VOUS NE DÉROBEREZ POINT.
C’est une pratique fort
ancienne dans l’Eglise que de chercher à pénétrer les Fidèles de la
nature et de l’importance de ce Commandement. nous en avons pour
preuve ce reproche adressé par l’Apôtre à des hommes qui
détournaient les autres des vices dont ils étaient eux-mêmes tout
couverts. « Vous instruisez les autres, et vous ne vous
instruisez pas vous-mêmes. Vous prêchez qu’il ne faut pas voler, et
vous volez vous-mêmes. » Grâce à cet enseignement, non seulement
on parvenait à corriger les hommes de ce péché alors très fréquent,
mais même on réussissait à apaiser les querelles, les procès et tous
les autres maux que le vol amène ordinairement avec lui. Mais
puisque malheureusement l’époque où nous vivons nous donne le
spectacle des mêmes fautes avec les mêmes inconvénients et les mêmes
malheurs qui en sont la suite, les Pasteurs se feront un devoir, à
l’exemple des Saints Pères et des Maîtres de la discipline
chrétienne, d’insister fortement sur ce point, et d’expliquer en
détail, et avec tout le zèle possible, la nature et la portée de ce
Commandement. Leur première occupation et leurs premiers soins
seront de bien faire ressortir l’amour immense de Dieu pour nous. Il
ne s’est pas contenté, en effet, ce Dieu infiniment bon, de mettre
en sûreté notre vie, notre corps, notre honneur et notre réputation
par ces deux préceptes: Vous ne tuerez point ; vous ne serez
point adultère. Mais Il a voulu aussi par cet autre
commandement, Vous ne déroberez point, entourer d’une sorte
de garde, protéger et défendre tous nos biens extérieurs. Car quelle
idée attacher à ces paroles, sinon celle que nous avons indiquée
plus haut, en traitant des Commandements qui précèdent, à savoir,
que Dieu défend de prendre ou d’endommager les biens d’autrui dont
Il se déclare le Protecteur ? Or, plus le bienfait de la Loi divine
est étendu, plus aussi nous devons être reconnaissants envers Dieu,
qui en est l’Auteur. Et comme la meilleure manière d’avoir cette
reconnaissance et de la Lui prouver, c’est non seulement de recevoir
avec joie ses préceptes, mais encore de les pratiquer fidèlement, il
faudra exciter (et enflammer) les Fidèles à observer exactement
celui dont nous parlons.
Le septième
Commandement — comme les précédents — se divise en deux parties: la
première qui défend le vol, et qui est explicitement formulée ; la
seconde qui est implicitement contenue et renfermée dans la
première, et qui nous ordonne d’être bienfaisants et généreux envers
nos semblables. Parlons d’abord de la première, Vous ne déroberez
point.
§ I. — QU’EST-CE QUE LE VOL ?
Il y a lieu de faire
remarquer tout d’abord que voler ne signifie pas seulement prendre
quelque chose à quelqu’un, secrètement et malgré lui, mais encore
retenir une chose contre la volonté de celui à qui elle appartient.
Car il est impossible de s’arrêter même à la pensée que Dieu qui
défend le vol, puisse approuver la rapine, qui est un vol commis
avec violence et outrage. Et Saint Paul n’a-t-il pas dit, en propres
termes: « Les ravisseurs du bien d’autrui ne posséderont point
le Royaume de Dieu. » C’est pourquoi il ajoute que nous devons
éviter avec soin de les fréquenter et de les imiter. Cependant,
quoique la rapine soit un péché plus grave que le simple vol —
puisque non seulement elle enlève, mais enlève avec violence et
insulte — ce n’est pas sans une raison profonde que Dieu, dans ce
Commandement, s’est servi du mot vol qui est un terme plus adouci,
et en même temps plus général et plus étendu que celui de rapine ;
la rapine en effet ne peut être commise et consommée que par des
êtres plus forts et plus audacieux que leur victime. Au surplus,
tout le inonde comprendra que là où les fautes légères sont
défendues, les fautes graves de même espèce le sont aussi, et
nécessairement.
