INDEX
CXX
Résumé de ce qui précède.- Respect qu'on doit aux
prêtres, qu'ils soient bons ou mauvais.
CXXI
De la vie coupable des ministres infidèles.
CXXII
De ceux qui commettent l'injustice en ne reprenant
pas leur prochain.
CXXIII
Des autres vices des mauvais ministres.
CXXIV
Combien sont coupables ces ministres prévaricateurs.
CXXV
Des maux que ces vices causent dans le monde.
CXXVI
De ceux qui s'abandonnent aux plaisirs des sens.
CXXVII
De l'avarice et des maux qu'elle cause à l'Église.
CXXVIII
De l'orgueil qui détruit la connaissance de la
vérité.
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1. Ma fille bien-aimée, je t'ai montré une étincelle
de la gloire ne mes ministres ; je dis une étincelle, en comparaison de ce
qu'elle est réellement. Je t'ai fait voir la dignité à laquelle je les avais
élevés en les choisissant pour être mes ministres : et à cause de cette
autorité que je leur ai donnée, je ne veux pas que la main des séculiers les
punisse de leurs fautes ; car en le faisant, ils m'offensent d'une manière
déplorable. Je veux qu'on ; les respecte non pour eux, mais pour moi et à
cause de l'autorité dont ils sont revêtus. Ce respect ne doit jamais
diminuer, même lorsque la vertu diminuerait en eux. Il faut le conserver
pour les mauvais et pour les bons, parce que je les ai tous faits les
ministres du Soleil, c'est-à-dire du corps et du sang de mon Fils dans les
sacrements.
2. Les bons et les mauvais ont la même dignité ;
tous sont revêtus des mêmes fonctions, mais je t'ai montré que les parfaits
avaient les qualités du soleil, puisqu'ils illuminent et réchauffent le
prochain par l'ardeur de leur charité. Cette ardeur produit des fruits et
fait naître des vertus dans les âmes de ceux qui leur sont confiés. Je t'ai
dit aussi qu'ils étaient des anges que je vous avais donnés pour vous
garder, car ils vous gardent et répandent dans vos cœurs, de saintes
inspirations par leurs prières, leurs enseignements et leurs exemples. Ils
vous servent et vous administrent les sacrements comme le fait l'ange qui
vous garde et qui met en vous de bonnes et saintes pensées.
3. Tu vois qu'outre la dignité où je les ai placés,
je veux qu'ils soient ornés de toutes les vertus, afin que vous les aimiez
et que vous ayez pour eux le plus grand respect. Car ce sont mes fils
bien-aimés qui ressemblent à un soleil, éclairant par leur vertu le corps
mystique de la sainte Église. Tout homme vertueux est digne d'amour : à bien
plus forte raison celui auquel j'ai confié un pareil ministère. Vous devez
les aimer à cause de la sainteté du Sacrement. Vous devez haïr les fautes de
ceux qui vivent mal, mais je ne veux pas que vous vous fassiez leurs juges,
parce qu'ils sont mes Christs, et que vous devez aimer et vénérer l'autorité
que je leur ai confiée.
4. Si un homme sale et mal vêtu vous portait un
grand trésor qui vous donnerait la vie, par amour pour ce trésor et pour le
prince qui vous l'enverrait, vous ne détesteriez pas le porteur, quoiqu'il
fût sale et mal vêtu. Son extérieur ne vous plairait pas sans doute, mais à
cause du maître vous tâcheriez de le laver et de le vêtir. La charité
ordonne que vous agissiez ainsi, et je veux que vous traitiez de la même
manière mes ministres peu exemplaires, dont les mains sont souillées et les
vêtements déchirés par le défaut de charité, mais qui vous portent de grands
trésors, c'est-à-dire les sacrements de la sainte Église, par lesquels vous
recevez la vie de la grâce.
5. Vous devez les honorer, quels que soient leurs
défauts, par amour pour moi qui vous les envoie, et par amour de la vie de
la grâce que vous trouvez dans le grand trésor qu'ils vous portent,
puisqu'ils vous donnent un Dieu-Homme tout entier, c'est-à-dire le corps et
le sang de mon Fils unis à ma nature divine. Il faut déplorer et haïr leurs
fautes ; il faut vous efforcer de les revêtir par le zèle de votre charité
et la sainteté de vos prières ; il faut les laver de leurs souillures avec
vos larmes, et me les présenter avec un grand désir, pour que ma bonté les
couvre du vêtement de la charité.
6. Vous savez bien que je veux leur faire grâce,
pourvu qu'ils s'y disposent, et que vous me le demandiez. Car ce n'est pas
ma volonté qu'ils vous distribuent le Soleil dans les ténèbres, étant
eux-mêmes dépouillés du vêtement des vertus et souillés par une vie
coupable. Je vous les ai au contraire donnés pour qu'ils soient vos anges de
la terre et votre lumière. S'ils ne le sont pas, vous devez prier pour eux
et ne pas les juger, mais me les laisser juger moi-même. Je désire pouvoir
leur faire miséricorde par vos prières. S'ils ne se convertissent pas, la
dignité qu'ils ont reçue sera leur ruine ; et s'ils ne changent pas, s'ils
ne profitent pas de la grandeur de ma miséricorde, moi, le Juge suprême, je
les confondrai à l'heure de la mort, et je les enverrai au feu éternel.
1. Écoute maintenant, ma fille bien-aimée. Afin que
vous tous mes serviteurs, vous soyez excités à m'offrir pour mes ministres
infidèles d'humbles et continuelles prières, je vais te montrer leur vie
coupable. De quelque côté que tu regardes, que ce soient les séculiers, les
religieux, les clercs, les prélats, les petits, les grands, les jeunes et
les vieux, dans toutes les conditions, tu ne verras qu'offenses contre moi.
Tous me jettent l'infection du péché mortel ; mais cette infection ne
saurait m'atteindre, elle ne nuit qu'à eux-mêmes.
2. Je t'ai dit jusqu'à présent la dignité de mes
ministres et la vertu de ceux qui sont bons, pour donner un peu de repos à
ton âme, et te faire ensuite mieux connaître le malheur de ces infortunés.
Tu verras combien ils sont coupables et dignes d'un châtiment terrible.
Autant mes bien-aimés ministres, qui font saintement valoir le trésor qua je
leur ai confié, méritent d'être magnifiquement récompensés, et d'être comme
des pierres précieuses en ma présence, autant ces misérables méritent au
contraire les foudres de ma justice.
3. Écoute, ma fille bien-aimée, et apprends, dans la
douleur et l'amertume de ton cœur, quel est le principe et le fondement de
leur égarement : c'est l'amour-propre, d'où naît l'arbre de l'orgueil qui
produit l'aveuglement. Comme ils ne savent pas discerner la vérité, ils
s'attachent aux hommes, à la gloire, et recherchent les grandes dignités, le
faste et les délicatesses du corps. Ils m'outragent et m'offensent ; ils
s'attribuent ce qui ne leur appartient pas, et m'attribuent ce qui n'est pas
de moi.
4. La gloire et l'honneur doivent m'appartenir, et
ils doivent n'avoir pour eux que la haine de leurs sens. Ils doivent se
connaître assez pour se réputer indignes du sublime ministère qu'ils ont
reçu, et ils font le contraire. Tout pleins d'orgueil, ils ne peuvent se
rassasier de la boue des richesses et des .délices du monde ; ils sont
avides, impitoyables, avares à l'égard des pauvres, et à cause de ce
misérable orgueil et de cette avarice qu'engendre l'amour-propre sensitif,
ils abandonnent le soin des âmes. Ils ne pensent qu'à conserver et soigner
les choses temporelles, et ils laissent mes brebis que je leur ai confiées,
comme des troupeaux sans pasteur. Ils ne les conduisent pas et ne les
nourrissent ni spirituellement ni temporellement.
