INDEX

CXXIX

Des autres péchés qui viennent de l'orgueil et de l'amour-propre.

CXXX

De beaucoup d'autres fautes que commettent les mauvais pasteurs.

CXXXI

Différence de la mort des justes et des pécheurs. - Mort des justes.

CXXXII

De la mort des pécheurs et de leurs peines au dernier moment.

CXXXIII

Dieu défend aux séculiers de toucher à ses ministres.- Il invite l'âme à pleurer sur ces prévaricateurs.

CXXXIV

L'âme remercie Dieu et prie pour la sainte Église.

 

 

 

CXXIX

Des autres péchés qui viennent de l'orgueil et de l'amour-propre.

1.     Tout ce que j'ai dit, ma fille, est pour te faire pleurer plus amèrement sur l'aveuglement de ceux qui Sont dans cet état de damnation, et pour te faire mieux connaître ma miséricorde, afin que tu places dans cette miséricorde toute ta confiance, et que tu l'invoques en présentant devant moi ces ministres de la sainte Église et l'univers tout entier. Plus tu m'offriras pour eux tes tendres et douloureux désirs, plus tu me témoigneras l'amour que tu as pour moi. Ni toi ni mes serviteurs vous ne pouvez m'être utiles, mais vous devez me rendre service parce moyen.

2.      Oui, je me laisserai faire violence par les désirs, les larmes et les prières de mes serviteurs ; je ferai miséricorde à mon Épouse en la réformant par de saints et bons pasteurs. Ces bons pasteurs corrigeront leurs inférieurs ; car presque tout le mal que font les inférieurs est causé par les mauvais pasteurs. S'ils les reprenaient, si la perle de la justice brillait dans toute leur conduite, les choses ne seraient point ainsi. Sais-tu ce qui résulte de tous ces vices ? C'est que l'un suit les traces de l'autre ; les inférieurs n'obéissent pas, parce que le supérieur, avant de le devenir, n'obéissait pas à son supérieur ; on lui fait ce qu'il a fait lui-même, et comme il a mal obéi, il est mauvais pasteur.

3.     La cause de tous ces désordres est l'orgueil qui vient de l'amour-propre. Il était ignorant et superbe lorsqu'il était inférieur ; il est encore plus ignorant et plus superbe maintenant qu'il commande. Son ignorance est si grande, qu'il pousse l'aveuglement jusqu'à donner le sacerdoce à un idiot qui saura lire à peine et qui ne pourra dire son Office. Quelquefois même il ne connaîtra pas bien les paroles sacramentelles, et il ne consacrera pas. Il fera ainsi par ignorance ce que d'autres font par malice ; il ne consacrera pas, tout en paraissant consacrer.

4.      Au lieu de choisir des hommes expérimentés et vertueux, qui savent et comprennent ce qu'ils disent, ces mauvais pasteurs feront le contraire ; ils ne regarderont ni au savoir ni à l'âge, et ils aimeront mieux choisir des enfants que des hommes mûrs. Ils n'examineront pas si leur vie est exemplaire, et s'ils comprennent la dignité qu'ils vont recevoir et le grand mystère qu'ils auront à accomplir ; ils ne songent qu'au nombre et non pas aux vertus ; ils sont aveugles et conduisent des aveugles. Ils ne pensent pas qu'à l'heure de la mort je leur demanderai compte de toutes ces choses.

5.     Après avoir fait des prêtres si déplorables, ils leur confient le soin des âmes, quoiqu'ils voient bien qu'ils ne savent pas se conduire eux-mêmes. Comment ceux qui ne connaissent pas leurs fautes pourront-ils les connaître et les corriger dans les autres ? Ils ne peuvent pas et ne veulent pas agir contre eux-mêmes. Les brebis qui n'ont pas de pasteur pour les soigner et les conduire s'égareront facilement et seront souvent attaquées et dévorées par les loups.

6.      Le mauvais pasteur n'a pas soin d'avoir un chien qui aboie en voyant venir le loup ; il en a un qui ne vaut pas mieux que lui. Le pasteur sans sollicitude pour les âmes n'a pas le chien de la conscience ; il ne tient pas dans ses mains le bâton de la justice ni la verge de la correction. Le chien de la conscience n'aboie pas, parce qu'ils ne se reprennent pas eux-mêmes, et les brebis s'écartent de la voie de la vérité, c'est-à-dire de l'observation de mes commandements. Ils ne s'appliquent pas à, les y ramener, pour que le loup infernal ne les dévore pas. Si le chien de leur conscience aboyait, s'ils corrigeaient leurs défauts avec la verge de la justice, les brebis reviendraient et rentreraient au bercail ; mais, parce que le pasteur est sans bâton et sans chien ses brebis périssent, et il ne s'en inquiète pas.

7.     Le chien de la conscience languit et n'aboie pas, parce qu'il ne lui donne pas de nourriture. La nourriture qu'il doit lui donner, c'est la nourriture de l'Agneau mon Fils ; car, quand la mémoire qui est le vase de l'âme , est pleine du sang de l'Agneau, la conscience s'en nourrit. Le souvenir du Sang allume dans l'âme la haine du vice et l'amour de la vertu Cette haine et cet amour purifient l'âme de la souillure du péché mortel et donnent tant de force à la conscience qu'ils gardent l'âme et éloignent l'ennemi, c'est-à-dire le péché ; s'il veut entrer non seulement dans le cœur, mais aussi dans la pensée, aussitôt la conscience, comme un chien vigilants appelle la raison et empêche de commettre l'injustice ; car celui qui a une conscience possède la justice.

8.      Ces coupables ne sont pas dignes d'être appelés mes ministres, ni même de créatures raisonnables, parce qu'ils se sont abrutis par leurs vices. Ils n'ont pas de chien, parce que leur conscience est si affaiblie, qu'elle semble ne pas exister ; ils n'ont pas la verge de la sainte justice, et leurs fautes les ont rendus, si timides, qu'une ombre leur fait peur ; leur crainte n'est pas sainte, mais servile. Ils devraient s'exposer à la mort pour retirer les âmes des mains du démon, et ils les lui livrent au contraire, en ne leur donnant pas l'enseignement d'une bonne vie, et en ne voulant pas supporter une seule parole injurieuse pour leur salut.

9.     Souvent une âme qui leur est confiée sera chargée de grandes fautes et devra beaucoup au prochain. Mais l'amour déréglé que ce ministre infidèle aura pour sa famille arrêtera la restitution, pour ne pas la dépouiller. Il se taira lors, même que le scandale sera public, et qu'on le lui aura fait connaître afin qu'il guérisse cette âme dont il est le médecin. Quelquefois le malheureux se décidera à parler comme il le doit ; mais un mot, une injure, un regard menaçant l'empêcheront de le faire. Une autre fois ce sera un présent, et ce présent ou cette crainte servile lui feront laisser cette âme entre les mains du démon.