La possession et
l’usage injustes du bien d’autrui prennent des noms différents,
selon la diversité des choses qui sont soustraites à leur
propriétaires, malgré eux et à leur insu. Ainsi enlever quelque
chose à un particulier, cela s’appelle un vol. Enlever le bien
public, c’est un péculat. Réduire en servitude une personne libre ou
s’approprier l’esclave d’un autre, c’est un plagiat. Dérober une
chose sacrée, c’est un sacrilège. C’est le péché le plus énorme et
le plus détestable qu’on puisse commettre contre ce Commandement: et
pourtant, hélas ! il est très commun de nos jours. Des biens que la
sagesse et la piété avaient voulu absolument consacrer au service
divin, aux Ministres de l’Eglise et au soulagement des pauvres ne
sont-ils pas détournés trop souvent pour satisfaire les passions et
les plaisirs coupables de ceux qui les ont ravis ?
Mais ce précepte ne
défend pas seulement le vol proprement dit, c’est-à-dire l’action
extérieure du vol, il en défend aussi le désir et la volonté. C’est
qu’en effet, il y a une loi spirituelle qui atteint le cœur, source
de nos pensées et de nos résolutions. « Car c’est du cœur,
dit Notre-Seigneur dans Saint Matthieu , que viennent tes
mauvaises pensées, tes homicides, tes impudicités, tes vols et les
faux témoignages. »
§ II. — LE VOL EST UN
GRAND PÉCHÉ.
Les lumières naturelles
et la raison seule suffisent pour nous faire comprendre la gravité
de ce péché. En effet, le vol est entièrement contraire à la
justice, qui attribue à chacun ce qui lui appartient. La
distribution et le partage des biens, établis dès l’origine par le
droit des gens, confirmés d’ailleurs par les Lois divines et
humaines, doivent être tellement inviolables, que chacun puisse
posséder paisiblement ce qui lui appartient de droit ; sans quoi la
société est impossible.. Aussi, comme le dit l’Apôtre , « Ni les
voleurs, ni les avares, ni tes ivrognes, ni les médisants, ni les
ravisseurs du bien d’autrui ne posséderont le Royaume de Dieu. »
L’énormité de ce péché
et l’horreur qu’il doit inspirer se révèlent encore par les suites
funestes qu’il trame après lui. Il est la source d’une foule de
jugements indiscrets et téméraires sur un grand nombre de
personnes ; il produit des haines, des inimitiés, et quelquefois
même des condamnations terribles de personnes innocentes.
D’ailleurs Dieu ne
fait-il pas une obligation rigoureuse de réparer le dommage qu’on a
causé à son semblable en lui dérobant son bien ? « Point de
rémission du péché, dit Saint Augustin , sans lu restitution de
l’objet enlevé. » Mais cette restitution, pour les personnes
habituées à s’enrichir aux dépens du prochain, ne présente-t-elle
pas les plus grandes difficultés ? chacun peut en juger par soi-même
et par la conduite ordinaire des autres. Dans tous les cas, voici ce
qu’en pense le Prophète Habacuc : « Malheur à celui qui amasse
des biens qui ne lui appartiennent pas, et qui ne cesse de
s’entourer d’une boue épaisse ! » Cette boue épaisse, c’est la
possession du bien d’autrui. Il est bien difficile d’en sortir et de
s’en débarrasser.
§ III. — DIFFÉRENTES ESPÈCES DE VOL.
Il y a tant d’espèces
différentes de vols, qu’il serait très difficile de les énumérer
toutes. II suffira d’expliquer avec soin le vol et la rapine, qui
sont les deux espèces auxquelles se rapporte tout ce que nous allons
dire sur ce sujet. Le Pasteur fera donc tous ses efforts et ne
négligera rien pour inspirer aux Fidèles une vive horreur de ce
crime et pour les en détourner. Parlons d’abord de la première
espèce.
On se rend coupable de
vol, quand on achète des choses volées, ou que l’on garde celles qui
ont été trouvées, saisies, ou enlevées de quelque manière que ce
soit. « Trouver et ne pas rendre, dit Saint Augustin ,
c’est prendre ! » Toutefois, si l’on ne peut en aucune façon
découvrir celui à qui appartient l’objet trouvé, il faut en faire
profiter les pauvres. Celui qui ne veut pas restituer dans ce cas
montre bien qu’il serait prêt à dérober tout ce qui lui tomberait
sous la main, s’il pouvait l’emporter.