5. Ils administrent, il est vrai, spirituellement les
sacrements de la sainte Église, et ces sacrements ne peuvent, par leur
faute, perdre leur efficacité et leur vertu mais ils ne nourrissent pas les
âmes de prières ferventes, de l'ardent désir de votre salut et d'une vie
sainte et honnête. Ils ne nourrissant pas non plus leur troupeau des choses
temporelles ; ils n'assistent pas les pauvres des biens de l'Église, dont
ils doivent faire trois parts, comme je te l'ai dit : une pour leurs
besoins, une autre pour les pauvres, et l'autre pair l'utilité de l'Église.
6. Ils font le contraire ; car non seulement ils ne
donnent pas ce qu'ils sont obligés de donner aux pauvres, mais encore ils
dépouillent le prochain par la simonie et la passion de l'argent ; ils
vendent la grâce du Saint Esprit. Il s'en trouve souvent de si infidèles,
que ce que je leur ai donné gratuitement pour qu'ils vous le donnent de
même, ils le refusent à ceux qui en ont besoin, à moins qu'on ne leur
remplisse la main et qu'on ne les comble de présents. Ils n'aiment ceux qui
leur sont confiés qu'autant qu'ils en retirent quelque utilité, et jamais
davantage.
7. Ils dépensent les biens de l'Église en riches
ornements, pour aller, vêtus avec délicatesse, non comme des clercs et des
religieux, mais comme des grands seigneurs et des hommes de cour. Ils
s'appliquent à avoir de beaux chevaux, une quantité de vases d'or et
d'argent, et de magnifiques ameublements ; ils possèdent toutes ces choses,
qu'ils ne devraient pas avoir, avec une grande vanité de cœur. Leurs
discours sont aussi déréglés : ils ne rêvent que festins somptueux et font
un dieu de leur ventre ; ils mangent et boivent sans mesure, et tombent
bientôt dans la fange et le désordre.
(Vae, vae ipsorum vite miserabili et infelici !
quoniam illud quod unigenitus Filius meus acquisivit, cum gravissima poena,
super ligno sanctissimcae Crucis, ipsi cum meretricibus expendunt. Et ita
damnabiliter jugiter animas devorant et occidunt lesu Christi sanguine
pretioso redemptas, eas diversimode cum fetenti miseria corrumpendo, et de
patrimonio vel haereditate pauperum filios adulterinos alunt et ornant).
8. O temples du démon ! je vous avais choisis pour
être des anges sur la terre, et vous êtes des démons ; vous en faites
l'office ! Les démons répandent les ténèbres qu'ils ont en eux, et
deviennent de cruels bourreaux. Ils s'efforcent, autant qu'ils peuvent, par
leurs tentations et leurs attaques, de détruire la grâce dans les âmes, pour
les faire tomber dans le péché mortel. Le péché ne peut souiller une âme, si
elle n'y consent ; mais ils font tous leurs efforts pour l'y décider. Ces
malheureux, indignes prêtres, appelés mes ministres, sont des démons
incarnés, puisque par leurs fautes ils se sont soumis à la volonté du démon,
et qu'ils en remplissent les fonctions. Ils me distribuent, moi, le vrai
Soleil, au milieu des ténèbres du péché mortel, et ils répandent les
ténèbres de leur vie coupable et déréglée parmi les créatures raisonnables
qui leur sont confiées. Ils troublent et scandalisent ceux qui les voient
vivre ainsi, et souvent leurs mauvais exemples égarent les autres loin de la
grâce et de la voie de la vérité, dans les sentiers du mal et de l'erreur.
9. Celui qui les suit n'a pourtant pas d'excuse ; car
ces démons visibles, pas plus que les démons invisibles, ne peuvent forcer
l'homme à pécher. Personne ne doit imiter leur vie et faire ce qu'ils font ;
car comme ma Vérité vous l'enseigne dans le saint Évangile, vous devez faire
ce qu'ils vous disent (S. Mt., XXIII, 3), c'est-à-dire suivre la
doctrine qui vous a été donnée dans le corps mystique de la sainte Église,
qui est consignée dans la sainte Écriture et proclamée par les prédicateurs
chargés d'annoncer ma parole. Gardez-vous d'imiter leur vie coupable et de
les punir comme ils le méritent ; car vous m'offenseriez.
10. Ne vous arrêtez pas à leurs vices, et suivez
seulement ma doctrine. Laissez-moi le châtiment ; car je suis le Dieu bon et
éternel, je, récompense tout bien et je punis tout mal. Je ne leur ménagerai
pas la vengeance ; ma justice ne les épargnera pas parce qu'ils ont eu
l'honneur d'être mes ministres. Ils seront, au contraire, s'ils ne se
convertissent, plus terriblement punis que les autres, parce qu'ils auront
plus reçu de ma bonté ; plus ils m'offensent misérablement, plus ils sont
dignes de punition. Tu vois bien que ce sont des démons, tandis que mes
élus, dont je t'ai parlé sont des anges sur la terre, et remplissent les
fonctions des anges.
1. Je t'ai dit qu'en mes ministres bien-aimés
brillait la perle précieuse de la justice. Maintenant je te dis que des
malheureux portent pour ornement l'injustice. Cette injustice procède et est
inséparable de l'amour-propre. C'est par l'amour-propre qu'ils commettent
l'injustice envers leurs âmes et envers moi dans les ténèbres de leur
aveuglement. Envers moi, car ils ne me rendent pas gloire ; et envers eux,
car ils n'ont pas une vie honnête et sainte, le désir du salut des âmes, et
la faim des vertus ; c'est pourquoi ils commettent l'injustice envers leur
troupeau et leur prochain, dont ils ne corrigent pas les vices. Ils ne les
voient pas même dans leur aveuglement, et la crainte coupable qu'ils ont de
déplaire aux autres, fait qu'ils les laissent dormir et languir dans leurs
infirmités.
2. Ils ne s'aperçoivent pas qu'en voulant plaire aux
créatures, ils leur nuisent et déplaisent au Créateur : quelquefois ils les
reprennent pour se couvrir d'une apparence de justice, mais ils ne
s'adressent pas aux grands, qui peut-être seront plus coupables que les
petits, parce qu'ils craignent par là de nuire à leur position et à leur
fortune ; mais ils reprendront les petits, qui ne peuvent rien contre eux et
leur puissance. Voilà le fruit de leur injustice et de leur déplorable
amour-propre.
3. L'amour-propre corrompt le monde et le corps
mystique de la sainte Église : il rend sauvage le jardin de l'Époux, et le
remplit de fleurs empoisonnées. Ce jardin était bien cultivé par les vrais
jardiniers, mes saints ministres ; il était orné d'une multitude de fleurs
odoriférantes. La vie de ceux qui s'y trouvaient n'était pas encore viciée
par leurs pasteurs, qui leur donnaient, au contraire, l'exemple de la vertu
et de la sainteté.
4. Il n'en est plus ainsi maintenant, car les mauvais
pasteurs rendent mauvais ceux qui leur sont confiés. L'Épouse est entourée
des épines et des ronces du péché. Elle ne peut être atteinte elle-même, de
la corruption du péché, parce que la vertu des sacrements ne peut recevoir
aucune atteinte ; mais ceux qui se nourrissent sur le sein de l'Épouse
reçoivent le poison dans leur âme, en perdant la dignité à laquelle je les
avais élevés. La dignité ne diminue pas en elle-même, mais elle diminue pour
eux, parce que leurs fautes font mépriser le précieux sang de mon Fils. Les
séculiers ne les respectent pas comme ils devraient toujours le faire, à
cause de ce précieux Sang : et ce manque de respect n'a pas son excuse dans
les fautes des ministres. Ces malheureux sont des modèles d'iniquité, tandis
que je les avais choisis pour être des modèles de vertu.
