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[2. «LA DÉVOTION A LA TRÈS SAINTE
VIERGE EST NÉCESSAIRE»]
37. On doit conclure évidemment de ce que je viens de dire :
Premièrement, que Marie a reçu de Dieu une grande domination dans les âmes des
élus: car elle ne peut pas faire en eux sa résidence, comme Dieu le Père lui a
ordonné; les former, les nourrir et les enfanter à la vie éternelle comme leur
mère, les avoir pour son héritage et sa portion, les former en Jésus-Christ et
Jésus-Christ en eux; jeter dans leur coeur les racines de ses vertus, et être la
compagne indissoluble du Saint-Esprit pour tous ces ouvrages de grâces; elle ne
peut pas, dis-je, faire toutes ces choses, qu'elle n'ait droit et domination
dans leurs âmes par une grâce singulière du Très-Haut, qui, lui ayant donné
puissance sur son Fils unique et naturel, la lui a aussi donné sur ses enfants
adoptifs, non seulement quant au corps, ce qui serait peut de chose, mais aussi
quant à l'âme.
38. Marie est la Reine du ciel et de la terre par grâce,
comme Jésus en est le Roi par nature et par conquête. Or, comme le royaume de
Jésus-Christ consiste principalement dans le coeur ou l'intérieur de l'homme,
selon cette parole: Le royaume de Dieu est au-dedans de vous, de même le royaume
de la Très Sainte Vierge est principalement dans l'intérieur de l'homme,
c'est-à-dire dans son âme, et c'est principalement dans les âmes qu'elle est
plus glorifiée avec son Fils que dans toutes les créatures visibles, et nous
pouvons l'appeler avec les saints la Reine des Coeurs.
39. Secondement, il faut conclure que la Très Sainte Vierge
étant nécessaire à Dieu, d'une nécessité qu'on appelle hypothétique, en
conséquence de sa volonté, elle est bien plus nécessaire aux hommes pour arriver
à leur dernière fin. Il ne faut donc pas mêler la dévotion à la Très Sainte
Vierge avec les dévotions aux autres saints, comme si elle n'était pas plus
nécessaire, et que de surérogation.
40. Le docte et le pieux Suarez, de la Compagnie de Jésus, le
savant et le dévot Juste-Lipse, docteur de Louvain, et plusieurs autres, ont
prouvé invinciblement, en conséquence des sentiments des Pères, entre autres de
saint Augustin, de saint Ephrem, diacre d'Édesse, de saint Cyrille de Jérusalem,
de saint Germain de Constantinople, de saint Jean de Damas, de saint Anselme,
saint Bernard, saint Bernardin, saint Thomas et saint Bonaventure, que la
dévotion à la Très Sainte Vierge est nécessaire au salut, et que c'est une
marque infaillible de réprobation, au sentiment même d'Oecolampade et de
quelques autres, de n'avoir pas de l'estime et de l'amour pour la Sainte Vierge,
et qu'au contraire, c'est une marque infaillible de prédestination de lui être
entièrement et véritablement dévoué ou dévot.
41. Les figures et les paroles de l'Ancien et du Nouveau
Testament le prouvent, les sentiments et les exemples des saints le confirment,
la raison et l'expérience l'apprennent et le démontrent; le diable même, et ses
suppôts, pressés par la force de la vérité, ont été souvent obligés de l'avouer
malgré eux. De tous ces passages des saints Pères et des Docteurs, dont j'ai
fait un ample recueil pour prouver cette vérité, je n'en rapporte qu'un afin de
n'être pas trop long: Tibi devotum esse, est arma quaedam salutis quae Deus his
dat quos vult salvos fieri (S. Joan. Damas): Vous être dévot, ô Sainte Vierge,
dit saint Jean Damascène, est une arme de salut
que Dieu donne à ceux qu'il veut sauver.
42. Je pourrais ici rapporter plusieurs histoires qui
prouvent la même chose, entre autres: 1 celle qui est rapportée dans les
chroniques de saint François, lorsqu'il vit dans une extase une grande échelle
qui allait au ciel, au bout de laquelle était la Sainte Vierge et par laquelle
il lui fut montré qu'il fallait monter pour arriver au ciel; 2 celle qui est
rapportée dans les chroniques de saint Dominique, lorsque quinze mille démons
possédant l'âme d'un malheureux hérétique près de Carcassonne, où saint
Dominique prêchait le Rosaire, furent obligés, à leur confusion, par le
mandement que leur en fit la Sainte Vierge, d'avouer plusieurs grandes et
consolantes vérités touchant la dévotion à la Sainte Vierge, avec tant de force
et de clarté, qu'on ne peut pas lire cette histoire authentique et le
panégyrique que le diable fit malgré lui de la dévotion à la Très Sainte Vierge,
sans verser des larmes de joie, pour peu qu'on soit dévot à la Très Sainte
Vierge.
