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Est-il venu à toi ce Consolateur ?
Dimanche de
pentecôte
Le Saint-Esprit Consolateur (Jean : 14, 26).
Exorde :
Celui qui appartient à la terre a un langage terrestre;
celui qui vient du ciel, est au-dessus de tous, a dit saint Jean-Baptiste à
ses disciples. Ils furent un peu jaloux, parce que la foule suivait davantage
Jésus-Christ que saint Jean et, pour les apaiser, l'apôtre leur dit ces mots : "
Personne ne peut prendre plus que la part qui lui vient du ciel, que celle qui
lui est envoyée par le ciel. Celui qui est de la terre
,
etc... // appartient à la terre celui qui a un langage terrestre.
Que fera la terre, si on lui demande de monter au ciel ? Que
fera-t-elle ? Comment pourra-t-elle monter ? Que fera l'homme à qui on demande
de parler du ciel ? C'est une entreprise impossible, qu'il ne peut pas faire de
lui-même, entreprise aussi irréalisable que pour la terre de monter au ciel.
Celui qui est de la terre, son langage est terrestre. Si nous devions parler
de choses matérielles, si nous devions parler de choses d'ici-bas, nous en
parlerions avec précision, mais parler du Saint-Esprit, parler de chose si
élevée, parler du ciel, que ferons-nous, nous qui sommes plus bas que la terre
elle-même ? Que ferons-nous pour bien parler ? La grâce du Saint-Esprit est tout
à fait nécessaire. Pour parler elle ne fut pas donnée en vain aux apôtres :
Nous les entendons dire dans nos langues les merveilles de Dieu
.
Les bienheureux apôtres furent remplis et totalement remplis
par le feu du Saint-Esprit; ils furent remplis de cette grâce céleste, pour
faire comprendre que personne ne doit prêcher ni parler du Saint-Esprit s'il
n'est rempli et totalement rempli de ce don céleste et de ce feu sacré. Les
saints apôtres avaient le cœur enflammé et plein de la grâce que Notre-Seigneur
leur envoya pour conter les merveilles et les grandeurs qu'ils ont contées et
dites de Dieu, et qu'ils ont publiées par toute la terre. Il vint sous la forme
de langues de feu, pour nous faire entendre que la langue de ceux qui parlent de
Dieu et de ses merveilles, doit être enflammée du feu, enflammée d'amour. La
langue qui doit parler du ciel et de ses merveilles, ne doit pas être faite
d'eau, ne doit pas être faite de vent, ne doit pas être faite de terre.
Nous venons entendre les paroles de Dieu, nous venons
entendre ses sermons et nous venons comme on va au théâtre, sans plus d'amour ni
de respect. Je vous dis, en vérité, que nous tous qui entendons des sermons
courons un grand risque; nous courons un grand danger si nous n'écoutons pas
comme nous devons écouter. Nous devrions venir l'entendre avec le cœur enflammé,
avec les entrailles embrasées. Nous nous sommes réunis pour écouter et parler du
Saint-Esprit; pour une si grande affaire, nous avons besoin de la grâce, nous
avons besoin du Saint-Esprit lui-même, nous avons besoin qu'il pénètre dans nos
cœurs, qu'il les adoucisse et qu'il les embrase du feu saint de ses dons divins.
Saint Paul dit que le Saint-Esprit prie pour nous avec des gémissements
ineffables. La prière qui n'est pas inspirée par le Saint-Esprit a peu de
valeur; celle qui ne se fait pas selon lui, celle qu'il n'inspire pas et
n'ordonne pas, porte très peu de fruit, profite peu. Le Christ a dit à ses
apôtres : Vous êtes tristes parce que je veux m'en aller: le Consolateur
viendra, car le Père l'enverra en mon nom, et il vous consolera; il vous
enseignera toutes les choses; il vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai
dit; il ouvrira vos oreilles pour que vous entendiez et votre entendement pour
que vous compreniez; il vous enseignera à prier et il vous enseignera tout ce
que vous aurez à faire pour réussir en tout.
Nous avons un besoin extrême de ce Consolateur, de ce
Docteur, de ce Conseiller et de ce Maître.
— Quel remède ? — Nous tourner vers la Très Sainte Vierge.
Elle est près du cœur, très près du cœur du Saint-Esprit et le cœur du
Saint-Esprit est près du sien. Ses entrailles ont abrité l'incompréhensible. Il
abaissa sa grandeur, sa puissance et s'est fait temporel étant éternel, le riche
s'est fait pauvre et le Très-Haut s'est abaissé et tout cela par l'œuvre du
Saint-Esprit, par son habileté, son ordre et son savoir. L'ange saint Gabriel
dit à la Vierge: Le Saint-Esprit, Madame, descendra en vous et la vertu du
Très-Haut vous couvrira de son ombre
.
Le Saint-Esprit connaît très bien le cœur de la Vierge; il connaît très bien son
cœur si totalement pur, il connaît très bien ce palais où il élabora tant de
mystères et de si grands mystères. La Vierge ne fit rien, ne pensa rien, ne dit
rien qui pût déplaire en un seul point au Saint-Esprit. Elle lui plut en tout,
en tout elle fit sa sainte volonté. Par les supplications de cette glorieuse
Vierge, par les gémissements, les désirs et les prières, il apporta le Verbe
Éternel et le mit dans ses entrailles.
Supplions-la, puisqu'elle est si près du Saint-Esprit, de
nous communiquer sa grâce pour parler d'un Hôte si grand.
Si nous aimons le Christ, la Trinité demeurera en
nous.
Avez-vous reçu le Saint-Esprit quand vous avez embrassé la
foi ?
a dit un jour saint Paul à quelques-uns. Avez-vous reçu le Saint-Esprit ?
L'avez-vous dans vos entrailles ? Bienheureuse l'âme qui a reçu un tel don;
bienheureux celui qui a reçu un tel Hôte en devenant croyant car c'est par la
foi qu'il se donne ! Ils répondirent : Nous n'avons même pas entendu dire
qu'il y ait un Saint-Esprit — et à plus forte raison nous ne savons pas si
nous l'avons reçu. On ne le leur avait pas donné; et peut-être même y en a-t-il
ici qui l'ignorent. Oh ! si vous disiez vrai ! L'avez-vous reçu ? L'aimez-vous ?
L'avez-vous servi ? Le désirez-vous ? Souhaitez-vous ardemment qu'il pénètre
dans vos cœurs ? Vous n'avez même pas entendu dire qu'il y ait un Saint-Esprit.