On commet le même crime
lorsque, en vendant, ou en achetant, on a recours à la fraude et à
des paroles mensongères. Ces fraudes et ces mensonges sont toujours
punis de Dieu. Mais les plus coupables et les plus iniques en ce
genre de vol sont ceux qui vendent comme bonnes et parfaites, des
marchandises falsifiées et corrompues, ou qui trompent les acheteurs
sur le poids, la mesure, le nombre et la règle. On lit dans le
Deutéronome : « Vous n’aurez point dans votre sac deux poids
différents ; » et dans le Lévitique : « Ne faites point tort
par vos jugements, par vos poids et vos mesures. Que vos balances,
vos poids, vos setiers et vos boisseaux soient justes ! » on lit
aussi dans un autre endroit : « Le double poids est une
abomination aux yeux de Dieu ; la balance frauduleuse n’est pas
bonne. »
Il y a encore vol
évident, lorsque des ouvriers et des artisans n’ont pas travaillé
d’une manière suffisante et comme ils le devaient, et que néanmoins
ils exigent leur salaire en entier. Il faut dire la même chose des
serviteurs et des gardiens infidèles. Et même ces sortes de voleurs
sont beaucoup plus condamnables que les autres, car les clés
défendent au moins contre les voleurs ordinaires, tandis qu’il n’y a
rien de caché, ni de fermé pour le voleur domestique.
Sont aussi probablement
coupables de vol, ceux qui par des discours pleins de dissimulation
et d’artifice, ou par une feinte pauvreté, parviennent à extorquer
de l’argent ; et même leur faute est d’autant plus grave qu’ils
joignent le mensonge au vol.
Enfin il faut mettre
aussi au nombre des voleurs ceux qui, étant payés pour remplir
quelque fonction particulière ou publique, n’y donnent que peu ou
point de temps, négligent leur charge, mais n’oublient point d’en
toucher les profits et les émoluments.
Il existe une multitude
d’autres manières de voler. toutes viennent de l’avarice si
ingénieuse à découvrir les moyens d’avoir de l’argent. II serait
trop long, et même presque impossible, comme nous l’avons dit, d’en
faire l’énumération.
§ IV. — DE LA RAPINE.
La rapine est la
seconde espèce de vol. Mais avant de l’expliquer aux Fidèles, il
importe grandement que le Pasteur leur rappelle ces paroles de
l’Apôtre : « Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la
tentation et dans le piège du démon. » Qu’il ne laisse jamais
non plu: oublier ce précepte . « Tout ce que vous voulez que le ;
hommes vous fassent, faites-le leur aussi ; » ni cet autre : « Ne
faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fit à
vous-même. »
La rapine s’étend très
loin. Ainsi, ceux qui ne paient point leur salaire aux ouvriers,
sont de véritables ravisseurs. Saint Jacques les invite à la
pénitence en ces termes: « Allons, riches, pleurez maintenant,
poussez des cris et des hurlements à cause des malheurs qui doivent
fondre sur vous. » Et il leur en donne la raison en disant: « Voilà
que le salaire que vous dérobez aux ouvriers qui ont moissonné vos
champs crie contre vous, et que ces cris sont montés jusqu’aux
oreilles du Dieu des armées. » Ce genre de rapine est absolument
réprouvé dans le Lévitique, dans le Deutéronome, dans Malachie et
dans Tobie.
Sont également
coupables de rapine: ceux qui ne paient point à l’Eglise et aux
princes les impôts, les tributs, les dîmes et tout ce qui leur est
dû, ou bien qui le détournent à leur profit: les usuriers, ces
ravisseurs si durs et si cruels qui pillent le pauvre peuple, et
l’écrasent de leurs intérêts exorbitants. — L’usure est tout ce qui
se perçoit au delà de ce qui a été prêté, soit argent, soit autre
chose qui puisse s’acheter et s’estimer à prix d’argent. — II est
écrit dans le Prophète Ezéchiel : « Ne recevez ni usure ni rien
au delà de votre prêt. » Et Notre-Seigneur nous dit dans Saint
Luc : « Prêtez sans rien espérer de là. » Ce crime fut
toujours très grave et très odieux, même chez les païens. De là
cette maxime: Qu’est-ce que prêter à usure ? Qu’est-ce que tuer un
homme ? pour marquer qu’à leurs yeux, il n’y avait pas de
différence. En effet, prêter à usure, n’est-ce pas, en quelque
sorte, vendre deux fois la même chose, ou bien vendre ce qui n’est
pas ?
Sont coupables aussi de
rapine ces juges à l’âme vénale, qui vendent la justice, qui se
laissent corrompre par l’argent et les présents, et font perdre les
meilleures causes aux petits et aux pauvres.
