INDEX

CXI

Les sens du corps sont trompés dans ce sacrement, mais non pas ceux de l'âme, qui le voit, le goûte et le touche.- Belle vision de sainte Catherine.

CXII

De l'excellence que l'âme acquiert en recevant ce sacrement en état de grâce.

CXIII

La grandeur du sacrement doit faire comprendre la dignité de ceux qui en sont les ministres.- Dieu leur demande une plus grande pureté qu'aux autres créatures.

CXIV

Les sacrements ne doivent pas se vendre ni s'acheter.- Ceux qui reçoivent les sacrements doivent fournir aux prêtres les choses temporelles, dont les prêtres doivent faire trois parts.

CXV

De la dignité du sacerdoce.- La vertu des sacrements ne diminue pas par les fautes de ceux qui les administrent, ou qui les reçoivent.

CXVI

Dieu regarde comme dirigées contre lui les persécutions faites contre l'Église et ses ministres.

CXVII

De ceux qui persécutent de différentes manières la sainte Église et ses ministres.

CXVIII

Résumé de ce qui a été dit sur la sainte Église et ses ministres.

CXIX

De la perfection, des vertus et des oeuvres des saints prêtres.

 

 

 

CXI

Les sens du corps sont trompés dans ce sacrement, mais non pas ceux de l'âme, qui le voit, le goûte et le touche.- Belle vision de sainte Catherine.

1.     O ma fille bien-aimée ! ouvre l’œil de ton intelligence et contemple l'abîme de ma charité. Le cœur de toute créature raisonnable ne devrait-il pas se briser d amour en voyant au milieu des bienfaits que vous recevez de moi le bienfait que vous recevez dans ce divin sacrement ? Avec quels sens, ma chère fille, devez-vous voir et toucher cet ineffable mystère ? Ce n'est pas seulement avec les sens du corps, car ils sont tous trompés. Tu sais que, l’œil ne voit que la blancheur du pain, la main ne touche et le goût ne goûte que les apparences du pain ; les sens grossiers sont trompés, mais les sens de l'âme ne peuvent être trompés, si elle le veut, c'est-à-dire si elle ne veut pas se priver de la lumière de la sainte foi par l'infidélité.

2.      Qui peut donc goûter, voir et toucher ce sacrement ? Les sens de l'âme. Avec quel oeil voit-elle ? Avec l’œil de l'intelligence : si cet œil a la prunelle de la sainte foi, cet œil voit dans cette blancheur l'Homme-Dieu tout entier, la nature divine unie à la nature humaine, le corps, l'âme et le sang du Christ, l'âme unie au corps, le corps et l'âme unis en ma nature divine, et ne se séparant pas de moi. Je t'ai montré ces choses, presque au commencement de ta vie, non pas seulement aux regards de ton intelligence, mais aussi aux yeux de ton corps, qui furent aveuglés par l'éclat de la lumière et en laissèrent la contemplation à l'intelligence. Je t'ai fait voir ces choses pour te fortifier contre les attaques du démon sur ce sacrement, et pour te faire croître en amour dans la lumière de la très sainte foi.

3.     Tu sais qu'en allant à l'église, dès l'aurore, pour entendre la messe, après avoir été tourmentée par le démon, tu allas te placer en face de l'autel du Crucifix. Le prêtre était à l'autel de Marie, et toi, tu restais à examiner ton indignité ; tu craignais de m'avoir offensé par le trouble que le démon t'avait causé, et tu considérais la grandeur de ma charité qui avait bien voulu te faire en tendue la messe, tandis que tu pensais ne pas mériter même d'entrer dans mon saint temple. Lorsque le prêtre fut arrivé à la Consécration, tu levas les yeux sur lui, et pendant qu'il prononçait les paroles de la Consécration, je me manifestai à toi. Tu vis sortir de mon sein, une lumière semblable au rayon du soleil qui sort de son disque sans cependant le quitter, et dans cette lumière venait une colombe unie avec elle, et elle frappait sur l'Hostie et le calice par la vertu des paroles de la Consécration que le prêtre prononçait.

4.      Alors l’œil de ton corps ne fut plus capable de supporter cette lumière ; il ne te resta pour en jouir que l’œil de ton intelligence, et tu pus voir et goûter l'abîme de la Trinité, l'Homme-Dieu tout entier, caché et voilé sous cette blancheur. Tu vis que la présence lumineuse du Verbe, que ton intelligence voyait dans cette blancheur, ne détruisait pas la blancheur du pain. L'une n'empêchait pas l'autre ; la vue de l'Homme-Dieu n'empêchait pas la forme de ce pain, c'est-à-dire qu'elle n'en détruisait pas la blancheur, le goût et le contact. Cela te fut montré par ma bonté.

5.     Comment as-tu joui de cette vision ? Par l’œil de ton intelligence, avec la prunelle de la sainte foi. L’œil de l'intelligence doit donc être le principal moyen de voir, parce qu'il ne peut être trompé. C'est ainsi que vous devez regarder ce sacrement. Et comment devez-vous le toucher ? Avec la main de l'amour. C'est cette main qui touche ce que l'intelligence a vu et connu dans le sacrement ; l'âme touche avec la main de l'amour, comme pour s'assurer de ce qu'elle voit par la foi et connaît par l'intelligence. Et comment le goûte-t-elle ? Avec le goût du saint désir. Le goût du corps goûte la saveur du pain, et le goût de l'âme, c'est-à-dire son saint désir, goûte l'Homme-Dieu.

6.     Ainsi tu vois que les sens du corps sont trompés, mais non ceux de l'âme ; l'âme au contraire est éclairée et affermie, parce que l’œil de l'intelligence a vu avec la prunelle de la foi ; et parés qu'elle voit et connaît, elle touche avec la main de l'amour, elle goûte avec un ardent désir l'ardeur de mon amour ineffable. C'est cet amour qui l'a rendue digne de recevoir un si grand mystère, et la grâce que lui donne le sacrement. Tu vois que non seulement vous devez recevoir et voir Ce sacrement avec les sens du corps, mais avec les sens spirituels, en disposant toutes les puissances de l'âme à le contempler, à le recevoir, à le goûter avec amour.

CXII

De l'excellence que l'âme acquiert en recevant ce sacrement en état de grâce.