1. Apprends, ma fille bien-aimée, la source véritable
de toute cette corruption. C'est la sensualité, qui, avec l'amour-propre,
triomphe de l'âme et la rend esclave, tandis que je l'ai affranchie avec le
sang de mon Fils, lorsque tout le genre humain fut délivré de la servitude
et de la puissance du démon, toute créature raisonnable participe à cette
grâce, mais mes ministres sont particulièrement affranchis de la servitude
du monde ; ils sont choisis pour me servir et pour administrer les
sacrements de la sainte Église. Je les ai rendus indépendants, et je ne veux
pas qu'aucun prince temporel se fasse leur juge.
2. Sais-tu, ma fille bien-aimée, comment ils
reconnaissent les grands bienfaits qu'ils ont reçus de moi ? Ils me
remercient en m'outrageant sans cesse par tant de vices et de crimes, que tu
ne pourrais jamais les redire, et que tu n'aurais pas même la force de les
entendre. Je veux t'en dire cependant encore quelque chose, pour que tu
puisses gémir sur eux et en avoir compassion.
3. Ils devaient s'asseoir au banquet de la Croix par
leurs saints désirs, et s'y nourrir du salut des âmes, pour m'honorer :
toute créature raisonnable doit le faire mais ils doivent le faire bien
davantage, puisque je les ai choisis pour distribuer le corps et le sang de
Jésus crucifié, mon Fils, pour vous donner l'exemple d'une sainte vie et
pour se rassasier de vos âmes, en suivant ma vérité avec une infatigable
ardeur. Ils vont au contraire dans les tavernes ; ils jurent et blasphèment,
ils affichent publiquement leurs vices ; ils deviennent, dans leur
aveuglement, des animaux sans raison, et toutes leurs actions, toutes leurs
paroles respirent le mal.
4. Ils ne savent plus ce que c'est que l'Office, et,
s'ils le disent quelquefois, c'est avec les lèvres seulement, mais leur cœur
est loin de moi. Ils se conduisent comme des libertins. Après avoir joué et
perdu leur âme, ils jouent et risquent les biens de l'Église et ce qu'ils
ont reçu en vertu du sang de mon Fils. Aussi les pauvres n'ont pas ce qui
leur est dû ; l'Église est dépouillée et n'a pas ce qui est nécessaire au
culte. Comment peuvent-ils avoir soin de mon temple, puisqu'ils sont devenus
les temples du démon ? Cette pompe qu'ils devaient déployer dans l'Église
pour honorer le sang de mon Fils, ils la mettent dans les maisons qu'ils
habitent (Et quod etiam deterius est, ipsi faciunt veluti sponsus, qui
sponsam propriam ornat : ita faciunt isti daemones incarnati, qui de
substantia temporali suarum ecciesiarum ornant abominabiles atque
daemoniacas suas concubinas, cum quibus inique, sceleratissime vivunt, et
absque verecundia quacumque faciunt eas ad ecclesiam cum allis ambulare,
atque divinis officiis interesse, dum ipsi miserabiles in altari consistunt
ad consecrandum unigeniti Filii mei corpus et sanguinem. Nec erubescunt quod
infelices illae concubinae filios eorunt ad manum adducant ut offerant una
cum alio populo.).
5. O démons plus démons que les démons, si au moins
vos iniquités étaient ignorées de ceux qui vous sont soumis ! En les
commettant secrètement, vous m'offenseriez et vous vous perdriez, mais vous
ne perdriez pas le prochain par le scandale de votre vie. Vos exemples
empêchent les autres de sortir du vice, et les font tomber dans des péchés
semblables, et dans de plus grands encore. Est-ce la pureté que j'exige de
mes ministres, surtout quand ils vont célébrer à l'Autel ? Doivent-ils
ainsi, le matin, l'âme et le corps souillés par le péché, se lever pour
offrir le Sacrifice ?
6. O tabernacle du démon, où sont tes veilles de la
nuit, et l'Office que tu devais réciter ? où sont tes continuelles et
ferventes prières ? Pendant cette nuit même, tu devais te préparer aux
fonctions que tu avais à remplir au commencement du jour, en t'examinant et
en te reconnaissant indigne d'un si grand ministère ; tu devais reconnaître
que c'était ma bonté, et non pas ton mérite, qui te l'avait fait donner pour
l'utilité des autres créatures.
1. Songe, ma fille bien-aimée, que j'exige des
fidèles et des prêtres, dans ce sacrement, toute la pureté que l'homme peut
avoir sur terre. Tous, vous devez faire sans cesse vos efforts pour
l'acquérir, et vous devez penser que si les anges eux-mêmes pouvaient se
purifier, ils devraient le faire pour remplir un semblable ministère. Mais
cela ne peut être ; leur nature n'a pas besoin d'être purifiée, car la
souillure du péché ne peut les atteindre. Je te dis seulement cela pour te
faire comprendre quelle pureté je réclame de vous' et surtout des prêtres
dans ce Sacrement. Hélas ! les malheureux font tout le contraire ; car ils
s'en approchent non seulement tout souillés de ces impuretés auxquelles vous
êtes entraînés par votre fragile nature, quoique la raison, si le libre
arbitre le veut, puisse dompter sa révolte ; mais encore, loin de surmonter
ces faiblesses, ils vont au delà, et commettent le péché que j'ai maudit.
2. Les insensés ont obscurci la lumière de leur
intelligence, et ils ne voient plus la corruption et la fange où ils sont
plongés. Ce péché me cause une si grande horreur, que, pour le punir, ma
vengeance a englouti cinq villes. Ma justice ne pouvait les supporter, tant
ce péché me fait horreur ; et ce n'est pas à moi seulement, car il répugne
aux démons même, que ces malheureux ont choisis pour maîtres. Ce n'est pas
que le mal leur déplaise, ils ne peuvent aimer aucun bien ; mais, parce
qu'ils ont reçu une nature angélique, ils ne peuvent, à cause de cela, voir
commettre une telle monstruosité ; ils lancent, il est vrai, la flèche
empoisonnée par le venin de la concupiscence ; mais, quand s'accomplit
l'acte du péché, ils s'enfuient, comme je te l'ai dit.
3. Rappelle-toi qu'avant la peste, je t'ai montré
combien j'avais en horreur ce péché et combien le monde en était infecté. Je
t'élevai alors au-dessus de toi-même dans l'ardeur de tes désirs, et je te
fis voir l'univers tout entier. Tu vis ce malheureux péché dans presque
toutes les conditions, et les démons qui s'enfuyaient pour ne pas le voir,
et l'infection qu'il causait ; la peine que tu en ressentais dans ton âme
était si grande, que tu te croyais sur le point de mourir. Et tu
n'apercevais pas pour toi et mes autres serviteurs un endroit où vous
puissiez vous réfugier, car cette lèpre était répandue partout ; tu ne
trouvais aucun asile parmi les petits et les grands, parmi les vieux et
parmi les jeunes ; les religieux et les laïques ; les maîtres et les
serviteurs, presque tous avaient l'âme et le corps souillés de ce vice
maudit.
4. Je t'ai montré cependant, au milieu de tous ces
coupables, un grand nombre de préservés ; car, parmi les méchants, j'ai
toujours des élus, dont la vertu et les bonnes oeuvres retiennent ma justice
et m'empêchent de commander aux rochers d'écraser les coupables, à la terre
de les engloutir, aux animaux de les dévorer, et aux démons d'emporter leur
âme et leur corps. Je cherche même des moyens pour pouvoir leur faire
miséricorde, en les faisant changer de vie : j'y emploie mes serviteurs qui
sont purs de cette lèpre, et je les fais prier pour eux.
5. Quelquefois je leur dévoile ces honteux péchés,
pour qu'ils soient plus ardents à désirer leur salut, pour qu'ils
m'invoquent avec une plus grande compassion et une plus vive douleur de ces
outrages, et pour que j'exauce leurs prières comme j'ai exaucé les tiennes
car, si tu te le rappelles, lorsque je te fis sentir quelque chose de cette
infection, tu en souffrais tant, que tu n'en pouvais plus et que tu me
disais : "O Père éternel, ayez pitié du moi et de toutes les créatures, ou
bien retirez mon âme de mon corps, car il me semble que je ne puis plus y
résister. Donnez-moi quelque soulagement et montrez-moi un lieu où, moi et
vos autres serviteurs, nous puissions nous reposer, sans que cette lèpre
puisse nous suivre et altérer la pureté de nos âmes et de nos corps".
