, fut surprise par une de ses sœurs, comme en extase dans sa cellule, dont la porte était ouverte. Elle semblait écouter quelque chose. En fait, elle recevait du Seigneur “Les douze degrés du silence”, dont nous allons donner ci-dessous, les idées essentielles[1].

Le silence prépare les saints et les achève. Dieu, le Père éternel n'a qu'une Parole, son Verbe. "Ce mot: silence, qu'il est beau!"

Écoutons maintenant le silence "entendu" par Sœur Marie-Aimée de Jésus.  Tout d'abord il convient de "parler peu aux créatures et beaucoup à Dieu: silence au monde, aux nouvelles, silence avec les âmes les plus justes." Puis, c'est le silence dans le travail et dans les mouvements: des yeux, des oreilles, de la voix. Dieu appelle l'âme au désert pour qu'elle goûte les prémices de l'union divine, dans le recueillement. Puis vient le silence de l'imagination et le silence de la mémoire, "silence de l'action de grâce qu'il faut saturer du souvenir des miséricordes de Dieu." Alors, faisant silence aux créatures, l'âme "se retirera dans les plus intimes profondeurs de ce lieu caché où repose la Majesté inaccessible du Saint des saints, et Jésus... lui révélera ses secrets..." L'âme n'aura plus que dégoût pour ce qui n'est pas Dieu.

Le silence du cœur s'établit: silence des affections, des antipathies, des désirs, et même du zèle et des soupirs. "Un cœur dans le silence, c'est un cœur vierge, c'est une mélodie pour le Cœur de Dieu... Dans ce silence, l'âme commence à apprendre la première note de ce sacré cantique qui est le chant des cieux."

Maintenant il faut passer au silence de la nature et de l'amour-propre. L'âme doit se taire face à sa corruption, à sa bassesse, à son incapacité. Elle se taira face aux mépris pour atteindre le silence de la douceur et de l'humilité. La nature se taira devant les joies ou les plaisirs, elle "fera silence dans les peines ou les contradictions, dans les jeûnes, les veilles, les fatigues, le froid et le chaud. Silence dans la santé, la maladie, les privations; c'est le silence éloquent de la vraie pauvreté et de la pénitence. C'est le silence du moi humain passant dans le vouloir divin. Ce silence est au-dessus de la nature."

Marie-Aimée de Jésus nous fait avancer plus loin et parvenir jusqu'au silence de l'esprit, "en faisant taire ses pensées inutiles, agréables, naturelles, celles-là qui nuisent au silence de l'esprit et non la pensée elle-même qui ne peut pas cesser d'exister. Notre esprit veut la vérité... Or, la vérité essentielle, c'est Dieu... Silence aussi aux raisonnements subtils qui affaiblissent la volonté et dessèchent l'amour..." Silence dans l'intention, aux recherches personnelles, et silence à l'orgueil qui se recherche en tout, partout et toujours... Puis vient le silence du jugement, quant aux personnes et aux choses. "Ne pas juger, c'est ne pas laisser voir son opinion... C'est le silence de la bienheureuse et sainte enfance, c'est le silence des parfaits, le silence des anges et des archanges alors qu'ils suivent les ordres de Dieu..."

Le Seigneur a autre chose à nous apprendre: le silence de la volonté. C'est le silence de celui qui a Dieu pour Maître. "Ce silence est celui de la victime sur l'autel, c'est le silence de l'agneau que l'on dépouille de sa toison, c'est le silence dans les ténèbres... C'est le silence dans les angoisses du cœur dans les douleurs de l'âme... qui se sent repoussée... le silence sans autre plainte que l'amour. C'est le silence du crucifiement... c'est le silence de l'agonie de Jésus-Christ... Rien n'est plus digne de Dieu que cette sorte de louange dans la douleur..."

Il faut enfin se taire avec soi-même, s'oublier soi-même, se laisser seule, toute seule avec Dieu; c'est le silence avec soi-même. " c'est le silence du néant,plus héroïque que le silence de la mort." Ce silence conduit au silence avec Dieu. "Silence avec Dieu, c'est adhérer à Dieu, se présenter, s'exposer devant Dieu, s'offrir à Lui, s'anéantir devant Lui, l'adorer, L'aimer, L'écouter, l'entendre et se reposer en Lui. C'est le silence de l'éternité, c'est l'union de l'âme avec Dieu."

