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Celui qui n'a pas l'Esprit
du Christ
n'appartient pas au Christ.
Dimanche de l'octave de l'ascension,
29 mai 1552.
Lorsque viendra l'Intercesseur, que je vous enverrai d'auprès
du Père, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage de moi.
(Jo. 15, 26).
Exorde :
Tous ont en vue leurs propres intérêts, et non ceux de
Jésus-Christ
,
dit l'apôtre saint Paul, se plaignant des coutumes des hommes. Il dit en parlant
de Jésus-Christ : " Car le Christ n'a pas eu de complaisance pour lui-même; mais
selon qu'il est écrit : " Les outrages de ceux qui t'outragent sont tombés sur
moi. "
Tous recherchent ce qui leur convient, et non ce qui convient à Jésus-Christ;
mais le Christ, oublieux de ce qui lui convient — pour se souvenir de ce qui
nous convient — n'a pas eu de complaisance pour lui-même." Il n'accepta
pas de vivre pour la satisfaction des choses matérielles, mais tout au contraire
se fatigua maintes fois dans les chemins, répandit d'abondantes larmes, souffrit
maintes insultes et, enfin, subit la mort, pour faire comprendre aux hommes
qu'au lieu de vivre en paix, il oubliait son repos pour le leur donner.
Seigneur, si vous aviez été comme nous, quels auraient été nos maux !
Combien de fois avez-vous poursuivi Notre-Seigneur en lui
demandant quelque faveur, en l'importunant par des prières, des larmes, des
aumônes, des pénitences et lorsqu'il vous l'a accordée, comme un mauvais payeur,
vous oubliez Dieu ? Dans l'adversité vous vous tournez vers le Seigneur, dans la
prospérité vous l'oubliez. C'est mal agir. S'il était comme nous,
qu'adviendrait-il de nous ? A présent il est au ciel, à présent rien ne lui
manque pour son repos; s'il nous oubliait dans la prospérité, qu'adviendrait-il
de nous ? Bénie soit sa miséricorde. Jésus-Christ alla au ciel, dit saint Paul,
pour paraître devant son Père, lui offrir sa souffrance et à force de prières
obtenir pour nous le Saint-Esprit.
Par Jésus-Christ nous serons délivrés car par lui nous
recevrons le Saint-Esprit. Madame, serons-nous délivrés par vous ? Rachel eut
deux enfants; la Très Sainte Vierge a deux enfants, l'un qui est sorti de son
sein et l'autre qu'elle a adopté. Le Fils de son sein est à présent au ciel,
règne, est en sûreté. Elle n'a rien à demander pour lui. Il lui reste à obtenir
pour nous, qui sommes des enfants adoptifs, la grâce de bien parler, de bien
agir, et de bien finir. Et pour qu'elle le fasse, disons-lui : Ave, Maria.
Evangile du jour
Lorsque viendra l'Intercesseur, etc.
Nous sommes encore dans la semaine de la fête du
Saint-Esprit. Qu'il descende dans vos cœurs, pour que vous passiez de bonnes
fêtes.
Jésus-Christ au chapitre 15 de saint Jean dit : Quand viendra
le Consolateur, que je vous enverrai de la part du Père et qui est Esprit de
vérité, il rendra témoignage de moi et vous aussi me rendrez témoignage parce
que vous avez été des témoins oculaires, et que depuis le début de mes
prédications, vous êtes avec moi. Préparez-vous car de mauvais jours viendront;
ils vous mettront à la porte des églises et vous persécuteront; votre seul repos
possible sera de penser que vous vous reposerez le jour où ils cesseront de vous
persécuter; même ce jour-là vous fera défaut, parce qu'ils ne cesseront jamais,
croyant qu'en vous persécutant et vous tuant, ils servent Dieu. Consolez-vous
parce que ce sont des gens ignorants qui ne connaissent pas le Père et ne me
connaissent pas, et qui vous poursuivent par amour pour moi sans en avoir le
mérite. Je vous le dis avant que cela arrive, pour que vous vous souveniez,
lorsque cela se produira, que je vous ai dit le meilleur et le pire qui devait
vous advenir. Vous constaterez la vérité de mes paroles dans l'un et l'autre
cas. Ainsi dit l'Évangile qui est très court.
Promesse du Consolateur.
Je vous ai déjà dit plusieurs fois que si nous laissions
faire ce que le cœur du Seigneur veut pour nous, ce ne serait que pardon car
le propre du Seigneur est de pardonner, s'il châtie, il châtie par force, et
contrairement à son caractère : En effet ce n'est pas de bon cœur qu'il
humilie et abaisse les enfants des hommes.
Lorsque Dieu humilie quelqu'un, il ne le fait pas de gaîté de cœur, mais par
force; comme un père qui voit son fils se montrer méchant, le châtie par amour
et le fils agit de telle sorte qu'il le met dans l'obligation de le châtier. "
Dieu est doux de nature, dit saint Jérôme, mais, nous, nous agissons de telle
manière qu'il nous châtie. " II s'ensuit qu'en punissant, il cherche aussitôt la
consolation : Parce que s'il abaisse plus encore, il a pitié en raison de
l'immensité de ses miséricordes
.
Combien furent désolés les apôtres lorsqu'il leur dit qu'il
voulait partir ! Parce que je vous ai dit cela, la tristesse a rempli votre
cœur
.
Ils aimaient tant Jésus-Christ, qu'ils ne pouvaient pas
supporter sans impatience de l'entendre dire : " Je m'en vais ". Vous qui aimez
tant consoler, quelle consolation réserverez-vous aux apôtres plongés dans
l'affliction, par amour pour vous ? Il leur en donne deux : Si vous m'aimiez,
vous vous réjouiriez
.