6. Je te répondis, en jetant sur toi un regard de
tendresse : "Ma fille, votre repos est de rendre honneur et gloire à mon
nom, et de m'offrir l'encens d'une continuelle prière pour ces malheureux
dont les péchés méritent les rigueurs de mes jugements. Votre asile est
Jésus crucifié, mon Fils unique ; réfugiez-vous, cachez-vous dans la plaie
de son côté ; l'amour vous y fera goûter, par son humanité, ma nature
divine. Dans son cœur entr'ouvert vous trouverez ma charité et celle du
prochain ; car, pour honorer son Père et accomplir les ordres que je lui
avais donnés pour vous sauver, il a couru à la mort ignominieuse de la
Croix. En voyant et en goûtant cet amour vous suivrez sa doctrine, et vous
vous rassasierez au banquet de la Croix, en supportant avec charité, avec
une véritable patience, votre prochain et les peines, les travaux, les
fatigues, de quelque côté qu'elles viennent. C'est ainsi que vous vous
sauverez et que vous éviterez la lèpre. C'est le moyen que je t'ai donné et
que je donne à tous mes serviteurs ".
7. Cela n'empêcha pas ton âme de sentir cette
infection, et ton intelligence de voir ces ténèbres ; mais ma providence y
pourvut, car, en participant au corps et au sang de mon Fils, Dieu et homme
parfait, tels que vous les recevez à l'Autel, comme preuve de la vérité,
l'infection fut détruite par le parfum que vous donne ce sacrement, et les
ténèbres furent dissipées par la lumière que vous y trouvez. Un miracle de
ma bonté fit rester l'odeur de ce Sang dans ta bouche, et tu en jouis
pendant plusieurs jours.
8. Tu vois, ma fille bien-aimée, combien ce péché
m'est odieux en toute créature : mais songe qu'il doit m'irriter bien
davantage en ceux que j'appelle à vivre dans la continence, et surtout en
ceux que j'ai séparés du monde par la vie religieuse ou par le sacerdoce,
pour leur faire porter des fruits dans le corps mystique de l'Église. Vous
ne pourrez jamais comprendre combien ce péché me déplaît plus en eux que
dans tous ceux qui vivent dans le monde ou qui devraient vivre dans la
continence.
9. Je t'ai dit qu'ils étaient des lampes placées sur
le candélabre pour répandre ma lumière par leur vertu et par leur vie, et
ils ne répandent que les ténèbres. Ils sont si pleins de ténèbres, qu'ils
n'entendent pas la Sainte Écriture, où mes élus puisent la lumière avec la
lumière surnaturelle que je leur donne. Parce qu'ils sont enflés d'orgueil
et souillés d'impureté ; ils ne voient et ne comprennent que l'écorce et la
lettre, sans y trouver aucune saveur. Le goût de leur amour est vicié par
l'amour-propre et corrompu par l'orgueil ; ils ne se repaissent que
d'impuretés et ne songent qu'à jouir de leurs plaisirs coupables. La
cupidité, l'avarice les poussent au mal, qu'ils commettent publiquement sans
honte ; et ils exercent l'usure, que j'ai défendue et qui rend si misérables
ceux qui s'y livrent.
1.- Comment ceux qui ont de pareils vices pourraient-ils
reprendre, corriger et punir ceux qui leur sont soumis ? Leurs fautes leur
ôtent nécessairement le courage et le zèle de la sainte justice ; et si
quelquefois ils veulent parler, les coupables savent leur dire : Médecin,
guéris-toi d'abord (S. Luc, IV, 23), tu me soigneras ensuite, et je
prendrai les remèdes que tu me diras. Il est plus vicieux que moi, et il me
fait des reproches.
2. Celui-là fait mal qui veut reprendre les autres
par sa parole, sans y ajouter une bonne et sainte vie. Qu'il soit bon ou
mauvais, le supérieur doit toujours reprendre le vice dans ceux qui lui sont
soumis ; mais il fait mal de ne pas le combattre, surtout par ses exemples.
Celui-là fait plus mal encore qui ne reçoit pas humblement la correction et
qui ne change pas de conduite, que l'avertissement vienne d'un b'on ou d'un
mauvais supérieur ; car il nuit plus à lui-même qu'aux autres, et c'est lui
qui sera puni de ses fautes.
3. Tous ces maux arrivent, ma très chère fille, parce
que les pasteurs ne corrigent pas les autres par une bonne et sainte vie. Et
pourquoi ne le font-ils pas ? Parce qu'ils sont aveuglés par l'amour-propre,
qui est la source de tous leurs vices. Ils ne songent qu'aux moyens de se
procurer de Coupables jouissances. C'est l'unique pensée des pasteurs et du
troupeau, des clercs et des religieux.
4. Hélas ! ma douce fille, où est l'obéissance des
religieux qui devraient vivre comme des anges dans leur Ordre, et qui sont
pires que les démons ! Ils sont choisis pour annoncer ma doctrine et ma
vérité ; mais le bruit de leur parole est inutile, ils ne produisent aucun
fruit dans le cœur de leurs auditeurs. Leurs prédications sont plutôt faites
pour plaire aux hommes et charmer leurs oreilles que pour m'honorer. Ils
s'appliquent non pas à bien vivre, mais à bien parler. Ils ne sèment pas le
bon grain de ma Vérité, et ne travaillent pas à arracher les vices et à
faire renaître les vertus. Comme ils n'ont point arraché les épines de leur
jardin, ils ne cherchent pas à enlever celles du jardin des autres.
5. Toute leur jouissance est de parer leur corps,
leurs chambres, et d'aller causer dans la ville ; ils ressemblent aux
poissons, qui meurent dès qu'ils sont hors de l'eau. Ces religieux qui
vivent si légèrement se perdent en quittant leur cellule, dont ils devraient
faire un ciel ; ils courent les rues, cherchant les maisons, de leurs
parents et des gens, du monde ; ils plaisent aux séculiers relâchés et aux
supérieurs coupables, qui leur laissent toute liberté, au lieu, de les tenir
sévèrement, Ces mauvais pasteurs ne s'inquiètent pas de voir leurs frères
entre les mains du démon ; souvent ils les lui livrent eux-mêmes.
6. Tous ces malheurs sont causés par les supérieurs
qui ne veillent pas sur ceux qui leur sont confiés. Ils les laissent libres
et les envoient eux-mêmes, comme s'ils ne connaissaient pas leurs misères et
le dégoût qu'ils ont de leur cellule. C'est ainsi que vient pour, eux la
mort. Tu ne pourrais jamais dire leur iniquité et par quels moyens
déplorables ils m'offensent. Ils sont devenus les armes du démon, et ils
répandent le poison de leur corruption au dedans et au dehors.
7. Ils scandalisent à la fois les séculiers et les
religieux. Ils n'ont pas la charité fraternelle : tous veulent dominer, tous
cherchent à posséder, contrairement au précepte et au vœu qu'ils ont fait.
Ils ont promis d'observer la règle, et ils la violent ; non, seulement ils
ne l'observent pas, mais ils se jettent comme des loups affamés sur les
agneaux qui veulent la suivre. Ils les accablent de mépris et de souillures.
Les malheureux s'imaginent, en persécutant et en tournant en dérision les
bons religieux, cacher leurs défauts, et ils les font paraître bien
davantage. Voilà le maI qui désole les jardins de l'Église les saints Ordres
établis et fondés par l'Esprit Saint.