 

À l'école de l'Amour

 

Ce petit texte est une conversation entre Dieu et Marie-Aimée de Jésus. Jésus dit un jour à ses disciples: "Celui qui m'aime m'écoute, mon Père l'aimera, nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure." Marie-Aimée s'informe: "Dîtes-moi, ô mon Dieu, ce qu'est une âme qui habite en vous, et en laquelle vous habitez... car vous m'avez dit: 'Je suis ton salut et ta vie; demeure en moi, et tu trouveras la paix.' Et moi j'ai dit: 'Ma vie c'est l'amour, et l'amour c'est l'union'. Et j'ai senti et je sens encore une eau courante qui m'entraîne et qui me crie sans cesse: 'Va à Dieu! Va à Dieu!' Ô union divine!... Nuit et jour ce mot retentit au fond de mon cœur... Ma vie à moi, c'est mon Dieu, c'est mon Christ, c'est l'adorable Trinité! Et pour vivre de cette vie, il n'est rien que je ne veuille souffrir, dussé-je mourir de mille morts. Parlez-moi Seigneur de cette union sacrée... Qu'est-ce que cette âme en laquelle vous demeurez et qui demeure en vous?"

Le Seigneur répondit longuement:

-"C'est une âme qui, docile à ma parole a jeté ses filets et s'est avancée en pleine eau... une âme toute livrée à mes conduites. C'est une âme qui a tout quitté pour me suivre... pour posséder le tout de Dieu... Cette âme... a trouvé le trésor caché, la perle inconnue: son Dieu. L''âme prédestinée à l'union sacrée est une arche précieuse... Nul ne peut la toucher sans allumer le feu de ma colère. C'est une fleur que je me suis réservée de toute éternité: nul ne peut la cueillir... C'est une chaste colombe qui habite près des grandes eaux afin de se purifier... C'est un vase vide que je remplis de ma plénitude, une amante fidèle... qui a ravi le Cœur du grand Roi... C'est une vierge chérie de son Créateur, Moi, le Verbe, qui repose au milieu des lis. Nuit et jour elle me contemple...elle admire les infinies perfections de ma divinité... C'est un miroir sans tache, dans lequel se reflète ma beauté suprême..."

Mais qui peut ravir ainsi ce cœur passionné, s'interroge Marie-Aimée? Qui peut éblouir cet œil illuminé? "Mon Dieu! Non, il n'y a que vous d'aimable! Laissez quelques instants de silence à mon amour, et puis, ô mon tout! daignez m'apprendre ce que fait cette créature transformée, vous qui voulez trouver en elle vos délices? Que fait elle pour répondre à vos préférences divines?

-Une seule chose, elle m'aime!... L'amour, voilà la force qui l'anime, la puissance qui la domine, le génie suprême qui l'inspire; et l'amour c'est l'Esprit-Saint dont le souffle puissant peut seul ramener les âmes dociles à la divine Unité... Cette âme va droit au but et s'avance ainsi de vertus en vertus, de clartés en clartés, jusqu'au jour de la gloire éternelle. L'œil de son intérieur est toujours fixé sur moi... son cœur devine et prévient mes désirs.. Quelle sera la beauté de cette âme qui cède sans se lasser... aux exigences de mon insatiable amour disposant en son intérieur les mystérieux degrés par lesquels elle s'élève jusqu'à ma grandeur en m'attirant jusqu'à sa petitesse?"

Marie-Aimée s'étonne que son Seigneur mette ainsi sa haute perfection à la portée de sa faiblesse. Elle s'écrie:

-"Je puis donc, tout indigne que j'en suis, aspirer à ce baiser de votre bouche, qui n'est autre chose qu'une union très étroite avec vous... Mais dîtes-moi, ô Seigneur, quelle est l'innocence de cette âme qui participe... à votre pureté infinie?...