Ne subordonnez pas mon bonheur à votre contentement. Si vous m'aimiez, vous
vous réjouiriez de me voir régner. Et parce que cette consolation est le propre
des hommes parfaits, qui vivent dans la souffrance et ont pour consolation
l'accomplissement en eux de la volonté de Dieu, il leur en donne une autre qui
est tout à leur avantage : Vous êtes tristes parce que je m'en vais; mais moi
je vous dis qu'il convient pour vous que je m'en aille. Concevez quelle foi
il faut avoir pour croire à une telle parole.
Moi, je vous le dis, en vérité, mon départ vous convient.
Vous pensez qu'en partant je vous abandonne et que les Juifs et tous les
hommes vous poursuivront. Pensez-vous rester comme des enfants, que le loup
mangera dès que leur mère s'éloignera d'eux ?
— Si vous disiez, Seigneur, que cela vous convenait, ce
serait bien; mais comment est-ce possible que cela nous convienne à nous ? — //
est avantageux pour vous que je parte, car, si je ne pars pas, l'Intercesseur
ne viendra pas vers vous; mais, si je m'en vais, je l'enverrai vers vous ;
c'est pour cela qu'il vous convient que je m'en aille. — Seigneur, consolateur
pour consolateur, n'êtes-vous pas, vous, un bon consolateur ? Que voulait donc
le Seigneur en faisant la louange de ce
Consolateur ? Diminuer par la venue du Saint-Esprit le
chagrin ressenti par son départ.
" Je vous enverrai quelqu'un qui se nomme Consolateur. Il
vous apprendra non seulement les choses présentes, mais encore les choses à
venir; il vous dira qui je suis, car vous ne me connaissez pas bien encore; il
sera Esprit, il vous instruira, sans que des oreilles soient nécessaires pour
l'entendre ni des yeux pour le voir; il ne vous abandonnera jamais, au contraire
il sera avec vous quand vous mangerez et dormirez, quand vous serez à l'église
et dans votre maison, il sera tellement votre compagnon que jamais il ne
s'écartera de vous. A présent, considérez mon départ comme un bienfait, afin que
ce Maître vienne à vous. Tout ce dont je vous ai parlé, il vous le rappellera.
Il sera votre Maître, votre Précepteur, votre Consolateur, pour que vous vous
consoliez avec lui; tenez mon départ pour un bien." — Grande est la majesté du
Saint-Esprit, qui a eu pour prédicateur Jésus-Christ lui-même. Qui a annoncé
Jésus-Christ? C'est le Saint-Esprit lui-même par la bouche des prophètes, mais
c'est Jésus-Christ lui-même, Dieu et homme, par sa propre bouche, qui a annoncé
le Saint-Esprit et a dit tant de bien de lui pour que les apôtres attendent sans
impatience son départ.
— Seigneur, consolateur pour consolateur, pourquoi ne
restez-vous pas, vous ? Nous sommes heureux avec vous; il n'y a pas de chagrin
qui avec vous ne s'évanouisse! — Restez avec nous, Seigneur! Vous avez tort. —
Cette Incarnation de Jésus-Christ qu'ils voyaient n'était pas aussi bonne que le
Saint-Esprit, parce que l'Incarnation était une chose créée, et le Saint-Esprit
était Dieu. La divinité de Jésus-Christ ne s'en allait pas, elle n'est pas
descendue du ciel; la divinité non plus n'est pas montée à présent au ciel; ce
qui disparaissait c'était l'âme et le corps, et ils n'avaient pas la même valeur
que le Saint-Esprit. Vous avez donc tort de dire qu'il ne parte pas, pour que
lui vienne. Quand ce Maître viendra, il vous dira, qui je suis; et
lorsque vous m'aurez connu et parce que vous aurez appris à me connaître vous
considérerez mon départ comme un bienfait.
Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ n'appartient pas
au Christ.
Nous voici arrivés là où je le désirais
.
Que chacun ait sa préférence; la mienne est bien misérable certainement, mais
une des périodes où mon âme est consolée et où elle espère recevoir de Dieu les
plus grandes faveurs, c'est, cette semaine avant cette Pâque, véritablement
appelée Semaine sainte.
Par respect pour Dieu, faites-moi cette faveur, rendez à Dieu
ce service; et à votre âme faites ce bien si grand, de servir vraiment Dieu
cette semaine si à un autre moment vous avez été ce que vous ne deviez pas; et
moi au nom du Seigneur, que je représente, quoique indigne, je vous donne ma
parole qu'il vous récompensera de ce service que vous lui rendez.
Celui qui participe à cette semaine, participe à toutes les
autres fêtes de l'année, celui qui ne participe pas à cette semaine, ne
participe pas à sa naissance, ni à son jeûne, ni à sa prière, ni à ses coups de
fouet, ni à sa mort, ni à sa résurrection, ni à son ascension ; il ne participe
pas à tout ce qu'il a fait ou fera, s'il ne participe pas à cette semaine.
Vous semble-t-il que c'est attacher trop d'importance à cette
fête ? C'est pour que les hommes participent à cette fête, qu'il a fait tout ce
qu'il a fait : Afin de nous rendre participants à sa divinité
.
Voici ce qui est chanté à l'église ces jours-ci. — Qu'est-ce que participer à sa
divinité ? C'est bien célébrer cette Pâque, recevoir le Saint-Esprit, qui est
Dieu lui-même; c'est pour cela que Jésus-Christ travaille tant, afin que nous
jouissions de cette fête. — Et quelle est cette fête? La fête du Saint-Esprit. —
Et ne pourrai-je bien vivre sans le Saint-Esprit ? — Non, assurément, et malheur
à celui qui n'aura pas le Saint-Esprit ! — Ne sera-t-il pas suffisant de vivre
dans ma chair ou tout au moins dans mon esprit ? — Non. Écoutez saint Paul :
Pour vous, vous ne vivez point dans la chair, mais dans l'Esprit. Si quelqu'un
n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas
.
Que personne ne se décourage.
" Vous ne vives: pas dans la chair, dit saint Paul,
vous ne vivez pas par votre jugement, vous ne vous dirigez pas par votre volonté
et votre instinct ".