Il en est de même de
ceux qui trompent leurs créanciers, qui nient leurs dettes, ou qui,
ayant obtenu du temps pour payer, achètent des marchandises sur leur
parole, ou sur la parole d’un autre, et qui finalement ne paient
point. Leur faute est d’autant plus grave, que les marchands
prennent occasion de leur infidélité et de leurs tromperies pour
vendre tout beaucoup plus cher au détriment de tous. C’est bien à
eux que semble s’appliquer cette plainte de David : « Le pécheur
empruntera, et il ne paiera point. »
Que dirons-nous de ces
riches qui poursuivent des débiteurs insolvables, leur réclament
avec la dernière rigueur ce qu’ils ont prêté, et ne craignent pas de
retenir pour gage, contre la défense de Dieu, même les choses qui
sont nécessaires à ces malheureux ? « Si vous prenez en gage,
dit le Seigneur , le vêtement de votre prochain, vous le lui
rendrez avant le coucher du soleil, car c’est le seul qu’il possède
pour se couvrir et sur quoi dormir. S’il crie vers Moi, Je
l’exaucerai parce que Je suis miséricordieux. » Nous n’avons
donc pas tort d’appeler rapacité, et par conséquent rapine, la
dureté de créanciers si cruels.
Les saints Pères
mettent aussi au nombre des ravisseurs, ou hommes de rapine, ceux
qui dans une disette accaparent le blé, et sont cause que la vie
devient chère et très dure. Il en est de même pour toutes les autres
choses nécessaires à la nourriture et à la subsistance. C’est sur
eux que tombe la malédiction de Salomon : « Quiconque cache le
blé, sera maudit du peuple. » Les Pasteurs ne craindront point
de les avertir du mal énorme qu’ils font, de les reprendre sans
ménagement, et de mettre sous leurs yeux tous les châtiments
réservés à de pareils crimes.
Voilà ce que le
septième Commandement nous défend. Venons maintenant à ce qu’il nous
ordonne.
§ V. — DE LA RESTITUTION.
La première chose que
ce Commandement nous ordonne, c’est la restitution. [Rappelons-nous
le mot de Saint Augustin]: « Point de rémission du péché, sans la
restitution de l’objet volé. » Et comme l’obligation de
restituer n’atteint pas seulement celui qui a perpétré le vol [de
ses propres mains], mais encore tous ceux qui y ont participé de
quelque manière que ce soit, il est nécessaire que les Pasteurs
enseignent clairement comment on peut tremper dans le vol et la
rapine, afin qu’on sache bien quelles sont les personnes qui ne
peuvent se soustraire à cette loi de la satisfaction et de la
restitution.
Nous nous trouvons ici
en face de plusieurs catégories.
La première comprend
ceux qui commandent expressément de voler. Ceux-là non seulement
sont les complices et les auteurs du vol, mais à vrai dire, ils sont
plus coupables que tous les autres.
La seconde renferme
ceux qui se bornent à être les conseillers et les instigateurs du
vol, parce qu’ils n’ont pas assez d’autorité pour le commander ; ils
sont aussi coupables que les premiers, et doivent être placés sur la
même ligne, quoique leur action ne soit pas la même.
La troisième se compose
de ceux qui sont d’intelligence avec les voleurs.
La quatrième, de ceux
qui participent au vol et qui en retirent quelque profit, si
toutefois il est permis d’appeler profit ce qui leur vaudra un
éternel supplice, à moins qu’ils ne viennent à résipiscence. C’est
de cette espèce de voleurs que David vent parler quand il dit: : « Lorsque
vous voyiez un voleur, vous couriez avec lui. »
La cinquième compte
ceux qui, pouvant parfaitement empêcher le vol, le souffrent et le
permettent, bien loin de s’y opposer et de le rendre impossible.
La sixième, ceux qui,
sachant très bien qu’un vol a été commis, et où il a été commis, non
seulement n’en disent rien, mais même vont jusqu’à feindre de n’en
rien savoir.
La septième et
dernière, tous ceux qui se font les aides des voleurs, leurs
gardiens, leurs protecteurs, qui au besoin leur fournissent asile et
domicile. — tous ceux qui participent au vol de l’une ou l’autre de
ces manières, sont tenus de satisfaire à ceux qui ont été volés, et
il ne faut pas négliger de les exhorter fortement à
l’accomplissement de cet indispensable devoir.