Le désirer ne sert à rien, lui demander de venir, vouloir le recevoir ne
suffisent pas; tout cela ne sert à rien si les œuvres dignes de mériter sa venue
font défaut. Mais par leurs actes ils le nient
.
Les œuvres doivent s'accorder avec les paroles et les désirs pour que cet Hôte
si grand veuille venir et habiter dans votre âme.
Le Saint-Esprit a tant de prédicateurs, tant de prophètes qui
ont parlé de lui avant la création du monde. L'Écriture dit que "l'Esprit du
Seigneur se mouvait au-dessus des eaux "
.
Tous les prophètes ont vu et ont conté de grands secrets et de grands mystères
du Saint-Esprit. Entre tous et plus que tous, Jésus-Christ Notre-Seigneur a
donné de telles preuves de son existence, et a rapporté sur lui de telles choses
qu'ils étaient tous stupéfiés d'entendre les merveilles qu'il en a dites.
Jésus-Christ a dit à ses apôtres : N'ayez pas de peine, ne souffrez pas parce
que je m'en vais. Mais au contraire, Seigneur, c'est pour cela qu'ils ont de
la peine. Quelles sont ces nouvelles preuves d'amour, Seigneur ? Quelles
nouvelles façons de se comporter avec ceux qui vous aiment ? Vous partez et vous
dites que vous nous aimez plus que la prunelle de vos yeux; vous voulez vous en
aller et pour nous consoler de votre départ vous dites : N'ayez pas de peine
parce que je m'en vais? Au contraire c'est pour cela qu'ils ont de la peine
et la pensée, Seigneur, que vous devez vous en aller est la raison de tout leur
chagrin et de toute leur affliction.
— Personne ne peut le comprendre ni parvenir à le comprendre
sinon celui qui possède le Saint-Esprit. " Avec moi vous avez été consolés; avec
ma présence vous avez été réjouis; vous avez été instruits de ma doctrine; vous
avez été forts grâce à ma présence. Moi je m'en vais et je prierai mon Père
de vous envoyer un autre Consolateur en mon nom. Jusqu'à présent c'est moi
qui vous ai consolés; je m'en irai et en m'en allant, je vous enverrai un autre
Consolateur, une autre personne ." — Oh ! Dieu puissant ! Qui est ce Consolateur
que vous devez envoyer ? — Un Esprit de vérité qui demeurera en vous, qui vous
enseignera des vérités, non pas des opinions, non pas des erreurs.
Seigneur, que les cieux et la terre vous bénissent ! Dieu le
Père ne se contenta pas de nous donner son Fils très aimé et unique,
Notre-Seigneur Jésus-Christ pour qu'il meure pour nous mais il se donna
lui-même.
Jésus-Christ dit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole,
et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre
demeure
.
Qu'il étudie, pense et repense ses paroles, qu'il les
accomplisse et les garde; il vous les donne pour preuve et gage de son amour.
Dites-moi, mon frère, que ressentez-vous lorsque vous entendez la parole du
Christ ? Vous réjouissez-vous quand on vous parle de lui ? Votre cœur est-il
rempli de joie quand vous l'entendez nommer, lorsqu'on prêche de lui, lorsqu'on
le loue, le bénit, le glorifie en chaire ? Vous vous réjouissez davantage des
découvertes, des nouveautés; vous vous y intéressez plus volontiers.
Celui qui garde ma parole, celui-là m'aime. — Que
signifie cela ? Comment dois-je garder ses paroles ? Comment dois-je l'aimer ? —
Vous devez l'aimer et vous montrerez que vous l'aimez véritablement, si pour
cela vous oubliez et abandonnez tout ce qui vous empêche de l'aimer et de le
servir véritablement : si votre œil droit — si ce que vous aimez comme
vos yeux — vous scandalise, si votre main droite — si quelque chose
encore de grande utilité — vous écartent de ce but sacré, coupez-les.
— C'est là un devoir bien pénible, Père ! — Vous devez
avoir un couteau si affilé que même si on vous oppose père et mère, frères,
parents et amis et tout ce qu'on peut imaginer, si cela vous éloigne de l'amour
de Jésus-Christ, coupez-le, ne le laissez pas, foulez-le aux pieds, passez
dessus; si cela semble être un acte de cruauté, c'est pourtant une grande preuve
de piété. Si pour des raisons d'argent, ou de fortune, si à cause d'un parent ou
d'un ami, si pour des raisons de déshonneur ou d'honneur, à cause de la faveur
ou de l'appui, à cause de la mort ou de la vie tu viens à pécher, détourne-toi
d'eux.
— Bien pénible devoir ! Dois-je ne pas désirer la femme
d'autrui ? Non seulement ne pas prendre la fortune d'autrui mais encore avoir à
donner la mienne ? Non seulement ne faire de mal à personne mais encore faire
tout le bien possible ? C'est une dure et pénible obligation; un peu de sucre,
Seigneur, s'il vous plaît ! Car je peine et transpire pour faire cela et avec
toutes mes forces n'y parviens qu'un peu; apportez-nous quelque consolation,
donnez-nous quelque récompense.
— Cela me plaît. Mon père l'aimera; mon Père le
chérira bien — dit Jésus-Christ — et la récompense qu'il lui donnera pour obéir
à mes paroles et observer mes commandements (et cela repaiera ses souffrances)
c'est que le Père éternel abaissera ses regards sur lui, et nous viendrons à
lui et nous ferons chez lui notre demeure. Nous ne viendrons pas en passant
car nous nous arrêterons pour fixer notre résidence et séjourner.
— Qui pourra entendre cette parole sans bénir et louer le
Père, le Fils et le Saint-Esprit, car le Père et le Fils viendront et ils
établiront leur demeure en lui.
Désirez-vous plus ? Êtes-vous contents ? A présent
continuerez-vous à poursuivre les chimères, à chercher de l'argent, les
honneurs, à désirer vous élever plus haut, vous faire valoir et rechercher des
charges ?
Voulez-vous davantage ? Saint Bernard dit : " Oh ! cœurs
endurcis que ne blesse pas un tel couteau, que n'enflamme pas un tel feu, que
n'émeut pas, n'adoucit pas, et n'attendrit pas une telle bonté ! " Quand le Fils
et le Père viennent, le Saint-Esprit vient aussi. Ne te considère pas comme
orphelin dorénavant parce que le monde te refuse les honneurs, parce que le
monde ne t'accorde pas de faveurs, parce que tu n'as ni prospérités, ni
richesses ici-bas.
