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Dans l'attente de l'Hôte divin.
Dimanche de l'octave de l'ascension. Dans un couvent
de religieuses.
Exorde : Cette semaine est une Semaine sainte.
Pour ce sermon que je dois faire, il n'y aura pour moi
d'autre thème que de nous préparer à devenir la demeure du Saint-Esprit, de lui
demander avec beaucoup d'énergie de bien vouloir descendre en nous et de le lui
demander avec obstination. Et nous ferons beaucoup si nous nous préparons, comme
la raison nous le demande, à recevoir un tel Hôte.
Vous devez savoir, mes frères, que, si, pour l'histoire, la
venue de Dieu sur la terre est terminée, la vertu de ses souffrances ne l'est
pas.
Croyez-vous que ce serait bon pour nous si la vertu des
souffrances de Jésus-Christ s'était éteinte avec ses souffrances mêmes ? Qu'en
serait-il de nous si, après plus de mille ans, elle ne durait point? Elle durera
toujours jusqu'à la fin du monde. Au sujet de la fête du Saint-Esprit, tu dois
reconnaître, que malgré tant d'années passées, le Saint-Esprit produira
aujourd'hui le même effet dans ton âme qu'au temps des apôtres; vois si tu le
désires. Oh! qui n'aurait vu Notre Seigneur Jésus-Christ sans lui demander de
grâces quand il souffrait en ce monde pour nous!
Si, quand il était en ce monde, tu étais tombé à ses pieds et
si tu tiens pour certain qu'il ne t'aurait pas refusé en raison de sa pitié, de
son infinie charité, les grâces demandées — toi mon frère, tu crois bien cela ?
— crois aussi qu'aujourd'hui encore il est disposé à t'accorder, d'aussi bon
gré, les grâces, étant au ciel, que lors de sa présence parmi nous.
Si tu te prépares en ce moment pour que le Saint-Esprit
descende en toi, fais le nécessaire et de sa part je te dis qu'il viendra dans
ton âme apporter sa grâce comme le jour où il apparut aux apôtres durant sa vie
dans le monde. Oh ! quel temps, celui qui s'écoule de ce jour jusqu'à cette si
sainte Pâque ! C'est une Semaine sainte
: l'Avent de l'Esprit-Saint.
Cette période sainte rappelle le moment où les apôtres, après
l'Ascension de Notre-Seigneur au ciel, attendaient la promesse qu'il leur avait
faite en leur disant: Moi je m'en vais, mais je vous enverrai le
Saint-Esprit qui vous consolera; je vous enverrai le Consolateur pour qu'il
vous console de la douleur que vous avez de mon départ.
Comme ils avaient entendu cette parole, ils attendaient ce
qui allait se passer, les yeux levés vers le ciel.
Ils disaient : " Notre Maître nous a dit qu'il nous enverrait
un Consolateur qui nous ferait oublier notre amour pour lui. "
Les apôtres aimaient extrêmement notre Seigneur et Rédempteur
: II était le Consolateur de leurs tristesses, le Père dans le besoin, le Maître
dans leur ignorance; ils le considéraient comme un miroir dans lequel ils se
regardaient : ils étaient tous subjugués par leur Maître et faits à son image. "
Doit-il en venir un autre qui sera si grand, si puissant, si sage, si bon qu'il
nous fera oublier notre Maître ? Qui sera-t-il ?"
Ils élevaient leurs pensées vers le ciel, poussaient des cris
et disaient : " Seigneur, nous vous désirons et nous ne vous connaissons pas;
nous voudrions que vous veniez et nous ne savons pas qui vous êtes. Par votre
miséricorde, veuillez venir consoler nos cœurs; venez Seigneur, car, en
attendant votre venue nous sommes dans l'affliction. "
Tels étaient les saints apôtres du Seigneur en cette époque
sainte; et, mes frères, la raison nous commande d'être comme eux parce que nous
ne formons qu'un avec eux, nous formons une seule Église et une union en
Jésus-Christ. Tous ceux qui servent Jésus-Christ, tous ceux qui sont à son
service, ne font qu'un, l'Église de Dieu et la congrégation des chrétiens. Dieu
parle à son Église et dit : Tu es mon amie, tu es ma colombe
.
Il est donc raisonnable qu'en cette période sainte, nous
préparions, nous désirions, avec les saints apôtres, la venue du Saint-Esprit.
Que nos cœurs s'élèvent vers le ciel; demandons avec nos
larmes : Consolateur de mon âme, viens, console la! et durant toute cette
période ne faisons rien d'autre que de désirer la venue du Saint-Esprit dans nos
âmes.