Il est difficile
d’exempter entièrement du péché de vol ceux qui le louent et
l’approuvent. Et il faut dire la même chose des enfants de famille
et des femmes qui ne craignent pas de dérober de l’argent à leurs
parents et à leurs maris.
§ VI. — DES œuvrES DE MISÉRICORDE.
Le septième
Commandement nous impose encore une autre obligation. Il veut que
nous ayons compassion des pauvres et des malheureux, et que nous
sachions employer nos ressources et nos moyens pour les soulager
dans leurs besoins et leur détresse. Or, ce sujet étant un de ceux
qui demandent à être traités très fréquemment, d’une manière très
étendue, les Pasteurs puiseront leurs développements dans les
ouvrages de très saints Auteurs, comme Saint Cyprien, Saint Jean
Chrysostome, Saint Grégoire de Naziance et d’autres encore qui ont
écrit de si belles pages sur l’aumône. Ainsi ils n’auront aucune
peine à s’acquitter de leur devoir. Ils chercheront à enflammer les
Fidèles du désir et de l’ardeur de secourir ceux qui ne vivent que
de la charité d’autrui. Mais surtout ils voudront leur montrer
clairement combien il est pour eux nécessaire de faire l’aumône —
c’est-à-dire de venir généreusement en aide aux malheureux, et par
leur argent et par leurs soins — en leur rappelant cette vérité,
impossible à nier, que Dieu, au jour suprême du jugement, repoussera
honteusement et enverra au feu éternel de l’Enfer ceux qui auront
omis et négligé le devoir de l’aumône, tandis qu’au contraire il
comblera de louanges et introduira dans le ciel ceux qui auront fait
du bien aux indigents. C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même
qui a prononcé cette double sentence: « Venez, les bénis de mon
Père, possédez le Royaume qui vous a été préparé » et « Retirez-vous
de moi, maudits, allez au feu éternel ! »
En outre les Prêtres
auront soin de citer aux Fidèles d’autres textes de la Sainte
Ecriture, bien faits pour les convaincre. « Donnez, et l’on vous
donnera ! »
Ils insisteront sur
cette autre promesse de Dieu, la plus riche et la plus magnifique
qui se puisse imaginer: « Personne ne quittera pour Moi (ce qu’il
possède), qu’il n’en reçoive cent fois autant dans cette vie, et le
salut éternel dans l’autre. »
Il ne manquera pas
d’ajouter ces autres paroles du Sauveur: « Employez les richesses
d’iniquité à vous acquérir des amis, afin que lorsque vous viendrez
à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. »
Puis, en développant
les différentes parties de ce devoir sacré, ils s’appliqueront à
bien faire comprendre que ceux qui ne sont pas en situation de
donner aux pauvres, doivent au moins leur prêter de bonne grâce,
selon ce Commandement du Seigneur: « Prêtez, sans rien espérer
de votre prêt. » Et David a exprimé en ces termes le mérite
d’une telle conduite: « Heureux celui qui a compassion des
pauvres et qui leur prête ! »
§ VII. — IL FAUT SE METTRE EN ÉTAT DE FAIRE L’AUMÔNE.
Si l’on n’a pas les
moyens de venir en aide à ceux qui attendent leur vie de la
compassion des autres, la piété chrétienne veut qu’on se mette en
état de soulager leur détresse, en s’occupant pour eux, en
travaillant de ses mains, s’il le faut. Ce sera en même temps un
excellent moyen de fuir l’oisiveté. C’est à quoi l’Apôtre Saint Paul
exhorte tous les Fidèles par son propre exemple, quand il écrit aux
Thessaloniciens: « Vous savez bien que vous êtes obligés de nous
imiter. » Et dans une autre Epître il dit encore aux mêmes: « Appliquez-vous
à vivre en repos, faites ce qui est de votre devoir, et travaillez
de vos propres mains, ainsi que nous vous l’avons commandé. » Et
aux Ephésiens: « Que celui qui dérobait, ne dérobe plus
désormais, mais plutôt qu’il s’occupe en travaillant des mains à
quelque ouvrage utile, afin qu’il ait de quoi soulager celui qui est
dans le besoin. »
Enfin il faut vivre
avec frugalité, et faire en sorte d’épargner le bien d’autrui, afin
de n’être pas à charge, ni insupportable aux autres. Cette vertu,
qui est la tempérance, brille d’une manière admirable dans la
personne de tous les Apôtres, mais elle éclate surtout dans Saint
Paul, qui a le droit d’écrire en ces termes aux Thessaloniciens: « Vous
vous souvenez, mes Frères, des peines et des fatigues que nous avons
essuyées en travaillant jour et nuit, pour n’être à charge à aucun
de vous pendant que nous vous annoncions l’Evangile de Dieu »,
et qui répète dans un autre endroit: « Nous avons été accablé de
travail le jour et la nuit pour n’être à charge à personne. »
§ VIII. — CHATIMENTS DU VOL: RÉCOMPENSES DES ŒUVRES DE MISÉRICORDE.