Ah ! quel est le grand prédicateur, qui pourra vous dire avec
vérité : Vous ne vivez pas dans la chair, mais dans l'Esprit,si tamen ou
si quidem
,
comme dit une autre version, l'Esprit de Dieu habite en vous... parce que
certainement l'Esprit de Dieu demeure en vous ! Et pour que vous compreniez
votre bonheur qui est d'avoir pour hôte le Saint-Esprit, sachez que, si
quelqu'un ne possède pas l'Esprit du Christ, il n'appartient pas au Christ.
Il était nécessaire de le dire et de le répéter mille autres fois: s'il
n'appartient pas au Christ, à qui peut-il appartenir ? Toute ma richesse, ô mon
Roi, consiste à vous appartenir; à cette condition : Pourvu qu'il appartienne à
Dieu, Dieu donne les richesses au chrétien.
Tout est à vous; et Paul, et Apollos, et Céphas, et le monde,
et la vie, et la mort, et les choses présentes, et les choses à venir, tout est
à vous; mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu
.
Ne vous considérez pas comme pauvre, car toutes les choses sont à vous. Paul est
à vous, car il travaille et souffre pour vous; Céphas qui veut dire Pierre, est
à vous parce que lui aussi peine beaucoup, s'épuise au travail, devenu votre
esclave ; Apollos aussi, le prédicateur est à vous, puisqu'il vous prêche ; la
vie vous appartient, puisque vous la vivez pour Dieu ; la mort vous appartient,
puisque par la mort vous allez à Dieu ; le présent, vous appartiennent puisque
vous usez du présent comme Dieu le veut, l'avenir vous est réservé. Toutes
les choses vous appartiennent et vous, vous appartenez au Christ
.
Dans ces conditions tout est à vous, pourvu que vous apparteniez au Christ. Si
tu n'appartiens pas au Christ, à qui appartiendras-tu ? " La colère de Dieu
reste sur celui qui ne croit pas au Fils de Dieu "
et n'est pas son ami.
C'est par Adam qu'elle débuta, et par Adam nous naissons tous
enfants de la colère; c'est par Jésus-Christ que commença la grâce, et tous ceux
qui n'appartiendront pas au Christ, la colère de Dieu restera sur eux. En
Adam est le péché, en Jésus-Christ la justice; en Adam la disgrâce, en
Jésus-Christ la grâce; en Adam l'enfer, en Jésus-Christ le ciel. Si tu
n'appartiens pas au Christ, si tu n'es pas en accord avec le Christ, la
colère de Dieu est sur toi. Ainsi la justice de Dieu considère avec colère les
pécheurs. Dès qu'un homme commet un péché mortel, il meurt aussitôt pour
Dieu, et Dieu pose sur lui des yeux irrités. Qui tendra la main à Dieu ? Qui te
défendra de Lui ? — De son dos il te couvrira
— Qui te délivrera de la colère de Dieu ? — Dieu de douceur. — Qui te défendra
du Dieu sévère ? — Dieu agneau. Dieu envoya son Fils pour que le fouet et le
châtiment retombent sur lui, innocent, et que le coupable demeure libre; pour
que de son dos il te fasse ombre
et que la justice de Dieu ne t'embrase pas. Mets-toi derrière lui, car sur lui a
frappé l'ardeur du soleil, sur lui la colère de Dieu s'est déchargée, derrière
lui il y a l'ombre; là tu trouveras la fraîcheur. Or qu'adviendrait-il de moi si
je ne résidais pas en lui ? Si le sarment ne demeure pas sur la vigne, il
n'échappera pas au feu ; et toi si tu ne résides pas en Jésus-Christ, tu
n'échapperas pas à l'enfer. Seul monte au ciel Jésus-Christ qui en est
descendu. Personne n'entrera au paradis s'il n'a la grâce, s'il n'est aimé
du Père, et il n'est de grâce ni d'amour pour personne, si ce n'est en
Jésus-Christ. Celui qui ne se met pas sous la protection de Jésus-Christ, sera
damné pour toujours. Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient
pas; malheur à lui ! — Privez-moi, Seigneur, de tout ce qu'il y a dans le
ciel et sur la terre mais ne me privez pas de vous appartenir. Si je vous
appartiens, votre bonté me dirigera, votre humilité me dirigera, votre
mansuétude me dirigera. — Si je ne vous appartiens pas, je serai dirigé par la
colère, je serai dirigé par la chair, je serai dirigé par la passion. Considérez
quels maîtres ils sont pour vous gouverner, puisqu'ils sont eux-mêmes des
passions ! Considérez comment ils pourraient diriger sans passion.
Il n'est pas de paroles plus dures que celle-ci : Celui
qui n'a pas l'Esprit du Christ, celui-là ne lui appartient pas. Voyez que je
dois m'adresser aujourd'hui à vos cœurs, et c'est vous-mêmes que je dois prendre
pour témoins. A Sion, les pécheurs ont été frappés d'épouvanté, le tremblement
s'est emparé des hypocrites
.
— Pourquoi ? — Parce que celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, celui-là ne lui
appartient pas. — Oh quelle dure parole ! Prenez garde de ne pas vous décourager
si vite.
Il ne suffit pas de vivre par la chair ou par son
propre esprit.
Il ne suffit pas, mon ami, de vivre par la chair, il ne
suffit pas non plus de vivre par ton esprit. Ne pense pas qu'il suffise de
mettre la main à la bourse et de faire l'aumône, si tu ne le fais pas en esprit.
Dieu est esprit et aime ses semblables, il veut que tu l'adores et le serves en
esprit. Si en toi il n'y a pas d'esprit de charité, faire l'aumône ici-bas,
autour de toi, ne sert à rien. A quoi te sert d'égrener et d'égrener le chapelet
si en toi ne prie pas l'esprit ? Ce peuple m'honore des lèvres, tandis qu'il
tient son cœur éloigné de moi
.