— Vous reste-t-il quelque chose, Seigneur, vous reste-t-il
quelque chose à donner? Je prierai le Père et il vous enverra un autre
Consolateur.
Le Consolateur sera tel, qu'ils ne regretteront pas le
Christ.
Voilà ce qui me stupéfie le plus. Les disciples attendaient
ce Consolateur. Ils le désiraient beaucoup tout en ignorant qui était ce
Consolateur ou quelle était sa puissance. Les apôtres l'aimaient avant sa venue
et désiraient beaucoup qu'il vînt à eux. Je prierai le Père et il vous
enverra un autre Consolateur.
— Que dites-vous, Seigneur ? Quelles paroles sublimes
sortent de votre bouche ? Combien doit être
grand le Consolateur pour que sa venue console de votre
douloureuse absence; pour qu'il console, pour qu'il enseigne et pour qu'il fasse
tout ce que vous faisiez.
Pourrez-vous vous imaginer et pourrez-vous dire l'immense
consolation que le Christ apportait à ses apôtres, combien sa vue et sa présence
leur donnaient de joie ? Rien que de le voir, toutes leurs souffrances
s'évanouissaient. Nulle mère n'aime autant ses enfants et les comble d'aussi
nombreux présents que Jésus-Christ n'aimait et comblait ses apôtres de présents;
il n'existe pas d'oiseau qui prenne autant de soin de ses petits, les défende et
les abrite sous ses ailes que ne le faisait Jésus-Christ avec les siens. Il les
aimait du plus profond de son cœur, il leur parlait, il les instruisait, il leur
prodiguait mille consolations, il les préservait des défaillances, il les
encourageait, il leur faisait beaucoup de bien. Eux l'aimaient tellement qu'ils
abandonnèrent leur richesse et leur fortune, les filets avec lesquels ils
gagnaient leur vie, des maris quittèrent leurs femmes, des enfants leurs
parents, et quelques femmes leurs maris. Il était si affectueux pour eux, sa
conversation si affable et si pleine d'amour, qu'ils auraient donné mille mondes
s'ils les avaient possédés, afin de jouir de sa présence une seule heure. Comme
ils étaient pleins d'assurance, comme ils étaient joyeux, comme ils étaient
heureux avec le Christ ! On peut les considérer comme riches et heureux, et ils
l'étaient, ceux qui voyaient Jésus-Christ de leurs yeux et entendaient de leurs
oreilles ses très saintes paroles.
Jésus-Christ, le jeudi de la Cène, leur dit : Vous êtes
tristes parce que je vous ai dit que je veux partir. Ces bienheureux étaient
si heureux avec Jésus-Christ qu'il leur semblait impossible qu'après son départ,
quelque chose put venir consoler leur cœur, et ils pensaient que personne au
monde ne pourrait remplir le vide causé par son absence. Ils étaient stupéfiés,
ravis par ce corps très saint et par sa présence; ils ne croyaient pas qu'ils
pouvaient être consolés une fois que le Christ les aurait quittés. Qui consolera
ces affligés ? Qui portera remède à une si grande perte ? Qui guérira cette
plaie que l'absence du Christ a causée dans le cœur de ses apôtres ? C'est une
grande plaie d'amour, elle a besoin de grand remède et de grand soin.
— Si je m'en vais un autre Consolateur viendra qui vous
consolera. Quel Consolateur peut venir, qui les empêche de regretter
Jésus-Christ ? Il leur dit qu'il veut s'en aller et pour adoucir leur peine et
leur tristesse il leur promet de leur envoyer un autre Consolateur. Et il sera
tel, que vous ne souffrirez pas de mon départ; un autre Consolateur aussi bon
que moi, un autre qui vous consolera et vous fera plus de présents que moi.
Seul Dieu pouvait guérir cette plaie; et voici un argument
très important pour croire que le Saint-Esprit est Dieu, parce que, s'il était
moins que Dieu, il n'aurait pas pu consoler, il n'aurait pas pu guérir la plaie
que le Christ avait faite par son absence. Jésus-Christ est Dieu; si le
Consolateur qu'il devait envoyer avait été moins que Jésus-Christ, il n'aurait
pas pu guérir la plaie faite par le départ du Christ. Donc, il est clair que,
devant être Consolateur comme le Christ l'a dit, puisqu'il devait consoler les
apôtres de la peine qu'ils avaient du départ du Christ, il devait être aussi
Dieu que Jésus-Christ et aussi puissant pour consoler que l'était le Christ.
Seul le Saint-Esprit qui est Dieu comme Jésus-Christ sera capable de le faire
réellement. C'est pourquoi, vous devez être tout à fait consolés, parce que, si
vous l'appelez, il vous secourra dans toutes vos difficultés. Peut-être
dites-vous : " On m'a calomnié, j'ignore ce qu'on a dit de moi, j'ai perdu ma
fortune, mon mari est parti, je souffre beaucoup et suis très malade, mon père
est mort, mon ami m'a manqué de parole, je suis affligé, j'ai de grandes
tentations, j'éprouve une grande sécheresse dans mon cœur, je ne sais pas ce que
j'ai, je suis toujours aux prises avec la souffrance et en danger de mort ".
Ayez de la patience, ne vivez pas dans l'affliction; ne vous laissez pas
abattre, appelez ce Consolateur qui vous consolera et vous instruira; car
puisqu'il a suffi à combler, à guérir et à consoler la désolation que le Christ
a causée à ses apôtres, il vous consolera aussi; car ce fut une perte plus
grande et une affliction plus grande que toutes celles que vous pouvez avoir, si
grandes et si pénibles soient-elles. Compare ton affliction et ta plaie avec
celles des apôtres, et tu verras comment celui qui a guéri et consolé celles là,
alors qu'elles étaient si grandes consolera et guérira les tiennes aussi bien et
encore mieux.
Ce que fait le souffle du Saint-Esprit.
Ce Consolateur est-il venu à vous ? Cet Hôte est-il venu à
vous ? Ce grand jour pour votre maison est-il arrivé ? — Père, je ne sais pas ce
qui m'arrive; ce qui me réjouissait beaucoup auparavant, m'importune à présent;
les joies qu'offre le monde m'attristent, les plaisirs me font de la peine; les
jeux, les passe-temps, les joies et toutes les jouissances du monde me sont
fastidieux; tout me procure de l'ennui.
— Si ce jour est arrivé pour vous, si ce sentiment s'est
emparé de votre cœur, si vous l'avez reçu, sachez-en remercier le Seigneur, et
sachez-lui en rendre grâce. Celui qui reçoit cet Hôte, celui qui reçoit ce
Consolateur, n'a que mépris et peu d'attention pour tout ce qui fleurit dans le
monde, et tout ce que les mondains tiennent pour quelque chose, tout cela lui
donne du dégoût, tout le rebute, tout l'ennuie et lui fait de la peine.