Mais afin d’inspirer
aux Fidèles une horreur plus vive encore pour toute espèce de vols,
les Pasteurs auront soin de leur montrer dans les Prophètes et les
autres Auteurs sacrés, combien ces actions criminelles sont en
exécration devant Dieu, et quelles menaces effrayantes Il a voulu
faire à ceux qui les commettent: « Ecoutez ceci, s’écrie le
Prophète Amos, vous qui dévorez le pauvre et qui faites languir tous
les indigents ; vous qui dites: quand sera passée la néoménie, afin
que nous puissions vendre nos récoltes ? quand finira le Sabbat,
afin que nous puissions ouvrir nos greniers ? Vous qui diminuez
l’Epha, qui augmentez le poids du sicle et qui vous servez de
balances trompeuses. »
Les mêmes menaces se
trouvent dans Jérémie, dans les Proverbes et dans l’Ecclésiastique.
Et on ne peut douter que la plupart des maux dont souffre notre
siècle ne remontent à ces causes.
Au surplus, afin
d’accoutumer les Chrétiens à exercer envers les pauvres et les
malheureux tous les offices de libéralité et de bienfaisance qui se
rapportent à cette seconde partie du septième Commandement, les
Pasteurs ne manqueront pas de faire briller à leurs yeux les
splendides récompenses que Dieu réserve en cette vie et en l’autre à
ceux qui se seront montrés bons et charitables envers les pauvres.
§ IX. — EXCUSES DES
VOLEURS.
Il ne manque pas de
gens qui cherchent à excuser même leurs vols. Aussi bien, faut-il
leur déclarer positivement que leur péché sera sans excuse devant
Dieu. II y a plus loin de diminuer leur faute, ils l’aggravent
singulièrement en voulant la justifier. Il ne faut donc pas tolérer
le luxe et les plaisirs de certains nobles, qui pensent atténuer
leur crime en soutenant que s’ils s’emparent du bien d’autrui, ce
n’est ni par cupidité, ni par avarice, mais seulement pour conserver
la grandeur de leur famille et de leurs ancêtres, dont la
considération et la dignité périraient, s’ils ne pouvaient plus les
maintenir avec le bien des autres. Il faut détruire cette erreur
pernicieuse, en leur faisant voir qu’il n’y a qu’un moyen légitime
de conserver et d’augmenter leurs biens, la puissance et la gloire
de leurs ancêtres, c’est d’obéir à la volonté de Dieu et d’observer
ses Commandements. Que le mépris de ces Commandements peut causer la
ruine des familles les plus riches et les mieux établies, précipiter
les rois de leur trône, et du faîte des honneurs, et obliger Dieu,
en quelque sorte, à élever à leur place des hommes de basse
extraction. Et pour qui ils n’avaient que de la haine et du mépris.