A quoi sert le surplis blanc, qui signifie la chasteté, si, ni l'esprit, ni le
corps, ne sont chastes ? A quoi sert d'avoir les genoux fléchis et l'âme
endurcie et résolue à ne pas s'abaisser à obéir à Dieu ni à ses saints
commandements ? Il est nécessaire de le servir extérieurement et intérieurement.
Se contentera-t-il que nous le servions avec le corps et avec l'esprit ? Non.
Que personne ne se décourage, je vous viendrai en aide quand vous vous
découragerez.
Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, n'appartient pas au
Christ. Ton propre esprit ne te suffit pas. — Je ne comprends pas cela. —
Tant mieux. Il ne suffit pas qu'un homme vive suivant sa raison et qu'il ait ses
passions réfrénées et réglées par son esprit; non, cela ne suffit pas. Saint
Jean dit : // donna le pouvoir de devenir enfants de Dieu à ceux qui croient
en son nom: qui sont nés, non du sang, ni du désir de la chair, ni du désir de
l'homme, mais de Dieu
.
Oh ! comme vous avez bien dit cela, Aigle de Dieu ! Ceux qui sont enfants de
Dieu, naissent, non des hommes, non du sang, ni du désir de la chair ni de la
volonté de l'homme mais de Dieu même. Il ne suffit pas pour être enfants de
Dieu et monter au ciel, que tu sois né du sang, il ne sert à rien que tu sois
fils de comte, ni de duc, ni que tu sois de sang royal. C'est peu, cela. Le plus
grand séraphin qui est au ciel, s'il n'avait pas l'esprit du Christ, ne serait
pas bienheureux. On ne donne pas le ciel en considérant le rang social, non
du sang, ni du désir de la chair; ils ne naissent pas avec une volonté en
accord avec leur chair, ils ne naissent pas avec la volonté portée vers la
chair. Et s'il naît avec la volonté portée vers la raison, celui-là dans les
saintes Écritures est appelé un homme; car celui qui vit en se soumettant à la
chair, ne mérite pas le nom d'homme. Rien de cela ne suffit pour posséder le
ciel, il ne suffit pas de n'être qu'un homme : Ce qui est né de la chair est
chair
.
Il faut posséder l'Esprit-Saint.
Personne n'est monté au ciel si ce n'est celui qui est
descendu du ciel, le Fils de l'homme
.
II ne suffit pas que tu sois homme, il faut que tu sois dans le Christ, pour
qu'en lui tu montes au ciel. Si tu es seulement homme tu hériteras de ton père,
mais tu n'hériteras pas de Dieu. Ceux qui doivent monter au ciel ne naissent pas
de la terre : Mais ils sont nés de Dieu; ils doivent naître de Dieu. —
Expliquez-le moi. — Nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit, ne peut
entrer dans le royaume de Dieu
.
II est le vrai fils de Dieu celui qui est né de l'eau et du Saint-Esprit;
celui qui ne naîtra pas de l'eau et du Saint-Esprit, n'entrera pas au ciel.
Voici ce que saint Paul a dit : Celui qui n'a pas l'esprit de Dieu, celui-là
n'appartient pas à Dieu ; ne le possédant pas il ne sera pas fils de Dieu,
et ne se sauvera pas.
— C'est une dure vérité. — Mais attendez un peu, car je n'ai
pas encore terminé. Combien êtes-vous ici à qui cette doctrine semblera aussi
nouvelle que si vous n'étiez pas chrétiens, et ayant la preuve de la parole de
Jésus-Christ vous retournerez chez vous doutant de la véracité de ce qu'on a dit
! Dieu dit à Isaïe : Proclame à grands cris, Isole, que toute chair est foin et
que tout ce qu'on honore le plus dans la chair est comme fleur de foin. Le foin
s'est séché et la fleur est tombée, parce que l'esprit de Dieu a soufflé sur lui
.
II lui demande de le proclamer à grands cris; car il peut se trouver là quelque
garçon ou fille qui s'imagineront être d'importants personnages, être un homme
noble ou une gente dame, qui s'imagineront être honorés et respectés, ou être à
la fleur de l'âge; dis leur qu'ils se trompent, que tout est comme la fleurette
de foin, qu'un léger souffle d'air fait choir, dès qu'il survient. Un faible
souffle du Seigneur arrive et renverse tout. Qui comprendra cela : Toute chair
est foin? Que veut dire chair ? Et le Verbe s'est fait chair. Saint Augustin,
dans le livre 12 De civitate Dei dit que " par chair on entend l'homme
tout entier, prenant la partie pour le tout ". Il ne veut pas dire cette partie
charnelle, mais l'homme tout entier. Proclame-le à grands cris, il s'en trouvera
peut-être quelques-uns qui, même s'ils ne placent pas leur gloire en vêtements,
en ornements, en jouissances de la chair, seront peut-être plus dans l'erreur
que ceux qui vont clairement à leur perte. Prêche que tout homme dans sa partie
sensitive et dans sa partie intellective n'est que foin et que toute sa gloire
est comme la fleur du foin. — En quoi consiste l'honneur et la gloire de la
chair ? — Voyez le philosophe dont les œuvres, quand on les lit, semblent
célestes; vous y trouverez tant de clarté d'esprit, d'horreur du vice, et
d'amour de la vertu. C'est l'honneur et la gloire; voici le meilleur de l'homme;
meilleur que les richesses; meilleur que l'honneur. Eh bien dis-leur que cette
gloire est comme la fleur du foin. Combien seront-ils parmi vous — voici venu le
moment du découragement — qui s'imagineront se trouver devant Dieu dans une
bonne situation et quand vous serez appelés au jugement vous ne pourrez vous
tenir debout parce que le souffle du Seigneur viendra ! Ce jugement si mesquin,
cette recherche de Jérusalem à la chandelle, cet examen non seulement des
péchés mais aussi des bonnes œuvres; l'aumône que tu as faite, le Pater
Noster, Y Ave Maria que tu as récités, la messe que vous avez dite ou
entendue, l'intention que vous avez eue de faire de bonnes œuvres, tout cela
vous semblait constituer un refuge à l'heure de la mort. Dis leur que toute
chair est foin. Un jour viendra où l'Esprit du Seigneur soufflera sur tout
cela et ils ne pourront pas rester debout, parce qu'ils seront sans force.