Sais-tu l'appeler ce Consolateur, tâche de lui plaire et de
le contenter; parce que celui qui possède un tel Hôte ne doit pas s'en
distraire, car un si grand Hôte demande un grand soin. Dis-lui : " Seigneur,
c'est avec vous seul que je suis content, vous seul suffisez à me rassasier;
sans vous je n'aime personne, et avec vous je possède tout; soyez, vous seul,
avec moi et peu importe que tous les autres m'abandonnent; vous, consolez-moi,
peu m'importe que tout le monde me remplisse de désolation; soyez, vous seul
avec moi et peu m'importe que tout le reste soit contre moi."
— Où est la sagesse ? Où la trouverons-nous ? Elle est dans
le cœur de Dieu. Eh bien dites-moi : après son départ restons-nous orphelins,
restons-nous seuls, restons-nous sans conseil, sans appui ? Comment restons-nous
?
Nous a-t-il laissé ici-bas un autre à sa place ? Qu'il vous
le prêche celui qui le sait et qu'il vous le fasse comprendre par sa
miséricorde.
Oh ! grâces immenses de Dieu ! Oh ! grandes merveilles de
Dieu !
Qui pourrait vous faire comprendre ce que vous perdez et
aussi qui pourrait vous faire comprendre comme vous pourriez vite le regagner !
C'est un grand mal et un grand dommage, de ne pas connaître une telle perte.
C'est un dommage plus grand encore de ne pas lui porter remède lorsqu'on le
peut. Dieu t'aime bien; il veut te faire des faveurs, il veut t'envoyer son
Saint-Esprit; il veut te remplir de ses dons et de ses grâces, et je ne sais pas
pourquoi tu perds un tel Hôte. Pourquoi consens-tu à une telle chose ? Pourquoi
le laisses-tu passer ? Pourquoi ne te plains-tu pas ? Pourquoi ne pousses-tu pas
de cris ?
Mais comment appellerons-nous cette union que le Saint-Esprit
veut faire et fait avec ton âme ? Incarnation ? Non; toutefois l'âme est jointe
à Dieu avec une telle force et forme une union si puissante et si pacifique que
cela ressemble beaucoup à une incarnation bien que par ailleurs les différences
soient grandes. L'incarnation fut une union si haute du Verbe divin
à sa nature humaine très sainte, qu'elle l'éleva à une unité
de personne, ce qui n'est ici-bas qu'une unité de grâce; et comme on dit d'une
part incarnation du Verbe, on dit ici-bas spiritualisation
du Saint-Esprit. De même que Jésus-Christ prêchait, le Saint-Esprit prêche à
présent; de même qu'il enseignait, le Saint-Esprit enseigne, de même que le
Christ consolait, le Saint-Esprit console et réjouit. Que demandes-tu ? Que
cherches-tu ? Que veux-tu de plus ? Avoir en toi un conseiller, un précepteur,
un administrateur, quelqu'un qui te guide, qui te conseille, qui t'encourage,
qui t'achemine, qui t'accompagne en tout et pour tout ! Finalement, si tu ne
perds pas la grâce, il sera tellement à ton côté, que tu ne pourras rien faire,
ni dire, ni penser qui ne passe par sa main et son saint conseil. Il sera pour
toi un ami fidèle et véritable; il ne t'abandonnera jamais si tu ne l'abandonnes
pas.
De même que le Christ pendant cette vie mortelle opérait de
grandes guérisons et répandait sa miséricorde dans le corps de ceux qui avaient
besoin de lui et l'appelaient, de même ce Maître et Consolateur opère ces œuvres
spirituelles dans les âmes où il demeure et se trouve en union de grâce. Il
guérit les boiteux, il fait que les sourds entendent, il donne la vue aux
aveugles, il ramène les égarés, il enseigne aux ignorants, il console les
affligés, il encourage les faibles. De même que le Christ faisait ces œuvres si
saintes parmi les hommes, et de même qu'il n'aurait pas pu faire ces œuvres s'il
n'avait pas été Dieu, il les fit avec cette nature humaine qu'il avait assumée,
et nous les appelons œuvres qui furent faites par un Dieu homme, de même ces
autres œuvres que fait ici-bas le Saint-Esprit dans le cœur où il demeure, nous
les appelons œuvres du Saint-Esprit avec l'homme, considéré comme élément
secondaire.
Ne peut-on considérer comme malheureux et infortuné celui qui
ne possède pas cette union, celui qui ne possède pas un tel hôte dans sa maison,
celui qui n'a pas un tel conseiller, celui qui n'a pas un tel guide, un tel
soutien, un tel précepteur, consolateur et gardien ? Et parce que vous ne le
possédez pas, vous êtes tels que vous êtes, remplis de misère. Dites-moi,
l'avez-vous reçu ? L'avez-vous appelé ? L'avez-vous importuné pour qu'il vienne
? Combien de larmes vous en coûte-t-il ? Combien de soupirs ? Combien de jeûnes
? Quels actes de dévotion avez-vous faits ? Que Dieu soit avec nous ! Je ne sais
pas comment vous avez la patience ni comment vous pouvez être privés d'un si
grand bien. Voyez tous les biens, toutes les grâces et les miséricordes que le
Christ est venu faire aux hommes, ce Consolateur les répand toutes dans nos
âmes; il te prêche, te guérit, te rend la santé, t'enseigne et te fait mille
millions de biens.
Il console, il encourage, il réjouit.
Ne vous est-il pas arrivé de sentir votre âme desséchée, sans
fraîcheur, mécontente, remplie de découragement, affligée, dégoûtée, ne goûtant
vraiment rien de ce qui est bon ? Alors qu'elle se trouve dans cet état de
mécontentement, et parfois d'abandon, survient une brise sainte, un souffle
saint, un rafraîchissement qui t'apporte la vie, t'encourage, t'anime, te fait
revenir à toi, te donne de nouveaux désirs, un amour vif, des satisfactions très
grandes et très saintes et te fait prononcer des paroles et œuvrer à tel point
que tu t'en étonnes toi-même. C'est le Saint-Esprit; c'est le Consolateur;
aussitôt que son souffle est arrivé, dès sa venue, vous vous trouverez attiré
comme par une pierre d'aimant, avec un courage nouveau, des œuvres, des paroles
et des désirs nouveaux; car auparavant vous ne trouviez de valeur à rien, tout
vous importunait; à présent vous trouverez de la saveur en tout et beaucoup de
satisfaction, tout vous réjouit, tout vous instruit. Une petite herbe, que vous
regardez avec attention vous fait louer mille fois Dieu, Notre-Seigneur, et vous
fait connaître l'Auteur et le Créateur merveilleux de toutes choses, met en
votre cœur des sentiments de dévotion et de reconnaissance au Seigneur
tout-puissant, et d'autres encore; s'il vous était permis de parler, vous
proclameriez les merveilles et la grandeur de ce que le Seigneur fait connaître
de tout ce qui est créé.