8. Un Ordre en lui-même ne peut être gâté et
corrompu par les défauts des inférieurs et des supérieurs ; celui qui veut y
entrer ne doit pas faire attention à ceux qui sont mauvais, mais il doit
s'appuyer sur la règle qui ne peut faiblir, et ne la point abandonner
jusqu'à la mort. Les jardins de la vie religieuse sont ainsi désolés par les
supérieurs et les inférieurs relâchés qui n'observent pas la règle, ne
tenant aucun compte des usages, et ne faisant leurs cérémonies que pour
plaire au public et cacher leurs vices.
9. Tu vois qu'ils n'observent pas leur premier vœu,
qui est d'obéir à leurs constitutions. Je te parlerai ailleurs de
l'obéissance. Ils ont également promis d'observer la pauvreté volontaire et
la continence. Comment l'observent-ils ? Vois les propriétés et les
richesses qu'ils possèdent, contrairement à la charité qui devrait leur
faire partager tous ces biens avec leurs frères, comme l'exige leur règle.
Ils ne veulent engraisser qu'eux et leurs animaux : une bête nourrit ainsi
les autres. Tandis que leurs pauvres frères meurent de froid et de faim, ils
sont bien vêtus et, bien nourris : ils ne pensent pas aux autres, et ne
veulent pas se trouver avec eux à la pauvre table du réfectoire. Leur
bonheur est de se trouver où ils peuvent s'emplir de viande et satisfaire
leur gloutonnerie.
10. Peuvent-ils observer, ainsi leur troisième vœu de
continence ? Un estomac chargé ne rend pas l'esprit chaste : aussi
deviennent-ils lascifs, et sentent-ils des mouvements désordonnés qui les
font tomber de faute en faute. Leur richesse les entraîne aussi dans de
grandes chutes ; car, s'ils n'avaient rien à dépenser, ils ne vivraient pas
dans le désordre et n'auraient pas des relations coupables. L'amour et
l'amitié fondés sur l'intérêt ou le plaisir, et non sur la parfaite charité,
ne durent pas quand on n'a rien à donner.
11. Les malheureux, dans quelle misère les précipite le
péché ! et je les avais élevés à une si grande dignité ! Ils fuient l'église
comme la peste ; et s'ils s'y trouvent, ils prient des lèvres, mais leur
cœur est loin de moi. Ils ont pris l'habitude d'aller à l'Autel sans aucune
préparation, comme ils iraient à une table ordinaire. Tous ces maux et bien
d'autres dont je ne veux plus te parler, pour ne pas souiller tes oreilles,
tous ces maux sont causés par les mauvais supérieurs, qui ne corrigent pas
et ne punissent pas les fautes de leurs inférieurs. Ils n'ont aucun zèle
pour la règle, parce qu'ils ne l'observent pas eux-mêmes.
12. Ils imposent bien les grands fardeaux de
l'obéissance à ceux qui veulent l'observer, et ils les punissent même des
fautes qu'ils n'ont pas commises. Ils agissent ainsi parce que la perle de
la justice ne brille pas en eux. L'injustice les fait au contraire
poursuivre de leur haine et de leurs rigueurs ceux qui mériteraient leur
affection et leur bienveillance, tandis qu'ils aiment et favorisent ceux qui
sont les membres du démon et ils leur confient les charges de l'Ordre. Ils
vivent comme des aveugles ; et comme des aveugles aussi, ils distribuent les
fonctions et gouvernent leurs inférieurs. S'ils ne se corrigent pas, ils
tomberont dans la damnation éternelle, et ils auront à rendre compte des
âmes de leurs inférieurs devant moi, le souverain Juge ; ils ne pourront se
justifier, et ils recevront le châtiment qu'ils méritent.
1. Ma fille bien-aimée, je t'ai dit quelque chose de
ceux qui vivent en religion avec le vêtement des agneaux, tandis qu'ils sont
des loups ravisseurs. Je reviens maintenant aux ecclésiastiques et aux
ministres de la sainte Église, pour déplorer avec toi les péchés qu'ils
ajoutent à ceux dont je t'ai parlé. Je t'entretiendrai des trois colonnes du
vice que je t'ai montré une fois. Ces colonnes sont l'impureté, l'orgueil et
la cupidité qui fait vendre la grâce du Saint Esprit. Ces vices se tiennent
entre eux, leur fondement commun est l'amour-propre. Tant que ces trois
colonnes sont debout et ne sont pas renversées par la force de l'amour des
vertus, elles suffisent pour fixer et maintenir l'âme dans tous les vices.
Tous les vices naissent de l'amour-propre, qui est lui-même le père de
l'orgueil. L'homme orgueilleux est privé du sentiment de la charité ; son
orgueil l'entraîne à l'impureté et à l'avarice, et il se lie ainsi avec les
chaînes du démon.
2. Considère maintenant, ma fille, combien l'orgueil
et l'impureté souillent leur âme et leur corps. Je veux ajouter quelque
chose pour que tu connaisses mieux l'abondance de ma miséricorde, et que tu
aies une plus grande compassion de ces malheureux. Quelques-uns sont si
possédés du démon, que non seulement ils outragent les sacrements et ne
respectent pas la dignité que je leur ai donnée, mais qu'ils s'oublient et
s'égarent dans l'amour des créatures. Quand ils ne peuvent avoir ce qu'ils
désirent, ils pratiqueront des sortilèges et se serviront même du Sacrement
qui est votre nourriture et votre vie, pour composer des maléfice et
satisfaire leurs pensées impures et leurs coupables volontés. Les pauvres
brebis dont ils devaient nourrir les âmes et les corps sont ainsi
tourmentées par ces détestables moyens, et par d'autres que je passerai sous
silence, pour ne pas t'affliger davantage, Tu les as vues ces pauvres
brebis, comme folles et hors d'elles-mêmes, sentir leur volonté violentée
par ces démons incarnés, et entrai. nées à faire ce qu'elles ne voulaient
pas. La résistance qu'elles opposaient causait à leur corps d'horribles
souffrances. Il est inutile de te rappeler ces malheurs et tant d'autres. Tu
sais quelle en est la cause : une vie impure et coupable.
3. O ma fille bien-aimée la chair qui est élevée
au-dessus de tous les chœurs des anges par ma nature divine unie à votre
nature humaine, ils l'emploient à de telles iniquités ! Homme abominable et
semblable à la brute, ta chair que j'ai consacrée par l'onction sainte, tu
la livres aux prostituées et à des choses plus viles encor. Cette chair, et
celle du genre humain, avaient été guéries de la plaie que lui avait faite
le péché d'Adam, par le corps de mon Fils torturé sur l'arbre de la Croix.
Malheureux ! il t'a honoré et tu l'outrages ; il a guéri tes plaies avec son
sang, il t'a fait son ministre, et tu le poursuis de tes honteux péchés. Le
bon Pasteur avait lavé ses brebis dans son sang ; tu salis celles qui sont
pures, et tu fais tous tes efforts pour les plonger dans la fange.
4. Tu devais donner l'exemple de la pureté, et tu
donnes celui de la débauche. Tu emploies toutes les parties de ton corps à
commettre le mal, et tu fais le contraire de ce qu'a fait mon Fils. J'ai
permis que ses yeux fussent bandés pour t'éclairer, et tu ouvres les tiens
pour empoisonner ton âme et le cœur des autres par des regards criminels.
J'ai souffert qu'il fût abreuvé de fiel et de vinaigre, et toi tu te repais,
comme l'animal, de mets délicats ; tu fais un dieu de ton ventre. Ta langue
est pleine de paroles frivoles et déshonnêtes, tandis que tu devais
l'employer à reprendre le prochain, à enseigner ma vérités et à réciter
pieusement ton Office. Je n'en reçois que la corruption. Tu jures et tu
blasphèmes souvent comme un libertin. J'ai souffert que les mains de mon
Fils fussent liées pour te délivrer et délivrer le genre humain des liens du
péché ; tes mains, qui ont été consacrées pour administrer la sainte
Eucharistie, tu les souilles par tes vices, toutes les oeuvres qu'elles font
sont mauvaises et destinées au service du démon. Malheureux ! Je t'ai élevé
cependant à une si grande dignité pour que tu m'honores et que tu serves mes
créatures.