10.    Il lui donnera le corps de mon Fils, quoiqu'il voie et qu'il sache bien qu'elle est plongée dans les ténèbres du péché mortel, pour plaire aux hommes, par crainte ou par intérêt. Il administrera les sacrements aux indignes, et ensevelira dans l'église avec de grands honneurs ceux qui devaient en être rejetés comme des animaux et des membres retranchés. Qui est cause de cela ? L'amour-propre et la grandeur de. son orgueil ; car, s'il m'avait aimé au dessus de toute chose, s'il avait aimé cette pauvre âme, il eut cherché son salut avec humilité et sans crainte.

11.   Tu vois combien de maux viennent des trois vices lui sont les supports, les colonnes de tous les autres péchés : l'orgueil, l'avarice, l'impureté de l'esprit et du corps. Ton oreille ne pourrait entendre toutes les iniquités que commettent les membres du démon par ces trois vices (Tu enim aliquando vidisti simnplices aliquas bonae fidei qui sentiunt aliquem in sua persona defectum ex aliquo timore procedentem : dubitantes autem se a daemonio vexari, vadunt ad miserum sacerdotem, existimantes ab eo posse liberari sive juvari ; et vadunt ut unus diabolus expetiat alium : ipse vero velut avarus et acceptabit ab ea donum, et valut lascivus et inhonestus infelici mulierculae dicet : Ab isto defectu nullo modo liberari potestis, nisi per talem modum : et ita miserabiliter inducet eam ad perdendum pudicitiam secum.).

12.    O démon pire que les démons, et qui fais plus mal qu'eux ! car beaucoup de démons ont horreur de ce péché que tu commets, et tu t'y plonges comme le pourceau dans la fange. O brute immonde, est-ce donc là ce que je demande de toi ? Je t'ai, par la vertu du sang de mon Fils, chargé de chasser le démon des âmes, et c'est toi qui l'y introduis. Tu ne vois pas que la hache de la justice divine est déjà à ta racine. Et je te dis que tes iniquités seront punies avec usure en temps et lieu, si tu ne les punis toi-même par la pénitence et par la contrition du cœur. Tu ne seras pas épargné parce que tu es prêtre ; tu seras frappé au contraire rigoureusement pour ces péchés et pour ceux des autres ; c'est toi qui seras le plus cruellement torturé, et tu te souviendras d'avoir chassé le démon avec le démon de la concupiscence (Insuper et aliam infelicem vidisti ligatam in peccato mortali, quae vadens ad miserum sacerdotem ut eam absolveret a suo peccato, ab eo fortius est aligata in graviori culpa quam erat, et per admirabiles vias induxit eam ad peccandum secum. Ergo vere talis pastor est absque cane conscientiae, imo suffocat conscientiam aliorum, nec tantum non vult conservare propriam. Ego namque elegi eos ut ad honorem meum cantent divinum officium atque psalmirent in nocte. Ipsi vero student in malis, et aci daemonum incantiones, et juxta posse satagunt ut operatione diabolica, nocte media adducantur eis, aliquae creaturae quas amore polluto diligent. Ita namque judicant esse, sed illuduntur a diabolo ; quoniam in veritate non est ita.).

13.   Malheureux, est-ce pour de tels sacrilèges que je t'ai élevé au sacerdoce ? C'était par des veilles et des prières que tu devais te préparer à célébrer, le matin ; c'était le parfum de la vertu et non l'infection du vice qu'il fallait offrir aux fidèles. Je t'ai élevé à l'état des anges, afin que tu puisses converser avec les anges, dès cette vie, par de saintes méditations, et me goûter ensuite avec eux dans le ciel. Tu te plais à être avec les démons et à t'entretenir avec eux, même avant la mort.

14.    La corne de ton orgueil a frappé dans ton intelligence l’œil de la sainte foi. Tu as perdu la lumière, et tu ne vois pas dans quelle misère tu es tombé, tu ne crois pas véritablement que toute faute est punie et toute vérité récompensée ; car, si tu le croyais, tu n'agirais pas de la sorte. Tu ne chercherais pas à t'entretenir avec le démon, tu craindrais d'entendre son nom même ; mais parce que tu suis sa volonté, tu prends plaisir à ses œuvres. O aveugle, plus qu'aveugle, demande donc au démon le service qu'il peut te rendre pour ce que tu fais. Il répondra qu'il te donnera ce qu'il a pour lui-même Il ne peut te donner que les affreux tourments et les flammes éternelles, où son orgueil l'a précipité du haut du ciel.

15.   Toi, l'ange de la terre, ton orgueil t'a précipité des hauteurs du sacerdoce et des richesses de la vertu dans un abîme de misères, et si tu ne te corriges pas, tu tomberas au fond des enfers. Tu as fait de toi et du monde ton dieu et ton seigneur. Tu as joui du monde et de ses délices pendant cette vie ; tes sens, ont abusé de ses biens ; dis donc maintenant au monde et à ses plaisirs de répondre pour toi devant moi, le souverain Juge. Ils te répondront : Nous ne pouvons t'aider en rien ; ils se moqueront de toi, en disant, qu'il est bien juste que tu sois couvert de confusion devant moi et devant le monde.

16.    Tu as méprisé le sacerdoce que je t'avais confié, et le monde te méprise. Tu ne vois pas ton malheur, parce que ton orgueil t'aveugle ; mais tu le verras au moment de la mort, lorsque tu ne trouveras, le secours d'aucune vertu. Tu n'auras d'autre refuge que ma miséricorde, si tu espères dans le Sang dont je t'ai fait ministre. Personne ne sera rejeté, s'il espère dans ce Sang et dans ma miséricorde, mais personne aussi ne doit être assez aveugle et assez insensé pour attendre à ce dernier moment.

17.   Songe qu'à ce dernier moment, le démon, le monde et les sens accusent celui qui a mal vécu ; ils ne le trompent plus, en lui montrant comme autrefois le plaisir où est I'amertume, le bien ou est le mal, la lumière ou se trouvent les ténèbres. Ils lui font tout voir dans la réalité. Alors le chien de la conscience, qui était muet, commence à aboyer avec tant de violence qu'elle jette presque l'âme dans le désespoir. Il ne faut jamais s'y laisser aller, mais au contraire toujours espérer dans le Sang de mon Fils, maIgre tous les crimes qu'on a commis. Ma miséricorde, que vous recevez par ce Sang, est infiniment plus grande que tous les péchés qui se commettent dans le monde. Mais il ne faut pas différer, car c'est une chose terrible pour l'homme que de se trouver désarmé au milieu des ennemis sur le champ de bataille.

CXXX

De beaucoup d'autres fautes que commettent les mauvais pasteurs.

