Chapitre 3

Autres grands noms de Port-Royal

3-1-Pierre Nicole (1625-1695)

Le philosophe Pierre Nicole est relativement peu connu. Défenseur ardent du Jansénisme, il enseigna à Port-Royal où il eut comme élève le futur dramaturge: Jean Racine.

3-1-1-Les grandes lignes de la vie de Pierre Nicole

Pierre Nicole naquit à Chartres le 19 octobre 1625 et fit ses études à Paris. Reçu Maître ès Arts en 1644, il poursuivit des études de théologie en 1645 et 1646.

Professeur aux “Petites Écoles de Port-Royal”, il rejoignit les “Solitaires” en 1649. Le temps qu’il ne donnait pas à ses élèves, Pierre Nicole le consacrait à l’étude de Saint Augustin et de Saint Thomas, sous la direction de l’écrivain Sainte-Beuve. 

S’étant retiré à Port-Royal des Champs, Pierre Nicole devint l’ami d’Antoine Arnauld. On croit savoir qu’il retourna à Paris en 1654 sous un nom d’emprunt: Mr de Rosny. Quatre ans plus tard, durant un séjour en Allemagne, il traduisit les Lettres à un Provincial de Pascal en latin, en y ajoutant de nombreuses notes personnelles. Son travail fut publié sous le nom de William Wendrock.

En 1676 il souhaita devenir prêtre, mais cela lui fut refusé par l’évêque de Chartres.  En 1677 il dut quitter Paris, et en 1679, se réfugia en Belgique où il retrouva Antoine Arnauld.  

Théologien et polémiste de talent, Pierre Nicole s’était souvent mis au service du jansénisme. Pourtant, pour autant qu’on puisse en juger, il ne partageait pas toutes les idées de ses amis, et parfois, savait demeurer très réservé vis à vis d’elles, comme le prouve son attitude à partir de 1683. En effet, c’est à cette époque qu’il rédigea une sorte de “rétractation”, se soumettant aux autorités ecclésiastiques. Pierre Nicole fut alors autorisé, par l’archevêque de Paris, Mgr de Harlay, à retourner à Chartres, puis à Paris. De nombreux jansénistes lui reprochèrent amèrement cette attitude...

Après sa “rétractation”, en 1683, Pierre Nicole prit une part active dans deux controverses célèbres: l’une concernant le quiétisme contre lequel il partageait les vues de Bossuet, et  l’autre relative aux études monastiques, en accord avec Mabillon contre l’abbé de Rancey.

Les dernières années de Pierre Nicole furent tristes, en raison de ses infirmités. Il mourut à Paris en 1695 suite à une série de crises d’apoplexie.

3-1-2-L’œuvre de Pierre Nicole

On se perd un peu lorsqu’on veut faire son chemin dans l’œuvre de Pierre Nicole, tant ses œuvres personnelles sont souvent étouffées par des ouvrages publiés sous des pseudonymes, ou écrits en collaboration avec d’autres auteurs. Ainsi, on sait d’une manière certaine que Pierre Nicole rédigea, avec Antoine Arnauld, deux oeuvres très significatives de l’esprit de Port-Royal: “La Logique ou l’Art de penser” (1662) et “La perpétuité de la foi de l’Église Catholique touchant l’Eucharistie” (1664). Nicole collabora également avec Antoine Arnauld à la “Logique de Port-Royal” et au “Nouveau Testament de Mons”.

On est sûr, par contre, que les “Essais de morale contenus en divers traités sur plusieurs devoirs importants”, publiés en 6 volumes de 1671 à 1715, et qui constituent une charge apologétique contre l’athéisme et le libertinisme, sont son oeuvre personnelle. C’est aussi dans cette œuvre que Pierre Nicole  engagea, en 1671, une polémique contre son ancien élève, Jean Racine, au sujet du théâtre, comparant le rôle du dramaturge à celui d’un «empoisonneur public».

Parmi les autres œuvres de Nicole, d’un caractère très souvent polémique, on peut citer, en vrac:

En faveur du jansénisme:

— "Lettres sur l'hérésie imaginaire", (Liège, 1667)

— "Les prétendus Réformés convaincus de schisme" (Paris, 1684)

— "Traité de la grâce générale" (Paris, 1715), contenant tout ce que Pierre Nicole avait déjà écrit au préalable sur ce sujet.

Contre le protestantisme :

— "Préjugés légitimes contre les Calvinistes" (Paris, 1671)

— "La défense de l'Église" (Cologne, 1689), qui est une réponse au livre: "Défense de la Réformation" écrit par un certain Claude, théologien protestant, contre les "Préjugés légitimes".

On peut citer d’autres ouvrages liés aux controverses contre le quiétisme, notamment la "Réfutation des principales erreurs des Quiétistes". (Paris, 1695)

On ne peut pas, non plus, négliger tout ce qui peut concerner la foi chrétienne :

— comme les "Instructions théologiques et morales sur les sacrements" (Paris, 1706),

— "Sur le Symbole" (Paris, 1706),

— "Sur l'Oraison dominicale, la Salutation angélique, la Sainte Messe et les autres prières de l'Eglise” (Paris, 1706), et

— "Sur le premier commandement du Décalogue" (Paris, 1709)

3-2-Blaise Pascal (1623-1662)

3-2-1-Quelques traits de la vie de Blaise Pascal

On connaît surtout Blaise Pascal d’abord par ses travaux scientifiques, ensuite par ses Lettres à un Provincial”. Mais Blaise Pascal était également un grand penseur, et ses “Pensées” nous révèlent aussi qu’après une expérience mystique très forte, il fut attiré par tout ce qui concernait le christianisme et la vie spirituelle.