Pourquoi ne pourront-ils pas rester debout ? Qui te défendra du jugement de Dieu
? Penses-tu, toi, que tu pourras te défendre ? Dieu seul peut te défendre de
Dieu. Le souffle de Dieu abat la fleur, ce qui veut dire que si tu as fait
l'aumône, si tu as pardonné l'injure, si tu as dit ou entendu la messe, il n'y a
aucun profit pour toi si cela provient de toi seul. — Je ne comprends pas. — Eh
bien ! que les prêtres écoutent et soient dans la crainte. Les fils d'Aaron
disent : " Encensons Dieu, qui est irrité, pour qu'il apaise son courroux ".
Vous faites bien. Ils prennent les encensoirs et ils mettent du feu d'ici-bas et
non du feu du ciel; ils commencent à encenser et non seulement Dieu ne l'accepta
pas mais il les fit mourir lui-même à cet endroit-là. A cause du feu qu'ils
avaient allumé on les retira morts avec leurs nappes d'autels et leurs surplis.
Dieu leur avait ordonné de ne pas faire le sacrifice avec le feu ordinaire mais
avec celui qu'il envoyait. Ils désobéissent et reçoivent le châtiment de leur
délit. Malheur au prêtre qui dit la messe ou va aux enterrements avec du feu de
la terre, avec du feu de cupidité ou de vanité et non avec du feu d'amour divin
! Malheur à lui car on lui dira : De quel cœur est-il sorti ce bien que tu as
fait ici-bas ? Vient-il de ton cœur ou de mon cœur ? Dieu refusera tout ce qui
ne proviendra pas du feu de l'amour divin. Je ne viens pas de discuter ici, si
les œuvres indifférentes ou bonnes moralement qui n'ont pas leur origine dans la
charité seront méritoires; il suffit de savoir que Dieu repoussera tout ce qui
sera fait sans l'Esprit du Seigneur. Qu'il s'agisse de miracles, qu'il s'agisse
de répandre le sang, si le Saint-Esprit n'est pas présent, tout est perdu. Oh !
Vierge Marie, combien découvriront ce jour-là leur erreur !
Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, n'appartient pas au
Christ. Que ressentez-vous lorsque vous entendez cela ? Écoutez. Cette
sentence est la sentence de Dieu. C'est par rapport à elle que vos cœurs seront
jugés. Ce jugement est une représentation de ce qui se passera au Jugement
dernier. Dieu dit : Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, n'appartient pas au
Christ.
Comment tu dois écouter la parole de Dieu.
Attendez, n'avez-vous pas dit que c'était de saint Paul ? —
Ce qu'a prêché Dieu incarné n'est-il pas plus vrai que les écrits de saint Paul?
— N'existe-t-il pas de différence entre Dieu et saint Paul? Si saint Paul
parlait comme saint Paul, ce serait bien. Mais de saint Paul est la langue et la
gorge, de saint Paul est la voix, la parole est celle du Christ. Augustin dit :
Celui qui va semer porte un sac. Ce sac peut être maculé de boue mais le blé qui
s'y trouve est très beau. Le blé du sac n'est-il pas bon parce qu'il est dans le
sac? Saint Paul, Isaïe, Jérémie, savez-vous ce qu'ils sont? Des sacs de semence
de la parole de Dieu. Ne méprisez pas la semence si le sac est vil. Le Concile
de Trente, qui, me dit-on, est dissous à cause de nos grands péchés, approuva
comme conformes aux canons de l'Église tous les livres de la Bible à l'exception
du troisième et du quatrième de Esdras, Ce que saint Paul dit dans ses épîtres
est aussi vrai que ce que le Christ dit dans son évangile, car c'est un même
Esprit qui dit tout.
Quels sentiments fera naître en vous le jour du Jugement ?
Les uns se réjouiront et les autres gémiront. Que ressentez-vous en entendant
cette parole : Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, n'appartient pas au
Christ? En entendant cette parole, certains béniront Dieu, parce qu'ils ont
confiance de posséder l'Esprit du Christ grâce à sa miséricorde; d'autres
souffriront dans leur cœur, en particulier ceux qui entendant nommer l'Esprit
croient qu'ils entendent nommer le diable, comme les gentils qui ne pouvaient
pas entendre dire qu'il y avait un Dieu. Les Juifs admettent bien l'existence
d'un Dieu, mais lorsqu'ils entendent dire que ce Dieu a un Fils, qui est égal au
Père, aussitôt le démon s'empare d'eux et ils disent : Cet homme, qui s'est
fait Fils de Dieu, a blasphémé. Les chrétiens, proclament qu'il existe un
Dieu et qu'il a un Fils égal à son Père. Mais, dès que nous parlons de l'Esprit,
certains ressentent dans le cœur une douleur. Ne devons-nous pas parler comme
parlent Dieu et l'Écriture? Des gens sont si ennemis de l'Esprit qu'ils ne
veulent même pas l'entendre nommer. D'où cela provient-il ? De la corruption du
cœur. Que faites-vous lorsque vous entendez une parole qui vous fait de la peine
et que l'on vous dit : " Dieu l'a dite " ? Que dit Achab ? " Ce Michée ne me
prophétise jamais rien qui me plaise ". Moi je suis crieur public, quelle est ma
faute ? C'est Dieu qui vous envoie le dire.
La parole qui, prononcée en chaire, ne bouleverse pas l'âme
du méchant n'est pas considérée comme parole de Dieu, ni reçue comme parole de
Dieu. Seigneur, vous êtes mon Dieu, je chanterai i>os louanges. Louer la
parole de Dieu c'est louer Dieu lui-même. Je louerai votre nom, parce que
vous avez fait des choses merveilleuses et transformé en œuvres les pensées
anciennes et ce que de toute éternité vous avez pensé. — Et maintenant,
dites-vous, que veut dire : Car vous avez fait de la ville un monceau de
pierres, et de la cité fortifiée une ruine; la citadelle des barbares n'est plus
une ville, elle ne sera jamais rebâtie: c'est pourquoi un peuple puissant vous
glorifiera; la cité des nations terribles vous révérera
.