Dispositions pour recevoir le Saint-Esprit.
Pour que le Saint-Esprit descende dans nos âmes, la
première condition est d'avoir un très grand regret de son absence et
d'avoir foi en sa puissance. Il suffit à consoler une âme affligée, à enrichir
celle qui est pauvre, à réchauffer celle qui est tiède, à fortifier celle qui
est faible, à enflammer d'une dévotion très ardente celle qui n'est pas dévote.
Quel est le moyen pour faire venir le Saint-Esprit ? Avoir un extrême regret de
son absence. Et c'est ainsi qu'en parlant du Saint-Esprit on dit : le pouvoir
de Dieu est très grand et il n'est honoré que par les humbles.
La seconde condition pour que le Saint-Esprit veuille
bien venir dans nos cœurs, pour qu'il ne nous rejette pas et ne nous tienne pas
en peu d'estime, est de brûler d'un grand désir de le recevoir, de l'avoir pour
invité et d'en avoir un très grand souci, un très ferme et anxieux désir : " Oh
! si le Saint-Esprit venait ! Oh si ce Consolateur venait visiter et consoler
mon âme !"
Sachez, mes frères, que les nécessités de la chair sont un
très grand obstacle à ce souci. Sur ce point les religieux ont sur nous un
avantage; qu'ils soient dans le chœur, au réfectoire, dans la solitude, ils sont
partout au service de Dieu, travaillant pour leur âme, louant Jésus-Christ à
tout moment, lui rendant grâce. S'ils mangent ce n'est que pour louer Dieu,
s'ils boivent, il en est de même, et il en est ainsi dans toutes leurs
opérations humaines
.
Les gens mariés ont certainement une trop grande confiance en
eux. La femme qui se marie pense dès le lever du jour qu'il suffit de prendre sa
mante, venir au sermon et choisir une bonne place dans l'église; son mari arrive
pour manger et il ne trouve point le repas prêt; il s'emporte et offense Dieu.
Il aurait mieux valu, ma sœur, qu'avant de venir vous laissiez la maison en
ordre et une fois tout en place veniez au sermon; même si tu dois arriver en
retard, il n'est pas nécessaire de tant te presser, car un mot entendu par
hasard te profitera plus que tout le sermon, et malgré tout tu peux accomplir
ton devoir; si tu ne peux pas venir, mieux vaut faire ce que Dieu t'ordonne,
puisque tu t'es mariée
.
Je ne le disais pas pour cela, mais parce que ceux qui se
marient ont beaucoup d'audace, en se contraignant à de grandes obligations :
pourvoir aux besoins de la maison, à l'existence des enfants, s'efforcer de les
rendre vertueux; la femme doit les élever et leur donner de bonnes habitudes.
Cela est bien peu; et le souci de l'âme, le souci d'accomplir le service de Dieu
? On peut tout faire; mais les obligations terrestres sont prenantes et il est
difficile de s'en détacher. Voilà pourquoi on considère comme malaisé que
l'homme marié, assailli de tant de soucis, puisse prendre soin de son âme comme
il le doit.
Prends garde, mon frère, à ta façon de vivre; toi, mari, à ne
pas en venir à aimer ta femme à un tel point que, pour lui offrir des cadeaux,
tu en arrives à offenser Dieu comme Adam : " J'aime beaucoup ma femme, je dois
lui donner un bijou, je sais que je ne dois pas le faire, mais je le lui
donnerai quand même ."
Et toi, femme, n'en viens pas à aimer ton mari à un tel point
que tu oublies Dieu pour lui et à cause de l'amour que tu lui portes, négliges
de faire ce qui convient à ton âme et ce que Dieu ordonne.
Oh ! combien celui qui se marie devrait, avant le mariage,
s'être appliqué à suivre la religion; combien l'homme devrait être saint, et la
femme sainte ! Avant de s'unir ils devraient avoir passé de nombreuses années au
service de Dieu; savoir être chastes, humbles, patients, miséricordieux, savoir
garder les commandements de Notre-Seigneur et ne se marier qu'après, afin que,
si, plus tard, ils ont beaucoup de soucis, s'ils ont de multiples obstacles,
d'un coup d'œil, d'un retour dans leur conscience sur leurs habitudes premières,
tout soit apaisé et calmé.