1.     Regarde, ma fille bien-aimée, quelle excellence requiert l'âme qui reçoit comme elle doit le recevoir ce pain de vie, cette nourriture des anges. En recevant ce sacrement, elle est en moi et moi en elle ; comme le poisson est dans la mer et la mer dans le poisson, moi je suis dans l'âme et l'âme est en moi, l'Océan de la paix. Et dans cette âme réside la grâce : elle a reçu le Pain de vie en état de grâce, et la grâce demeure, quand l'accident du pain est consommé.

2.      Je lui laisse l'empreinte de la grâce, comme fait le sceau qu'on pose sur la cire chaude : lorsqu'on retire le sceau, l'empreinte du sceau reste ; de même la vertu de ce sacrement reste dans l'âme ; elle conserve la chaleur de ma divine charité, la clémence du Saint Esprit ; elle garde la lumière de la sagesse de mon Fils. L’œil de l'intelligence est éclairé de la sagesse du Verbe, pour qu'elle connaisse et contemple la doctrine de ma Vérité ; et cette sagesse qui reste avec force, la fait participer à ma force toute puissante qui fortifie l'âme contre sa propre passion sensitive, contre les démons et contre le monde.

3.     Ainsi tu le vois, l'empreinte reste quand le sceau est levé, c'est-à-dire quand les accidents de la sainte Hostie sont consommés et que le Soleil retourne à son disque, dont il n'a jamais été cependant séparé, comme je te l'ai dit ; car il est toujours uni avec moi. L'excès de mon amour a voulu vous donner cette nourriture en cette vie, où vous êtes exilés et voyageurs, pour que vous ayez un soulagement et que vous ne perdiez pas la mémoire du bénéfice du sang. Ma divine providence a voulu subvenir à vos besoins, en vous nourrissant de ma douce Vérité. Juge maintenant combien vous êtes obligés de me payer d'amour, moi qui vous aime tant, moi l'éternelle, la souveraine Bonté, si digne d'être aimée !

CXIII

La grandeur du sacrement doit faire comprendre la dignité de ceux qui en sont les ministres.- Dieu leur demande une plus grande pureté qu'aux autres créatures.

1.     Je t'ai dit toutes ces choses, ma fille bien-aimée, pour te faire mieux comprendre la dignité de mes ministres et te faire pleurer plus amèrement sur leurs misères. S'ils considéraient eux-mêmes leur dignité, ils ne resteraient pas dans les ténèbres du péché mortel et ne souilleraient pas ainsi leur âme. Non seulement ils ne m'offenseraient pas et ne profaneraient pas leur dignité, mais, en livrant même leur corps aux flammes, il leur semblerait ne pas reconnaître assez le bienfait qu'ils ont reçu ; car dans cette vie présente, il leur est impossible d'attendre une plus haute dignité.

2.      Je les ai sacrés et je les ai appelés mes Christs, parce que je les ai chargés de me donner à vous. Je les ai placés comme des fleurs odoriférantes dans le corps mystique de la sainte Église. L'ange n'a pas cette dignité, et je l'ai donnée aux hommes que j'ai choisis pour mes ministres, Je les ai établis comme des anges, et ils doivent être des anges terrestres en cette vie. Je demande à toute âme la pureté et la charité ; je veux qu'elle m'aime et qu'elle aime le prochain, l'aidant comme elle peut, l'assistant de ses prières, et vivant en union avec lui, comme je te l'ai dit en traitant ce sujet. Mais j'exige bien davantage la pureté dans mes ministres ; je leur demande un plus grand amour envers moi et envers le prochain, auquel ils doivent administrer le corps et le sang de mon Fils, avec l'ardeur de la charité et la faim du salut des âmes, pour la gloire et la louange de mon nom.

3.     Comme les prêtres veulent la pureté du calice où se fait le sacrifice, moi je veux la pureté et la netteté de leur cœur, de leur âme, de leur esprit. Et, parce que le corps est l'instrument de l'âme, je veux aussi qu'ils le conservent dans une pureté parfaite, et qu'ils ne le souillent pas dans une fange immonde ; qu'ils ne soient pas enflés d'orgueil ni d'ambition pour les hautes dignités ; qu'ils ne soient pas, cruels envers eux et envers le prochain ; car ils ne peuvent être cruels envers eux sans l'être pour le prochain. S'ils sont cruels à eux-mêmes par le péché, ils sont cruels aux âmes de leur prochain, parce qu'ils ne donnent pas l'exemple d'une sainte vie et ne travaillent pas à tirer les âmes des mains du démon et à distribuer le corps et le sang de mon Fils unique, et moi la vraie Lumière, dans les sacrements de l'Église. Si donc ils sont cruels à eux mêmes, ils le sont aux autres.

CXIV

Les sacrements ne doivent pas se vendre ni s'acheter.- Ceux qui reçoivent les sacrements doivent fournir aux prêtres les choses temporelles, dont les prêtres doivent faire trois parts.

1.     Je veux que mes ministres soient généreux et non pas avares, c'est-à-dire qu'ils ne vendent pas par cupidité et par avarice la grâce du Saint Esprit, Ils ne doivent pas le faire, et je ne veux pas qu'ils agissent ainsi. Ce qu'ils reçoivent de moi par charité et par bonté, ils doivent le donner de même généreusement par amour pour mon honneur et pour le salut du prochain ; ils doivent le communiquer charitablement à toute créature qui le demande humblement. Ils ne doivent le vendre d'aucune manière, puisqu'ils ne l'ont pas acheté, mais qu'ils l'ont reçu gratuitement de moi pour qu'ils en soient les ministres. Ils peuvent recevoir l'aumône, et celui qui participe aux sacrements est obligé de subvenir selon ses, moyens, aux besoins de celui qui les lui donne.

2.      Il est juste que vous fournissiez les choses temporelles à ceux qui vous nourrissent de la grâce et des biens spirituels, c'est-à-dire des sacrements que j'ai établis dans la sainte Église pour qu'ils vous procurent le salut. Et je vous dis en vérité qu'ils vous donnent incomparablement plus que vous ne leur donnez ; car on ne peut comparer les, choses finies et transitoires dont vous les assistez, à moi, l'Infini, que ma providence et ma charité les chargent de vous communiquer. Non seulement leur ministère, mais encore les moindres, grâces spirituelles qu'une créature quelconque vous obtiendra par ses prières ou par d'autres moyens, ne pourront jamais être reconnues par toutes vos richesses temporelles, car elles n'ont aucune valeur si on les compare à celles que reçoivent vos âmes.

