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Chapitre 2Les grands noms de Port-Royal
Antoine Arnauld 2-1-Petit rappel historique
On ne peut pas comprendre la vie et l’action
d’Antoine Arnauld, Le Grand Arnauld, qui naquit à Paris, le 6
Il convient d’ajouter qu’Antoine Arnauld était également parent de la famille des Lemaistre dont les représentants les plus célèbres furent Antoine, le premier des “Solitaires”, et Louis Isaac Lemaistre de Sacy dont la traduction de la Bible en français fut très appréciée. 2-1-1-La famille ArnauldAntoine Arnauld, “Le Grand Arnauld, était le dixième et le plus jeune des enfants survivants d’Antoine Arnauld senior (1560-1619) et de Catherine Marie de Druy. En fait, cette famille mit au monde vingt enfants dont dix seulement atteignirent l’âge adulte. Antoine Arnauld senior était un homme de Loi très respecté dans le monde de la magistrature parisienne. Il devint si célèbre en défendant l’Université de Paris contre les jésuites en 1594, que ces derniers estimèrent que ce procès fut le début de leur lutte contre la famille Arnauld qui deviendra plus tard janséniste. On sait que le jeune Antoine Arnauld continuera la bataille commencée par son père, conduit en cela par Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran. Sous l’influence de Saint-Cyran, neuf des dix enfants Arnauld, et plusieurs de leurs petits enfants, devinrent jansénistes. Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que Saint-Cyran et la famille Arnauld s’opposèrent vigoureusement aux décisions du Cardinal de Richelieu, jusqu’à sa mort. 2-1-2-La vie d’Antoine ArnauldLe fils aîné de la famille Arnauld, Robert, était né en 1588, tandis que le plus jeune, Antoine, vint au monde 24 ans plus tard, en 1612. Antoine, n’avait que 7 ans quand son père mourut. Le jeune Antoine Arnauld étudia d’abord au Collège Calvi puis à la Sorbonne. Il fut reçu bachelier en 1635, et docteur en théologie in 1641, l’année de son ordination. En 1626, sa sœur Jacqueline, devenue Mère Angélique et abbesse réformatrice de son monastère, quittait Port-Royal des champs pour emménager dans un autre couvent, à Paris. Trois ans plus tard, en 1629, la mère d’Antoine Arnauld rejoignait Port-Royal de Paris avec une autre de ses filles, Jeanne-Catherine-Agnès Arnauld qui fut élus trois fois abbesse. En 1638 les bâtiments vides de Port-Royal des Champs étaient réoccupés par les “Solitaires” sous la conduite spirituelle de Saint-Cyran. En 1644, Robert, l’aîné de la famille Arnauld, les rejoignait. Jeune prêtre, Antoine Arnauld fit la connaissance de Jean Duvergier de Hauranne et fut fortement influencé par son augustinisme rigoureux. Il le seconda dans les différentes polémiques où Saint-Cyran s’était engagé. C'est donc tout naturellement qu'il se posa en successeur de l'abbé de Saint-Cyran quand fut emprisonné à Vincennes. Antoine Arnauld travailla encore étroitement avec Saint-Cyran dès que ce dernier fût libéré, après la mort de Richelieu. Suivant les désirs et les conseils de son maître, Saint-Cyran, Antoine Arnauld écrivit deux ouvrages: La fréquente Communion (1643), et La Théologie Morale des Jésuites, véritable pamphlet contre les jésuites. Exclu de la Sorbonne en 1656, à cause de ses idées jansénistes, Antoine Arnauld passa quelque temps dans la clandestinité, documentant Pascal pour la rédaction des Provinciales (1656-1657) et correspondant avec Leibniz. A la reprise de la persécution antijanséniste (1679), Antoine Arnauld s'exilait définitivement aux Pays-Bas puis en Belgique, et mourut à Bruxelles en 1694. 2-2-L’œuvre d’Antoine Arnauld
Philosophe et théologien, Antoine Arnauld, ordonné
prêtre en 1641, prit la défense du mouvement