1.     O ma fille bien-aimée, ces malheureux n'y pensent pas. S'ils y pensaient, ils ne commettraient pas ces fautes, et tant d'autres ; mais ils feraient comme ceux qui vivent saintement, et qui aimeraient mieux mourir que de m'offenser en souillant leur âme et la dignité que je leur ai donnée. Ils augmentent au contraire la dignité et la beauté de leur âme. La dignité du sacerdoce ne peut, il est vrai, croître par la vertu, ni diminuer par le vice ; mais les vertus sont un ornement pour l'âme, une parure ajoutée à la beauté, à la pureté que je lui ai donnée dans le principe en la créant à mon image et à ma ressemblance. Ceux-là n'ont pas méconnu ces trésors de ma bonté, parce que l'orgueil et l'amour-propre ne les ont point aveuglés' et privés de la lumière .de la raison ; ils ne l'ont pas perdue, car ils m'aimaient et ils aimaient le salut des âmes.

2.      Mais ces pauvres malheureux sont entièrement privés de cette lumière, et ils ne s'inquiètent pas d'aller de vice en vice, jusqu'à ce qu'ils tombent dans l'abîme. Du temple de leur âme et de la sainte Église, qui est un jardin, ils ont fait un repaire d'animaux. O ma chère fille, combien m'est odieuse leur maison, qui devait être pleine de mes serviteurs et de mes pauvres ! Ils devaient y avoir pour épouse leur bréviaire, et pour enfants les livres de la Sainte Écriture, ils devaient s y complaire, afin d'enseigner leur prochain et de lui donner de saints exemples et leur demeure est pleine de désordres et de personnes vicieuses (Sed ipsi sponsam breviarii pertractant veluti adulteram, et in suo loco tenent unam diabolicam concubinam, cum qua vivunt immundissime, cum fetenti miseria. Libri vero sui sunt actes filiorum quos acquisierunt in tanta miseria et iniquitate, et absque verecundia quacumque cum bis impudentissime delectantur.).

3.     Le jour de Pâques et les autres fêtes, que ce prêtre devait employer à glorifier mon nom par là saint Office, et à m'offrir l'encens de ses humbles et ferventes prières, il les passe à jouer, à se divertir avec des femmes, et à s'amuser avec les gens du monde, à la chasse et à la pipée, comme s'il était un séculier et un homme de cour.

4.      Malheureux, où en es-tu venu ? Tu devais prendre des âmes pour la gloire de mon nom, et garder le jardin de ta sainte Église, et tu vas courir les bois. Et cela, parce que tu es abruti en laissant entrer dans ton âme, comme des animaux, tant de péchés mortels : voilà comme tu es devenu chasseur et oiseleur ! Le jardin de ton âme est inculte et rempli d'épines, parce que tu te plais dans les lieux déserts à poursuivre les bêtes sauvages.

5.     Rougis donc, malheureux, et regarde tes défauts. De quelque côté que tu te tournes, tu trouves un sujet de confusion. Mais tu ne rougis pas, parce que tu as perdu ma crainte salutaire (Imo veluti meretrix absque verecundia, quandoque te jactabis habere mundi statum, pulchram hahere familiam, et aciem filiorum ; et si forte non habes, juxta posse satagis habere, ut tibi succedant haeredes : unde tu fures atque latro, quoniam optime nosti quod ita facere non debes. Haeredes enim tui debent esse pauperes et ecclesia tibi commissa.). O démon incarné, privé de toute lumière, tu cherches ce que tu ne dois pas chercher ; tu loues et tu vantes ce qui devrait te faire rougir et te couvrir de confusion devant moi, qui vois l'intérieur de ton cœur. Tu es déshonoré devant toutes les créatures, mais ton orgueil t'empêche de voir ta honte.

6.     O ma fille bien-aimée, je l'ai placé sur le pont de ma doctrine et de ma Vérité pour vous administrer pendant votre pèlerinage les sacrements de la sainte Église ; et le malheureux se tient sous le pont, dans le fleuve des délices et des misères du monde : c'est là qu'il exerce son ministère, et il ne s'aperçoit pas que le flot de la mort s'approche et va l'entraîner avec les démons ses maîtres, qui le conduisent par le fleuve, sans aucune résistance. S'il ne se corrige pas il arrivera à l'éternelle damnation avec tant de charges contre lui, que ta bouche ne pourrait jamais les dire ; et il sera plus puni qu'un autre, car la même faute sera plus châtiée en lui qu'en ceux qui étaient du monde ; et au moment de la mort, tous ses ennemis se lèveront contre lui pour l'accuser avec plus d'acharnement que tout autre.

CXXXI

Différence de la mort des justes et des pécheurs. - Mort des justes.

1.     Je t'ai dit comment le monde, les démons et les sens accusaient ces malheureux prévaricateurs. Je veux te parler plus longuement à ce sujet, afin que tu en aies plus grande compassion, et que tu voies la différence qui existe entre les combats qu'ont à souffrir les justes et les pécheurs, combien leur mort est différente, et avec quelle paix meurent les justes, selon la perfection de leur âme.

2.      Apprends d'abord que toutes les peines des créatures raisonnables ont leur cause dans la volonté ; car si leur volonté était soumise et unie à la mienne, elles ne souffriraient pas. Elles ne seraient certainement pas exemptes d'épreuves, mais leur volonté, qui les supporterait avec joie par amour pour moi, n'en ressentirait aucune peine, puisqu'elles n'y verraient que ma volonté.

3.     La sainte haine que le juste a de lui-même lui fait combattre le monde, le démon et les sens. Aussi, quand vient la mort, il la reçoit au milieu de la paix, parce qu'il a vaincu ses ennemis pendant la vie. Le monde ne peut l'accuser, parce qu'il a reconnu ses mensonges et qu'il a renoncé à tous ses plaisirs. Ses sens et son corps ne peuvent l'accuser, car il les a domptés avec le frein de la raison, en macérant sa chair par la pénitence, par les veilles, et par d'humbles et continuelles prières. Il a tué la volonté Sensitive par l'horreur qu'il a pour le vice et l'amour qu'il a pour la vertu. Il a détruit toute tendresse pour son corps, et c'est cette tendresse, cet amour que l'âme a naturellement pour son corps qui lui fait paraître la mort terrible.

4.      L'homme craint naturellement la mort. Mais parce que la vertu, dans le juste parfait, surmonte la nature, c'est-à-dire cette crainte de la mort, elle l'éteint par la haine sainte et par le désir de retourner à sa fin. La tendresse naturelle ne peut donc lui faire la guerre, et sa conscience est tranquille, parce que pendant sa vie elle a fait bonne garde, en aboyant quand l'ennemi voulait s'emparer de la cité de son âme ; car, comme le chien qui est à la porte aboie lorsqu'il voit l'ennemi, et réveille les gardes, le chien de la conscience réveille le garde de la raison, et la raison avec le libre arbitre reconnaît, à la lumière de l'intelligence, si c'est un ami ou un ennemi qui approche.