3.     Maintenant, je te dirai que mes ministres doivent faire trois parts des biens qu'ils reçoivent de vous. Ils vivront de la première ; ils assisteront les pauvres avec la seconde, et consacreront la troisième à l'Église et à ses besoins. S'ils agissent autrement, ils m'offenseront.

CXV

De la dignité du sacerdoce.- La vertu des sacrements ne diminue pas par les fautes de ceux qui les administrent, ou qui les reçoivent.

1.     Ainsi faisaient mes doux et glorieux ministres dont je te disais que je voulais te faire voir les mérites avec la dignité que je leur ai donnée en les faisant mes Christs, car en exerçant saintement cette dignité, ils sont revêtus de ce doux et glorieux Soleil que je leur ai donné à communiquer. Regarde Grégoire, Sylvestre et tous les papes qui, avant et après eux, ont succédé à Pierre, au premier Souverain Pontife qui reçut la clef du royaume des cieux, lorsque ma Vérité incarnée lui dit : "Je te donnerai les clefs du royaume du ciel, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel ; ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel" (S. Mt., XVI, 19).

2.      Considère, ma fille bien-aimée, qu'en te montrant la beauté de leur vertu, je te ferai mieux comprendre la dignité à laquelle j'ai élevé mes ministres. Cette clef est celle du sang de mon Fils unique, qui vous ouvre la vie éternelle, depuis longtemps fermés par le péché d'Adam, C'est pour cela que je vous ai donné ma Vérité, le Verbe mon Fils, qui, en souffrant et en mourant, a détruit votre mort et vous a fait un bain de son sang. Ce sang et cette mort, par la vertu de la nature divine unie à la nature humaine, a ouvert au genre humain la vie éternelle.

3.     A qui ai-je laissé les clefs de ce sang ? Au glorieux apôtre Pierre et à tous ceux qui sont venus et qui viendront après lui jusqu'au jour du jugement. Tous ont eu et auront la même autorité que Pierre, et aucune de leurs fautes ne diminuera cette autorité et n'affaiblira la perfection du sang dans les sacrements ; car comme je te l'ai dit, ce Soleil n'est souillé par aucune impureté, et il ne perd pas sa lumière par les ténèbres du péché mortel qui se trouvent dans celui qui le distribue ou qui le reçoit. La faute d'un homme ne peut jamais nuire aux sacrements de l'Église ni diminuer leur vertu, elle diminue seulement la grâce, et la culpabilité augmente dans ceux qui les administrent ou les reçoivent indignement.

4.      Ainsi le Pape, mon Christ sur terre, tient les clefs du sang comme je te l'ai montré en figure lorsque je voulus te faire comprendre quel respect les séculiers devaient avoir pour mes ministres, bons ou mauvais, et combien ils m'offensaient en ne les respectant pas. Tu sais que je t'ai montré le corps mystique de la sainte Église sous la figure d'un cellier qui renfermait le sang de mon Fils unique, et c'est par ce sang que tous les sacrements ont leur vertu et contiennent la vie.

5.     A la porte de ce cellier est mon Christ sur terre ; il est chargé de distribuer le sang et de désigner ceux qui aideront son ministère dans toute l'étendue de la chrétienté. A lui seul appartient l'onction qui donne le pouvoir ; nul ne peut le faire que lui ; c'est de lui que sort tout le clergé, et il donne à chacun ses fonctions dans la distribution de ce précieux sang.

6.     Comme il les a choisis pour ses auxiliaires, il a le droit de les corriger de leurs fautes, et je veux qu'il en soit ainsi. A cause de la dignité et de l'autorité dont ils sont revêtus, je les ai affranchis du pouvoir et de la servitude des princes de la terre. La loi civile n'a pas à les punir de leurs infidélités, ils ne relèvent que de leur supérieur dans la loi divine. Je les ai sacrés, et il est dit dans l'Écriture : "Ne touchez pas à mes Christs" (Ps. CIV,15).

        Aussi, le plus grand malheur qui puisse arriver à l'homme, c'est de se faire leur juge et leur bourreau.

CXVI

Dieu regarde comme dirigées contre lui les persécutions faites contre l'Église et ses ministres.

1.     Si tu me demandes pourquoi la faute de ceux qui persécutent l'Église est plus grande que toutes les autres fautes, et pourquoi je ne veux pas que les défauts des ministres affaiblissent le respect qu'on leur doit, je te répondrai que le respect qu'on leur doit ne s'adresse pas à eux mais à moi, à cause de lit vertu du sang que je les ai chargés d'administrer. Sans cela, vous ne leur devriez pas plus de respect qu'aux autres hommes ; mais leur ministère vous oblige à un plus grand respect, car il faut que vous vous adressiez à eux, non pas pour eux, mais à cause de la vertu que je leur ai donnée, si vous voulez recevoir les sacrements de la sainte Église ; et si pouvant les recevoir vous ne le vouliez pas, vous seriez et vous mourriez en état de damnation.

2.      Votre respect s'adresse donc à moi et au glorieux sang de mou Fils, qui est une même chose avec moi par l'union de la nature divine à la nature humaine. Comme ce n'est pas à eux, mais à moi que s'adresse ce respect, c'est à moi aussi que le manque de respect s'adresse. Je te l'ai déjà dit, vous ne leur devez pas le respect pour eux, mais pour l'autorité que je leur ai donnée ; et en les offensant, c'est moi et non pas eux qu'on offense je l'ai formellement défendu en disant : Je ne veux pas qu'on touche à mes Christs.

3.     Personne ne peut s'excuser en disant : Je ne fais pas injure à l'Église et je ne me révolte pas contre elle, mais contre les défauts des mauvais pasteurs. Celui qui parle ainsi se ment à lui-même et s'aveugle par amour-propre ; il voit la vérité, mais il veut paraître ne pas la voir, pour cacher les remords de sa conscience. Il voit bien qu'il persécute le Verbe, mon Fils, et non pas de simples hommes ; l'injure s'adresse à moi comme le respect. Je reçois tous les torts, les mépris, les affronts, les reproches, les opprobres dont ils sont l'objet ; car je regarde comme fait à moi-même tout ce qu'on leur fait.

