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mercredi des cendres
Dieu t'offre le pardon de tes péchés
Revenez à moi de tout votre cœur, avec des jeûnes, avec des
larmes et des lamentations. (Joël, 2, 12).
Exorde : La pénitence est l'œuvre de Dieu et non celle
de l'homme.
Bienheureux celui qui n'a jamais eu le cœur triste et n'a
jamais ressenti d'affliction parce qu'il n'a pas péché contre Dieu.
Bienheureux celui qui n'a jamais eu à dire : Seigneur, j'ai
péché, j'ai le plus profond regret parce que j'ai péché et t'ai offensé, etc.
" Voici, en effet, que désormais toutes les générations me
diront bienheureuse "
.
Nous nommons tous bienheureuse, cette bienheureuse Vierge qui n'a jamais eu le
cœur triste pour avoir offensé Dieu car elle ne l'a jamais offensé le moins du
monde, n'ayant jamais péché. Que chacun interroge sa conscience et il saura quel
bien Dieu lui a fait en lui évitant de succomber à des fautes qui le
rempliraient de remords et d'angoisse, l'amenant à dire "J'ai péché et j'ai
perdu la grâce de Dieu". Éviter le péché est l'œuvre de Dieu, vous relever
après avoir péché est aussi son œuvre.
Comme le dit plus haut Augustin, " la pénitence n'est pas le
fait de l'homme, mais de Dieu "
.
Voici la paraphrase de la sainte Écriture, comme le dit le
Seigneur : Ce n'est pas vous qui m'avez choisi (sic) mais c'est moi
qui vous ai choisis
.
Lorsqu'on agit par la grâce de Dieu, on dit que c'est l'œuvre de Dieu et non
celle de l'homme. Car l'homme par lui-même n'a pas de force pour faire peu de
cas des choses de ce monde si Dieu ne la lui donne pas. C'est pourquoi Dieu dit
: Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis.
C'est ainsi que la pénitence est œuvre de Dieu et non de l'homme. Dieu veut
dire que nous avons beau nous tourmenter, il est vain de penser faire une
pénitence profitable, s'il n'étend pas sa main sur nous.
Celui qui pèche mortellement, se jette dans un puits profond,
d'où il ne pourra sortir si Dieu, par sa miséricorde, ne lui donne la main et
l'en retire.
Voyez comment il dit : " Convertissez-nous à vous, Seigneur,
et nous serons convertis "
.
La pénitence que nous nous infligeons est d'autant plus mauvaise qu'elle est
plus grande, telle la pénitence de Judas qui se repentit tant de son péché et en
eut un si grand chagrin qu'il en vint à douter de la miséricorde de Dieu et à
perdre l'espérance.
La pénitence que s'impose l'homme comporte un grand repentir
du péché, mais aussi un manque de confiance en la miséricorde de Dieu. Celle qui
vient de Dieu comporte un grand repentir du péché et en même temps une grande
confiance en la miséricorde de Dieu, grande, plus grande, que toutes les
offenses faites par l'homme à Dieu.
" C'est pourquoi je me condamne et me repens "
.
Lorsque Dieu de sa main guide notre cœur, combien l'on regrette les péchés d'une
autre façon ! La pénitence que tu pratiques toi-même est sans chaleur, tu n'as
pas en toi un poignard térébrant.
Pourquoi ai-je péché ? Quand Dieu t'ouvre l'esprit et te fait
comprendre qui il est, le mal que tu fais en péchant, c'est, comme pour Pierre,
le coq qui chante pour provoquer le repentir. Il n'en est pas ainsi lorsque tu
choisis toi-même ton repentir. La grâce de Dieu nous est nécessaire pour faire
pénitence dignement. C'est elle qui nous aidera à sortir de cet abîme où nous
sommes tombés, et de cette vase dans laquelle nous nous sommes embourbés car
Dieu purifie et secoure ceux qui se sont souillés dans les vices.
Que celle qui n'a jamais péché nous assiste, nous qui sommes
tombés par notre faute et notre libre vouloir, nous qui sommes incapables de
nous relever, même si nous nous y efforçons. Pour que la Vierge nous aide à
faire pénitence durant ce Carême (qui débute aujourd'hui) supplions-la pour que
la grâce nous soit octroyée.
Le Christ est une lumière très claire, un guide, un maître.
4e
mercredi de carême
1543
Voir dans les choses temporelles
d'autres spirituelles.
Tandis que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde
(Jo. 9, 5).
Très Révérend, etc.
Ces paroles de début, c'est Notre-Seigneur qui les a dites.
Elles se trouvent dans l'Évangile de saint Jean. En langage courant elles
signifient : Tandis que je suis dans ce monde, je suis la lumière du monde.
Dieu dit qu'il est la lumière du monde. Il est le seul qui puisse le dire.
Tandis que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.