Comme le domestique si bien stylé, si soumis
,
qui au seul regard de son maître, et sans plus, reprend l'attitude imposée pour
le servir. Mais l'homme marié ne comprend pas le mariage et la femme mariée
encore moins; ils s'unissent et tous deux le traînent dans la boue. Vous devez
beaucoup vous instruire.
— Comment pourrai-je, Père, mener à bien les deux, mon foyer
et Dieu ?
— C'est très difficile. Saint Paul dit : Celui qui a une
femme, celui qui est marié, est très angoissé et affairé pour savoir comment lui
faire plaisir et la contenter, il est très soucieux pour cela des choses de ce
monde et se trouve partagé entre les deux. Mais la femme qui ne veut pas se
marier et la jeune fille pensent aux choses spirituelles, pour être saintes de
corps et d'esprit.
Il ne viendra pas si tu ne le désires pas.
Mesdames, employons cette fête à chercher comment plaire à
Notre-Seigneur. De même que les jeunes mariées ont grand soin de leur coiffure
et de leur toilette, emportent avec elles une glace au cas où elles auraient
quelque chose de mal arrangé, de même les mères, les religieuses et les novices
doivent avoir grand soin de ne rien présenter de déshonnête, elles doivent se
regarder en Jésus-Christ, se voyant comme dans un miroir, n'avoir aucune tache
sur le visage, n'avoir aucun péché dans l'âme, aucune impureté, afin que leur
Époux ne les rejette pas.
Mes frères, soyez pleins d'attention et soucieux du service
de Jésus-Christ, et soyez dans l'attente du Saint-Esprit, ne vous occupant pas
des choses abjectes et viles d'ici-bas. Le Saint-Esprit est très susceptible
pour nous consoler, un rien l'en empêche, et il ne compatit pas aux choses de ce
monde. " La consolation divine est susceptible et très subtile, dit saint
Bernard, ceux qui admettent des consolations humaines ne la reçoivent pas. "
Toute âme se détachera des consolations humaines si elle veut que le
Saint-Esprit la console et posséder toujours en elle la consolation du
Saint-Esprit; en effet, comme nous le disions, le Saint-Esprit veut qu'on le
désire très fortement. Écoutez donc : si un homme refuse d'aller chez un autre,
sans y être désiré, que fera alors le Saint-Esprit qui, lui, veut être ardemment
désiré par l'homme qui le souhaite et veut aussi se laisser désirer ?
Oh ! combien fut désiré notre Rédempteur avant sa venue au
monde ! Adam le désira, Noé le désira, Abraham, Isaac, Jacob le désirèrent; les
prophètes et les patriarches, tous souhaitèrent sa venue : Versez du haut des
deux, une abondante ondée et que les nuages se résolvent en pluie; que la terre
s'ouvre et enfante le Sauveur !
Le prophète Aggée disait : D'ici peu, dit le Dieu des armées,
je bouleverserai le ciel, la mer, et la terre, je bouleverserai tout, alors
viendra le Désiré de tout le monde, et l'ange du Testament que vous voulez.
Jésus-Christ fut extrêmement désiré. Plût au ciel,
Seigneur, que fendant les nues vous descendiez sur la terre! Jésus-Christ
fut très désiré, extrêmement désiré, et le Saint-Esprit veut l'être de la même
façon. Il convient parfaitement qu'il soit bien désiré avant son arrivée; une
nourriture bonne par elle-même, est mal venue chez celui qui n'a pas faim. On
tue une poule ou une perdrix, qui semblent appétissantes. Le malade à qui on les
donne dit : " Ôtez-les moi, car j'ai perdu le goût et l'appétit, cela ne me
plaît point." Très mauvais signe; vous n'avez pas envie de manger ? C'est un
signe de mort.
L'Esprit-Saint ne viendra pas à toi, si tu n'as pas faim de
lui, si tu ne le désires pas. Les désirs de Dieu, que tu as, sont des indices
que Dieu va élire domicile en toi et si tu le désires, c'est le signe qu'il
viendra bientôt en toi. Ne te lasse pas de souhaiter sa venue, car, bien qu'il
semble que tu l'espères sans qu'il vienne, que tu l'appelles sans qu'il te
réponde, persévère toujours dans le désir et il ne te fera pas défaut.
Mon frère, aie confiance en lui, même s'il ne vient pas
lorsque tu l'appelles; il viendra lorsqu'il verra que c'est le moment pour toi.