Oh ! joyeux Consolateur ! Oh ! souffle bienheureux qui
conduit les vaisseaux au ciel ! Cette mer où nous naviguons est très dangereuse;
mais avec ce vent et avec un tel pilote nous voguerons en toute sécurité.
Combien de navires se perdent ! Combien soufflent de vents contraires et combien
y a-t-il de grands dangers ! Mais dès que souffle ce Consolateur compatissant,
il les fait rentrer dans un havre sûr. Qui pourra compter les biens qu'il nous
faits et les maux dont il nous préserve ? C'est du ciel que vient le vent, du
Père et du Fils, et c'est vers eux qu'il retourne; c'est de là que ceux-ci
l'exhalent, et c'est de là qu'il l'envoie à ses amis
.
II les guide vers le terme; il les y conduit; c'est là qu'il veut les mener.
— Avant la venue de ce Consolateur, avant que souffle ce vent
du Saint-Esprit, nous sommes assis, nous sommes lourds, notre âme doit peser
beaucoup, tout lui paraît difficile, tout lui semble impossible, il ne lui
semble pas qu'il existe un chemin pour le ciel, elle trouve partout de la gêne,
et elle marche alourdie par une arrobe de plomb, que dis-je arrobe ! cent
quintaux de plomb. Comment les ossements des morts auront-ils la vie ? Comment,
desséchés, se couvriront-ils de chair et ressusciteront-ils ? Il est évident que
par eux-mêmes et seulement par eux-mêmes, ils ne pourront rien; mais Dieu qui
peut tout, peut les couvrir de chair, et leur donner l'esprit de vie, et les
ressusciter et leur donner mouvement et existence.
Dieu appela le prophète Ézéchiel et lui dit : Fils de
l'homme, pour toi, ces os que tu vois ici pourront-ils avoir la vie et être
couverts de chair et de nerfs? Ézéchiel répondit : Seigneur, ce que vous me
demandez, vous le savez. Dieu dit : Dis-leur ceci : « Os desséchés, je jetterai
sur vous de l'esprit de vie, et je vous couvrirai de nerfs et je ferai pousser
de la chair sur vous, et je vous donnerai de la vie, et vous saurez que je suis
le Seigneur ».
Un os sec, dur, sans humeurs liquides, ni vertu, voilà tout
homme qui se trouve privé du Saint-Esprit; un os mort. Mais quand le prophète
eut appelé le vent pour qu'il soufflât sur les morts, les os eurent la vie; tout
change, ce qui est lourd devient léger et ce qui est mort revit. Tu étais
malade, lourd, privé du feu de charité, mort, et tu n'avais pas la plus petite
miséricorde pour personne ni n'avais de tendresse; tu étais découragé par la
faiblesse, sans espoir de pouvoir réaliser une œuvre qui soit bonne et aussi
pesant qu'un mort. Dans cet état Dieu te dit : " Homme, ne perds pas courage,
penses-tu que tu ne pourras pas ressusciter ? Reprends courage, car moi je suis
plus puissant pour te sauver, pour te ressusciter, te donner vie et te réjouir
que tous les maux pour t'abattre, te perdre, te tuer et t'attrister. Ma bonté
est plus grande pour te rendre bon, que ta méchanceté pour te damner et te
rendre méchant."
Seigneur Dieu tout-puissant que les cieux et la terre vous
bénissent ! Combien verrons-nous de témoins le jour du jugement dernier, dont
les navires couraient déjà à leur perte, allaient se briser en morceaux,
allaient sombrer et qui en recevant ton souffle furent sauvés et rentrèrent
tranquillement au port et en toute sécurité ! Combien son Esprit ressuscita-t-il
de gens qui avaient perdu toute espérance de vie et leur donna une nouvelle vie
et des désirs nouveaux, les réjouit et les confirma dans une espérance nouvelle
! Qui fait tout cela ? Le Saint-Esprit qui a soufflé et a conduit sans
résistance vers Dieu.
Que fait-il de plus ? Qui le dira ? Qui pourra le dire ? On
jette les apôtres en prison, on les fouette et on leur ordonne de ne plus
prêcher, eux sortent en riant, joyeux, éprouvant le sentiment
d'être des bienheureux, parce qu'ils ont été dignes d'endurer des
souffrances et des affronts pour le Christ notre Rédempteur. Sinon,
considère que par peur d'une simple femme saint Pierre nie et renie trois fois
Jésus-Christ, et dit : Je ne connais pas cet homme, et après la venue en
son cœur de ce Consolateur, de ce souffle, ni les menaces, ni la prison, ni les
chaînes, ni les coups de fouet, ni la mort même ne sont suffisants pour
l'empêcher de prêcher et de confesser le saint nom de Jésus-Christ; saint Paul
mis dans les fers et jeté en prison disait : " Ne croyez pas que je sois affligé
parce que je suis dans cette prison; sachez qu'ici, dans cette prison où je
suis, j'ai de la consolation pour moi et pour vous, et que d'ici je console tout
le monde ."
Jésus-Christ dit dans son saint évangile : Que celui qui a
soif, vienne. Que voulez-vous dire, Seigneur ? Quelle eau avez-vous pour
apaiser la soif de ceux qui viendront à vous ? Il n'y a pas d'eau, ni de sources
plus fraîches pour apaiser ainsi la soif et rafraîchir ceux qui sont altérés que
le Saint-Esprit du Christ. Avec lui, les convoitises et la soif de ce monde
s'apaisent et le feu ardent qu'allument en nous les désirs d'aimer et de
convoiter les choses de la terre s'éteint. C'est pourquoi le Christ
Notre-Seigneur dit : Que celui qui a soif vienne à moi. En venant à lui,
en buvant de l'eau de son Saint-Esprit, en recevant ce Consolateur, ce souffle
du Saint-Esprit, il sera rassasié, consolé, instruit, plein d'abondance et guidé
sans erreur et hors de doute.