5.     Si c'est un ami, c'est-à-dire la vertu et les saintes pensées du cœur, ils les reçoivent avec empressement, avec amour, et les cultivent avec ardeur. Si c'est l'ennemi, c'est-à-dire le vice et les pensées mauvaises, ils les chassent par la haine et le dégoût. Le juste, armé du glaive de la haine et de l'amour, triomphe de ses ennemis avec la lumière de la raison et la main du libre arbitre. Aussi, quand vient la mort, sa conscience ne le tourmente pas, parce qu'elle a fait bonne garde, et il se repose en paix.

6.      L'âme du juste, il est vrai, parce qu'elle est humble et qu'elle connaît le prix du temps et de la vertu, se reprend elle-même à l'heure de la mort de n'avoir pas bien employé ce temps ; mais ce n'est pas là une peine qui l'afflige ; elle l'engraisse, au contraire ; car elle fait que l'âme se recueille en elle-même, et contemple le sang de l'humble Agneau sans tache, mon Fils. Elle ne regarde pas en arrière pour admirer ses vertus passées, parce qu'elle ne veut pas espérer en ses mérites, mais seulement dans le Sang précieux où elle trouvera ma miséricorde ; et comme elle a vécu dans la pensée continuelle de ce Sang, elle s'y plonge ; elle en est enivrée à l'heure de la mort.

7.     Pourquoi les démons ne pourront-ils pas la convaincre de péché ? Parce que, pendant sa vie, elle aura triomphé de leur malice par sa sagesse. Ils se présentent cependant pour voir s'ils pourront gagner quelque chose. Ils prennent des apparences horribles et lui offrent souvent des visions hideuses pour l'effrayer ; mais parce que l'âme est pure du venin du péché, leur aspect ne lui fait pas peur comme à ceux qui ont vécu d'une manière coupable dans le monde. Aussi, lorsque les démons voient que l'âme s'est plongée dans le Sang de mon Fils avec une ardente charité, ils ne peuvent plus lui résister, et ils se bornent à lui jeter de loin quelques-unes de leurs flèches.

8.      Leurs attaques et leurs cris ne nuisent point à l'âme, parce qu'elle a commencé à jouir de la vie éternelle, comme je te l'ai dit autre part. L’œil de son intelligence, éclairé par la lumière de la sainte foi, me contemple, moi le Bien éternel et infini qu'elle attend de ma grâce et non de ses mérites, par la vertu de Jésus-Christ mon Fils. Elle tend vers ce Bien suprême les bras de l'espérance ; elle l'embrasse avec les mains de l'amour ; elle en jouit avant d'y être, comme je te l'ai expliqué. Puis, toute baignée de ce Sang, elle entre par la porte étroite de mon Verbe ; elle arrive à moi, l'océan de la paix ; l'océan et la porte ne font qu'un, parce que moi et mon Fils nous sommes une même chose.

9.     Quelle joie reçoit l'âme qui se voit si doucement arrivée à ce passage, et qui goûte enfin la félicité des anges et des bienheureux ! Tout ceux qui meurent saintement participent à cette félicité. Mais les ministres que je t'ai montrés vivant comme des anges reçoivent davantage, parce que dans cette vie lis ont. Vécu dans une plus grande connaissance et dans une faim plus ardente de mon honneur et du salut des âmes. Non seulement ils ont eu la lumière de la vertu, que tous peuvent avoir, mais ils ont uni à la lumière d'une vie sainte la lumière sut-naturelle de la science, qui leur a fait connaître davantage ma Vérité ; et plus on connaît, plus on aime ; plus on aime, plus on reçoit. Votre mérite est mesuré sur l'amour.

10.    Quelqu'un qui n'a pas de science peut-il arriver à cet amour ? Oui certainement, il est possible qu'il y parvienne. Mais une chose particulière n'est pas une loi générale. Ceux-là sont élevés en dignité par le sacerdoce, puisque je les établis pour le bien des âmes ; et, s'il voue est ordonné à tous de rester dans l'amour du prochain, il est de plus ordonné à ceux-ci d'administrer le sang de mon Fils et de gouverner, les âmes. S'il le font avec zèle et avec l'amour de la vertu, comme je te l'ai dit, ils recevront plus que les autres.

11.Oh ! combien est heureuse leur âme lorsqu'ils arrivent au moment de la mort Ils ont été les apôtres et les défenseurs de la foi, pour leur prochain ; ils l'ont tellement incarnée dans la moelle de leur âme, que par elle ils se voient en moi. Ils ont tellement, espéré en ma providence pendant leur vie, qu'ils ont perdu l'espérance d'eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas espéré dans leur propre science ; et parce qu'ils ont perdu cette fausse espérance, ils n'ont eu d'amour déréglé pour aucune créature. Ils ont vécu pauvres volontairement, et ils ont mis leur espérance en moi avec une grande douceur. Leur cœur fut un vase d'amour qui portait mon nom avec une ardente charité, et ils l'annonçaient au prochain par les exemples de leur sainte vie et les enseignements de leur parole.

12.    Ce cœur du ministre fidèle s'est élevé vers moi avec une ardeur ineffable ; il m'a embrassé avec amour, moi qui suis sa fin ; il m'a présenté la perle de la justice, car il la porte toujours devant lui, accomplissant la justice et rendant fidèlement a chacun ce qui lui est dû. Il me rend justice par son humilité ; il rend gloire et honneur à mon nom, en reconnaissant que c'est par ma grâce qu'il a parcouru le temps avec une conscience sainte et pure, et en confessant qu'il était indigne de recevoir une telle faveur.

13.   Sa conscience lui rend bon témoignage, et moi je lui donne la couronne de justice qu'il mérite ; je la lui donne tout ornée des pierres précieuses de la vertu, c'est-à-dire du fruit que la charité a tiré de la vertu. O ange de la terre! que tu es heureux de n'avoir pas reçu mes bienfaits avec ingratitude, et de n'en avoir pas abusé par négligence ou par ignorance, mais d'avoir, avec la vraie lumière, sans cesse tenu les yeux attachés sur ceux qui t'étaient confiés ! Comme un fidèle et courageux pasteur, tu as toujours suivi la doctrine du vrai et bon pasteur, du Christ, le doux Jésus, mon Fils unique. Tu as réellement passé par lui, en te baignant, en te noyant dans son précieux sang, avec le troupeau de tes brebis que tu as conduites, par une sainte doctrine et par ta vie, jusqu'à la vie éternelle, et tu en as laissé beaucoup d'autres en état de grâce.