-C'est une vierge entre les pures vierges que j'honore de mon intime familiarité... Elle n'est plus du monde... Dans ce temple très pur on n'entend nul bruit; tout y est silence, paix, recueillement... Qui peut comprendre le prix des oraisons qui s'élèvent de ce sanctuaire jusqu'au trône de ma Majesté?... Elle est vraiment vierge, cette créature qui ne vit que de ma propre vie. Elle est du nombre de celles qui, la lampe à la main, attendent l'arrivée de l'Époux..."

Marie-Aimée se demande quelle est l'humilité de cette bien-aimée et tremble en pensant à ses chutes possibles; mais le Seigneur répond:

-"Dans ma sainteté elle découvre ses moindres taches... Elle est toute fondue dans ma divine volonté... Elle me cherche jusqu'à ce qu'elle me trouve... Cette âme s'élance, avec le même amour, vers la croix ou vers le trône qu'elle espère... Cette âme fidèle s'enivre des eaux sanglantes du Calvaire... Mais qu'elles sont rares ces âmes intrépides et toutes pures qui ont compris la chasteté spirituelle et la virginité de l'esprit, qui sont éprises de la folie de la croix, et que l'amour de leur Dieu a rendues insensées!

-Oui, Seigneur, elles sont rares ces âmes, trop rares après tant d'appels de votre amour!" Et, s'adressant à sainte Thérèse, la Mère de son carmel, arrivée au bout d'une course amoureuse de part et d'autre, Marie-Aimée constate que Dieu et elle se rencontrèrent dans le baiser de l'union. Quant à elle, Marie-Aimée, "c'est la miséricorde de Dieu qui la jette en Lui, l'enivre de bonheur en la faisant mourir à elle-même... Oui, elle veut se jeter à pleine âme dans cette mer sans limite et toujours avancer jusqu'à n'être plus qu'une seule chose avec Dieu; c'est le baiser sacré après lequel elle aspire."  

 

La vierge féconde

 

Dans ce petit écrit, il semble que Marie-Aimée revienne sur l'un de ses problèmes d'enfant: tout est fécond, dans la nature; n'y aurait-il que les vierges de Jésus à être en dehors de ce privilège? Mais "son âme ignorait encore qu'elle possédait le germe divin." Le Dieu des petits et des humbles lui fit comprendre que, "dans la pensée de Dieu, la virginité ne devait pas être séparée de la fécondité divine". Certes, les vierges n'enfanteront pas comme Marie enfanta Jésus, "mais elles doivent enfanter Jésus-Christ en elles, comme Jésus-Christ lui-même les a enfantées à la grâce, c'est-à-dire spirituellement... Or cela se fait, mystiquement, par la transformation...

Tous les chrétiens sont appelés, par le baptême, à faire vivre Jésus-Christ en eux... Par la profession religieuse, qui est une profession de virginité, les épouses du Verbe sont destinées, par état spécial, à le reproduire, à le continuer en elles-mêmes... elle ne doivent pas chercher une autre raison d'être que celle de donner vie à Jésus-Christ." Marie-Aimée explique ces choses difficiles; elle écrit: "Dans cette extase de bonheur et de pureté, le céleste Époux lui fit comprendre de quelle confusion, de quel opprobre temporel ou éternel seront couvertes les vierges stériles dans le Christ... Il lui montra la gloire qui doit couronner les vierges fidèles ayant su, après s'être unies au Verbe, le faire naître et grandir en elles et lui donner croissance, jusqu'à l'âge parfait, au prix de leur propre destruction..."

Marie-Aimée cite les paroles de sainte Agnès: "J'aime le Christ! En l'aimant, je suis pure; en m'unissant à lui, je suis chaste; en l'embrassant, en l'enfantant, je suis vierge." Puis Marie-Aimée précise: "L'enfantement mystique auquel nous sommes destinées, ne s'opère que par un saint commerce d'amour et de pureté avec le Père et le divin Esprit, que le consentement nécessaire est, de notre part, une adhésion continuelle à la mort à nous-mêmes par la fidélité... Pour enfanter Jésus-Christ, il faut mourir, pour le reproduire, s'effacer; pour devenir un autre lui-même, cesser d'être soi-même; pour le faire croître, diminuer et s'anéantir: c'est une seule et même opération."