Né à Clermont, en Auvergne le 19 juin 1623, Blaise Pascal  n'avait que trois ans à la mort de sa maman. Son père, Étienne Pascal, juriste et mathématicien, se chargea de l’éducation de son unique garçon, étonnamment précoce: à 12 ans, il travaillait déjà seul sur la géométrie et découvrait que la somme des angles d'un triangle est égale à deux angles droits.

Dès 1635, Blaise Pascal fréquenta, avec son père, un cercle de mathématiciens où il côtoya des savants aux noms prestigieux: Roberval et Gassendi, pour ne citer qu’eux. Mais nous n’insisterons pas davantage sur le scientifique exceptionnel que fut Blaise Pascal: ce n’est pas notre sujet. Il convient cependant d’indiquer que, grâce à ses connaissances en hydrostatique, Pascal participa à l'assèchement des Marais Poitevins, à la demande du Duc de Roannez.

Parallèlement à ses connaissances scientifiques, Blaise Pascal développait ses réflexions autour de la religion, un thème qui,  tout au long de sa vie, tint une place prépondérante. En 1651 Pascal avait 28 ans lors du décès de son père. L’année suivante, sa sœur Jacqueline, séduite par l'ardeur de la foi prônée par le jansénisme, entrait en religion à Port-Royal.

Pascal se retrouva seul et vécut alors une période mondaine qui s'acheva subitement en 1654, à la suite d'une expérience mystique, une révélation, cause d’une conversion radicale et durable. Il s'installa au monastère de Port Royal (1655), et se consacra à la défense du jansénisme en publiant ses 18 Lettres à un Provincial. Dans ces lettres, Pascal attaquait, avec virulence, la morale enseignée par les jésuites, morale qu’il jugeait trop laxiste. Ces lettres défendaient également les idées émises par Antoine Arnauld dans son ouvrage: La fréquente communion.  

Pascal réfléchissait également à des œuvres philosophico-religieuses (Les Pensées), apologie du Christianisme, qu’il ne put achever.

De santé précaire, et usé par l’excès de travail, Pascal mourut  à l'âge de 39 ans, broyé de souffrances, probablement à cause d'une tumeur à l'estomac ayant migré jusqu'au cerveau.

3-2-2-Les “Pensées de Pascal

Dans ses Pensées, Blaise Pascal cherche une méthode propre à convaincre les libertins de revenir à Dieu et d’amender leur vie. Pascal sait que l'homme est faible mais qu’il aspire à l'infini: Oui, "l'homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant".

Pascal a conscience de la détresse de l’homme, et il veut démontrer que seul le christianisme répond aux aspirations de l'humanité. Mais, malheureusement, l'homme cherche plutôt à échapper à ses maux par le divertissement, et en cela s'éloigne de son salut.

D’où l’étonnante proposition de Blaise Pascal qui a fait couler tant d’encre: Le pari. Personne, pense Pascal, ne connaît la destinée de l’homme. Le christianisme a-t-il raison ou tort? Seule la foi nous donne la réponse. Mais de toutes façons, si on ne peut gagner la vie éternelle qu’après une vie pieuse ou sainte, on a tout à gagner à vivre en chrétiens.

3-3-Racine (22 décembre 1639- 21 avril 1699)

Né le 22 décembre 1639 à la Ferté-Milon (Aisne), orphelin en 1643, Jean Racine fut recueilli par sa grand-mère maternelle qui, ayant deux soeurs et une fille religieuses à Port-Royal, s'y retira avec son petit-fils. Le jeune Racine entra donc aux Petites Écoles de Port-Royal (1649-1658), où il suivit un enseignement déterminant pour sa vie et sa carrière, entrecoupé par de brefs séjours au collège de Beauvais complétés par une année de philosophie au collège d'Harcourt à Paris.

Ses études achevées, Jean Racine fréquenta les poètes et les beaux esprits. Il se lia avec La Fontaine puis avec Boileau et Molière. Louis XIV lui offrit même des gratifications...

Mais, vivement critiqué par ses anciens maîtres, notamment Pierre Nicole, qui, comme nous l’avons dit plus haut, jugeait le théâtre immoral et ses auteurs des "empoisonneurs publics des âmes", Racine se fâcha avec Port-Royal et se consacra tout entier, pendant dix ans, à la composition de ses œuvres dramatiques. Tout le monde connaît: Andromaque (1667), Les Plaideurs (1668), Britannicus et Bérénice en 1669 et 1670,  Bajazet (1672), Mithridate (1673) et Iphigénie (1674). Son entrée à l'Académie Française en 1673 couronna son étonnante production littéraire.

En 1677, dépité par l’attitude de certains de ses contemporains, également en proie à des chagrins d'amours et à des scrupules de conscience, Racine renonça au Théâtre, se maria et renoua avec les Solitaires de Port-Royal.

Plus tard, historiographe du roi, il partagea son temps entre ses occupations à la Cour et l'éducation de ses nombreux enfants. A la demande de Mme de Maintenon, il écrira encore, pour les jeunes filles de Saint-Cyr, Esther (1689) et Athalie (1691), deux pièces d'inspiration biblique.

Racine s'éteignit le 21 avril 1699, laissant derrière lui, outre ses pièces de théâtre, des Cantiques Spirituels (1694) et un Abrégé de l'Histoire de Port-Royal.

Racine fut inhumé, selon ses voeux, à Port-Royal-des-Champs.

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