5. J'ai voulu que les pieds de mon Fils fussent
percés pour te faire parvenir à son corps ; j'ai voulu que son côté fût
ouvert pour te faire voir le secret de son cœur ; je vous l'ai offert comme
un asile où vous pouvez contempler et goûter l'amour ineffable que j'ai
ressenti pour vous en unissant ainsi ma nature divine à votre nature
humaine. Ce sang, dont tu es le ministre, est un bain pour laver vos
iniquités, et tu as fait de ton cœur le temple du démon. Tu ne fixes pas en
moi ton affection, représentée par les pieds, et tu ne m'offres que la
corruption et le blasphème. Tes pieds te portent où le démon t'appelle.
Ainsi tout ton corps persécute le corps de mon Fils ; tu fais sans cesse le
contraire de ce qu'il a fait, et de ce que toi et toutes les autres
créatures, êtes obligés de faire.
6. Tous les organes de ton corps sont viciés, parce
que les trois puissances de ton âme sont unies au nom du démon, au lieu
d'être unies en mon nom, Ta mémoire devrait être pleine des bienfaits que tu
as reçus de moi, et elle est pleine de choses déshonnêtes et coupables. Ton
intelligence devrait contempler, à la lumière de la foi, Jésus crucifié, mon
Fils unique, dont tu es le ministre, et tu l'appliques aux délices, aux
honneurs, aux richesses du monde. Ton amour devrait m'appartenir sans
partage, et tu le donnes misérablement aux créatures. Tu me préfères ton
corps et jusqu'à tes animaux. Qu'est-ce qui le prouve ? Ta révolte contre
moi quand je t'enlève ce que tu aimes, et ton impatience contre le prochain
quand tu crois qu'il t'a fait quelque tort. Tu le hais et tu l'outrages ; tu
te sépares de ma charité et de la sienne. O infortuné ! tu as été choisi
pour répandre le feu de la charité divine, et tu la perds à cause de tes
plaisirs. coupables et des légers, préjudices que tu reçois du prochain.
Voilà, ma fille bien-aimée, une de ces trois malheureuses colonnes du mal
dont je t'ai parlé.
1. La seconde colonne du mal est l'avarice. Ce que
mon Fils avait donné avec tant de générosité, l'avarice veut le vendre. Son
divin corps, sur l'arbre de la croix, était ouvert, et son sang coulait de
toute part. C'est avec ce sang que l'amour vous a rachetés, et non pas avec
de l'or et de l'argent. Ce n'était pas pour la moitié du monde qu'il était
répandu, mais pour tout le genre humain pour tous ceux qui ont été, qui sont
et qui seront. Ce sang ne vous a pas été administré sans le feu ; car c'est
par le feu de l'amour que je vous l'ai donné, et ce feu et ce sang ne sont
pas sans ma nature divine, parfaitement unie à la nature humaine. C'est de
ce sang qui par l'amour que j'ai fait l'homme ministre.
2.- Et toi, tu es avare de ce que mon Fils a gagné sur la
Croix, pour ces âmes rachetées avec tant d'amour. Ce qu'il t'a donné en te
faisant ministre de son sang, tu le retiens par avarice ; tu veux vendre la
grâce du Saint Esprit, et tu exiges qu'on t'achète ce que tu as reçu
gratuitement tu ne cherches point à te rassasier des âmes pour mon honneur,
mais à te repaître d'argent. Tu es, si peu généreux de ce que tu as reçu
avec tant de largesse, qu'il est évident que je ne suis pas en toi par la
grâce, et que le prochain n'y est pas par l'amour. Les biens temporels que
tu reçois à cause de ce sang, tu les reçois en abondance, et, dans ton
avarice, tu ne les fais pas servir à d'autres qu'à toi. Voleur digne, de la
mort éternelle, tu dépouilles les pauvres et l'Église pour vivre dans le
plaisir avec tes parents et avec des gens sans conduite tu les dépouilles
pour te procurer des jouissances et élever tes enfants.
3. O misérable, où sont les fils des solides et
saintes vertus que tu devais avoir ? Où est l'ardente charité que tu devais
répandre, et le désir dévorant pour mon honneur et le salut des âmes ? Où
est cette poignante douleur que tu devrais ressentir en voyant le loup
infernal emporter tes brebis ? Tu n'éprouves rien ; tu n'aimes que toi, et
cet amour est un poison pour toi et pour les autres. Tu es toi-même ce loup
infernal qui les dévores par ton amour déréglé. Tu n'as d'ardeur que pour
cela. Comment craindrais-tu de voir le démon invisible emporter les âmes
puisque tu es le démon visible, l'instrument qui les fait tomber en enfer ?
4. C'est toi et ceux qui te ressemblent que tu
revêts et que tu engraisses des biens de l'Église ; tu en nourris même des
animaux, ces beaux chevaux que tu as pour tes plaisirs, et non pour tes
besoins, tandis que tu devrais te borner au nécessaire. Ces plaisirs sont
ceux des hommes du monde ; tes jouissances devraient être d'assister les
pauvres, de visiter les infirmes et de pourvoir à tous leurs besoins
spirituels et temporels ; car ce n'est pas pour autre chose que je t'ai fait
mon ministre, et que je t'ai revêtu d'une si grande dignité. Mais, parce que
tu te fais semblable aux bêtes, tu te plais au milieu des bêtes. Que tu es
aveugle ! Si tu voyais les supplices qui t'attendent si tu ne changes, tu ne
te conduirais pas de la sorte, mais tu te repentirais des fautes passées, et
tu emploierais mieux le temps présent.
5. Tu vois, ma fille bien-aimée, combien j'ai raison
de me plaindre de ces misérables, combien j'ai été généreux envers eux, et
combien ils sont avares envers moi. Que te dire encore ? Apprends qu'il y en
a qui prêtent à usure. Ils ne mettent pas d'enseignes comme les usuriers
publics, mais ils ont une foule de moyens subtils pour vendre le temps à
leur prochain avec une coupable avidité, ce qui n'est jamais permis. Si on
leur fait un présent, si petit qu'il soit, et s'ils le reçoivent pour prix
du service qu'il ont rendu en prêtant de l'argent, cela est une usure, comme
tout ce qu'on reçoit pour payer le temps.
6. Je les établis pour qu'ils défendent l'usure aux
séculiers, et ils la font eux-mêmes. Bien plus, si quelqu'un va les trouver
pour les consulter sur cette matière, parce qu'ils ont ce vice et qu'ils ont
perdu la lumière de la raison, le conseil qu'ils donneront sera ténébreux et
plein de la passion qui est dans leur âme. Ce défaut, et bien d'autres,
naissent dans leur cœur étroit, envieux et avare ; on peut bien dire d'eux
ce que dit mon Fils lorsqu'il entra dans le Temple et qu'il en chassa avec
un fouet de corde ceux qui y vendaient et achetaient : "De la maison de mon
Père, qui est une maison de prière, vous avez fait une caverne de voleurs" (S.
Mt., XXI, 43).
7. Tu le vois, ma douce fille, mon Église, qui est le
lieu de la prière, est devenue une caverne de voleurs ; ils y vendent et ils
y achètent ; ils trafiquent de la grâce du Saint Esprit. Celui qui désire
les dignités et les bénéfices de la sainte ‘Église, les achète par de
nombreux présents qui ressemblent beaucoup à des marchandises et à de
l'argent : les malheureux ne regardent pas si ceux qui les sollicitent sont
bons ou mauvais ; mais, pour leur plaire et par amour des cadeaux qu'ils ont
reçus, ils font tous leurs efforts pour mettre ces plantes vénéneuses dans
le jardin de la sainte Église. Ils les recommanderont au Vicaire de Jésus
Christ. Ainsi le protecteur et le protégé tromperont le Christ de Dieu sur
terre, tandis qu'ils devaient lui dire toute la vérité.