 

Sur l'union divine et la transformation de l'âme en Dieu

 

En 1871, Sœur Marie-Aimée de Jésus fit une retraite en s'inspirant des thèmes de "La Montée du Carmel", de Saint Jean de la Croix. Elle retint d'abord les quatre choses qui font obstacle à l'union à Dieu et à la transformation en lui:

 

        – les attaches, aussi petites soient-elles

        – les passions volontaires,

        – les fautes, même minimes, accomplies par habitude,

        – les mouvements des passions et les imperfections.

 

Après s'être sérieusement examinée, Marie-Aimée de Jésus se sentie indifférente à tout: non, elle n'avait pas d'attache, ni aux peines, ni aux joies, ni aux honneurs, ni aux humiliations, ni à son pays, à l'habit qu'elle portait. Elle se sentait prête à tous sacrifier. Elle n'avait pas non plus de passions volontaires, mais elle découvrit que sa volonté était parfois trop faible. Elle découvrit quelques fautes d'habitude qui revenaient assez souvent: manque de ponctualité, par exemple. Enfin, il lui sembla qu'elle aurait peu à faire pour résister aux mouvements de passion, mais elle n'était pas encore parfaitement maîtresse d'elle-même. Il lui  fallait donc utiliser les trois moyens proposés pour détruire les obstacles à l'union divine: imiter Notre Seigneur Jésus-Christ en toutes choses, renoncer pour son amour à tout plaisir, même spirituel, enfin, se porter toujours aux choses les plus difficiles.

Marie-Aimée découvrit que depuis son enfance elle pratiquait ces trois choses, mais de manière très imparfaite, ce qui l'empêchait de s'unir parfaitement à Dieu, malgré les besoin impétueux qu'elle en avait: ces imperfections l'empêchaient de rejoindre Dieu, d'où ses résolutions:

 

        – prendre l'habitude de parler et d'agir avec beaucoup de charité,

        – prendre l'habitude de ne jamais se mettre en retard,

        – taire toutes ses impressions,

        – veiller sur ses premiers mouvements imparfaits et les étouffer.

 

Alors, Marie-Aimée de Jésus "entra avec une ferveur incroyable dans cette nuit obscure ou mortification des sens et des passions, car elle était vraiment enflammée par cet amour inquiet, dont parle saint Jean de la  Croix... Cette espérance lui donna un courage, un amour qu'elle ne connaissait pas encore..." Alors elle se sentit disposée à souffrir aussi longtemps qu'il le faudrait pour être enfin unie à Dieu. Elle raconte:  "Soudain il se passa en moi quelque chose d'extraordinaire, et Notre Seigneur me demanda si je ne croyais pas qu'il pût faire en quelques jours ce que je lui demandais..." Elle répondit positivement et elle sentit soudain un grand changement dans son âme:elle n'avait plus que dégoût pour les choses de la terre et sa volonté était réellement fortifiée. Elle conçut un grand déplaisir de ses infidélités et un grand mépris pour elle-même. "Ses plus petites négligences lui semblèrent des crimes; elle se voyait mille fois pire que les malheureux[2] qui avaient brûlé les maisons, tué nos prêtres, profané nos églises, troublé nos pieux asiles."  

Une contrition sincère suivit, et Marie-Aimée se sentit embrasée d'un amour inexprimable et très unie à Dieu. Elle tomba dans une sorte de repos dont elle ne sortit que dix à douze minutes plus tard, rassasiée de Dieu et affamée tout ensemble, car, écrit-elle, "plus on s'approche de Dieu, plus on veut s'en approcher, plus on s'unit à Lui, plus on veut s'y unir; plus on participe à Dieu, si je puis m'exprimer ainsi, plus on est insatiable?"

La retraite avance; Marie-Aimée ne se reconnaît plus; elle est de plus en plus transformée en Dieu et elle se demande si le ciel est autre chose. Oui, répond-elle immédiatement, "parce que je ne vois pas mon Dieu; je jouis de Lui comme un aveugle, par la foi et l'amour. Oui encore, parce qu'au ciel on ne peut plus le perdre." Par ailleurs, elle éprouve un ardent désir du salut des âmes et de leur perfection, et se propose d'y travailler par la prière.