Il enseigne.
Saint Bernard dit qu'il t'enseignera toutes choses;
quelquefois de lui à toi, quelquefois par la bouche d'un autre homme, il te
prévient, t'enseigne, te console, t'aide et t'encourage, car il le veut ainsi;
si beaucoup de disciples désiraient être marqués de cette doctrine, désiraient
entendre et suivre les cours dans cette école, ils jouiraient de cet Esprit
doux, source de sagesse. Dans les autres écoles, même si un homme est mauvais,
il peut en sortir savant en sa matière et maître en quelques disciplines; mais
ici ses disciples jouiront du Saint-Esprit et ils en sortiront ablactatos a
lacte, avulsos ab uberibus
,
sevrés et éloignés du sein de leurs mères. C'est à ceux-ci que le
Saint-Esprit enseigne qu'il se communique, qu'il se donne. Mes frères, osez vous
sevrer pour Dieu, osez vous éloigner du sein de vos mères pour que vous soyez
des disciples et soyez instruits à l'école du Saint-Esprit. Sevrez-vous de votre
volonté, de votre opinion; sortez et éloignez-vous de vous-mêmes, sortez de
votre naturel et de vos jugements. Mon Seigneur et mon Dieu, si vous n'êtes pas
mon ami, si vous ne m'aidez pas, si votre puissante main ne me favorise pas,
comment pourrai-je y pourvoir moi-même ? Comment pourrai-je me séparer, me
sevrer et m'écarter des choses d'ici-bas ? Si vous m'aidez, je pourrai tout, je
ferai tout; rien ne m'arrêtera; j'oublierai tout, je mépriserai tout et je
chasserai tout de moi. Je préfère, Seigneur, être triste à cause de vous que
joyeux dans le monde; j'aime mieux pleurer que rire puisque Jésus-Christ, notre
Rédempteur a promis une si grande récompense, en disant de sa bouche inestimable
: Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés
.
Lorsqu'on les sevré, quelques enfants parfois en meurent. Les
uns mettent leur consolation dans leurs enfants, dans leurs trésors et leurs
richesses, d'autres dans l'honneur, d'autres dans les charges et l'autorité,
d'autres dans les faveurs, d'autres dans leur femme ou leur mari; et ainsi
chacun se repaît et se réjouit selon son caractère de ce qui lui donne le plus
de contentement. Quitte tout, mon frère; sevré ce cœur qui est le tien,
écarte-le du sein où il a placé son amour. Parmi ceux qui sont sevrés
quelques-uns reviennent parfois en arrière. Ose, mon frère, et si une chose te
plaît, sacrifie-la pour Notre-Seigneur Dieu et dis : " Pour votre amour, je veux
perdre cette joie, cette consolation, ceci qui me plaisait et cela qui me donne
du contentement. Seigneur et mon Dieu, tout ce que vous voudrez que j'oublie,
que j'écarte, que je refuse, que je fasse, je ferai tout et je m'éloignerai de
tout; aidez-moi, mon Seigneur et ma consolation; donnez-moi du courage,
donnez-moi votre grâce ." Faites briller la lumière en nos esprits, versez
l'amour en nos cœurs; soutenant la faiblesse de notre corps par votre constante
vigueur
.
Éclairez, Seigneur des rayons de votre
lumière et de votre clarté éternelle, les ténèbres de mon entendement,
pour que je puisse avec clarté et certitude ne choisir que vous pour mon
bien éternel et que j'oublie et estime peu toutes ces autres choses, car elles
sont des ombres fausses et des apparences trompeuses. Et en vous connaissant
mieux, faites, Seigneur et mon Dieu, que mon cœur (et toute ma
volonté) s'enflamme de votre amour et de désir pour vous, pour que je
n'aime que vous, je ne veuille que vous, je ne me mette que sous votre
protection, je ne tourne mes regards que vers vous et que vous ne permettiez pas
que je m'éloigne jamais de votre amour. Et parce que la faiblesse de nos corps
empêche de le faire aussi librement que le demande la raison, fortifiez,
Seigneur, avec votre force la faiblesse de mon corps, la bassesse de ma
sensualité et de mes aptitudes, afin que tout ce qu'il y a en moi vous contente
et vous plaise, vous comprenne, vous aime et vous serve.
— Père, puisque j'ai entendu tant de biens de ce Consolateur,
de cet Hôte, que nous devons recevoir dans nos âmes, sachons pourquoi il vient,
ce qu'il fait dans nos âmes.
— C'est un long compte que vous me demandez; qui vous pourra
compter les grâces qu'il répand là où il vient ? Combien de dons il laisse ! Que
de miséricordes il apporte à l'âme qui se donne tout entière à lui ! Le Christ,
notre Rédempteur, faisait des miracles, il guérissait des malades, ressuscitait
des morts, prêchait. Qui pourra raconter tous les biens que Jésus-Christ
Notre-Seigneur fit aux hommes ? Or le Saint-Esprit fait dans les âmes tout ce
que Notre-Seigneur Jésus-Christ faisait : il guérit des malades, ressuscite des
morts, donne une langue aux muets pour proclamer la grandeur de Dieu
Nôtre-Seigneur. Qui veut emporter cet Hôte ? Qui veut ce Conseiller, ce
Consolateur ?
Qui le veut ? Qui le veut ?
— Eh bien, voudra-t-il venir ? — Écoutez : O vous tous qui
avez soif, venez aux eaux. Vous-mêmes qui n'avez pas d'argent, approchez-vous
vite et mangez. Venez, achetez, sans argent, et sans rien donner en échange, du
vin et du lait
.
D'abord il dit eau, et ensuite vin et lait. Eau
parce qu'elle apaise la soif et rafraîchit l'ardeur du corps et repose les
membres fatigués et nettoie tout ce qui est sale. Vin parce qu'il te fait
perdre ta raison et prendre celle du Christ; il t'enlève ton opinion et ta
volonté et te donne l'opinion, la volonté et les intentions de Jésus-Christ
notre Seigneur et Rédempteur. Qui veut le recevoir car il se donne gratuitement
? Vin, parce qu'il donne de la force et du courage pour souffrir et
endurer des souffrances pour le Christ, il réjouit le cœur et donne de la
satisfaction dans l'adversité. Lait aussi, parce que le Saint-Esprit
traite l'âme de celui qui le possède comme s'il s'agissait d'un enfant qui est
au sein de sa mère et il le dirige, le gouverne et lui fait des présents comme
pour un enfant; c'est ainsi notre précepteur, notre défenseur, le pédagogue de
notre enfance.