Mon frère, n'oublie jamais que si, étant affligé, tu appelles
le Saint-Esprit et il ne vient pas, c'est que ton désir de recevoir un tel Hôte
n'est pas encore suffisant. S'il ne vient pas, ce n'est pas parce qu'il ne veut
pas venir, ce n'est pas oubli, mais pour que tu persévères dans ce désir et
qu'en persévérant tu te rendes digne de lui, pour faire grandir et augmenter ta
confiance, car de sa part, je te certifie que personne n'a jamais recours à lui
sans être consolé.
Comme le roi prophète, David, l'exprime bien par ces mots :
Dieu n'a pas méprisé le désir du pauvre, le Seigneur l'a entendu.
Qui est pauvre ? Est pauvre celui qui doute de lui-même et ne
se confie qu'à Dieu; est pauvre celui qui se défie de sa personne, de ses
forces, de sa richesse, de son savoir, de son pouvoir; est pauvre celui qui
connaît sa bassesse, l'immensité de sa petitesse, qui a conscience d'être un
ver, une pourriture et en vertu de tout cela ne se place que sous la protection
de Dieu et s'en remet à la grandeur de sa miséricorde qui ne la laissera pas
dans la désolation. Dieu entend les désirs de tels hommes.
Prépare-lui une maison propre.
Prends garde, il ne suffit pas au Saint-Esprit de te voir
occupé à le désirer; mon frère, lorsque tu l'attends, tu ne fais pas tout ce
qu'il faut en le désirant seulement, des œuvres sont nécessaires. En veux-tu la
preuve ? Considère ce qui a été dit aux apôtres quand, le jour de l'Ascension du
Seigneur, ils regardaient tout interdits vers le ciel. Leur attention était
fixée sur lui, ils désiraient et attendaient le Saint-Esprit dont leur Maître
leur avait parlé en termes élogieux; ils ne songeaient pas à eux en regardant
Jésus-Christ Notre-Seigneur monter au ciel. Béni soit celui qui, si attentif à
notre bien, en eut tant de souci que, non seulement il ne se contenta pas de
prendre soin de nous, mais encore, une fois au ciel, se préoccupa tant des siens
qu'il envoya deux anges vêtus de robes blanches pour leur dire : Hommes de
Galilée, que regardez-vous au ciel? Ce même Jésus-Christ que vous venez de voir
monter au ciel reviendra tel que vous l'avez vu, avec une aussi grande
majesté.
Ils leur dirent d'aller au Cénacle, car c'est là que le
Saint-Esprit devait descendre sur eux. Il ne faut pas passer votre temps à
regarder le ciel; toute la journée ne doit pas consister à prier et contempler;
va au Cénacle, mon frère, ne t'occupe pas et ne t'arrête pas à la pensée de la
présence corporelle du Christ.
Je vous ai déjà dit maintes fois que, si le Saint-Esprit
n'était pas descendu sur les apôtres, quand Jésus-Christ était ici-bas, c'était
parce qu'ils se trouvaient subjugués par la présence de leur Maître et cela seul
les contentait; malgré la sainteté et le bienfait de la présence de
Notre-Seigneur, elle était un obstacle à la perfection des apôtres et voici
pourquoi Jésus-Christ voulut partir : " Chers disciples, vous avez pour moi une
grande affection, vous m'aimez beaucoup. Je sais que vous êtes heureux près de
moi, mais je vous aime davantage et pour vous le prouver, je veux m'en aller
afin qu'avec la venue du Saint-Esprit, vous soyez plus parfaits et éleviez plus
haut vos pensées. "
Ne vous étonnez-vous pas que la présence de Jésus-Christ soit
un obstacle à la venue du Saint-Esprit ?
Le Saint-Esprit est très jaloux; ne pensez pas qu'il est tel
que vous le voulez. " Je suis Yahweh, ton Dieu "
,
a dit Dieu à Moïse, pour te faire comprendre, mon frère, que le Saint-Esprit ne
viendra pas tant que tu ne perdras pas l'amour exagéré des créatures, toi qui as
donné ton estime au confesseur, même bon, et qui as les yeux fixés sur le
prédicateur qui te donne de bons conseils et te prodigue des consolations. Le
Saint-Esprit veut être seul en toi.
— Oh, Père, vous, qui êtes un saint, qui me guidez sur le
chemin de Dieu et m'encouragez dans les souffrances !
— Plus saint encore était Jésus-Christ et pourtant il fut un obstacle pour le
Saint-Esprit. Les esclaves de Dieu, le confesseur et le prédicateur ne doivent
pas te faire obstacle pour le Saint-Esprit, mais être un escalier pour monter
vers Dieu.