14.- O ma fille bien-aimée, ceux-là ne souffriront pas des visions du démon, parce qu'ils me voient par la foi et me possèdent par l'amour. Le poison du péché n'est pas en eux ; les ténèbres et les choses terribles ne peuvent les troubler et les faire craindre, car leur crainte n'est pas servile, mais sainte. Ils ne redoutent pas, les illusions du démon, parce qu'avec la lumière surnaturelle et la lumière des Saintes Écritures, ils reconnaissent tous ses pièges. Aussi leur âme ne peut être obscurcie et troublée. Ils meurent glorieusement baignés (252) dans le sang de mon Fils, avec la faim du salut des âmes et tout embrasés de la charité du prochain ; ils passent par la porte du Verbe, ils entrent en moi, et ma bonté leur donne le rang qui leur convient, selon la mesure de l'amour qu'ils m'ont donné.

CXXXII

De la mort des pécheurs et de leurs peines au dernier moment.

1.- Ma fille bien-aimée, le bonheur de mes ministres fidèles est grand, sans doute ; mais le malheur des infortunés dont je t'ai parlé est encore plus grand. Que leur moi-t est affreuse et terrible ! Dans leurs derniers instants, les démons les accusent et les épouvantent en leur apparaissant. Tu sais que leur figure est si hideuse, qu'il vaudrait mieux souffrir toutes les peines de la vie que de voir le démon dans sa réalité.

2.- Le remords de la conscience renaît aussi pour ronger et dévorer le pécheur. Tous les plaisirs déréglés, les sens qui étaient les maîtres, et la raison qui était esclave, l'accusent d'une manière terrible, parce qu'il reconnaît la vérité de ce qu'il avait méconnu d'abord ; son erreur le couvre de confusion. Pendant toute sa vie il a été infidèle, tandis qu'il devait me servir ; mais l'amour-propre avait obscurci dans son intelligence la lumière de la sainte foi. Aussi le démon le poursuit de la pensée dé ses infidélités pour le faire tomber dans le désespoir.

3.- Oh ! combien ce combat est dur ! Le pécheur est sans défense ; il n'est pas armé des sentiments de la charité ; il en est complètement privé, parce qu'il est devenu un membre du' démon. Il n'a pas la lumière surnaturelle, ni celle de la science qu'il ne peut comprendre, parce que son orgueil ne lui permet pas d'en savourer la douceur. Aussi, quand vient le grand combat, il ne sait plus que faire. Il n'est pas soutenu par l'espérance, car il n'a pas espéré en moi, ni dans le Sang dont je l'ai fait ministre ; il a espéré en lui-même, dans les honneurs et les délices du monde ; ce malheureux ne voyait pas que tout lui était prêté, et qu'il devait m'en rendre compte comme à un créancier. Il se trouve (253). nu et sans vertu, et de quelque côté qu'il se tourne, il ne voit que des sujets de honte et de confusion.

4.      L'injustice dont il s'est rendu coupable pendant toute sa vie, l'accuse tellement devant sa conscience, qu'il n'ose demander autre chose que la justice. Sa confusion est si grande, qu'il ne peut plus, comme il faisait pendant sa vie, espérer dans ma miséricorde ; ses fautes montraient que cette espérance n'était que présomption car celui qui m'offense en s'appuyant sur ma miséricorde ne peut pas dire qu'il espère en ma miséricorde ; il compte seulement sur elle. Si, quand vient l'heure de la mort, il reconnaît ses fautes et décharge sa conscience par une sainte confession, la présomption cesse, et il ne m'offense plus. La miséricorde lui reste, et avec cette miséricorde il peut, s'il le veut, se rattacher à l'espérance. Sans cela il ne pourrait éviter le désespoir, qui l'entraînerait avec les démons dans l'éternelle damnation.

5.     C'est ma miséricorde qui fait espérer l'homme en ma miséricorde pendant sa vie. Je ne lui accorde pas cette grâce pour qu'il m'offense, mais pour qu'il se livre à ma charité et à la considération de ma bonté. Celui-là fait le contraire quand il m'offense, parce qu'il compte sur ma miséricorde. Cependant je le conserve dans l'espérance de ma miséricorde, afin qu'au moment de la mort il puisse s'y attacher, et qu'il ne périsse pas en tombant dans le désespoir. Car ce qui est le plus odieux pour moi, et le plus malheureux pour lui, c'est le désespoir.

6.      Ce dernier péché est plus grand que tous ceux qu'il a commis. Ce qui fait que ce péché m'irrite et lui nuit plus que les autres, c'est qu'il y a dans les autres péchés un certain plaisir, un entraînement des sens, et qu'on peut en avoir un regret qui attire la miséricorde ; mais dans le péché de désespoir, comment prétexter la faiblesses puisqu'on n'y trouve aucune jouissance, mais au contraire une peine insupportable ? Le désespoir est le mépris de ma miséricorde ; il fait croire la faute plus grande que ma miséricorde et ma bonté. Celui qui tombe dans ce péché ne se repent pas et ne pleure pas véritablement de m'avoir outragé ; il pleure son malheur et non mon offense ; et c'est pourquoi il tombe dans l'éternelle damnation.

7.     Ce péché seul le conduit en enfer, où il sera tourmenté pour ce péché et pour tous ceux qu'il a commis. S'il se fût repenti de l'offense qu'il m'avait faite, s'il avait espéré dans ma miséricorde, il eût trouvé miséricorde. Car, comme je te l'ai dit, ma miséricorde est infiniment plus grande que tous les péchés que peuvent commettre les créatures. Aussi ceux qui la jugent inférieure à leurs péchés me déplaisent plus que tous les autres. C'est là le péché qui n'est pardonné ni en cette vie ni en l'autre. Quand vient l'heure de la mort pour celui qui a vécu dans le désordre et le crime, le désespoir me déplaît tant, que je voudrais le faire espérer dans ma miséricorde ; c'est pour cela que, pendant sa vie, je me suis servi d'un doux stratagème, en le laissant trop compter sur ma miséricorde. L'habitude de l'espérance l'expose moins à la perdre au moment de la mort, au milieu des combats terribles qu'il éprouve alors.

8.      Cette grâce vient du foyer de mon ineffable charité ; mais, parce que l'homme la reçoit avec les ténèbres de l'amour-propre, d'où procède toute faute, il la méconnaît, et la douceur de ma miséricorde n'a été pour son cœur qu'un motif de présomption ; c'est ce que sa conscience lui reproche en présence des démons ; elle lui rappelle la patience et la grandeur de ma miséricorde, sur laquelle il comptait, Il devait se livrer à la charité et à l'amour des vertus, et employer saintement le temps que lui avait donné mon amour, et il a employé le temps et l'espérance de ma miséricorde pour m'offenser.