4.      Je le répète, je ne veux pas qu'on touche à mes Christs ; c'est moi seul qui dois les punir. Les méchants montrent le peu de respect qu'ils ont pour le sang de mon Fils, et combien ils font peu de cas du trésor que je leur ai donné pour le salut et la vie de leurs âmes : pouvez-vous recevoir plus qu'un Homme-Dieu pour nourriture ? Parce que je ne suis pas honoré par mes ministres, ils m'honorent moins encore en les persécutant à cause de leurs défauts et de leurs péchés. S'ils les respectaient véritablement, à cause de moi, ils ne cesseraient pas de le faire, à cause de leurs défauts, car aucun de leurs défauts ne diminue la vertu du sang de mon Fils et ne doit par conséquent diminuer le respect : quand ce respect diminue, on m'offense.

5.     Cette offense est plus grave que toutes les autres, pour beaucoup de raisons, dont voici les trois principales. Premièrement, ce qu'on leur fait est fait à moi-même. Secondement, on viole mon commandement, puisque j'ai défendu de les toucher : on méprise ainsi la vertu du sang reçu dans le saint baptême ; car on désobéit en faisant ce qui est défendu et en se révoltant contre ce sang qu'on ne respecte plus et qu'on persécute. Ceux qui agissent ainsi sont des membres corrompus, séparés du corps mystique de la sainte Église ; et s'ils persistent dans leur révolte, s'ils demeurent dans leur mépris, ils tombent dans la damnation éternelle. Si dans leurs derniers instants ils s'humilient et reconnaissent leur faute, s'ils veulent se réconcilier avec leurs chefs sans le pouvoir, je leur ferai miséricorde mais ils ne doivent pas attendre ce dernier instant, parce qu'ils ne sont pas sûrs de l'avoir.

6.      La troisième raison qui rend leur faute plus grave que les autres, est que leur péché se commet avec malice et préméditation. Ils savent qu'ils ne peuvent agir ainsi en conscience, et ils m'offensent par un coupable orgueil, sans aucune jouissance corporelle. Ils perdent ainsi leur âme et leur corps. L'âme se meurt par la privation de la grâce, et souvent le ver de la conscience la dévore. Leurs biens temporels se consument au service du démon, et leur corps périt ensuite comme celui des animaux.

7.     Ce péché est commis directement contre moi, sans utilité et sans jouissance, mais par malice et par orgueil, Cet orgueil a sa racine dans l'amour-propre sensitif et dans cette crainte coupable qu'eut Pilate, lorsque, par peur de perdre son pouvoir, il fit mourir le Christ, mon Fils unique. Ainsi font ceux qui ne respectent pas mes ministres. Beaucoup de péchés sont commis par faiblesse ou par ignorance et faute de lumière, ou par malice lorsqu'on connaît le mal qu'on fait, et que pour un plaisir déréglé ou pour un avantage qu'on croit y trouver, on m'offense.

8.      Cette offense est commise contre moi, contre le prochain et contre l'âme. Contre moi, parce qu'on ne rend pas honneur et gloire à mon nom ; contre le prochain, parce qu'on n'accomplit pas envers lui la charité. Cet acte ne m'atteint pas, quoiqu'il se fasse contre moi ; mais l'homme se blesse, et cette offense me déplaît à cause du mal qu'il lui cause.

9.     Cette offense s'adresse à moi directement. Les autres péchés ont quelque prétexte, quelque apparence de raison, quelque intermédiaire ; car je t'ai dit que tout péché et toute vertu s'accomplissaient par le moyen du prochain. Le péché se fait par le manque de charité envers moi et envers le prochain, tandis que la vertu vit de la charité. En offensant le prochain, on m'offense en lui. Mais entre toutes mes créatures raisonnables j'ai choisi mes ministres, et je les ai consacrés pour dispenser le corps et le sang de mon Fils unique, c'est-à-dire la nature divine unie à votre humanité. Aussi, dès qu'ils célèbrent, ils représentent la personne du Christ, mon Fils.

10.    Tu vois donc que cette offense est faite au Verbe, et dès qu'elle est faite à lui, elle est faite à moi, car nous sommes une même chose : les malheureux persécutent le précieux Sang et se privent du trésor qu'ils pourraient en tirer. C'est pour cela que cette offense faite à moi, et non à mes ministres, m'est plus odieuse que les autres péchés ; car l'honneur ou la persécution s'adresse véritablement à moi, c'est-à-dire au glorieux sang de mon Fils, qui est un avec moi. Aussi je te dis que si tous les autres péchés étaient d'un côté et celui-là de l'autre, ce serait ce péché qui pèserait davantage.

11.   Je t'ai manifesté ces choses pour que tu aies plus sujet de pleurer l'injure qui m'est faite, et la perte de ces malheureux. Tes larmes amères et celles de mes serviteurs peuvent obtenir que ma miséricordieuse bonté dissipe les ténèbres où sont plongés ces membres corrompus, séparés du corps mystique de le sainte Église. Mais je ne trouve pour ainsi dire personne qui gémisse sur cet outrage qu'on fait au glorieux et précieux sang de mon Fils, tandis que j'en trouve beaucoup qui m'attaquent sans cesse avec les traits de l'amour déréglé, de la crainte servile et de la présomption. Ils sont si aveugles, qu'ils se glorifient de ce qui est mal, et rougissent de ce qui est bien, comme serait de s'humilier devant leur chef. Ce sont ces défauts qui les ont portés à persécuter le sang de mon Fils (Cette dernière phrase n'est pas dans le latin, qui diffère de ponctuation avec l'italien pendant tout ce chapitre.).

CXVII

De ceux qui persécutent de différentes manières la sainte Église et ses ministres.

1.     Je t'ai dit que plusieurs me frappaient, et c'est la vérité. Ils me frappent dans leur intention autant qu'ils le peuvent. Aucun coup ne peut certainement m'atteindre et me blesser ; il arrive pour moi ce qui arrive sur une pierre très dure, le coup qu'elle reçoit ne peut l'entamer et retourne vers celui qui l'a frappée. Les offenses odieuses qui sont dirigées contre moi ne peuvent me nuire : les flèches empoisonnées du péché retournent contre ceux qui le commettent, et les privent de la grâce et du fruit du sang précieux de mon Fils. Si au dernier moment ils ne recourent pas à la sainte confession et à la contrition du cœur, ils arrivent à l'éternelle damnation ; ils sont séparés de moi et liés au démon, car ils se sont unis à lui.