L'amour exagéré — même s'il n'est pas coupable — est un
obstacle, il ne te ferait pas de mal si tu savais t'en servir; ce que tu aimes
chez le confesseur et le prédicateur, que ce soit pour Dieu et en Dieu.
— A quoi verrai-je, Père, qu'il s'agit bien d'amour de Dieu ?
— Si Dieu t'enlève ou permet que s'éloigne de toi quelqu'un que tu aimes
beaucoup, si alors l'amour n'est pas assez puissant pour te faire oublier tes
devoirs envers Dieu, je veux dire, pour que tu ne souffres pas tellement de son
départ que ton cœur perde sa quiétude et devienne tumultueux au point de
t'arracher à tes pieux exercices, si cela ne se produit pas, tu as l'amour de
Dieu. Une peine légère est naturelle, mais une grande peine est mauvaise. Si ces
petits riens sont un obstacle pour le Saint-Esprit, que seront les pensées
impures, les injures et autres fautes de même sorte ? Où en sommes-nous arrivés
? Que faut-il pour que le Saint-Esprit vienne dans nos âmes ? Non seulement le
désirer mais encore nettoyer la maison. Si vous le faites quand vous recevez un
hôte, à plus forte raison votre âme ne doit-elle pas être pure, sans mauvaises
pensées, sans mauvaises paroles, ni mauvaises actions, ornée de vertus parce que
l'Hôte que vous attendez est la pureté même ?
Prépare le repas pour l'Hôte.
Considérez qu'il est une chose plus nécessaire encore que
d'appeler le Saint-Esprit, plus nécessaire que d'arranger la demeure, c'est de
préparer le repas. Vous devez mettre la main à la bourse, vous devez beaucoup
dépenser et n'en point souffrir. Vous devez être généreux et très libéral.
Lorsque vous avez un hôte, vous ne vous permettez pas de ne prendre que le
nécessaire, mais vous achetez largement. Il le faut, mon frère; vous attendez
cet Hôte très saint; puisqu'il est libéral à l'extrême envers vous, soyez-le
envers lui; mettez la main à la bourse et ne donnez pas des sommes infimes;
donnez une généreuse aumône, donnez à manger à l'affamé, habillez l'orphelin et
la veuve, tenez lieu de père à tous les pauvres. Considère que tu es le père des
pauvres et la consolation des affligés. Le saint Job remplissait bien cet office
quand il disait : Ma bouchée était petite, Seigneur, mais nous l'avons mangée
à deux. Et il disait ailleurs : Je suis le pied pour le boiteux et la
main pour le manchot. Donne à manger au Saint-Esprit et offre-lui ton cœur;
car il mange de la chair; mais de la chair mortifiée, sache-le.
Que serait-ce si tu offrais à ton invité une volaille vivante
? " Quoi ? — te dirait-il, — enlève cela, cette volaille n'est pas bonne à
manger ". Élève maintes fois ce cœur au ciel et supplie le Saint-Esprit de
l'embraser du feu de l'amour. Ta chair doit être morte et attendrie, châtiée et
mortifiée, domptée par les jeûnes et la discipline; tu dois être mort au monde,
tiens ton cœur en éveil, tes pensées et tes désirs élevés vers Dieu.
Dans ces pensées et dans ces exercices vole comme un aigle,
ne prends aucun repos avant d'avoir agrippé le Saint-Esprit; ne te base pas sur
les choses mortes et viles et n'y arrête pas tes pensées.
Vois ce qu'a fait la colombe qu'ils envoyèrent de l'arche de
Noé; ils la lancèrent dehors, elle s'envola (quand elle sortit, le déluge avait
cessé), sur la terre gisaient de nombreux cadavres, elle ne voulut se poser sur
aucun d'eux ni même se reposer entre eux, mais se dirigea vers un olivier,
cueillit de son bec un rameau et le ramena à l'arche. C'est ce que doit faire
l'âme du chrétien, ne se poser sur aucun cadavre; tu ne dois pas tourner tes
pensées vers des choses mortes, périssables, fétides, mais tu dois les diriger
vers le ciel. Que ton cœur soit là où se trouve Jésus-Christ, ton trésor, en
particulier durant cette fête.
Sachons maîtriser nos sens.