C’est ainsi que ces orgueilleux enflamment contre eux la colère de
Dieu, et d’une manière terrible. Ecoutons plutôt ces paroles que le
Prophète Isaïe met dans la bouche de Dieu même: « Tes princes
sont infidèles ; ils sont d’intelligence avec les voleurs ; ils
aiment les présents ; ils recherchent les récompenses ; c’est
pourquoi voici ce que dit le Seigneur, le Dieu des armées, le Dieu
fort d’Israël malheur à eux ; le temps viendra où Je me réjouirai de
la perte de mes ennemis, et où Je me vengerai d’eux ; au lieu que Je
te prendrai sous ma protection, et Je te purifierai de toutes tes
souillures. »
D’autres, [pour essayer
de se justifier] ne parlent pas de la splendeur et de la gloire de
leur maison ; ils ne prennent le bien d’autrui, disent-ils, que pour
mener une vie plus facile et plus élégante. Il faut les réfuter
aussi et leur montrer combien leurs paroles et leurs actions sont
impies, puisqu’ils ne craignent pas de mettre les avantages et les douceurs de la
vie au-dessus de la volonté et de la gloire de Dieu, que nous
offensons étrangement en négligeant ses préceptes. D’ailleurs, quels
avantages peut-il y avoir dans le vol qui a des conséquences si
funestes ? « Le voleur, dit l’Ecclésiastique , sera
couvert de confusion et dévoré par les remords. » Mais en
supposant même qu’il n’y ait rien de semblable à craindre, est-ce
que le vol ne déshonore point le nom adorable de Dieu ? n’est-il pas
contraire à sa très sainte volonté ? ne méprise-t-il pas ses
préceptes les plus salutaires ? et par le fait, ne devient-il pas la
source de toutes les erreurs, de tous les crimes, de toutes les
impiétés ?
Faut-il ajouter que
l’on entend quelquefois des voleurs soutenir qu’ils ne sont
aucunement coupables, parce que s’ils prennent quelque chose, c’est
à des gens riches et dans l’abondance, tellement riches, qu’ils n’en
éprouvent aucun dommage, si même ils s’en aperçoivent. Cette excuse
n’en est pas une. Elle est aussi misérable que criminelle.
Un autre va jusqu’à
s’imaginer qu’il est parfaitement excusé, parce que, dit-il, il a
contracté une si grande habitude de prendre le bien d’autrui qu’il
ne peut plus s’en empêcher. Mais si ce malheureux n’écoute pas le
conseil de l’Apôtre qui lui dit: « Que celui qui dérobait, ne
dérobe plus, » il faudra bien qu’il s’habitue, qu’il le veuille
ou non, à endurer les éternels supplices.
Plusieurs, pour excuser
leurs larcins, se rejettent sur l’occasion. C’est en effet un
proverbe banal, à force d’être répété, que « l’occasion fait le
larron ». Mais il faut absolument les détromper, en leur
rappelant que nous sommes obligés de résister à nos penchants
déréglés. Car en vérité s’il fallait mettre sur-le-champ à exécution
tout ce que la passion inspire, où s’arrêterait-on dans le crime, le
désordre et l’infamie ? c’est donc une excuse tellement honteuse,
qu’elle est plutôt l’aveu d’une extrême faiblesse de volonté, et
d’une injustice criante.
D’autre part, prétendre
qu’on ne pèche point, parce qu’on ne se trouve pas dans l’occasion,
n’est-ce pas avouer, pour ainsi dire, que l’on pécherait sans cesse,
si l’occasion ne cessait de se présenter ?
Il en est aussi qui
soutiennent qu’ils sont en droit de voler pour se venger des torts
dont ils ont été victimes. Il faut leur répondre, premièrement qu’il
n’est permis à personne de se venger, ensuite que nul n’est juge
dans sa propre cause, et que par conséquent il est encore bien moins
permis de punir quelqu’un pour des injustices que d’autres auront
commises contre vous.
Enfin on en rencontre
qui croient que leur vol est assez justifié et non répréhensible,
parce qu’ils le commettent pour payer des dettes accablantes dont
ils ne pourraient se libérer autrement. A de tels hommes il faut
montrer que de toutes les dettes, la plus lourde, la plus accablante
pour le genre humain est celle dont nous parlons à Dieu chaque jour
dans l’Oraison dominicale: Remettez-nous nos dettes ; que
par suite, c’est une insigne folie d’augmenter sa dette envers Dieu,
c’est-à-dire ses péchés, pour s’acquitter envers les hommes ; qu’il
vaut infiniment mieux être jeté dans un cachot que d’être un jour
livré aux feux éternels de l’enfer ; qu’il est bien plus terrible
d’être condamné au tribunal de Dieu qu’au tribunal des hommes ; et
enfin qu’ils doivent recourir avec confiance à la bonté de ce même
Dieu, toujours prêt à les assister et à leur accorder tout ce qui
leur est nécessaire.
Il ne manque pas
d’autres prétextes dont on se sert pour essayer de justifier le vol.
Des Pasteurs zélés, habiles et appliqués, les réfuteront sans peine,
de manière à former et à posséder un peuple « fidèle à pratiquer
les bonnes œuvres » |