Si Dieu ne parlait pas de lui, il n'y aurait personne dans le
monde qui le pourrait connaître. Choisissez une de ces deux alternatives : ou
vouloir le connaître et Dieu parle; ou bien ne pas vouloir qu'il vous parle et
vous restez sans le connaître et sans Dieu.
La parole de Dieu c'est la vie, et Dieu ne peut pas parler
sans dire du bien de lui, sans se glorifier pour déclarer sa grandeur. Il ne
peut en être autrement. Ce n'est pas de l'imagination mais la vérité : Dieu
parle de lui et proclame les bienfaits, les magnanimités et les miséricordes qui
sont en lui et le besoin que nous avons tous de lui. Jésus-Christ dit :
Tandis que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.
Soyez béni, Seigneur, à jamais, vous qui nous avez fait de si
grandes grâces en venant en ce monde, et en restant dans le monde alors que vous
en êtes la lumière !
Je ne sais si vous avez réfléchi à ceci : Pourquoi Dieu
a-t-il créé le monde ? Pour quelle raison le pain que nous mangeons et le vin
que nous buvons et pourquoi ces habits qui nous vêtent ? Assurément si, dans ce
don, il n'y avait que manger et boire il y aurait peu de différence entre nous
et une bête des champs, laquelle mange, boit et jouit aussi de ce que Dieu a
créé pour sa subsistance comme pour la nôtre. Mais Dieu a créé tout ceci et l'a
donné pour que nous, hommes, nous en fassions usage, que nous ne nous en
contentions pas comme des animaux, mais que nous rendions pour ces dons
d'infinies grâces à Notre-Seigneur, comprenant qu'il y a pour l'âme une autre
nourriture et une autre boisson, d'autres vêtements, une autre lumière, une
autre clarté de l'esprit, que laisse comprendre et que représente la matière. En
se servant de ces dons, un homme doué de raison doit éprouver de la honte s'il
ne voit ni ne sent en elles plus que ne sent et ne voit une bête privée de
raison.
Les Juifs étaient charnels, cupides; ils restèrent dans le
domaine extérieur, se contentant des cérémonies et de la vie extérieure, ils
oublièrent ce qui importe le plus, la vie intérieure. Nous, chrétiens, nous
avons fait de même : nous demeurons dans le domaine temporel, nous l'estimons
plus que le spirituel; nous nous occupons davantage des biens temporels et
périssables que des biens éternels; tout ce qui se rapporte à ce corps nous
préoccupe plus que ce qui concerne l'âme et notre salut.
Moïse errait, gardant son troupeau. Il le guida vers le
centre du désert et là il ne vit pas Dieu, jusqu'à ce qu'il eût pénétré au plus
profond du désert, dans la partie la plus cachée, il n'eut pas la vision de Dieu
et Dieu ne fut pas dans son esprit.
Maintenant puisque vous avez connu Dieu, ou pour mieux dire,
puisqu'il vous connaît, comment voulez-vous être les serviteurs des choses
viles, pleines de défauts, misérables, et de valeur minime que vous avez? (Saint
Paul),
Cette sainteté que les prédicateurs vous enseignent, sainteté qui réside en de
petits actes simples comme manger tel ou tel mets, vous habiller de telle et
telle manière, c'est dans quel but ? Voulez-vous revenir à l'état primitif,
comme avant le baptême ? Au baptême on a promis pour vous le renoncement à tous
les biens temporels et une vie spirituelle, pourquoi maintenant faites-vous cas
de ces riens et de ces apparences ? Quand on vous a baptisés ne vous a-t-on pas
versé l'eau sur la tête ? Dans certains pays même l'usage est de plonger
l'enfant tout entier dans l'eau. Cela ne veut-il pas dire simplement que toutes
ces choses ont été étouffées en vous, que vous êtes morts à l'amour de tous les
biens visibles et à toutes les œuvres de chair pour lesquelles vous viviez et à
tout ce qui appartient au monde, votre volonté, vos mauvais désirs, et appétits
? Pourquoi donc vivre maintenant pour ce que nous avons tué par le baptême ?
Nous devons être dans le monde comme si nous n'y étions pas, posséder la fortune
comme si elle ne nous appartenait pas, être riches et ne pas vivre comme si nous
l'étions et, de tous nos biens terrestres que nous avons et qu'on nous offre,
retirer de très grandes grâces et louanges à Dieu Notre-Seigneur et du profit
pour nos âmes et consciences.
Voici comment nous devons vivre selon le Christ. Tu prends du
pain, tu t'en rassasies, tu prends de l'eau, tu te laves, et appropries ton
corps.
Une bête ne ferait pas cela sans en rendre grâce à Dieu.
Dieu a créé le visible pour nous faire comprendre
l'invisible. Ce pain dont tu te nourris signifie une autre nourriture de ton
âme, te nettoyer avec cette eau laisse entendre la pureté que doit avoir ton
âme; et tous ces biens visibles que Dieu donne pour ton corps révèlent des biens
et des miséricordes plus grands et invisibles qu'il accorde à ton âme. Tu dois
beaucoup l'en remercier et dire : Seigneur, pour l'amour de Dieu, vous
nourrissez mon corps avec ce pain, nourrissez aussi mon âme de vos mets
spirituels, la grâce et la miséricorde; purifiez aussi mon âme et ma conscience.