Sois très recueilli cette semaine pour recevoir le
Saint-Esprit. Sois très appliqué. Prends exemple sur ces serviteurs qui
attendent leur maître revenant des noces. Ne sois pas comme ces vierges folles
et sottes, ne sois pas endormi, ni enivré par les choses de ce monde, mais imite
les vierges sages en ayant le souci de te parer et d'avoir de l'huile de
miséricorde pour toi d'abord, en prenant grand soin de ton âme et de transformer
ton cœur.
Cherche, ces jours-ci, un lieu de retraite et restes-y. Pense
à la Très Sainte Vierge et aux saints apôtres réunis dans le Cénacle. Que
feraient-ils, eux ? Quelles larmes verseraient-ils au souvenir des souffrances
de Jésus-Christ, au souvenir de son absence ! Quels soupirs lanceraient-ils vers
le ciel en brûlant de désir pour leur Consolateur et Rédempteur ! Corrige tous
tes désirs, aie les yeux baissés d'une personne mortifiée, ne regarde rien que
tu puisses regretter ensuite, car s'il regarde mal, l'œil pleure. David vit un
mauvais spectacle, il eût été préférable pour lui d'être aveugle que de voir ce
qu'il a vu, car son œil, s'il s'est réjoui à le regarder, pleura beaucoup
ensuite, et pleura tant que, dit-on, David avait dans son visage des sillons
creusés par les larmes.
Le Saint-Esprit nous consolera et nous donnera de la
force.
Il est nécessaire de célébrer cette fête avec grand soin,
comme je vous l'ai dit, puisque ce que nous attendons est si grand.
Te rends-tu compte, mon frère, de l'importance de ces jours
et quelle perte tu fais si le Saint-Esprit ne vient pas demeurer dans ta maison
? Ni l'Incarnation de Jésus-Christ, qui est la principale fête de l'année, ni sa
sainte Naissance, ni sa Passion, ni sa Rédemption, ni son Ascension ne te
profiteront en rien, si tu ne tires avantage de cette fête; si tu perds cela tu
perds tout ce que Jésus-Christ a gagné pour toi. S'il est vrai que, par la mort
de Jésus-Christ le ciel se soit ouvert et l'enfer fermé, à quoi cela te
servira-t-il si tu ne reçois pas le Saint-Esprit ? Dis-moi quel profit tu peux
tirer de tout le reste sans la grâce de Dieu; si tu reçois le Saint-Esprit dans
ton cœur, tout te sera profitable et te consolera. Le Saint-Esprit seul suffira
à te consoler et à donner de la force à ta faiblesse, de la joie à ta tristesse,
et comme il sait le faire !
J'ai appris que le Saint-Esprit voulut se communiquer à une
personne et que celle-ci est sortie comme folle dans les rues en poussant des
cris. Voulez-vous voir un cas analogue ? Observez-le chez les apôtres qui, avant
la venue du Saint-Esprit étaient si apeurés, si craintifs, qu'ils n'osaient pas
sortir et restaient enfermés dans le Cénacle. Dès que le Saint-Esprit fut
descendu en eux, ils ouvrent les portes en grand, sortent par les places, et
commencent à prêcher Jésus-Christ.
Saint Athanase — grand saint qui écrivit contre l'hérésie des
ariens — disait en songeant aux scrupules qu'avaient certains, " Suis-je
vraiment baptisé, ou ne suis-je pas vraiment baptisé ?" : " Sais-tu à quoi tu le
verras ? Si tu sens remuer le Saint-Esprit comme la femme enceinte sent remuer
l'enfant. " — Mais, Père, moi je suis un homme. — Moi je ne suis pas mariée. Je
ne sais pas ce que c'est qu'un enfant qui remue, comment le sentirai-je ? — Je
te donne ce signe, mon frère : C'est lorsque tu sentiras brûler dans ton cœur un
feu de charité, un amour très ferme en Dieu que tu sentiras le Saint-Esprit, car
le Saint-Esprit est un feu et tu le sens tressaillir dans tout ton être. —
Comment cela se peut-il, Père ? D'après saint Jean, Jésus-Christ lui-même
parlant à la Samaritaine a dit : Celui qui boira de mon eau. Quelle
propriété a cette eau, Seigneur ? On en fera — dit notre Rédempteur —
une source d'eau vive qui jaillira jusqu'à la vie éternelle. — Tu vois ici
le signe qu'a donné le Christ pour savoir à quel moment le Saint-Esprit est venu
en toi, car l'Esprit-Saint a ce caractère de ne pouvoir rester inaperçu et de
témoigner lui-même de la présence en toi de Jésus-Christ. Jésus-Christ dit dans
l'évangile ce que l'on dit à la messe : Lorsque le Paraclet viendra,
quand le Saint-Esprit viendra, l'Esprit de vérité qui procède de mon Père,
celui-là vous rendra témoignage de moi, celui-là vous parlera de moi.