9.     O aveugle plus qu'aveugle! tu as enterré la perle et le talent que j'avais mis dans tes mains pour les faire profiter. Par présomption, tu n'as pas voulu faire ma volonté ; tu as enfoui ton trésor sous la terre de l'amour déréglé de toi-même, et maintenant tu en retires un gain de mort. O malheureux, combien grande est la peine que tu reçois à cette heure dernière ! Tes misères ne te sont plus cachées, car le ver de la conscience ne dort plus, mais il ronge. Les démons t'insultent et te payent le prix de ta fidélité à les servir, c'est-à-dire la confusion et les reproches. Pour qu'au moment de la mort tu n'échappes pas à leurs mains, ils veulent te jeter dans le désespoir ; ils te troublent, afin de partager ensuite avec toi ce qu'ils ont pour eux-mêmes.

10.    Malheureux, la dignité à laquelle je t'avais élevé, tu la vois maintenant sublime comme elle l'est ; tu reconnais à ta honte que tu l'as profanée, et que tu as employé les biens de l'Église dans les ténèbres du péché. Tu vois maintenant que tu as dérobé et gardé ce que tu devais rendre aux pauvres et à la sainte Église. Ta conscience te reproche de l'avoir employé à payer tes coupables plaisirs, à enrichir tes parents et à te ruiner en repas, en meubles pour ta maison et en vaisselle d'argent, toi qui devais vivre dans la pauvreté volontaire. Ta conscience te rappelle l'Office divin, que tu as négligé sans t'inquiéter de commettre ainsi un péché mortel, et, quand tu le récitais, c'était de bouche ; ton cœur était loin de moi.

11.   Et ceux qui t'étaient confiés, la charité, le zèle que tu devais avoir pour les porter à la vertu, t'obligeaient à leur donner de saints exemples et à les battre avec la main de la miséricorde et la verge de la justice. Tu as fait le contraire, et ta conscience te le reproche en présence des démons. Dans ta puissance, tu confiais des charges et des âmes à des sujets indignes, sans y faire attention ; ta conscience te le montre maintenant. Tu ne devais pas alors te laisser influencer par des flatteries, par des présents, par le désir de plaire aux autres ; tu ne devais considérer que la vertu, mon honneur et le salut des âmes. Tu ne l'as pas fait ; ta conscience te le redira pour ta honte, pour ton supplice, et à la lumière de ton intelligence tu verras clairement que tu as fait ce que tu ne devais pas faire, et que tu n'as pas fait ce que tu devais faire.

12.    Ma chère fille, on apprécie le blanc près du noir, et le noir près du blanc, mieux que s'ils étaient séparés l'un de l'autre. Il en est de même pour ces malheureux. A leur mort et à celle des autres hommes, l'âme commence à voir plus distinctement son malheur ou sa béatitude. Le coupable voit clairement sa vie criminelle. Personne n'a besoin de la lui montrer, parce que sa conscience le met en présence des fautes qu'il a commises et des vertus qu'il devait pratiquer. Pourquoi des vertus ? Pour que sa confusion soit plus grande, parce qu'en rapprochant le vice de la vertu, la vertu fait mieux connaître le vice, et plus il est connu, plus la honte est grande. Le coupable, par la connaissance de ses fautes, connaît mieux la perfection de la vertu, et alors sa douleur augmente, parce qu'il voit que sa vie a été éloignée de toute vertu.

13.   Dans la connaissance qu'il a du vice et de la vertu le pécheur voit clairement le bien qui récompense l'homme vertueux, et le châtiment qui punit le coupable, plongé dans les ténèbres du péché mortel. Je ne lui donne pas cette connaissance pour qu'il tombe dans le désespoir, mais pour qu'il ait une connaissance plus parfaite de lui-même, et qu'il rougisse de ses fautes avec espérance ; cette honte et cette connaissance le convertiront, et il apaisera ma colère en implorant humblement ma miséricorde.

14.    L'homme juste grandit dans la joie et la connaissance de ma charité, parce qu'il attribue non pas à lui, mais à moi, la grâce qu'il a eue de suivre la vertu par la doctrine de ma Vérité, il se réjouit en moi ; avec cette lumière et. cette connaissance véritable, il goûte et reçoit cette douce fin, dont je t'ai parlé ailleurs. Le juste qui a vécu dans l'ardeur de la charité surabonde de joie, tandis que le coupable qui a vécu dans les ténèbres est accablé par la douleur. Les apparitions des démons ne nuisent point au juste, et il ne les craint pas, parce qu'il n'y a que le péché qu'il redoute et qui puisse lui nuire. Mais ceux qui ont vécu dans le vice et la débauche tremblent et souffrent à la vue des démons ; cette vue, s'ils le veulent, ne doit pas entraîner dans le désespoir, mais seulement réveiller leur conscience et les conduire par la crainte au repentir.

15.   Tu vois, ma très chère fille, combien sont différents pour le juste et le pécheur les derniers instants de la vie et les combats de la mort. Je t'en ai à peine dit un mot. Ce que j'ai montré aux regards de ton intelligence n'est pour ainsi dire rien en comparaison de la réalité, c'est-à-dire de la peine que le pécheur endure, et du bien que le juste reçoit considère I'aveuglement des hommes et surtout celui des malheureux dont je t'ai parlé : plus ils ont reçu de moi, plus ils sont éclairés par les Saintes Écritures, et plus ils ont d obligations, plus ils recevront une honte intolérable Plus ils auront connu le saint Évangile pendant leur vie, plus ils connaîtront à leur mort les grandes fautes qu'ils ont commises ; ils auront à souffrir des tourments plus grands que les autres, comme les bons jouiront au contraire d'une plus douce récompense.

16.    Il leur arrive comme au mauvais chrétien, qui dans l'enfer est plus torturé que le païen, parce qu'il a eu la lumière de la foi, et qu'il y a renoncé, tandis que le païen ne l'a pas possédée. Ces malheureux sont plus punis pour chaque faute que tous les autres chrétiens, à cause du ministère que je leur avais confié, en leur donnant à distribuer le Soleil eucharistique : ils avaient la lumière de la science afin de pouvoir discerner la vérité, pour eux et pour les autres. s'ils l'avaient voulu ; il est bien juste qu'ils reçoivent un plus terrible châtiment.

17.   Ces infortunés n'y pensent pas ; s'ils réfléchissaient sur leur état, ils ne tomberaient pas dans de telles iniquités ; ils seraient ce qu'ils devraient être, et non ce qu'ils sont. Le monde est corrompu, parce qu'ils font pire que les séculiers eux-mêmes. Ils souillent par leur impureté la face de leurs âmes, et corrompent ceux qui leur sont confiés ; ils sucent le sang de mon Épouse la sainte Église, tellement, que par leurs fautes elle devient pâle et défaillante. L'amour et le zèle qu'ils devraient avoir pour elle, ils les ont gardés pour eux-mêmes. Ils ne s'occupent qu'à la dépouiller et à en retirer des honneurs et des revenus considérables, tandis qu'ils ne devraient chercher que les âmes. Aussi, leur mauvaise vie rend les hommes du monde sans respect et sans soumission pour l'Église. Ils ne devraient pas le faire, car leurs fautes ne sont jamais excusées par celles des ministres.