Comment ne vous louerai-je pas, mon Dieu, pour avoir bouleversé la ville, pour
avoir bouleversé cette ville où les cœurs vivaient en paix dans le vice; ne vous
louerai-je pas pour avoir transformé le cœur qui était débordant de péchés et
vivait paisiblement ? Il n'y a pas de rhubarbe et de phytolaque qui remuent
autant l'estomac que la parole de Dieu. Que personne n'espère la consolation
divine s'il n'est d'abord attristé. Pour être consolé, tu dois éprouver de la
douleur et des craintes, tu dois être bouleversé, faute de quoi la parole que tu
as entendue n'est pas une parole divine.
— Malheureux que je suis, car on me dit que ni le
fornicateur, ni l'avare, ni le médisant n'entreront au ciel !
— Allez, ajoute un autre, ce ne sera pas aussi
terrible qu'on le dit car Dieu est miséricordieux. — Vous cherchez des prétextes
sinon pour annihiler la parole de Dieu, à tout le moins pour la tronquer et
l'affaiblir, comme ces ouvriers de la vigne qui, mêlés aux serviteurs du
Seigneur, tuèrent les uns et blessèrent les autres. Il annihile la parole du
Seigneur celui qui dit : " N'en parlez pas. Cela ne me concerne pas "; il
l'affaiblit celui qui dit : " Quand je serai vieux, je serai bon ". Vous
cherchez des prétextes pour ne pas sortir affligés du sermon, car ils sortent du
sermon inconsolables et au bout de peu de temps, ils se consolent de nouveau et
oublient ce qu'ils ont entendu. Voici le pourquoi de la condamnation : "
La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont mieux aimé les ténèbres
que la lumière ".
Pourquoi agissent-ils ainsi ? La lumière est venue dans le monde. Que
Dieu soit béni pour cela ! Qui est la lumière ? Jésus-Christ; la parole de Dieu
est la lumière avec laquelle vous devez regarder si votre âme est bonne ou
mauvaise; et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. Que
Dieu vous préserve de l'homme que vous réveillez quand il dort, car dormir lui
est nocif, vous lui mettez un flambeau devant les yeux et il l'éteint pour
dormir plus à son aise. — Pourquoi détestes-tu la parole de Dieu ? — Parce
qu'elle trouble le sommeil où tu tiens à te plonger. On te dit : Si tu ne
pardonnes pas à ton prochain ses péchés, Dieu ne te pardonnera pas les tiens.
Que ressentira dans son cœur celui qui a des ennemis ? Il
nous dit : Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n'entrerez pas dans
le royaume de Dieu. Que ressentira l'homme sceptique ? Que ressentira celui
qui possède le bien d'autrui quand il entendra dire : " Si quelqu'un possède le
bien d'autrui, il est la proie du diable " ? Que doit-il faire ? Éteindre la
lumière pour dormir à son aise ? Souviens-toi que le sommeil te tue; considère
que tu vas à toute allure en enfer. T'éloigner du péché ne te fait-il pas
souffrir et pour ne pas dire " La parole de Dieu n'est pas vraie ", ne
préfères-tu pas l'étouffer et l'oublier ? Les hommes préfèrent les ténèbres
(qui sont les péchés) à la lumière.
— Comment devez-vous faire ? — Lorsque la parole de
Dieu vous afflige, ne l'oubliez pas. Car vous avez l'emplâtre posé sur la plaie,
ne l'ôtez pas et il vous guérira. Dieu vous dit une parole qui vous blesse,
mettez-la sur la plaie.
— Oh ! comme elle m'afflige ! — Qu'elle vous afflige, qu'elle
vous fasse pleurer, qu'elle agisse. — Oh ! quel chagrin elle me donne ! — Avec
cela, mon frère, vous guérirez et vous verrez quelle grande consolation elle
vous apportera ensuite. Dès que cette parole : Celui qui n'a pas l'Esprit du
Christ n'appartient pas au Christ, vous fait souffrir, pensez-y bien,
méditez. Que ressentez-vous ? Que vous êtes découragé !
Celui qui ne vit pas par l'esprit d'un autre
,
celui-là n'appartient pas au Christ.
Tu ne dois pas vivre, mon frère, par ton esprit ni par ta
volonté, ni par ton jugement; tu dois vivre par l'Esprit du Christ. Tu dois
posséder l'Esprit du Christ. — Que veut dire Esprit du Christ ? — Cœur du
Christ. Celui qui n'a pas le cœur du Christ n'appartient pas au Christ. — A
l'épouse, Jésus-Christ dit, Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un
sceau sur ton bras: car l'amour est fort comme la mort.
Église, chrétiens, vous devez être marqués de mon fer, scellés de mon sceau ! Je
dois être moi-même le sceau; amollissez vos cœurs comme de la cire, et mettez
mon cachet en eux, mettez-moi comme signe sur votre bras.
— Que signifie cela ? — Que les prédestinés doivent,
comme dit saint Paul être semblables à Jésus-Christ.
En quoi doivent-ils être semblables ? — Marchez dans la
charité, à l'exemple du Christ, qui nous a aimés.
— Donnez-moi, Seigneur, votre cœur, et tout de suite j'aimerai ce que vous
aimez, je détesterai ce que vous détestez.
Comment saurai-je si j'ai l'Esprit du Christ ?
Celui qui ne possède pas le cœur du Christ, n'appartient
pas au Christ. — C'est une rude vérité. — Ce n'est pas fatalement si rude.