43. Si la dévotion à la Très Sainte Vierge est nécessaire à
tous les hommes pour faire simplement leur salut, elle l'est encore beaucoup
plus à ceux qui sont appelés à une perfection particulière; et je ne crois pas
qu'une personne puisse acquérir une union intime avec Notre-Seigneur et une
parfaite fidélité au Saint-Esprit, sans une très grande union avec la Très
Sainte Vierge et une grande dépendance de son secours.
44. C'est Marie seule qui a trouvé grâce devant Dieu, sans
aide d'aucune autre pure créature. Ce n'est que par elle que tous ceux qui ont
trouvé grâce devant Dieu depuis elle l'ont trouvée, et ce n'est que par elle que
tous ceux qui viendront ci-après la trouveront. Elle était pleine de grâce quand
elle fut saluée par l'archange Gabriel, elle fut surabondamment remplie de grâce
par le Saint-Esprit quand il la couvrit de son ombre ineffable; et elle a
[tellement] augmenté de jour en jour [et] de moment en moment cette plénitude
double, qu'elle est arrivée à un point de grâce immense et inconcevable; en
sorte que le Très-Haut l'a faite l'unique trésorière de ses trésors et l'unique
dispensatrice de ses grâces, pour anoblir, élever et enrichir qui elle veut,
pour faire passer, malgré tout, qui elle veut par la porte étroite de la vie, et
pour donner le trône, le sceptre et la couronne de roi à qui elle veut. Jésus
est partout et toujours le fruit et le Fils de Marie; et Marie est partout
l'arbre véritable qui porte le fruit de vie, et la vraie mère qui le produit.
45. C'est Marie seule à qui Dieu a donné les clefs des
celliers du divin amour, et le pouvoir d'entrer dans les voies les plus sublimes
et les plus secrètes de la perfection, et d'y faire entrer les autres. C'est
Marie seule qui donne l'entrée dans le paradis terrestre aux misérables enfants
d'Ève l'infidèle, pour s'y promener agréablement avec Dieu, pour s'y cacher
sûrement contre ses ennemis et pour s'y nourrir délicieusement, et sans plus
craindre la mort, du fruit des arbres de vie et de science du bien et du mal et
pour y boire à longs traits les eaux célestes de cette belle fontaine qui y
rejaillit avec abondance; ou plutôt comme elle est elle-même ce paradis
terrestre, ou cette terre vierge et bénie dont Adam et Ève les pécheurs ont été
chassés, elle ne donne entrée chez elle qu'à ceux et celles qu'il lui plait pour
les faire devenir saints.
46. Tous les riches du peuple, pour me servir de l'expression
du Saint-Esprit, selon l'explication de saint Bernard, tous les riches du peuple
supplieront votre visage de siècle en siècle, et particulièrement à la fin du
monde, c'est-à-dire que les plus grands saints, les âmes les plus riches en
grâce et en vertus, seront les plus assidus à prier la Très Sainte Vierge et à
l'avoir toujours présente comme leur parfait modèle pour l'imiter, et leur aide
puissante pour les secourir.
47. J'ai dit que cela arriverait particulièrement à la fin du
monde, et bientôt, parce que le Très-Haut avec sa sainte Mère doivent se former
de grands saints qui surpasseront autant en sainteté la plupart des autres
saints, que les cèdres du Liban surpassent les petits arbrisseaux, comme il a
été révélé à une sainte âme dont la vie a été écrite par Mr. de Renty.
48. Ces grandes âmes, pleines de grâce et de zèle, seront
choisies pour s'opposer aux ennemis de Dieu, qui frémiront de tous côtés, et
elles seront singulièrement dévotes à la Très Sainte Vierge, éclairées par sa
lumière, nourries de son lait, conduites par son esprit, soutenues par son bras
et gardées sous sa protection, en sorte qu'elles combattront d'une main et
édifieront de l'autre. D'une main, elles combattront, renverseront, écraseront
les hérétiques avec leurs hérésies, les schismatiques avec leur schismes, les
idolâtres avec leur idolâtrie, et les pécheurs avec leurs impiétés; et, de
l'autre main, elles édifieront le temple du vrai Salomon et la mystique cité de
Dieu, c'est-à-dire la Très Sainte Vierge, appelée par les Saints Pères le temple
de Salomon et la cité de Dieu. Ils porteront tout le monde, par leurs paroles et
leurs exemples, à sa véritable dévotion, ce qui leur attirera beaucoup
d'ennemis, mais aussi beaucoup de victoires et de gloire pour Dieu seul. C'est
ce que Dieu a révélé à saint Vincent Ferrier, grand apôtre de son siècle, comme
il l'a suffisamment marqué dans un de ses ouvrages.