Qui le veut ? Qui le veut, mes frères ? Qui le désire et se
trouve en même temps plongé dans le péché ? Qui le demande avec le cœur occupé à
d'autres choses ? Le glorieux apôtre saint Paul dit aux Éphésiens : C'est en
lui que vous avez cru et que vous avez été marqués du sceau du Saint-Esprit, qui
avait été promis, et qui est une arrhe de notre héritage
.
A quoi me sert d'être baptisé et de croire en Jésus-Christ si je n'ai pas le
Saint-Esprit ? Si je n'ai pas ce gage de l'héritage céleste promis, à
quoi me servent ces autres biens même si j'en ai beaucoup ? Sans cela être
baptisé et m'appeler chrétien n'est rien. De même que la circoncision était
un signe pour le Juif, de même le baptême est un signe
extérieur pour le Chrétien; rien ne sert pour te sauver, si tu n'as pas le
Saint-Esprit. Le signe par lequel quelqu'un doit se sauver et atteindre
les promesses du Christ notre Rédempteur, n'est pas de m'appeler chrétien, ce
n'est pas seulement d'être baptisé. Parce que bien qu'il y ait ceci, s'il manque
la présence du Saint-Esprit, ceci ne suffira pas; les baptisés sont des enfants,
mais ce ne sont pas des enfants légitimes, ce sont des bâtards; ce sont des
enfants, mais ils n'héritent pas de leur Père parce que les bâtards ne sont pas
des enfants qui héritent; leur Père peut leur donner des dons, mais il ne leur
donnera pas le patrimoine. Celui qui est baptisé et n'obéit pas à Dieu,
Notre-Seigneur, n'est pas un fils légitime; celui qui est baptisé et ne possède
pas le Saint-Esprit n'est pas légitime; il est bâtard, car il n'a pas le
signe qui rend les enfants légitimes et héritiers des biens de leur Père,
qui est le Saint-Esprit. C'est en lui que vous avez cru et que vous avez été
marqués. Lorsqu'on t'a marqué avec le signe extérieur de chrétien et
quand on t'a donné le Saint-Esprit, on t'a fait brebis du Christ et on t'a
marqué comme étant sa brebis et de son troupeau. Si nous n'avons pas le
Saint-Esprit, nous ne possédons pas l'harmonie éternelle, que Dieu promet par
Isaïe : J'ai conclu avec vous un pacte éternel, vous accordant les grâces
assurées à David
.
Qui le veut ? Qui le veut ? Oh ! envoyez-nous des crieurs qui
publient la bonne nouvelle ! Qui veut cet Hôte ? Qui veut ce Consolateur ? Il ne
sera pas donné à tous de recevoir ce Consolateur, il ne sera pas donné à tous de
recevoir un Hôte, à plus forte raison si on vous dit que c'est une personne très
sensée et sage. Un jeune homme dit : " Je dois rester devant lui comme saint
Jérôme; je ne dois pas bouger, je ne dois pas parler ni me promener, aller aux
jeux, ni aux fêtes, ni où je veux; je dois toujours me tenir dans les justes
limites; voilà un grand ennui, qui le pourrait supporter ? " Ah ! Seigneur, que
signifie cela ? Ils vous prient et ne vous veulent pas ! Vous vous donnez
gratuitement à eux et ils ne vous apprécient pas. Eh bien! Seigneur, vous savez
ce qu'il nous faut et ce que nous perdons si nous ne vous recevons pas, dites-le
nous et faites-le nous comprendre.
Si tu attends ou si tu possèdes déjà cet Hôte...
La femme enceinte ne saute pas, ne fait pas non plus de
travaux excessifs pour ne pas risquer de perdre ce qu'elle porte en son sein; la
jeune femme follette qui n'est pas enceinte, saute et danse, joue sans crainte
parce que rien n'est en péril en elle. Voulez-vous voir de quel péril il s'agit
et quel est ce bien qui ne vous manque pas ? Regardez : Si vous voyez des
personnes inconséquentes ou si vous l'êtes vous-même car vous allez où vous
voulez, vous parlez, riez, jouez sans crainte, c'est le signe certain que vous
n'avez rien à perdre; ou nous pourrons vous prédire que vous le perdrez vite,
puisque l'amour vous fait défaut. C'est un signe certain que nous avons quelque
chose à perdre si nous avons le souci de le garder et la crainte de le perdre;
ainsi lorsqu'on vous dit : Regardez cela. Vous répondez : Je n'ose pas. — Allons
par là. — Je n'ose pas. — Réjouissons-nous un peu. — Je ne peux pas. — Allons
nous distraire. — Je n'oserai pas. — Que se passe-t-il ? Qui vous a ravi votre
volonté ? Qui vous a pris votre liberté ? La sainte crainte et le respect de
l'Hôte que j'ai en moi, tiennent enchaînés mes pieds, mes mains, mes désirs et
mon cœur. Il me tient tout entier attaché si bien que je ne peux faire ni ne
veux faire plus que ce qu'il désire et que ce qui est sa volonté.
Celui qui attend ou qui possède cet hôte, accepte ces liens,
soit pour le recevoir mieux ou avec de meilleurs préparatifs, soit, s'il est
venu, pour le garder afin qu'il ne s'en aille pas. — Pourquoi ne partez-vous pas
par là ? Pourquoi ne faites-vous pas comme les autres ? Pourquoi êtes-vous si
ennuyeux ? Sortez de vous-même, existez pour quelque chose ! Si vous voyez
quelqu'un agir de la sorte, et qui a souci de lui-même, et ne sait pas répondre
par lui-même, ne sait pas se défendre, celui-là le possède dans son cœur; chez
lui habite cet Hôte; ce sont des signes de la présence du Saint-Esprit :
N'attristez pas le Saint-Esprit
.
Surveille ta manière de vivre, afin de ne pas attrister le Saint-Esprit
qui demeure en nous. Sois soucieux comme celui qui a pour hôte un grand
seigneur, et n'ose pas aller aux fêtes ni aux jeux. Il se souvient immédiatement
de son hôte et dit : " Qui le servira ?
Qui lui préparera le repas? Qui veillera sur lui? Je veux
rentrer chez moi, de peur qu'il ait besoin de moi, que je lui manque, que je lui
fasse défaut ". Si tu n'as pas ce souci, cette crainte et ce respect du
Saint-Esprit qui est ton hôte, avec quelle liberté tu agis ! Tu cours, joues, te
moques, manges, et bois sans crainte de le perdre et sans aucun souci de
l'attendre et de le recevoir. Oh ! quelle douleur ! Si tu attends, si tu veux,
si tu désires qu'il vienne, quel souci en prends-tu ?