CXXXIII

Dieu défend aux séculiers de toucher à ses ministres.- Il invite l'âme à pleurer sur ces prévaricateurs.

1.     J'aurais bien d'autres vices à te faire connaître, mais je ne veux pas souiller davantage tes oreilles. Je t'ai dit ces choses pour satisfaire ton désir, et pour que tu sois plus ardente à m'offrir pour ces coupables tes doux, tes tendres et bien-aimés désirs. Je t'ai fait connaître la dignité à laquelle je les avais élevés, et le trésor que j'avais confié à leurs mains, le Sacrement du Dieu-Homme que j'ai comparé au soleil pour que tu comprennes que leurs fautes n'en altèrent pas la vertu. Je ne veux pas qu'elles altèrent le respect envers eux. Je t'ai montré l'excellence de mes saints ministres en qui brille la pierre précieuse de la vertu et de la justice.

2.      Je t'ai fait voir combien me déplaisent les persécutions contre l'Église, et le mépris qu'on a pour le sang de mon Fils. Ce qu'on fait contre ses ministres, je le considère fait contre ce sang, et non contre eux, parce que j'ai défendu de toucher à mes Christs. Je t'ai entretenu de leur vie coupable, des désordres qu'ils commettent, des peines et de la confusion où ils sont plongés à leur dernière heure, et des tourments qui doivent les punir plus cruellement que les autres après la mort ; en te racontant quelque chose de leur vie, j'ai satisfait à la demande que tu m'avais faite en me rappelant ma promesse.

3.     Je te dis de nouveau que, malgré tous leurs vices, et lors même qu'ils seraient plus grands encore, je ne veux pas que les séculiers se chargent de les punir. S'ils le font, leur faute ne restera pas sans châtiment, à moins qu'ils ne se purifient par la contrition du cœur, et qu'ils ne changent de conduite. Les mauvais ministres et leurs persécuteurs sont des démons incarnés ; la justice divine permet qu'ils se châtient les uns par les autres. Tous sont coupables ; les séculiers ne sont pas excusés par les péchés des pasteurs, ni les pasteurs par ceux des séculiers.

4.     Maintenant, ma fille aimée, je vous invite tous, toi et mes autres serviteurs, à pleurer sur ces morts, et à rester comme des brebis fidèles dans le jardin de la sainte Église, vous nourrissant sans cesse de saints désirs, et m'offrant pour eux l'encens de vos continuelles prières ; car je veux taire miséricorde au monde. Ne vous laissez distraire par rien, ni par l'injure, ni par la prospérité. Ne levez pas la tête ni par l'impatience, ni par une joie déréglée ; mais appliquez-vous humblement à procurer mon honneur, le salut des âmes et la réforme de la sainte Église. Vous me prouverez ainsi que vous m'aimez cri vérité. Tu sais bien que je t'ai montré que je voulais que vous soyez les brebis fidèles, et que vous vous nourrissiez toujours dans le jardin de la sainte Église, en supportant la fatigue et la peine, jusqu'à l'heure de la mort. Si tu le fais, j'accomplirai tes désirs.

CXXXIV

L'âme remercie Dieu et prie pour la sainte Église.

1.     Alors cette âme, enivrée, haletante et embrasée d'amour, sentait son cœur inondé d'amertume ; elle se tournait vers la souveraine et éternelle Bonté, et lui disait : O Dieu éternel, Ô Lumière au dessus de toutes les lumières, source de toute lumière ; Feu au dessus de tout feu, Feu qui seul brûle et ne se consume pas, Feu qui consume tout péché et tout amour-propre dans l'âme, Feu qui ne détruit pas l'âme, mais qui la nourrit d'un amour insatiable ; en la rassasiant tu ne la rassasies pas, car toujours elle te désire plus elle a, plus elle te demande ; plus elle te désire, plus elle te trouve et te goûte, ô Feu éternel et souverain, abîme de charité!

2.      O Bien suprême, Dieu infini, qui vous a porté à m'éclairer de la lumière de votre vérité, moi votre créature bornée ? Vous-même, ô Feu d'amour, vous-même en êtes la cause, car c'est toujours l'amour qui vous force à nous créer à votre image et à votre ressemblance, à nous faire miséricorde, à donner à vos créatures raisonnables des grâces infinies et sans mesure ; l'amour, car vous nous avez aimés avant que nous fussions. O bonne et éternelle Grandeur, vous vous êtes fait bas et petit pour faire l'homme grand. De quelque côté que je me tourne, je ne trouve qu'abîme et flamme de votre charité.

3.     Comment moi, misérable, pourrai-je reconnaître ces grâces et cette ardente charité que vous m'avez montrées avec tant d'amour, à moi en particulier, en dehors de tout ce que vous faites pour toutes vos créatures ? Non, jamais ; mais vous seul, doux et tendre Père, vous seul serez reconnaissant pour moi ; c'est l'ardeur de votre charité qui vous rendra grâces, car moi je suis celle qui ne suis pas. Si je disais que je suis quelque chose par moi-même, je mentirais et je serais la fille du démon, qui est le père du mensonge. Mais vous, vous êtes Celui qui êtes l'être ; et toutes ces grâces que vous y avez ajoutées, je les tiens de vous, qui me les avez données et me les donnez par amour et non par devoir. O mon très doux Père, l'humanité était malade du péché d'Adam, et vous lui avez envoyé le bon et tendre médecin, le Verbe, votre cher Fils.

4.      Et moi je languissais dans la négligence et, dans une profonde ignorance. Vous, très aimable Médecin, Dieu éternel, vous m'avez donné une suave, une douce et amère médecine qui m'a guérie et sauvée de mon infirmité. Elle était suave, parce qu'avec votre ineffable charité vous vous êtes manifesté à moi ; elle était douce plus que toutes les douceurs, parce que vous avez éclairé l’œil de mon intelligence avec la lumière de la très sainte foi ; et dans cette lumière où il vous a plu de vous manifester, j'ai connu la grâce ineffable que vous avez faite à l'homme en lui donnant, dans le corps mystique de la sainte Église, la divinité et l'humanité parfaite de votre Fils. J'ai connu aussi la dignité des ministres que vous avez choisis pour nous distribuer ce trésor.