C'est ce que le Saint-Esprit semble avoir prédit dans le Psaume 58, dont voici
les paroles: Et scient quia Dominus dominabitur Jacob et finium terrae;
convertentur ad vesperam, et famem patientur ut canes, et circuibunt civitatem :
Le Seigneur règnera dans Jacob et dans toute la terre; ils se convertiront sur
le soir, et il souffriront la faim comme des chiens, et ils iront autour de la
ville pour trouver de quoi manger. Cette ville que les hommes tournoieront à la
fin du monde pour se convertir, et pour rassasier la faim qu'ils auront de la
justice, est la Très Sainte Vierge qui est appelée par le Saint-Esprit ville et
cité de Dieu.
[B. NÉCESSITÉ DE LA DÉVOTION A MARIE
PARTICULIEREMENT DANS LES DERNIERS TEMPS]
49. C'est par Marie que le salut du monde a commencé, et
c'est par Marie qu'il doit être consommé. Marie n'a presque point paru dans le
premier avènement de Jésus-Christ, afin que les hommes, encore peu instruits et
éclairés sur la personne
de son Fils, ne s'éloignassent de la vérité, en s'attachant trop fortement et
trop grossièrement à elle, à cause des charmes admirables que le Très-Haut avait
mis même en son extérieur; ce qui est si vrai que saint Denis l'Aréopagite nous
a laissé par écrit que, quand il la vit, il l'aurait prise pour une divinité, à
cause de ses charmes secrets et de sa beauté incomparable, si la foi, dans
laquelle il était bien confirmé, ne lui avait appris le contrarie. Mais, dans le
second avènement de Jésus-Christ, Marie doit être connue et révélée par le
Saint-Esprit afin de faire par elle connaître, aimer et servir Jésus-Christ, les
raisons qui ont porté le Saint-Esprit à cacher son Épouse pendant sa vie, et à
ne la révéler que bien peu depuis la prédication de l'Évangile, ne subsistant
plus.
[1. «DIEU VEUT RÉVÉLER ET DÉCOUVRIR
MARIE DANS LES DERNIERS
TEMPS»]
50. Dieu veut donc révéler et découvrir Marie, le
chef-d'oeuvre de ses mains, dans ces derniers temps.
1 Parce qu'elle s'est cachée dans ce monde et s'est mise plus bas que la
poussière par sa profonde humilité, ayant obtenu de Dieu, de ses Apôtres et
Évangélistes qu'elle ne fût point manifestée.
2 Parce qu'étant le chef-d'oeuvre des mains de Dieu, aussi
bien ici-bas par la grâce que dans le ciel par la gloire, il veut en être
glorifié et loué sur la terre par les
vivants.
3 Comme elle est l'aurore qui précède et découvre le Soleil de justice, qui est
Jésus-Christ, elle doit être connue et aperçue, afin que Jésus-Christ le soit.
4 Étant la voie par laquelle Jésus-Christ est venu à nous la première fois, elle
le sera encore lorsqu'il viendra la seconde, quoique non pas de la même manière.
5 Étant le moyen sûr et la voie droite et immaculée pour aller à Jésus-Christ et
le trouver parfaitement, c'est par elle que les saintes âmes qui doivent éclater
en sainteté doivent la trouver. Celui qui trouvera Marie trouvera la vie. Mais
on ne peut trouver Marie qu'on ne la cherche; on ne peut la chercher qu'on ne la
connaisse: car on ne cherche ni ne désire un objet inconnu. Il faut donc que
Marie soit plus connue que jamais, à la plus grande connaissance et gloire de la
Très Sainte Trinité.
6 Marie doit éclater, plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce dans
ces derniers temps: en miséricorde, pour ramener et recevoir amoureusement les
pauvres pécheurs et dévoyés qui se convertiront et reviendront à l'Église
catholique; en force contre les ennemis de Dieu, les idolâtres, schismatiques,
mahométans, juifs et impies endurcis, qui se révolteront terriblement pour
séduire et faire tomber, par promesses et menaces, tous ceux qui leur seront
contraires et enfin elle doit éclater en grâce, pour animer et soutenir les
vaillants soldats et fidèles serviteurs de Jésus-Christ qui combattront pour ses
intérêts.