Seigneur, combien sont grands votre savoir, votre pouvoir et votre amour !
" Tu me réjouis, Yahweh, par tes œuvres; je pousse des cris
de joie devant les ouvrages de tes mains. Que tes œuvres sont grandes, Yahweh,
combien tes pensées sont profondes ! L'homme stupide n'y connaît rien et
l'insensé n'y peut rien comprendre. "
J'ai vu vos œuvres et je me suis réjoui, disait David;
car tu peux parfois tirer plus de profit de l'argent qui est dans le coffre, des
vignobles et des oliveraies que le maître
.
Combien d'arrobes de vin tires-tu de tes vignobles ? Cent ?
Cent mille si tu veux. Allez à ces vignes, regardez avec
quelle force les sarments sont unis au cep, considérez comme ils restent verts
lorsqu'ils sont unis à leur cep, et à quel point ils sont sèches et flétris
lorsqu'on les coupe. Dites : " Mon âme est aussi sèche et aussi fanée; si on me
coupe et si on m'éloigne de la vigne qui est mon Seigneur Jésus-Christ, serai-je
ainsi ? Que deviendrai-je ? Je serai flétri et sec, je rie serai bon qu'à
brûler." Si le sarment sec savait parler, il se plaindrait et demanderait à
retourner à son cep. Séparé de la vigne, il conterait ses malheurs, ses biens
perdus. Songez-y dans la vigne des autres et vous en retirerez plus de profit
que son maître en retire avec cent mille arrobes de rente. Vois l'olivier vert,
vois comme on en retire un si bon fruit, l'olive, dont on fait l'huile, avec
laquelle nous nous alimentons, nous nous éclairons et guérissons nos plaies.
Considère quel arbre Dieu est pour toi, comme il est ta
fraîcheur, ta lumière, le feu et la clarté avec laquelle tu t'éclaires, comme il
te nourrit, comme il panse et guérit tes plaies et calme ta colère. Et sache
bien extraire la moelle de l'arbre car une bête sait faire le reste.
Dans quel but ? Pour bien remercier Dieu de ce qu'il donne
pour votre nourriture, votre habillement et bien lui rendre grâce pour tous les
biens visibles que vous offre toujours ce monde.
Ainsi ne vous arrêtant pas à ces choses mais comprenant par
elles et en elles d'autres choses et d'autres biens spirituels invisibles, vous
comprendrez à ce propos le monde que Dieu a créé et comment Notre-Seigneur veut
que vous l'entendiez; que tout notre effort doit s'appliquer à connaître Dieu et
que cela doit être notre seule occupation. Et comme il sembla à Dieu que la
parole de tous les hommes était peu de chose et ne suffisait pas à nous faire
comprendre ce qu'il était, il voulut nous faire lire dans la matière.
Jésus-Christ a dit : Une âme sans moi est comme un monde
privé de la lumière et de la clarté du soleil.
De même que les yeux du corps ne peuvent voir sans cette
lumière du soleil, de même les yeux de nos âmes ne peuvent voir sans la grâce
spirituelle de Jésus-Christ. Lorsque vous verrez une lumière, souvenez-vous pour
votre vie, de Jésus-Christ qui est la lumière du monde.
Tandis que je suis dans le monde, je suis la lumière du
monde.
Description de l'Église.
Mes Révérends Pères,
C'est couvert d'un sentiment de honte que je monte en chaire
et je dis avec un sentiment de confusion : si les représentants de Dieu, ceux
qui en sont le cœur, ne ressentent pas les maux de l'Église, qui les ressentira
? Savez-vous ce que représentent les religieux dans le corps mystique de
l'Église ? Le Pape est la tête, les chevaliers sont les bras, les religieux sont
le cœur. Premier à vivre, dernier à mourir, source de la chaleur, le mieux
gardé. Conserve avec vigilance ton cœur, parce que c'est de lui que vient la
vie. C'est pour cela, Pères, que vous êtes enfermés dans ce monastère, sous cet
habit, les yeux baissés, dans l'humilité, afin de vous tenir sur vos gardes et
de vous conserver mieux, comme le feu sous la cendre. Les religieux doivent être
tels que si un membre
est froid, il doit en s'approchant d'un religieux, s'en retourner réchauffé, et
si la foi venait à manquer, on la devrait trouver en eux. Si dans le cœur il n'y
a pas de chaleur, où y en aura-t-il ? Si le cœur ne ressent pas la mort de
l'Église, qui la ressentira ? Pères, dans la religion vous êtes invités à
pleurer, non à rire comme Josué, afin de pleurer sur les erreurs du monde
.
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