À tous ces désirs succédèrent de nouvelles inquiétudes d'amour et elle comprit la nécessité d'une constante vigilance. La retraite avançait... Notre Seigneur montra à Marie-Aimée comment la doctrine de saint Jean de la Croix était déjà renfermée dans l'Évangile, et elle fut conduite à méditer le Notre Père. L'âme s'élance dans le sein de Dieu, dans le tout de Dieu, au-dessus de tout: des personnes, des choses, d'elle-même, des vertus, des dons extraordinaires, au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu. Elle n'a pas d'autre projet que la volonté de Dieu. Mais, connaissant ses faiblesses, elle a besoin d'être nourrie de la sainte Eucharistie. Elle demande pardon à Dieu pour ses fautes et celles de ses frères, et elle pardonne... mais elle craint et elle supplie Notre-Seigneur de la délivrer du mal. Elle peut se reposer en Dieu: "Amen!"

Marie-Aimée est unie à Dieu par la foi. Mais le corps, que devient-il? "L'âme le conduit par la grâce sous l'empire de laquelle il devient totalement soumis..." Véritablement ce n'est plus Marie-Aimée qui vit, c'est Jésus qui vit en elle. Jésus lui a montré "comment son âme à lui, Jésus, tendait, adhérait au Verbe et s'efforçait d'atteindre à la sublimité des actes qu'il voulait faire par son humanité." Marie-Aimée comprit que "dans l'union hypostatique il n'y a qu'une personne en Jésus-Christ, avec la distinction des deux natures, et aussi comment l'union de l'âme avec Dieu s'accomplit sur le modèle de l'union de l'humanité de Jésus-Christ avec la Divinité... Ô heureux état!... C'est une carrière qui s'ouvre plutôt en Dieu que vers Dieu!"  

 

La vie cachée en Dieu

 

"La vie cachée en Dieu est un petit poème, une prière, que nous transcrivons ci-dessous intégralement. Marie-Aimée s'adresse à Dieu.
 

Cachez-moi pour toujours dans votre ombre divine,
Adorable invisible! En vous cachez-moi bien!
Entre vos bras, mon tout, qu'un feu secret me mine,
Heureuse de vous voir, fière de n'être rien..;

 

Seigneur, à tout regard daignez donc me soustraire,
Mais pour vous, paraissez! Que tout monte vers vous!
Ah! Je sens tressaillir mon abjecte poussière
Qui pressent votre gloire, ô mon divin Époux!

 

Incline, ô nuit, sur moi, tes ombres si propices;
Saint oubli, ma grandeur, sois-moi comme un tombeau.
Qu'on n'admire que Vous, Vous mes chères délices!
Car vous seul êtes Dieu! Car vous seul êtes Dieu!

 

Pour moi, de votre croix que l'opprobre m'enivre,
Que je sache partout, en tout m'anéantir...
Si dans un petit coin il fait si bon de vivre,
Dans un petit coin d'ombre il fera bon mourir!

 

Être délaissé là, comme chose inutile,
Se taire, s'oublier, s'amoindrir chaque jour,
Au milieu des mépris garder l'âme tranquille,
Qui pour vous exalter, ne le peut, mon Amour?

 

Se tenir à l'écart sans jamais le paraître,
Rechercher seulement l'approbation de Dieu,
Recevoir simplement les caresses du Maître,
S'effacer, s'immoler, toujours et en tout lieu!...

 

Arrive le trépas! De cette vigne obscure
Jésus calme la crainte et le saint tremblement:
Elle s'écoule en Dieu, semblable à l'onde pure,
Qui, sans laisser de trace, a fui dans le torrent...

 

[1] Les personnes désirant lire ce texte dans son intégralité peuvent se procurer, aux Éditions Arfuyen, un livre préfacé par Édith Stein, intitulé: "Les Douze Degrés du Silence".
[2] Il ne faut pas oublier que nous sommes en 1871, peu de temps pendant ou après la Commune, de Paris.

    

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