7 Enfin Marie doit être terrible au diable et à ses suppôts comme une armée
rangée en bataille, principalement dans ces derniers temps, parce que le diable,
sachant bien qu'il a peu de temps, et beaucoup moins que jamais, pour perdre les
âmes, il redouble tous les jours ses efforts et ses combats; il suscitera
bientôt de cruelles persécutions, et mettra de terribles embûches aux serviteurs
fidèles et aux vrais enfants de Marie, qu'il a plus de peine à surmonter que les
autres.
51. C'est principalement de ces dernières et cruelles
persécutions du diable qui augmenteront tous les jours jusqu'au règne de
l'Antéchrist, qu'on doit entendre cette
première et célèbre prédiction et malédiction de Dieu, portée dans le paradis
terrestre contre le serpent. Il est à propos de l'expliquer ici pour la gloire
de la Très Sainte Vierge, le salut de ses enfants et la confusion du diable.
Inimicitias ponam inter te et mulierem, et semen tuum et semen illius; ipsa
conteret caput tuum, et tu insidiaberis calcaneo ejus (Gn 3,15): Je mettrai des
inimitiés entre toi et la femme, et ta race et la sienne; elle-même t'écrasera
la tête, et tu mettras des embûches à son talon.
52. Jamais Dieu n'a fait et formé qu'une inimitié, mais
irréconciliable, qui durera et augmentera même jusques à la fin: c'est entre
Marie, sa digne Mère, et le diable, entre les enfants et serviteurs de la Sainte
Vierge, et les enfants et suppôts de Lucifer; en sorte que la plus terrible des
ennemies que Dieu ait faite contre le diable est Marie, sa sainte Mère.
Il lui a même donné, dès le paradis terrestre, quoiqu'elle ne fût encore que
dans son idée, tant de haine contre ce maudit ennemi de Dieu, tant d'industrie
pour découvrir la malice de cet ancien serpent, tant de force pour vaincre,
terrasser et écraser cet orgueilleux impie, qu'il l'appréhende plus, non
seulement que tous les anges et les hommes, mais, en un sens, que Dieu même. Ce
n'est pas que l'ire, la haine et la puissance de Dieu ne soient infiniment plus
grandes que celles de la Sainte Vierge, puisque les perfections de Marie sont
limitées; mais c'est premièrement parce que Satan, étant orgueilleux, souffre
infiniment plus d'être vaincu et puni par une petite et humble servante de Dieu,
et son humilité l'humilie plus que le pouvoir divin; secondement parce que Dieu
a donné à Marie un si grand pouvoir contre les diables, qu'ils craignent plus,
comme ils ont été souvent obligés d'avouer, malgré eux, par la bouche des
possédés, un seul de ses soupirs pour quelque âme, que les prières de tous les
saints, et une seule de ses menaces contre eux que tous leurs autres tourments.
53. Ce que Lucifer a perdu par orgueil, Marie l'a gagné par
humilité; ce qu'Ève a damné et perdu par désobéissance, Marie l'a sauvé par
obéissance. Ève, en obéissant au serpent, a perdu tous ses enfants avec elle, et
les lui a livrés; Marie, s'étant rendue parfaitement fidèle à Dieu, a sauvé tous
ses enfants et serviteurs avec elle, et les a consacrés à sa Majesté.
54. Non seulement Dieu a mis une inimitié, mais des
inimitiés, non seulement entre Marie et le démon, mais entre la race de la
Sainte Vierge et la race du démon; c'est-à-dire que Dieu a mis des inimitiés,
des antipathies et haines secrètes entres les vrais enfants et serviteurs de la
Sainte Vierge et les enfants et esclaves du diable; ils ne s'aiment point
mutuellement, ils n'ont point de correspondance intérieure les uns avec les
autres. Les enfants de Bélial, les esclaves de Satan, les amis du monde (car
c'est la même chose), ont toujours persécuté jusqu'ici et persécuteront plus que
jamais ceux et celles qui appartiennent à la Très Sainte Vierge, comme autrefois
Caïn persécuta son frère Abel, et Ésaü son frère Jacob, qui sont les figures des
réprouvés et des prédestinés. Mais l'humble Marie aura toujours la victoire sur
cet orgueilleux, et si grande qu'elle ira jusqu'à lui écraser la tête où réside
son orgueil; elle découvrira toujours ses mines infernales, elle dissipera ses
conseils diaboliques, et garantira jusqu'à la fin des temps ses fidèles
serviteurs de sa patte cruelle.