8. Mais si le Vicaire de mon Fils s'aperçoit de leur
faute, il doit les punir et retirer les pouvoirs de celui qui ne se corrige
pas et n'amende pas sa mauvaise vie. Quant à celui qui achète un bénéfice,
il serait bon de le mettre en prison pour qu'il change, et que la crainte
empêche les autres de suivre son exemple. Si le Christ de la terre agit de
la sorte, il fait son devoir. S'il ne le fait pas, son péché ne restera pas
impuni, lorsqu'il paraîtra devant moi pour rendre compte de ses brebis.
9. Ma fille, sois persuadée que ce désordre existe à
cette époque ; et c'est ce qui a fait tomber l'Église dans une si grande
désolation. On n'examine pas la vie de ceux qu'on élève aux chargés, et on
ne demande pas s'ils sont bons ou mauvais, Si l'on prend quelques
informations, c'est auprès de ceux qui sont complices de leurs vices et qui
donnent toujours des témoignages favorables, parce qu'ils ont les mêmes
défauts. On, ne regarde qu'à la naissance, aux belles manières, aux
richesses et au talent de bien dire en plein consistoire et, ce qui est
pire, quelquefois on vantera la beauté de la personne. Entends-tu cet acte
infernal ? Lorsqu'on devrait rechercher l'ornement et la beauté de la vertu,
on regarde à la beauté du corps.
10. Ils devraient choisir les pauvres, les humbles qui
fuient les honneurs, et ils prennent ceux qui les recherchent avec orgueil.
Ils se préoccupent aussi de la science. La science est bonne en elle-même ;
elle est parfaite lorsque celui qui la possède y joint une vie sainte et une
humilité sincère. Mais si la science se trouve dans un orgueilleux et un
libertin, elle est empoisonnée. Ce savant n'entend plus que la lettre des
Saintes Écritures ; il est dans les ténèbres, parce qu'il a perdu la lumière
de la raison et qu'il a obscurci l’œil de son intelligence. C'est avec la
lumière de la raison, aidée de la lumière surnaturelle, que la Sainte
Écriture peut être expliquée et comprise, comme je te l'ai dit ailleurs.
11. Ainsi, tu vois que la science est bonne en
elle-même, mais non, pas en celui qui s'en sert comme il ne devrait pas s'en
servir ; car elle sera pour lui un feu dévorant, s'il ne change pas de vie.
Il faut plutôt s'arrêter à une vie bonne et sainte qu'à la science d'un
homme qui a une conduite déréglée. On fait le contraire ceux qui sont bons
et vertueux sans avoir grande science, sont regardés comme des sots ; ils
sont méprisés et rebutés, parce qu'ils n'ont rien à donner.
12. Dans ,ma maison, qui devrait être la maison de la
prière, où devraient briller la perle de la justice, la lumière de la
science, la sainteté de la vie ; dans ma maison, qui devrait être pleine du
parfum de la vérité, abonde, le mensonge. On devrait y voir la pauvreté
volontaire, avec un ardent désir de sauver les âmes, de les tirer des mains
du démon ; et ces ministres infidèles désirent les richesses, ils s'occupent
tant des choses temporelles, qu'ils abandonnent le soin des choses
spirituelles. Ils ne font que jouer, rire, augmenter et multiplier leurs
biens. Les malheureux ne s'aperçoivent pas que c'est le moyen de les
perdre ; car s'ils. étaient riches en vertu, et. s'ils s'appliquaient aux
choses spirituelles comme ils le doivent, ils auraient les choses
temporelles en abondance, et beaucoup de révoltes contre l'Église, mon
épouse, n'auraient pas lieu.
13. Ils, doivent laisser les morts ensevelir leurs
morts (S. Luc, IX, 60), pour suivre la doctrine de mon Fils et
accomplir en eux ma volonté, c'est-à-dire, faire ce que je les ai chargés de
faire, mais ils font tout le contraire, car ils s'appliquent à ensevelir,
avec un amour déréglé, les choses mortes et passagères, et ils font ce qui
regarde les hommes du monde ; ce qui me déplaît grandement, et nuit beaucoup
à la sainte Église. Il faut laisser aux séculiers leurs affaires. Un mort
doit ensevelir l'autre, c'est-à-dire que ceux qui sont placés pour gouverner
les choses temporelles doivent les gouverner.
14. Pourquoi t'ai-je dit qu'un mort doit ensevelir
l'autre ? Apprends que cela. doit s'entendre de deux manières. La première
quand on administre les choses temporelles en état de péché mortel, avec un
amour déréglé ; la seconde, quand on le fait seulement avec le corps sans
s'y attacher ; car le corps est une chose morte : il n'a pas la vie en
lui-même, il la tient de l'âme, et participe à sa vie tant qu'il n'en est
pas séparé. Il faut donc que mes ministres, qui doivent vivre comme des
anges, laissent les choses mortes aux morts, et gouvernent les âmes, qui
sont des choses vivantes et qui ne meurent jamais quant à l'être.
15. Ils doivent les gouverner, leur administrer les
sacrements, les dons et les grâces du Saint Esprit, et leur distribuer la
nourriture spirituelle en vivant saintement. De cette manière, ma maison
sera la maison de la prière ; ils la rempliront de grâces et de vertus. Mais
comme ils ne le font pas et qu'ils font le contraire, je puis dire qu'elle
est devenue une caverne de voleurs ; car ils se sont faits marchands par
avarice ; ils vendent, ils achètent (Et est effecta receptaculum
animalium, ex eo quia vivunt ut animalia bruta cum inhonestate fetida.
Et hoc enim ex illa fecerunt veluti stabulum, quoniam jacent
in luto miserabilis inhonestais. Et ita, tenent in ecclesia daemoniacas
concubinas suas, absque verecundia, sicut sponsus honorifice sponsam in domo
sua retinet ). Tu vois combien ces
désordres sont plus grands que ceux dont je t'ai parlé. Ils viennent des
deux colonnes de mort qui sont l'impureté et l'avarice.
1. Je veux maintenant te parler de la troisième
colonne qui est l'orgueil : je l'ai placé le dernier, mais il est le dernier
et le premier des vices ; car tous les vices sont basés sur l'orgueil, comme
toutes les vertus ont pour base et pour vie la charité. L'orgueil naît et se
nourrit de l'amour-propre sensitif, qui est le fondement de ces trois
colonnes et de tous les péchés que commettent les créatures. Celui qui
s'aime d'un amour déréglé est privé de mon amour, puisqu'il ne m'aime pas ;
et en ne m'aimant pas, il m'offense, puisqu'il n'observe pas le commandement
de la loi qui lui ordonne de m'aimer par dessus toute chose, et d'aimer le
prochain comme moi-même.
2. Aussi, parce qu'il s'aime d'un amour sensitif, il
ne m'aime pas et ne me sert pas ; mais il aime et sert le monde par l'amour
sensitif et le monde n'ont aucune conformité avec moi ; et parce qu'il n'y a
aucune conformité entre ces deux amours, il faut nécessairement que celui
qui aime le monde d'un amour sensitif et le sert d'une manière sensuelle, me
haïsse. Celui qui m'aime en vérité hait le monde. Ma Vérité a dit que
personne ne pouvait servir deux maîtres contraires. Dès qu'il en sert un, il
sera opposé à l'autre (S. Mt., VI, 24).
3. Tu vois que l'amour propre prive l'âme de ma
charité et le revêt du vice de l'orgueil. L'amour-propre est la source de
tout péché. Je me plains de toute créature raisonnable coupable
d'amour-propre, mais je me plains bien davantage de mes ministres, qui
devraient être humbles. Tous doivent avoir cette vertu de l'humilité, que
nourrit la charité, mais surtout ceux qui sont les ministres de l'humble
Agneau sans tache, mon Fils bien-aimé. Comment eux et tous les hommes
n'ont-ils pas honte de s'enorgueillir, lorsqu'ils me voient humilié jusqu'à
l'homme par l'union du Verbe mon Fils à votre chair ?