Ce qui signifie qu'il vous consolera, vous éclairera, vous
réjouira, et vous guidera dans votre chemin.
Le Saint-Esprit est Consolateur, mes frères. Comme il doit
savoir consoler, puisque par sa grandeur même il s'appelle Consolateur !
Que cherchons-nous en cette vie ? Où allons-nous ? Nous ne
travaillons que pour chercher quelque consolation, quelque contentement.
Pourquoi donc ne travaillons-nous pas pour posséder un Consolateur qui apaise
nos tourments et qui enrichisse notre pauvreté ? Oh si je pouvais vous
communiquer la dévotion au Saint-Esprit ! Que par sa miséricorde infinie il
veuille bien vous la communiquer.
Quand tu seras affligé, sois assuré que le Saint-Esprit, si
tu le possèdes dans ton âme, te consolera de cette affliction.
L'apôtre saint Paul dit : On pense parfois : " Qui pourra
suffire à consoler ma tristesse, mon découragement, qui me viendra en aide ? "
Le corps soutient un combat, l'âme est remplie de grandes
craintes, mais celui qui habituellement console les humbles, nous a consolés.
Le rôle du Saint-Esprit est de consoler ceux qui sont
affligés. Ce Consolateur est proclamé comme tel dans toute l'Église de
Jésus-Christ, Notre-Seigneur; il est proclamé et publiquement connu comme
Consolateur de nos peines. Le malade cherche le médecin pour ses maladies, le
plaideur cherche un bon avocat qui l'aide, il va trouver le juge et lui dit : "
Rendez-moi justice "
.
Puisque nous sommes tous tristes, il nous faut recourir à
celui qui console notre tristesse. Nous sommes tous tristes : les méchants, pour
les péchés commis; les justes ont aussi le regret de leurs péchés et ils
éprouvent une très grande tristesse en redoutant d'offenser Dieu, de perdre
Dieu. Tous nous sommes tristes, nous avons besoin d'une consolation. Le
Saint-Esprit a pour rôle de nous consoler tous; demandons-lui qu'il veuille bien
venir dans nos cœurs et nous consoler.
Le Saint-Esprit nous est donné par les mérites du
Christ.
Une âme traquée, craintive, chargée de tant de péchés, pourra
dire : " Père, ce Saint-Esprit qui, dites-vous, est Dieu, est un Dieu
tout-puissant, un Dieu terrible, et moi je suis un ver, une fourmi; comment ce
Saint-Esprit voudra-t-il venir dans ma maison si mal préparée à le recevoir ? Je
crains qu'il ne veuille pas venir. "
S'il s'agit de toi, tu as certainement raison de croire que
le Saint-Esprit ne voudra pas venir; mais sais-tu ce que tu dois faire ? Mettre
entre toi et lui, Jésus-Christ et ses mérites et le Saint-Esprit en voyant ce
que Jésus-Christ a souffert pour toi viendra tout de suite par amour pour lui.
Quand il s'en est trouvé un qui s'est désolé pour que tu te
consoles, un qui s'est attristé pour que tu te réjouisses, un qui a supporté la
fatigue pour que tu te reposes, un qui est mort pour que tu vives, tu dois être
sans crainte si tu sais pleurer tes péchés et faire une digne pénitence.
Béni soit Jésus-Christ et que les anges le bénissent ! Amen !
J'ai cherché un consolateur, dit notre Rédempteur, et je ne
l'ai pas trouvé. On m'a donné du fiel en nourriture et quand j'avais soif on m'a
donné à boire du vinaigre.
Notre Rédempteur n'a trouvé aucun consolateur. Notre
Rédempteur fut profondément rempli de tristesse, profondément désolé; il ne
trouva aucune consolation, il était si intensément affligé en son âme et en son
corps qu'il a dit lui-même : " Mon âme est triste jusqu'à la mort "
.
Ce qui signifie que notre Rédempteur avait une tristesse mortelle. Il ne s'agit
pas de l'âme supérieure car elle jouissait de Dieu, je ne parle que de la partie
sensitive dans laquelle régnait la plus extrême affliction. Que de fatigues, de
faim, de soif, de sueur dans ces chemins ! Et quand vint le moment de la
souffrance, il avait tant de douleur en y pensant qu'il disait : Père, s'il
est possible, faites que je ne boive pas ce calice, cette coupe d'amertume.