Il n'y a personne, si pauvre soit-il, qui, prévenu que le roi
doit venir chez lui, ne cherche sous forme de prêt ou de toute autre façon
quelque chose à suspendre et des parures pour orner sa maison. " Oh ! on me dit
que le roi doit venir chez moi ! Que ferai-je ? Prêtez-moi quelque chose à
suspendre en ornement; prêtez-moi quelques draperies avec lesquelles
j'embellisse et orne ma maison. Bien que je sois pauvre, ce n'est pas une raison
pour que le roi venant dans ma maison, la trouve sans parure, sale et mal
arrangée. "
Lorsqu'on t'incitera à quelque péché, à quelque tentation
mauvaise, réponds aussitôt: "J'attends la pureté, pourquoi me souillerai-je ?
J'attends mon Seigneur, comment quitterai-je ma maison ?" Mon esprit ne
demeurera pas toujours dans l'homme, car l'homme n'est que chair
.
Saint Paul dit aussi : Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du
Saint-Esprit ?
N'ignorez-vous pas que vos yeux, vos mains et votre bouche, sont le temple du
Saint-Esprit; ne souillez pas la maison du grand seigneur. Tu recherches les
joies de la chair, aussitôt le Saint-Esprit s'en va. Le Saint-Esprit ne peut se
supporter d'aucune manière dans un esprit souillé; ils ne peuvent vivre
ensemble. Il n'est point de moyen terme, il faut choisir l'un ou l'autre. Si tu
choisis le Saint-Esprit, tu dois rejeter tout péché et souillure; et si tu veux
conserver quelque péché, le Saint-Esprit s'en ira.
Considère donc, à présent, ce qui vaut plus, avoir dans ton
cœur le Saint-Esprit Consolateur avec la pureté ou perdre un si grand bien pour
un plaisir charnel que les bêtes des champs connaissent. Ce n'est pas beaucoup,
ce n'est pas beaucoup certainement, de risquer et de perdre ce qui est faux pour
choisir ce qui est vrai; de perdre l'incertain pour le certain. Pour une affaire
si claire, pour une affaire qui te convient tant, il n'est pas nécessaire de
prendre conseil.
Qui le veut ? Considérez qu'il se donne gratuitement, qu'il
ne vous demandera pas beaucoup de choses. Pour révérer le Saint-Esprit, qui est
venu aujourd'hui remplir le cœur des apôtres, dorénavant ayez de la vénération
et du respect pour cet Hôte, servez-le avec beaucoup de soin; même si vous avez
de la peine, travaillez à le contenter; même si vous, vous dormez sur le sol,
donnez-lui votre lit; et même si vous en souffrez, contentez-le. Je vous demande
par révérence et amour pour lui, d'avoir pour lui du respect. Ne vous donnez pas
à l'esprit du mal; n'échangez ce Consolateur avec personne. Ne pensez pas
pouvoir vivre sans le Saint-Esprit ou sans l'esprit du mal, car c'est l'un ou
l'autre.
Nous faisons le signe de la croix lorsque nous entendons
parler du démon ou lorsque nous l'entendons nommer et ne nous signerons-nous pas
si nous l'avons dans le cœur, comme nous l'avons quand, par quelque péché
mortel, nous sommes ennemis de Dieu et fâchés avec lui ?
Appelle-le au nom de Jésus-Christ.
Si nous avions un peu d'attention et considérions les apôtres
qui l'attendaient avec foi ! Les bienheureux attendaient le Consolateur. Sois
ainsi dans les œuvres de miséricorde en faisant du bien à tous ceux que tu
pourras.
Les apôtres étaient enfermés en compagnie de la Très Sainte
Vierge Marie; appelle-le ; force-le comme la veuve dont je vous ai parlé, qui
insista et contraignit Élisée.
Je pensais que s'il est venu chez ceux qui ont crucifié le
Christ, il viendra, à présent, aussi, chez ceux qui l'appelleront avec dévotion.
Sa douceur et son amour étonnent véritablement, lui qui est
entré en eux par la prédication et la prière des apôtres. Saint Pierre prêche
ceci: "Mes frères, vous avez péché, connaissez vos péchés et repentez-vous en,
car le Seigneur vous pardonnera aussitôt, et vous enverra un don. Préparez vos
cœurs pour le recevoir." Dieu ouvre leur cœur, leurs entrailles et ils
connaissent leur mal; et alors retentit cette voix-là, qui est connaître son
péché et le pleurer, et qui résonne plus que l'orgue et répand une odeur plus
forte que la civette; ils appellent du fond du cœur Notre-Seigneur Jésus-Christ;
et, dès qu'ils le font, le Saint-Esprit descend en eux. Voulez-vous que le
Saint-Esprit vienne à vous ? Appelez-le au nom de Jésus-Christ. Le Saint-Esprit
aime tant Jésus-Christ, que, si vous l'appelez en son nom pour qu'il vienne à
vous, il viendra aussitôt.
— Il est pur; comment viendra-t-il à moi qui ne le suis pas ?
— Voici la raison. Pourquoi le Saint-Esprit a-t-il tant aimé
Jésus-Christ? Parce que Jésus-Christ s'est mis sur la croix de très bon gré en
obéissant au Père éternel et au Saint-Esprit; c'est pourquoi il viendra à vous
en son nom, et n'aura pas de dégoût de votre misère; il ne manquera pas de
venir; il ne se bouchera pas le nez à cause de toi. — Qui à la vase a uni l'or,
la pureté à l'impureté, la richesse à l'extrême pauvreté, la grandeur à la
bassesse, un si grand bien à tant de faiblesse et de petitesse ?
— Il est donc vrai que l'homme n'est pas un lieu fait pour le
Saint-Esprit, ni la croix n'était un lieu fait pour mettre notre Rédempteur
Jésus-Christ; mais c'est à cause de cette union de Dieu avec la croix qu'il y a
cette autre union du Saint-Esprit avec l'homme. Le Saint-Esprit inspira
Jésus-Christ et l'avertit d'avoir à se mettre dans ce lieu si bas et si infect
de la croix, voilà pourquoi le Saint-Esprit vient dans cet autre lieu si indigne
et si bas : l'homme. Demandez-le lui instamment, importunez-le, appelez-le au
nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur, il viendra certainement et se donnera à vous
avec tous ses dons, il éclairera votre entendement; il enflammera votre volonté
par son amour et il vous donnera ses grâces et sa gloire.
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