Auteur du quatrième tome de l’ensemble: les Objections aux Méditations métaphysiques de Descartes, Antoine Arnauld adhèra rapidement au cartésianisme dans lequel il voyait un instrument philosophique et anti-libertin, une arme contre l'athéisme et le matérialisme. De 1684 à 1688, il fut le protagoniste d'une controverse philosophique avec Malebranche. Antoine Arnauld défendait la thèse cartésienne sur la nature des idées et s'opposait à la philosophie occasionnaliste de Malebranche. Antoine Arnauld se disait disciple de Saint Augustin. Mais les thèses de Jansen, publiées dans son Augustinus, avaient été condamnées plusieurs fois par différents papes, et le roi Louis XIV cherchait à éliminer les jansénistes. Cependant, la Paix Clémentine, désirée par le pape Clément IX, suspendit pour un temps: dix ans, la persécution contre les jansénistes. C’est pendant cette période de paix que le pape Clément XI aurait demandé à Antoine Arnauld une étude sur les différends existant entre les Catholiques et les Protestants. On croit savoir également que Clément XI aurait eu l’intention de donner à Antoine Arnauld le titre de Cardinal. Mais soudain le problème janséniste rejaillissait... et Louis XIV, désireux de maintenir l’unité française, chercha à éliminer les jansénistes. La suite, on la connaît: les nouvelles persécutions contre l’abbaye de Port-Royal imposèrent à Antoine Arnauld un nouvel exil: aux Pays-Bas d’abord, en 1679, puis à Bruxelles, à partir de 1682, jusqu’à sa mort. Enfin, il faut ajouter qu’Antoine Arnauld avait des relations fréquentes avec les philosophe et les savants de son époque, tels Descartes, Malebranche et Leibniz, déjà cités, et Blaise Pascal. 2-3-La pensée d’Antoine ArnauldAntoine Arnauld fut incontestablement un grand esprit. Il fut souvent en contact avec les plus grands savants et philosophes de son époque, et conversait d’égal à égal avec eux. Mais sa fidélité à Saint-Cyran et ses différends avec les jésuites, lui valurent d'être exclu de la Sorbonne en 1656. Il dut alors alterner les périodes de clandestinité et les séjours à Port-Royal où il accomplit une importante activité éditoriale, tant seul qu'avec des collaborateurs comme Claude Lancelot ou Pierre Nicole. Ses écrits ont traité non seulement de théologie comme la Perpétuité de la Foi (rédigée avec le philosophe Pierre Nicole entre 1669 et 1679), mais aussi de philosophie, de logique, et même de géométrie. Grandement influencé par Descartes, Arnauld s’intéressa également à la patristique, à la philosophie du langage, à la grammaire ou à la logique, comme le prouvent ses livres: la Grammaire de Port-Royal, publiée en 1660, la Logique de Port-Royal, éditée en 1662, et même la Grammaire Génerale et Raisonnée qu’il rédigea et publia en collaboration avec le grammairien Claude Lancelot. Mais le Grand Arnauld était un redoutable polémiste, engagé à la fois contre les protestants et les jésuites. Jamais il ne recula, jamais il ne renonça à ses idées personnelles, surtout à celles liées aux théories de Jansen. Jamais il ne céda, même quand ses prises de position jansénistes étaient condamnées par l’Église et le pape. On peut dès lors se demander, avec tristesse, s’il n’est pas dommage qu’un tel homme n’ait pas accepté de se soumettre, avec humilité, à l’Église dont il était membre, et prêtre par surcroît. Peut-être avait-il raison... Peut-être une grande partie de son œuvre était-elle dans la vérité de Dieu. Mais une grande partie de cette œuvre est restée presque inconnue et stérile, parce que l’orgueil, dont il n’avait peut-être pas conscience, l’avait aveuglé. La réflexion qui précède semble tout à fait légitime. En effet, beaucoup d’hommes et de femmes, religieux ou laïcs, parmi les contemporains d’Antoine Arnauld et des “solitaires” de Port-Royal, beaucoup de grands chrétiens, notamment ceux qui ont “fait” l’École Française de Spiritualité, sont devenus des saints. Comme tous ceux qui fréquentaient Port-Royal, comme les jansénistes, ils savaient se mortifier, parfois cruellement. Leur morale n’était pas laxiste: elle effraierait même les gens de notre XXIe siècle; il suffit, pour s’en convaincre, de lire les œuvre de Bérulle, de Jean-Jacques Olier, de Jean Eudes, et de bien d’autres de cette époque, et même de saint Claude La Colombière, le directeur de sainte Marguerite-Marie, confidente du Sacré-Cœur. Mais, tous, ils étaient humbles, convaincus de leur néant devant Dieu, conscients de leurs faiblesses humaines. Et puis, pleins de confiance dans l’amour du Christ crucifié, et de la miséricorde de Dieu, ils surent être totalement disponibles, non seulement à une certaine élite, mais surtout au service de leurs frères, les pauvres de Dieu qui aspiraient à revenir vers Dieu Sauveur et Dieu-Amour que les événements douloureux qu’ils avaient dû vivre, pendant longtemps, leur avaient caché. |