2.      Dès que l'âme est privée de la grâce, elle est liée dans le péché par la haine de la vertu et l'amour du vice ; ce lien, c'est le libre arbitre qui le met dans les mains du démon pour les enchaîner, car sans cela ils ne pourraient l'être. Ce lien unit ensemble tous les persécuteurs du précieux Sang, et comme ils deviennent ainsi les membres du démon, ils font l'office du démon.

3.     Le démon s'applique à pervertir mes créatures, à les retirer de la grâce et à les faire tomber dans le péché mortel, pour qu'elles partagent son châtiment. Ainsi font les malheureux qui sont devenus les membres du démon : ils détournent les enfants de l'épouse du Christ, mon Fils unique ; ils leur ôtent les liens de la charité pour les charger de leurs tristes chaînes et les priver comme eux des fruits du Sang précieux ; ils portent les chaînes de l'orgueil, de la présomption et de la crainte servile. Pour ne pas perdre leur puissance temporelle, ils perdent la grâce et ils tombent dans la plus grande confusion qui puisse leur arriver, puisqu'ils sont privés de la vertu du sang. Ces liens sont scellés avec le sceau des ténèbres, car ils ne connaissent pas dans quels malheurs et quelles misères ils sont tombés et font tomber les autres. Ne le sachant pas, ils ne peuvent se corriger, et ils se glorifient de la ruine de leur âme et de leur corps.

4.      O ma fille bien-aimée! pleure, pleure amèrement sur l'aveuglement de ceux qui ont été comme toi lavés dans le sang, ils ont été nourris de ce sang sur le sein de la sainte Église, et maintenant ils se révoltent sous prétexte de corriger les défauts de mes ministres, que j'ai déclarés inviolables ; ils ont quitté le sein de leur mère. Tous mes serviteurs doivent trembler en entendant raconter leur odieuse tyrannie, et ta langue ne pourra jamais redire combien je l'ai en horreur. Et ce qui est plus lamentable, c'est que sous le manteau des défauts de mes ministres, ils veulent cacher et couvrir leurs propres défauts ; ils ne pensent pas qu'ils ne peuvent, sous aucun voile, rien cacher à mes regards. On peut bien se cacher aux yeux des créatures, mais non pas aux miens, car les choses les plus cachées me sont présentes ; je vous aimais et je vous connaissais avant votre naissance.

5.     Ce qui empêche ces infortunés mondains de se convertir, c'est qu'ils ne croient pas avec une foi vive que je les vois. S'ils croyaient véritablement que je vois leurs fautes, que je punis tout mal et que je récompense tout bien, ils ne commettraient pas tant de péchés, mais ils se repentiraient de ceux qu'ils ont faits ; ils me demanderaient humblement miséricorde, et je leur ferais miséricorde par le sang de mon Fils ; mais ils persévèrent dans le mal et sont rejetés par ma bonté à cause de leurs fautes. Pour comble de malheur, ils perdent la lumière, et dans leur aveuglement ils deviennent les persécuteurs du sang de mon Fils, et cette persécution ne peut être excusée par aucune faute de ceux qui administrent ce sang.

CXVIII

Résumé de ce qui a été dit sur la sainte Église et ses ministres.

1.     Je t'ai dit, ma fille bien-aimée, quelque chose du respect qu'on doit avoir pour mes ministres malgré leurs défauts. Ce respect ne leur est pas dû à cause d'eux, mais à cause de l'autorité que je leur ai donnée. Et parce que leurs défauts ne peuvent affaiblir et diviser la vertu des sacrements, ils ne doivent pas non plus diminuer le respect qu'on leur doit, non pour eux, mais pour le trésor du sang. dont ils sont dépositaires.

2.     Quant à ceux qui font le contraire, je ne t'ai presque rien dit de l'indignation qu'ils me causent et du tort qu"ils se font en ne respectant pas et en persécutant le sang de mon Fils, en se liguant contre moi avec le démon, dont ils sont les esclaves. Je t'ai fait connaître ces choses pour que tu les pleures. Ce que je t'ai dit de ceux qui persécutent la sainte Église, je pourrais te le dire de tous Ies chrétiens qui, en restant dans le péché mortel, méprisent le sang de mon Fils, et se privent de la vie de la grâce ; tous me sont odieux, mais surtout ceux dont je viens de t'entretenir.

CXIX

De la perfection, des vertus et des oeuvres des saints prêtres.

1.     Maintenant, pour reposer un peu ton âme et adoucir la douleur que te causent les ténèbres de ces malheureux pécheurs, je veux t'entretenir de la vie sainte de mes ministres. Je t'ai dit qu'ils avaient les qualités du soleil. Le parfum de leurs vertus corrige l'infection du vice, et leur lumière dissipe les ténèbres. Tu pourras, avec cette lumière, mieux connaître les ténèbres et les défauts de mes autres ministres.

2.      Ouvre donc l’œil de ton intelligence et regarde. en moi, le Soleil de justice. Tu verras mes glorieux ministres qui, en administrant le Soleil, prennent les qualités du Soleil, comme je te l'ai dit de Pierre, le prince des apôtres, qui a reçu les clefs du royaume céleste. Il en est ainsi des autres qui, dans le jardin de la sainte Église, distribuent la Lumière, c'est-à-dire le corps et le sang de mon Fils, le Soleil unique et indivisible, avec tous les sacrements de l'Église qui donne la vie en vertu de ce précieux sang.

3.     Tous, à des degrés différents et selon leurs fonctions, sont appelés à répandre la grâce du Saint Esprit. Et comment la répandent-ils ? Avec la lumière de la grâce qu'ils ont tirée de la vraie Lumière. Cette Lumière est-elle seule ? Non, car la lumière de la grâce ne peut être seule et ne peut être divisée ; il faut qu'on l'ait tout entière ou qu'on en soit complètement privé.

4.      Celui qui est en péché mortel est privé de la lumière de la grâce, et celui qui a la grâce est éclairé dans son intelligence pour me connaître, moi qui lui ai donné la grâce et la vertu qui conserve la grâce Il connaît dans cette lumière, la misère du péché et la raison du péché qui est l'amour-propre sensitif. Il le hait et parce qu'il le hait il reçoit dans son cœur l'ardeur de la charité ; car l'amour suit l'intelligence et reçoit la couleur de cette glorieuse Lumière, en suivant la doctrine de ma douce Vérité, et la mémoire se remplit ainsi du souvenir des bienfaits du sang.