Le Christ, notre Rédempteur voyant que Dieu le laissait souffrir et voyant les
tourments qu'il supportait en son corps, dit aussi : " Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m'avez-vous abandonné?"
Mes frères, les souffrances que Notre-Seigneur endura furent si nombreuses et si
extrêmes; ils furent si nombreux les supplices qu'il supporta, les coups de
fouet, la couronne d'épines, les soufflets qu'on donna sur son divin visage
qu'il en vint à dire : Vous tous qui passez dans le chemin, vous tous qui
vivez dans le monde, voyez s'il existe une douleur semblable à la mienne
.
Soyez béni, mon Rédempteur, à jamais !
Quelle est la cause de tant de douleurs, Seigneur? Les
douleurs, les tourments, ne sont-ils pas la punition des péchés et le châtiment
des méchants ? Le châtiment convient à ceux qui font le mal; mais vous,
Seigneur, quel mal avez-vous fait pour devoir supporter tant de tourments ?
Pourquoi tant de douleurs ?
— Quelle dette ont-ils ? dit notre Rédempteur Jésus-Christ —
Seigneur, ils ont beaucoup péché. — Eh bien, je veux, dit Jésus-Christ, que le
châtiment retombe sur moi, pour qu'ils obtiennent le repos du ciel; que la
tristesse retombe sur moi, pour qu'ils aient la joie. Je veux qu'on me donne du
fiel pour qu'on leur donne du miel; qu'on m'inflige des supplices pour qu'on
leur donne le repos; qu'on me donne la mort, pour qu'on leur donne la vie.
Aie donc confiance, mon frère, dans les mérites de
Jésus-Christ. Ne crois pas que muette est la voix que tu as au ciel pour te
défendre; les mérites de Jésus-Christ plaident pour toi là-haut. Ce n'est pas
non plus une voix qui est muette, si tu supplies pour que le Saint-Esprit
vienne. Sois sans défiance, car si tu offres les mérites de Jésus-Christ, pour
eux on te donnera le Saint-Esprit. Ce que tu donnes vaut autant que ce qu'on te
donne. Si on te donne Dieu, tu donnes à Dieu et bien que Jésus-Christ notre
Rédempteur n'ait pas souffert en ce qu'il a de divin, en fin de compte, on dit
que celui qui était Dieu a souffert. Pour le fiel qu'il a bu sur la croix, on te
donnera le miel du Saint-Esprit.
Tes pensées, tes paroles, tes actions appelleront le
Saint-Esprit, de sorte qu'il surviendra en toi, sans que tu saches comment ni de
quelle manière, sans que tu le sentes ni que tu saches par où il est entré et tu
le trouveras en toi, logé dans ton cœur; tu découvriras au fond de ton âme une
grande joie, une réjouissance si admirable, si totale qu'elle te fera sortir de
toi-même. Le saint roi David disait : Tu procureras, Seigneur, joie et
allégresse à mon oreille et mes os mortifiés se réjouiront. Le cœur qui
était triste, l'âme qui était très angoissée, seront remplis de joie et se
réjouiront; tu entendras le Saint-Esprit te parler à l'oreille, et t'indiquer
tout ce que tu dois faire.
Celui qui a la charge de consoler est aussi celui qui a la
charge d'exhorter; celui qui te console est aussi celui qui te blâme : " Homme
lâche, sans grand courage, veux-tu ne pas craindre comme un enfant, aie le
courage d'un homme ! " Le Saint-Esprit lui-même qui vient te consoler, te
réprimandera, pour supprimer les obstacles à ta consolation. Paracletus
veut dire Consolateur. Et puisque tu vois, mon frère, que par suite des
mérites de Jésus-Christ, se donne le Saint-Esprit, ne cesse pas de le demander,
ne cesse pas de le désirer avec une grande ferveur, en regrettant son absence,
de sorte qu'il viendra dans ton âme et sera une si grande consolation pour toi
que personne ne pourra te l'enlever.
Arrange ta demeure, prépare le repas pour cet Hôte, puisqu'il
le mérite tant et que tu as envers lui tant d'obligations; faisons beaucoup
d'aumônes aux pauvres; pardonnons à notre prochain; abstenons-nous de tout péché
et de toute faute pendant cette sainte Semaine; soyons maîtres de nos sens, et
ayons tous vraiment confiance, que par sa miséricorde il viendra en feu d'amour,
fortifier nos cœurs et nous apporter ses dons.
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