4. Ils voient le Verbe se soumettre avec ardeur à
l'obéissance que je leur ai imposée, et s'abaisser jusqu'à la mort
ignominieuse de la Croix. Il a la tête inclinée pour vous saluer, la
couronne sur la tête pour vous orner, les bras étendus pour vous embrasser,
les pieds percés pour ne pas vous quitter. Et toi, malheureux, qu'il a fait
son ministre avec tant de générosité et d'humilité, tu devrais embrasser la
croix, et tu la fuis pour t'unir à de coupables et immondes créatures ; tu
devrais être ferme et inébranlable dans la voie de ma Vérité, lui livrant
ton cœur et ton esprit, et tu flottes comme la feuille emportée par le vent.
Tu vas au gré du temps ; la prospérité t'agite d'une joie déréglée,
l'adversité te jette dans l'impatience ; car, comme la patience est la
moelle de la charité, l'impatience est celle, de l'orgueil. Tout agite et
scandalise ceux qui sont orgueilleux et colères.
5. L'orgueil me déplait tant, que je l'ai précipité
du ciel lorsque l'ange voulut s'élever. L'orgueil ne monte pas au ciel, il
tombe au fond des enfers. Ma Vérité a dit : Celui qui s'élèvera,
c'est-à-dire l'orgueilleux, sera humilié, et celui qui s'humiliera sera
élevé (S. Luc XIV, 11). Dans toutes les classes d'hommes, l'orgueil
me déplaît ; mais il me déplaît plus dans mes ministres, que j'ai choisis
pour servir l'humble Agneau. Ils font tout le contraire. Comment ce
malheureux prêtre n'a-t-il pas honte d'être orgueilleux, lorsqu'il me voit
descendre jusqu'à vous en vous donnant mon Fils unique, et en le prenant
pour ministre ? Le Verbe ne s'est-il pas humilié pal obéissance jusqu'à la
mort ignominieuse de la Croix ? Sa tête est couronnée d'épines, et son
ministre lève la tète contre moi et contre son prochain. Au lieu d'être un
humble agneau, c'est un bélier avec des cornes d'orgueil, et il frappe tous
ceux qui l'approchent.
6. Infortuné, tu ne penses pas que tu ne peux
m'échapper. T'ai-je chargé de me frapper avec les cornes de l'orgueil, de
m'injurier et d'outrager le prochain sans raison ? Où est la douceur que tu
devrais avoir pour célébrer le Mystère du corps et du sang de mon fils
Jésus ? Tu es devenu comme une bête féroce, sans aucune crainte de moi. Tu
dévores ton prochain ; tu mets la division partout et tu favorises les
personnes qui te servent, qui te sont utiles, ou celles qui te plaisent,
parce qu'elles vivent comme toi. Tu devrais les corriger et combattre leurs
défauts ; mais tu fais le contraire en leur donnant des exemples qu'elles
suivent et qu'elles dépassent. Si tu étais bon, agirais-tu de la sorte ?
Parce que tu es mauvais tu ne sais pas corriger et haïr les fautes d'autrui.
7. Tu méprises les humbles et les pauvres vertueux.
Tu les fuis, et tu as des motifs pour les fuir, quoique tu ne doives pas le
faire. Tu les fuis parce que la corruption de tes vices ne peut supporter
l'odeur de la vertu. Tu rougis de voir mes pauvres à ta porte, et tu refuses
d'aller les visiter dans leurs besoins. Tu les vois mourir de faim, et tu ne
les secours pas. C'est la grandeur de ton orgueil qui en est cause ; ton
orgueil refuse de se plier au moindre acte d'humilité. Pourquoi? Parce que
l'amour-propre qui nourrit l'orgueil, règne en toi, et veut pas consentir à
donner gratuitement aux pauvres les secours temporels et spirituels.
8. O maudit orgueil qui vient de l'amour-propre !!
comme tu as aveuglé l’œil de l'intelligence ! Ils ne voient pas qu'en
s'aimant avec cette tendresse, ils sont cruels envers eux-mêmes, et qu'ils
perdent ce qu'ils croient gagner. Ils croient être dans les plaisirs, les
richesses, les grandeurs, et ils sont plongés dans la misère et la plus
extrême pauvreté ; ils sont privés des richesses de la vertu ; ils sont
tombés des hauteurs de la grâce dans l'abaissement du péché mortel. Ils
paraissent voir et ils sont aveugles ; car ils ne se connaissent pas et ne
me connaissent pas ; ils ne connaissent pas leur état et la dignité à
laquelle je les avais élevés ; ils ne connaissent pas la fragilité du monde
et son peu de solidité ; car s'ils le connaissaient s'en feraient-ils un
dieu ?
9. Qu'est-ce qui leur ôte cette connaissance ?
L'orgueil, qui les a rendus des démons, tandis que je les avais choisis pour
être les anges de la terre en cette vie. Ils sont tombés de la hauteur des
cieux au fond des ténèbres ; et ces ténèbres se sont tellement multipliées
avec leurs iniquités, qu'ils commettent quelquefois une faute que je veux te
faire connaître.
10. Quelques-uns sont tellement possédés du démon,
qu'ils font semblant de consacrer, et ne consacrent pas, par crainte de mes
jugements et pour faire plus librement le mal ; ils ont quitté te matin la
débauche, et le soir les excès de la table, lorsqu'il leur faut, pour
satisfaire le peuple, célébrer tes saints Mystères. Alors la vue de leurs
iniquités et le cri de leur conscience les arrêtent, et ils ne consacrent
pas par une sorte de crainte de ma justice que leur cause, non pas la haine
du vice, mais l'amour d'eux-mêmes
11. Vois, ma fille bien-aimée, quel aveuglement. Au
lieu de recourir à la contrition du cœur, au lieu de détester leurs vices et
de prendre la résolution de se corriger, ils ont recours à un autre moyen,
ils ne consacrent pas. Ils lie voient pas que le mal devient plus grand
encore, puisque le peuple prend une hostie non consacrée pour le corps et le
sang de Jésus, mon Fils unique, vrai Dieu et vrai homme. Il adore cette
hostie comme sI elle était consacrée, tandis qu'elle n'est que du pain.
Combien est grande cette abomination, et quelle patience il me faut pour la
supporter ? S'ils ne se corrigent, toutes mes grâces retourneront contre eux
(Populus autem ad vitandum illud inconveniens, debet adorare cum ista
conditione, dicens :In quantum iste minister omnia quae debet, dixerit atque
fecerit, ego credo quod tu es Jesus Christus Filius Dei vivi, mihi datus in
cibum ah inaestjmabili charitate divina, in memoriam tuae dulcissimae
passionis et excellentissimi beneficii sanguinis effusi, cum inestimabili
charitatis igne, ad abluendas iniquitates meas atque totius universi. Itaque
faciendo sic ex aliqua caecitate cujuscumque, nullus effendet adorando unam
rem pro alia, quamvis illa culpa peccati solum est illius iniqui ministri,
tamen actualiter ibi fieret quod est omnino prohibitum.).
12. O ma fille bien-aimée ! qui empêche la terre de les
engloutir, et ma puissance de les arrêter et de les rendre immobiles pour
les couvrir de confusion devant le peuple ? C'est ma miséricorde ; je me
retiens moi-même, c'est-à-dire que ma miséricorde contient ma justice, afin
de les vaincre à force de miséricorde. Mais ils ne connaissent rien dans
leur obstination diabolique ; ils ne voient pas ma miséricorde, et ils
paraissent croire que je leur dois ce que je leur donne ; ils sont si
aveugles, qu'ils ne voient pas qu'ils reçoivent tout de ma grâce sans y
avoir aucun droit.
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