5.     Tu vois qu'on ne peut recevoir la lumière sans recevoir la chaleur et la couleur, car elles sont unies ensemble et forment une même chose. Comme je te l'ai dit, on ne peut avoir une puissance de l'âme disposée à me recevoir, moi, le vrai Soleil, sans que les trois puissances soient toutes disposées et réunies en mon nom. Dès que l'intelligence s'élève avec la lumière de la foi au-dessus de la vision sensitive et me contemple, l'amour suit en aimant ce que l'intelligence voit et con naît ; la mémoire se remplit de ce que le cœur aime, et aussitôt toutes les puissances de l'âme participent à moi, le Soleil, et elles sont éclairées par ma puissance, par la sagesse de mon Fils unique, et par l'ardente bonté du Saint Esprit.

6.      Ainsi, tu vois que mes ministres fidèles ont les qualités du soleil, puisque les puissances de leur âme sont pleines de moi, le vrai Soleil. Ils font comme le soleil le soleil réchauffe et illumine, et sa chaleur féconde la terre : il en est de même des ministres que j'ai choisis et envoyés au corps mystique de la sainte Église, pour administrer mon Soleil, c'est-à-dire le corps et le sang de mon Fils unique, avec les sacrements qui ont la vie par ce sang. Ils l'administrent réellement et spirituellement en répandant dans le corps mystique de la sainte Église la lumière de la science surnaturelle par la couleur d'une vie pure et sainte, en suivant la doctrine de ma Vérité et en communiquant le feu de la plus ardente charité.

7.     Leur chaleur fait fructifier les âmes stériles en les éclairant par la lumière de la science. Leur vie sainte et exemplaire dissipe les ténèbres du péché mortel et de l'infidélité ; ils règlent la vie de ceux qui vivent d'une manière déréglée dans les ténèbres du péché et dans la privation de la grâce. Tu vois qu'ils sont des soleils, car ils en ont pris les qualités ; ils se sont revêtus de moi, le vrai Soleil, puisque l'amour les rend une même chose avec moi. Tous, selon le degré où je les ai placés, ont répandu la lumière dans l'Église.

8.      Pierre l'a répandue par Sa prédication, sa doctrine, et enfin par son sang ; Grégoire, par sa science, son intelligence des Saintes Écritures et les exemples de sa vie ; Sylvestre la fit briller contre les infidèles par ses discussions et les preuves qu'il a données de la très sainte foi par ses paroles et ses actions. Si tu regardes Augustin, Thomas d'Aquin, Jérôme et tant d'autres, tu verras de quelle lumière ils ont éclairé la divine Épouse, en dissipant les erreurs avec une humilité sincère et parfaite, comme des flambeaux posés sur le candélabre. Ils étaient affamés de mon honneur et du salut des âmes, et ils s'en rassasiaient avec délices au banquet de la très sainte Croix.

9.     Les martyrs ont répandu la lumière avec leur sang. Ce sang exhalait son parfum en ma présence, et cette odeur du sang et de la vertu, unie avec la lumière de la science, donnait des fruits à l'Épouse ; ils propageaient la foi ; ceux qui étaient dans les ténèbres venaient à la lumière, et la lumière de la foi brillait en eux.

10.    Les pasteurs établis par mon Christ sur la terre m'offraient un sacrifice de justice par la sainteté de leur vie. La perle précieuse de la justice enchâssée dans une humilité sincère et une ardente charité, brillait en eux et dans ceux qui leur étaient soumis, avec la lumière de la discrétion. Elle brillait en eux surtout parce qu'ils me rendaient ce qui m'est dû, c'est-à-dire gloire et honneur à mon nom, tandis qu'ils détestaient leurs sens, méprisaient le vice et accomplissaient la vertu par amour pour moi et pour le prochain. Ils foulaient aux pieds l'orgueil par l'humilité ; ils allaient à l'Autel avec la pureté des anges, et ils m'offraient le Sacrifice dans la sincérité d'une âme tout embrasée des flammes de la charité.

11.   Parce qu'ils accomplissaient la justice en eux, ils l'accomplissaient aussi dans ceux qui leur étaient soumis. lis voulaient les voir vivre saintement ; ils les reprenaient sans aucune crainte servile, parce qu'ils ne pensaient point à eux-mêmes, mais uniquement à mon honneur et au salut des âmes, comme doivent le faire les bons pasteurs qui suivent le bon pasteur, mon Fils, que je vous ai donné pour vous conduire et mourir pour vous. Ils ont suivi ses traces, ils ont agi avec ardeur et n'ont pas laissé les membres se corrompre en ne les corrigeant pas ; mais ils les ont charitablement corrigés avec le baume de la douceur. Ils n'ont pas craint de brûler avec le feu la plaie de leur vice ; ils ont employé la réprimande et la pénitence, peu ou beaucoup, selon la gravité du péché. La peur de la mort ne les empêchait jamais d'agir et de dire la vérité.

12.    Ceux-là sont les vrais jardiniers qui arrachent avec zèle et sollicitude les épines du péché mortel et plantent les fleurs odoriférantes de la vertu. Ceux qui leur sont soumis vivent dans une sainte crainte et s'élèvent comme des fleurs embaumées dans le jardin de l'Église, parce qu'ils les corrigent sans la crainte servile qu'ils ne connaissent pas. Le venin du péché n'est pas en eux ; ils demeurent fermes dans la justice, reprenant humblement et avec courage. Ils brillent comme des pierres précieuses et répandent la lumière et la paix dans les âmes de mes créatures, qu'ils conservent dans la crainte et dans l'union de l'amour ; car je veux que tu saches que les ténèbres du monde et les divisions qui séparent les séculiers, les religieux, les clercs et les pasteurs de la sainte Église, n'ont d'autre cause que la perte de la lumière de la justice. Les ténèbres de l'injustice ont prévalu.