Oh ! mes frères, combien de sermons avez-vous entendus et vous n'en finissez pas
de comprendre ce qui est votre devoir ! — Nous sommes inconsolables, Père. —
C'est ce que je veux, mes frères, et c'est ce que Dieu veut. — Quel est le
remède ? Comment serai-je consolé ? Qu'en sais-je, moi, si je suis en grâce ?
Qu'en sais-je, moi, si j'ai l'Esprit du Christ ? — Nous voilà bien, vraiment !
Qu'en savez-vous ? Je parle à des moines, des prêtres, et des personnes qui
vivent dans la retraite et dégagées des besognes matérielles. Si vous me dites
que vous le savez par une science certaine, si vous me parlez d'articles de foi,
vous dites bien que vous ignorez si vous êtes en grâce. Mais nous parlons d'une
connaissance par conjectures et par signes; du repos et de la tranquillité d'un
cœur débordant d'affection.
Malheur à celui — je ne veux pas l'appeler damné mais châtié
— qui n'a pas en lui cette consolation, cette confiance, cette parole " Je dois
me sauver " !
Il n'y a pas lieu de s'étonner que les marchands, ceux qui
négocient, les personnes mariées et ceux qui sont occupés aux affaires
temporelles n'aient pas cette consolation du Saint-Esprit; mais celui qui est en
relation avec Dieu, celui qui parle à Dieu et à qui Dieu parle — car lorsque
nous lisons c'est Dieu qui nous parle, et quand nous prions c'est nous qui lui
parlons — celui qui est dans l'intimité de Dieu et vit dans l'affliction,
celui-là est dans une très grande désolation et grand est son malheur !
Que nous montions à l'autel et que nous nous mettions un
morceau de sucre dans la bouche et n'en sentions pas la douceur, que nous
mettions un grand feu en notre sein et n'en sentions pas la chaleur ! C'est là
une grande peine, une grande désolation ! Celui qui se verra ainsi pourra se
considérer comme malheureux. Si vous demandiez à une épouse : " Dites, madame,
quel est le caractère de votre époux, est-il doux ou est-il brutal ? " et
qu'elle vous répondît " En vérité je ne le sais pas ", vous diriez : Alors qui
le saura? Si vous demandez à un prêtre qui traite avec Dieu : Qu'est-ce que Dieu
? et qu'il dise qu'il ne le sait pas, à qui le demanderez-vous ? Cet Esprit
lui-même rend témoignage à notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu
.
L'Esprit-Saint lui-même, avec sa consolation, avec sa flamme, nous
apporte l'assurance que nous sommes fils de Dieu. Vous voyez ici comment on
connaît par conjectures que quelqu'un est ami de Dieu. Êtes-vous désolé ?
Gardez-moi cette désolation pour le moment venu : Quand viendra le
Consolateur, dit le Christ, il rendra témoignage de moi. Tu es désolé
? Les apôtres l'étaient aussi : eux parce que Jésus-Christ les quittait et toi
aussi parce que Jésus-Christ t'a quitté à cause du péché que tu as commis. —
Pourquoi es-tu triste ? — Parce que j'ai offensé Dieu; parce que j'ai été ingrat
envers lui et que je l'ai souffleté. — Tu es triste ? A la bonne heure; attends
quelque peu, d'ici huit jours un Consolateur viendra et te consolera. Avant même
de vous le dire, je voudrais déjà vous avoir demandé mon cadeau de bonne
nouvelle
.
Vous allez trouver le confesseur ou le prédicateur :
— Père, consolez-moi.—Voulez-vous que je vous laisse un
Consolateur qui vous console dans votre lit et que vous n'ayez pas besoin
d'aller chercher quelqu'un pour vous consoler ? Eh bien! c'est le Saint-Esprit,
qui aime beaucoup la veuve et l'orphelin et ceux qui sont dans la tristesse.
Voulez-vous le recevoir? Êtes-vous triste parce que Jésus-Christ vous a quitté ?
De la part de Jésus-Christ je vous promets qu'il viendra en vous; je m'en irai
dormir cette nuit bien tranquille si vous me traitez de menteur.
— Père, comment consolera-t-il telle grande peine ?
— Vous verrez en cela qu'il est Dieu. Si le Saint-Esprit
n'avait pas été plus grand que Jésus-Christ fait homme, il n'aurait pas pu les
consoler de la tristesse de son départ, il n'aurait pas pu remplir le vide qu'il
laissa par son absence. Considérez l'affliction qu'avaient les apôtres en
l'absence du Christ fait homme, la consolation qu'ils ont reçu du Saint-Esprit
est plus grande.
Il n'y a pas de tristesse, si grande qu'elle soit, que le
Saint-Esprit ne console.
Préparation pour recevoir le Paraclet.
Mon frère, ce Consolateur viendra. Pour le recevoir il faut
que vous fassiez quelques apprêts. Celui qui n'a pas l'Esprit de Dieu, que
fera-t-il pour le posséder? Voici ce dont nous devons nous occuper cette
semaine; laissez les affaires temporelles pour recevoir dans vos cœurs l'Esprit
du Christ. On dit c l'Esprit de Jésus-Christ " parce qu'il procède de lui en
tant que Dieu et parce qu'il demeure en lui en tant qu'homme.
— Père, voudra-t-il me le donner ? — Ce n'est pas bien que ce
soit moi qui vous le dise; que celui qui doit vous le donner vous le dise.
Jésus-Christ se trouvait à Jérusalem un jour de la fête des Tabernacles — qui
tombait en septembre — et il prêchait dans le temple. Il était en train de
prêcher, une très grande ferveur s'empare de lui et il commence à s'enflammer,
tonner et élever la voix avec cette ferveur qu'il avait pour sauver les âmes.
Ah ! si j'avais pu t'entendre crier, mon Roi, car tu
t'appelles bien voix et clameur du Père, car sa voix ne put jamais être plus
forte que lorsqu'il t'engendra ! Ah ! si j'avais pu l'entendre crier et voir, ce
visage enflammé ! Parlez, Seigneur, il y a longtemps que vous n'avez prêché et
pourtant nous vous entendons bien à présent car vous le dites pour ceux d'alors
et ceux qui leur succéderont.
Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive
.
Il se trouvait dans le temple, et c'était un jour de fête; le
dernier jour, le plus solennel de tous, il disait, non comme à son habitude,
mais à grands cris : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive.
Des rivières d'eau vive couleront de l'estomac de celui qui croit en moi.
Qu'il pénètre vos cœurs de ce qu'il voulut bien prêcher ici-bas ouvertement.
Mes frères, pourquoi vous laissez-vous mourir de faim et de
soif ? Pourquoi dépenser de l'argent pour ce qui n'est pas du pain, votre
travail pour ce qui ne rassasie pas?
Pourquoi avez-vous des cœurs insatiables comme l'enfer ? Quelles sont vos
angoisses ? Venez à lui et il vous guérira; si vous avez soif, il vous
désaltérera : Une perdrix couve des œufs qu'elle n'a pas pondus.
Une perdrix pond des œufs; une autre perdrix passe près du nid et se place sur
les œufs qui ne lui appartiennent pas. Celle qui les a pondus revient et l'autre
ne la laisse pas approcher, enfin elle tire de l'œuf les petits perdreaux et
Dieu a créé chez eux un tel instinct qu'à la venue de la véritable mère, ils
abandonnent la fausse et s'en vont avec la vraie mère. Oh ! méchant animal,
voleur du bien d'autrui, oh ! démon, pourquoi couves-tu les œufs que Dieu a mis
? Oh ! luxure, oh ! mauvais vouloir ! Pourquoi usurper une âme que Jésus-Christ
a créée et rachetée ? Vous ayant dérobés à la véritable mère, il vous donne un
peu de chaleur et vous couve. Vous êtes enfants de Dieu, le ciel est pour vous.
Allons, donc, chrétiens, rachetés par Jésus-Christ, écoutez la voix de votre
mère véritable; écoutez la voix de Jésus-Christ, qui sur la croix, avec de
grandes douleurs, vous donne la vie; reconnais la voix de ta mère qui t'appelle
: Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et boive. Venez à moi, je vous
rendrai heureux et je vous rassasierai. Si l'homme est raisonnable il dira : "
Voici mon Rédempteur, voici celui qui a donné son sang pour moi, je veux partir
avec lui ". Il te donnera à boire son esprit; tu en seras si heureux et si
rassasié que de ton estomac sortiront des sources d'eau vive. Non
seulement il y aura de l'eau et de la joie pour toi mais aussi pour les autres.
Il désire nous communiquer son Esprit; il fait le plus possible pour te donner
ce dont tu as besoin; n'en doutes pas, il donnera sans retenue. — Eh bien, que
vais-je faire cette semaine pour être prêt à le recevoir ? — Fais ce que les
apôtres ont fait. Que désirez-vous ? Le Saint-Esprit ? Sachez qu'il n'est pas
ami de la chair. Les saints docteurs disent qu'une des principales raisons du
départ de Jésus-Christ fut le grand amour qu'on portait à l'Homme-Dieu. — Qu'il
parte, dit le Saint-Esprit, et je viendrai aussitôt. — Vous êtes jaloux,
Saint-Esprit. Et de qui ? Est-ce de la chair très pure qui fut conçue par
vous-même ?
Que les amants sortent de leur erreur, et que ceux qui sont
portés vers la chair sortent de leur erreur, car le Saint-Esprit ne descendra en
aucun d'eux. La colombe qui est sortie de l'arche de Noé saisit un petit rameau
vert d'olivier, et ne voulut pas poser ses pattes sur un cadavre; et pure elle
retourna à l'arche. Au corbeau de manger la chair morte, à la colombe de la
détester. La colombe est le symbole de l'Esprit, et le Saint-Esprit ne touche
pas à la chair morte : Purifiez vos cœurs des désirs charnels. Que jeûnent cette
semaine ceux qui en ont la force, car s'il veut de la chair, ce doit être de la
chair mortifiée et amaigrie par les jeûnes. En récompense et en grâce je vous
demande de balayer votre maison par une confession très dévote car votre Hôte
doit venir et il ne serait pas bien qu'il trouve la maison sale.
— Que faut-il encore ? — La nourriture; considérez que vous
avez des gens avec vous et que vous devez donner à manger à vos serviteurs;
considérez les pauvres de votre quartier et donnez-leur cette fête de la
nourriture
.
Puisque Dieu se donne à vous, donnez-lui au moins un peu d'aumône. Considérez
que la charité est le premier fruit du Saint-Esprit; donnez à manger à celui qui
a faim; donnez la robe à celle qui est nue; donnez la chemise à celui qui en a
besoin; tirez des geôles les prisonniers.
— Je n'ai pas de quoi faire l'aumône. — Pardonnez les
injures, priez Dieu pour ceux qui vous persécutent, pleurez avec ceux qui
pleurent, tombez avec celui qui est tombé, faites vôtres les maux des autres,
c'est là la vraie miséricorde.
— Peut-on faire plus ? On ne peut rien faire de plus si ce
n'est de lui demander instamment de venir dès que la maison sera balayée et
parée. Ne faites pas comme ces mal élevés qui disent : " Seigneur, venez chez
moi " sans que la maison soit prête et la table mise. Préparez d'abord la maison
et ensuite pour qu'il vienne, faites cette prière : " Seigneur, par le sang que
vous avez versé, envoyez-nous le Saint-Esprit que vous nous avez promis. "
Récitez sept fois le Pater Noster, et l'Ave Maria en l'honneur des
sept dons du Saint-Esprit. Je vous dis peu de choses; efforcez-vous de faire
plus. Tout au moins d'ici à cette Pâque récitez cela chaque jour; priez avec les
lèvres et avec l'esprit; importunez-le pour qu'il vienne, et il vous donnera sa
grâce en ce monde, et ensuite sa gloire, à laquelle il veuille bien nous
conduire. Amen.
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