5.     Je désirais vous voir remplir la promesse que vous m'aviez faite, et vous me donnez beaucoup plus en me donnant ce que je ne savais pas vous demander. Oui, je comprends parfaitement que le cœur de l'homme ne peut demander ni désirer autant que vous lui donnez. Je vois que vous êtes le Bien infini, éternel, et que nous sommes ceux qui ne sommes pas. Vous êtes infini, et nous sommes finis ; vous donnez ce que votre créature raisonnable ne peut, ne sait pas désirer. Vous seul savez, pouvez et voulez satisfaire l'âme et la rassasier de toutes les choses qu'elle ne vous a pas demandées ; et vous le faites de cette manière si douce et si aimable que vous avez de donner.

6.      J'ai donc reçu la lumière dans la grandeur de votre charité, par l'amour que vous avez manifesté à tout le genre humain, et surtout à vos ministres, qui doivent être les anges de la terre en cette vie. Vous m'avez montré la vertu et la béatitude de vos ministres qui ont vécu dans votre Église comme des lampes ardentes et des perles de justice. Par là, j'ai mieux compris la faute de ceux qui vivent misérablement. J'ai ressenti une immense douleur de l'offense qui vous est ainsi faite et du malheur qui en résulte pour le monde ; car ils nuisent au monde en étant le miroir du vice, tandis qu'ils devraient être le miroir de la vertu. Vous m'avez montré leurs iniquités, à moi, misérable, qui suis .la cause et l'instrument de tant de fautes ; et en vous entendant vous plaindre de leurs iniquités, j'ai ressenti une douleur intolérable.

7.     O amour ineffable, en me montrant ces choses, vous m'avez donné une médecine douce et amère qui me guérit de mon ignorance et de ma tiédeur, pour que, dans l'ardeur de mon désir, j'aie recours à vous, et que, connaissant votre bonté et tous les outrages qui vous sont faits par les hommes et spécialement par vos ministres, je répande sur moi, pauvre misérable, et sur ces morts qui vivent si mal, un torrent de larmes que me donnera la connaissance de votre bonté infinie. Non, je ne veux pas, ô Père, foyer d'amour, abîme de charité, je ne veux pas cesser un instant de désirer votre honneur et le salut des âmes. Mes yeux ne se lasseront pas de pleurer ; je vous demande en grâce qu'ils deviennent deux fontaines de cette eau qui sort de vous, l'océan de la paix ! Grâces, grâces vous soient rendues, ô Père, de ce que vous m'avez accordé ce que je vous demandais et ce que je ne connaissais pas, ce que je ne demandais pas, puisque, vous m'avez invitée si doucement à pleurer. puisque vous m'avez si puissamment provoquée à offrir devant vous mes ardents désirs avec mes humbles et continuelles prières.

8.      Maintenant je vous demande de faire miséricorde au inonde et à votre sainte Église. Je vous supplie d'accomplir ce que vous me faites demander. Oh! combien ma pauvre âme souffre d'être cause de tant de mal ! Ne tardez plus à faire miséricorde au monde ; laissez vous fléchir, et accomplissez le désir de vos serviteurs. Oui, c'est vous qui les faites crier ; entendez donc leur voix. Votre Vérité a dit d'appeler, et il nous serait répondu de frapper, et il nous serait ouvert ; de demander, et il nous serait donné. O Père éternel, vos serviteurs appellent votre miséricorde, qu'elle leur réponde donc. Je sais bien que la miséricorde vous est propre, et que vous mie pouvez vous défendre de la donner à qui vous la demande. Ils frappent à la porte de votre Vérité, parce que dans votre Fils ils connaissent. l'amour ineffable que vous avez eu pour l'homme. Ils frappent à la porte ; l'ardeur de votre charité ne doit pas, ne peut pas refuser d'ouvrir à qui frappe avec persévérance.

9.     Ouvrez donc, brisez, élargissez les cœurs endurcis de vos créatures. Que ce ne soit pas à cause d'elles, qui ne frappent pas, mais faites-le à cause de votre infinie bonté et à cause de l'amour de vos, serviteurs, qui frappent pour elles ; faites-le, ô Père, car vous voyez qu'ils sont à la porte de votre Vérité et qu'ils demandent. Que demandent-ils ? Ils demandent le sang de votre Fils, qui est la porte de la Vérité ; parce que dans ce sang vous avez lavé l'iniquité et effacé la tache du péché d'Adam. Ce Sang est à nous, car vous nous en avez fait un bain, et vous ne pouvez, vous ne devez pas le refuser à qui vous le demande. Donnez donc le fruit de ce Sang à vos créatures ; mettez dans la balance le prix du Sang de votre Fils, afin que les démons de l'enfer ne puissent emporter vos brebis.

10.    Vous êtes le bon Pasteur, car vous nous avez donné pour nous conduire votre Fils bien-aimé, qui, par obéissance, est mort pour vos brebis et nous a fait un bain de son Sang. C'est ce Sang que vous demandent vos serviteurs qui frappent à la porte avec un si grand désir. lis vous demandent par ce Sang de faire miséricorde au monde, et de remplir de nouveau votre sainte Église des fleurs odoriférantes de vos bons et saints pasteurs, pour que leur parfum corrige l'infection des fleurs corrompues. Vous avez dit, ô Père éternel, que vous écouteriez votre amour pour les créatures raisonnables ; que vous vous laisseriez fléchir par les prières de vos serviteurs et par les peines qu'ils souffrent sans les mériter, que vous feriez miséricorde au monde, et que vous réformeriez l'Église. Donnez-nous cette consolation ; ne tardez pas à jeter sur nous regard de miséricorde ; mais répondez, car vous voulez nous répondre avant même que nous vous appelions avec la voix de votre miséricorde.

11.   Ouvrez la porte de votre ineffable charité que vous nous avez donnée dans la personne de votre Fils. Je sais déjà que vous ouvrez avant que nous frappions ; car c'est avec l'amour que vous avez donné à vos serviteurs qu'ils frappent, qu'ils vous appellent, en cherchant votre honneur et le salut des âmes. Donnez-leur donc le Pain de vie, c'est-à-dire le fruit du sang de votre Fils bien-aimé, qu'ils vous demandent pour la gloire et la louange de votre nom et pour le salut des âmes ; car il me semble qu'il vous revient plus de. gloire et de louange à sauver tant de créatures qu'à les laisser périr dans leur endurcissement.

12.   Tout vous est possible, Ô Père. Je sais que vous nous avez créés sans nous, mais que vous ne pouvez nous sauver sans nous. Je ne vous le demande pas, mais je vous conjure de forcer leur volonté, de les disposer à vouloir ce qu'elles ne veulent pas ; et je vous le demande au nom de votre miséricorde. Vous nous avez créés de rien ; mais maintenant que nous existons, faites-nous miséricorde ; réparez les vases que vous avez façonnés à votre image et à votre ressemblance ; rétablissez-les dan la grâce par la miséricorde et le sang de votre Fils, le Christ, le doux Jésus.

   

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