13.   Personne, obéissant à la loi civile ou divine, ne peut se conserver dans l'état de grâce sans la sainte justice, car celui qui ne corrige pas ou n'est pas corrigé ressemble à un membre malade qu'un mauvais médecin soigne avec de l'onguent sans purifier la plaie. Bientôt tout le corps est empoisonné et se corrompt. Ainsi le prélat ou les supérieurs qui voient quelqu'un infecté par la corruption du péché mortel, et qui appliquent seulement sur le mal l'onguent de la flatterie sans employer la réprimande, ne le guérissent jamais, mais gâtent les autres membres qui sont unis au même corps, c'est-à-dire au même pasteur.

14.    S'ils étaient, au contraire, de bons et vrais médecins des âmes, comme les saints pasteurs d'autrefois, ils n'emploieraient pas l'onguent sans appliquer aussi le feu de la réprimande ; et si le membre persistait dans le vice, ils le retrancheraient du corps pour qu'il ne gâtât pas les autres avec l'infection du péché mortel. Mais les pasteurs ne le font plus aujourd'hui ; ils paraissent même ne pas s'apercevoir du mal : et sais-tu pourquoi ? La racine de l'amour-propre vit en eux, et produit la crainte servile. Pour ne pas perdre leur position, leur fortune, leur dignité, ils se taisent ; mais ils agissent comme dés aveugles et ne savent pas ce qui conserve ; car, s'ils savaient que c'est la sainte justice, ils l'observeraient. Mais, parce qu'ils n'ont pas la lumière, ils ne le savent pas.

15.   Ils croient conserver avec l'injustice, en ne reprenant pas les défauts de ceux qui leur sont soumis, mais ils sont trompés par l'amour-propre sensitif et par le désir du pouvoir et de la prélature. Ils ne disent rien aussi, parce qu'ils ont eux-mêmes les mêmes vices et de plus grands encore. Ils se sentent coupables des mêmes fautes et ils perdent le zèle et la fermeté, lis Sont. retenus par la crainte servile et font semblant de ne pas voir. S'ils voient des choses évidentes, ils ne les reprennent pas et même ils se laissent endormir par des paroles qui les flattent et par des présents. Ils savent trouver des excuses pour ne pas punir. Ainsi s'accomplit en eux la parole de ma Vérité : "Ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles ; et si un aveugle en conduit un autre, ils tomberont tous les deux dans l'abîme" (S. Mt. XV, 14).

16.    Ce n'est pas ainsi que faisaient leurs prédécesseurs, mes ministres bien-aimés, qui avaient les propriétés et les conditions du Soleil. Ceux qui leur ressemblent sont des soleils ; en eux ne se trouvent pas les ténèbres du péché et de l'ignorance, car ils suivent la doctrine de ma Vérité. Ils ne sont pas tièdes, car ils sont embrasés du feu de ma charité. Ils méprisent les grandeurs, les richesses et les délices du monde, et ils ne craignent jamais de corriger le vice. Celui qui ne désire pas la puissance et les honneurs ne craint pas de les perdre et agit avec vigueur. Celui qui n'a aucune faute sur la conscience ne craint rien.

17.   Voilà pourquoi cette perle précieuse de la justice n'était point obscurcie dans mes Christs fidèles dont je te parlais. Elle y brillait, au contraire ; ils embrassaient la pauvreté volontaire ; ils cherchaient l'abaissement avec une humilité profonde et ne s'arrêtaient pas aux mépris, aux affronts, aux reproches des hommes, aux injures, aux opprobres, aux peines et aux tourments. On blasphémait contre eux, et ils bénissaient ; ils supportaient tout avec une véritable patience, comme des anges de la terre : et ils étaient plus que des anges, non par leur nature, mais par leur ministère, puisqu'ils avaient reçu la grâce surnaturelle de distribuer le corps et le sang de mon Fils unique.

18.    Mes ministres étaient vraiment des anges, car comme l'ange que je vous ai donné pour garde, ils communiquaient les saintes et bonnes inspirations. Mes ministres devraient encore faire de même, puisqu'ils vous ont été donnés par ma bonté pour vous garder. Ils avaient continuellement les yeux fixés sur ceux qui leur étaient confiés pour leur communiquer, comme de vrais anges gardiens, leurs saintes et bonnes inspirations ; ils les soutenaient par l'enseignement de leur parole et l'exemple de leur vie, et ils m'offraient pour eux dans une continuelle prière l'ardeur de leurs charitables désirs.

19.   Tu vois que mes ministres étaient des anges placés par mon infinie bonté, comme des flambeaux dans le corps mystique de la sainte Église, pour vous garder, afin que dans votre aveuglement vous ayez des guides qui vous dirigent dans la voie de la Vérité, en vous donnant de saintes inspirations et eh vous aidant, comme je l'ai dit, de leurs prières, de leurs exemples et de leurs enseignements. Avec quelle humilité ils gouvernaient et entretenaient ceux qui leur étaient soumis!

20.    Avec quelle espérance et quelle foi ils vivaient! Ils lie craignaient pas de voir les biens temporels manquer pour eux et leur troupeau, et ils distribuaient avec largesse aux pauvres les biens de la Sainte Église. Ils observaient parfaitement l'obligation où ils étaient de faire trois parts, pour leurs besoins, pour les pauvres et pour l'Église. Ils n'avaient pas de testament à faire ; car il ne restait rien après leur mort, et quelques-uns même laissaient l'Église endettée pour les pauvres. Cela venait de la générosité de l'amour et de l'espérance qu'ils avaient en ma providence. Ils n'avaient pas de crainte servile et ne redoutaient jamais que rien leur manquât pour le spirituel ou le temporel.

21.   Ce qui prouve que la créature espère en moi et non pas en elle, c'est de ne pas avoir de crainte servile. Ceux qui espèrent en eux-mêmes craignent toujours et ont peur de leur ombre ; ils s'imaginent que le ciel et la terre vont, leur manquer. Avec cette crainte et la fausse assurance qu'ils placent dans leur faible savoir, ils se tourmentent si misérablement pour acquérir et conserver les biens temporels, qu'ils semblent ne pas se soucier des biens spirituels, dont personne ne paraît s'inquiéter.

22.    Ils ne pensent pas, les pauvres orgueilleux, que moi seul je pourvois à toutes les choses nécessaires à l'âme et. au corps, et que ma providence mesure son assistance selon l'espérance que vous avez cri moi. Ces misérables présomptueux ne songent pas que je suis Celui qui suis, tandis qu'eux ne sont rien par eux-mêmes, et qu'ils ont reçu de ma bonté l'être et toutes les grâces qui, y sont ajoutées. C'est bien en vain que se fatigue, celui qui garde la cité, sue ne la garde moi-même ; tous ses efforts sont stériles s'il compte sur ses efforts et son zèle pour la garder ; car il n'y a que moi qui la garde. Il est vrai que je veux vous voir faire fructifier pour la vertu, pendant la vie, l'être et les grâces que je vous ai donnés, en vous servant du libre arbitre que vous avez reçu avec la lumière de la raison ; car je vous ai créés sans vous, mais je ne puis vous sauver sans vous.

23.   Je vous ai aimés avant votre naissance. Mes bien-aimés serviteurs le savaient, et c'est pour cela qu'ils m'aimaient d'un si grand amour. Cet amour faisait qu'ils espéraient fermement en moi et qu'ils ne redoutaient jamais rien. Sylvestre ne tremblait pas devant l'empereur Constantin lorsqu'il disputait avec douze Juifs, en présence de la multitude ; mais il croyait fermement que si j'étais pour lui, personne ne pourrait lui nuire. Mes autres serviteurs bannissaient ainsi toute crainte ; car ils n'étaient jamais seuls, mais toujours accompagnés. En restant dans la charité, ils étaient en moi et recevaient de moi la lumière de la sagesse de mon Fils ; ils recevaient de moi la puissance pour être forts contre les princes et les tyrans du monde ; ils recevaient de moi le feu de l'Esprit Saint et participaient à. sa clémence, à son amour, Cet amour était toujours accompagné de la lumière de la foi, de l'espérance, de la force, de la vraie patience et de la persévérance jusqu'à l'heure de la mort.

24.    Tu vois donc que mes ministres n'étaient pas seuls, mais qu'ils étaient accompagnés ; aussi n'avaient-ils aucune crainte. Celui-là craint qui se sent seul, qui espère en lui-même et qui n'a pas la charité. La moindre chose lui fait peur ; car il est seul et privé de moi, qui donne l'assurance parfaite à l'âme qui me possède par l'amour. Ces glorieux et chers serviteurs ont bien éprouvé que rien ne pouvait nuire à leur âme ; car, au contraire, ils étaient forts contre les hommes et les démons, qui souvent étaient enchaînés par la vertu et la puissance que je leur donnais sur eux ; et cela était parce que je répondais à l'amour, à la foi, à l'espérance qu'ils avaient placés en moi.

25.   Ta langue ne pourrait raconter leur vertu, et l’œil de ton intelligence est incapable de voir la récompense qu'ils ont reçue dans le ciel et que recevront tous ceux qui suivront leurs traces. Ils sont comme des pierres précieuses en ma présence, parce que leurs travaux m'ont été agréables et qu'ils ont éclairé et embaumé de leurs vertus le corps mystique de la sainte Église. Je les ai comblés d'honneurs dans la vie éternelle, où ils ont reçu la béatitude et la gloire de ma vision, parce qu'ils ont donné l'exemple d'une vie sainte, et distribué la lumière du corps et du sang de mon Fils dans les sacrements.

26.    Je les aime d'un amour particulier, parce que je les ai élevés à la dignité de mon sacerdoce, et parce qu'ils n'ont pas enfoui, par leur négligence et leur ignorance, le trésor que je leur ai confié ; ils ont reconnu qu'il venait de moi et ils l'ont fait valoir avec zèle et humilité par de solides et véritables vertus. Je les avais revêtus d'une haute dignité pour le salut des hommes, et ces bons pasteurs ont travaillé sans cesse à ramener les brebis dans la bergerie de la sainte Église. Leur ardent amour et leur faim des âmes leur faisaient affronter la mort pour les retirer des mains du démon. Ils étaient faibles, ou paraissaient l'être avec les faibles. Souvent pour empêcher le désespoir du prochain ou pour mieux lui faire comprendre sa misère, ils disaient : Je suis faible comme vous l'êtes.

27.   Ils pleuraient avec ceux qui pleurent ; ils se réjouissaient avec ceux qui se réjouissent. Ils savaient doucement donner à chacun la nourriture qui lui convenait ; ils conservaient les bons, dont les vertus les remplissaient d'allégresse ; car ils n'étaient pas dévorés par l'envie, mais leur cœur se dilatait dans l'ardeur de la charité pour le prochain, et surtout pour ceux qui leur étaient confiés.

28.    Quant à ceux qui étaient pécheurs, il les retiraient du péché, en se prêtant à leur faiblesse et à leur infirmité par une sainte et vraie compassion ; ils les corrigeaient des fautes où ils tombaient, et partageaient charitablement avec eux leur pénitence. L'amour qu'ils portaient à ces pénitents leur rendait la pénitence qu'ils donnaient plus pénible à eux-mêmes qu'à ceux qui la recevaient. Quelquefois même il y en avait qui s'en chargeaient réellement, surtout quand ils voyaient qu'elle répugnait trop à ceux qu'ils dirigeaient, et par ce moyen la rigueur de la pénitence devenait douce.

29.   Ces bien-aimés ministres abaissaient humblement leur dignité devant ceux qui leur étaient soumis. Ils étaient les maîtres, et ils se faisaient les serviteurs ; ils étaient exempts de toute infirmité, purs de tout mal, et ils se faisaient infirmes ; ils étaient forts, et ils se faisaient faibles. Ils se montraient simples avec les simples, petits avec les petits, et savaient ainsi, par humilité et charité, se proportionner à tous, et donner à chacun la nourriture qui lui convenait.

30.   Qu'est-ce qui les faisait agir de la sorte ? La faim, le désir qu'ils avaient de mon honneur et du salut des âmes. Ils couraient pour se rassasier au banquet de la sainte Croix ; ils ne fuyaient, ne refusaient aucune fatigue ; mais, pleins de zèle pour les âmes, le bien de la sainte Église et l'expansion de la foi, ils se jetaient au milieu des épines de la tribulation et affrontaient tous les dangers avec une véritable patience, en m'offrant le parfum précieux de leur ardent désir et de leurs humbles et continuelles prières. Leurs larmes et leurs pleurs étaient un baume salutaire pour les plaies que le péché mortel avait faites au prochain, et ceux qui recevaient humblement ce remède précieux y trouvaient une santé parfaite.

   

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