Mais le pouvoir de Marie sur tous les diables éclatera particulièrement dans les
derniers temps, où Satan mettra des embûches à son talon, c'est-à-dire à ses
humbles esclaves et à ses pauvres enfants qu'elle suscitera pour lui faire la
guerre. Ils seront petits et pauvres selon le monde, et abaissés devant tous
comme le talon, foulés et persécutés comme le talon l'est à l'égard des autres
membres du corps ; mais, en échange, ils seront riches en grâce de Dieu, que
Marie leur distribuera abondamment; grands et relevés en sainteté devant Dieu,
supérieurs à toute créature par leur zèle animé, et si fortement appuyés du
secours divin, qu'avec l'humilité de leur talon, en union de Marie, ils
écraseront la tête du diable et feront triompher Jésus-Christ.
[2. LA DÉVOTION A MARIE NÉCESSAIRE
PARTICULIÈREMENT DANS LES
DERNIERS TEMPS]
55. Enfin Dieu veut que sa sainte Mère soit à présent plus
connue, plus aimée, plus honorée que jamais elle n'a été: ce qui arrivera sans
doute, si les prédestinés entrent, avec la grâce et lumière du Saint-Esprit,
dans la pratique intérieure et parfaite qu je leur découvrirai dans la suite.
Pour lors, ils verront clairement, autant que la foi le permet, cette belle
étoile de la mer, et ils arriveront à bon port, malgré les tempêtes et les
pirates, en suivant sa conduite; ils connaîtront les grandeurs de cette
souveraine, et ils se consacreront entièrement à son service, comme ses sujets
et ses esclaves d'amour; ils éprouveront ses douceurs et ses bontés maternelles,
et ils l'aimeront tendrement comme ses enfants bien-aimés; ils connaîtront les
miséricordes dont elle est pleine et les besoins où ils sont de son secours, et
ils auront recours à elle en toutes choses comme à leur chère avocate et
médiatrice auprès de Jésus-Christ; ils sauront qu'elle est le moyen le plus
assuré, le plus aisé, le plus court et le plus parfait pour aller à
Jésus-Christ, et ils se
livreront à elle corps et âme, sans partage, pour être à Jésus-Christ de même.
56. Mais qui seront ces serviteurs, esclaves et enfants de
Marie?
Ce seront un feu brûlant, ministres du Seigneur qui mettront le feu de l'amour
divin partout. Ce seront sicut sagittae in manu potentis, des flèches aiguës
dans la main de la puissante Marie pour percer ses ennemis.
Ce seront des enfants de Lévi, bien purifiés par le feu de grandes tribulations
et bien collés à Dieu, qui porteront l'or de l'amour divin dans le coeur,
l'encens de l'oraison dans l'esprit et la myrrhe de la mortification dans le
corps, et qui seront partout la bonne odeur de Jésus-Christ aux pauvres et aux
petits, tandis qu'ils seront une odeur de mort aux grands, aux riches et
orgueilleux mondains.
57. Ce seront des nues tonnantes et volantes par les airs au
moindre souffle du Saint-Esprit, qui, sans s'attacher à rien, ni s'étonner de
rien, ni se mettre en peine de rien, répandront la pluie de la parole de Dieu et
de la vie éternelle; ils tonneront contre le péché, ils gronderont contre le
monde, ils frapperont le diable et ses suppôts, et ils perceront d'outre en
outre, pour la vie ou pour la mort, avec leur glaive à deux tranchants de la
parole de Dieu, tous ceux auxquels ils seront envoyés de la part du Très-Haut.
58. Ce seront des apôtres véritables des derniers temps, à
qui le Seigneur des vertus donnera la parole et la force pour opérer des
merveilles et remporter des dépouilles glorieuses sur ses ennemis; ils dormiront
sans or ni argent et, qui plus est, sans soin, au milieu des autres prêtres, et
ecclésiastiques et clercs, inter medios cleros; et cependant auront les ailes
argentées de la colombe, pour aller avec la pure intention de la gloire de Dieu
et du salut des âmes, où le Saint-Esprit les appellera, et ils ne laisseront
après eux, dans les lieux où ils auront prêché, que l'or de la charité qui est
l'accomplissement de toute la loi.
59. Enfin, nous savons que ce seront de vrais disciples de
Jésus-Christ, qui marchant sur les traces de sa pauvreté, humilité, mépris du
monde et charité, enseignant la voie étroite de Dieu dans la pure vérité, selon
le saint Évangile, et non selon les maximes du monde, sans se mettre en peine ni
faire acception de personne, sans épargner, écouter ni craindre aucun mortel,
quelque puissant qu'ils soit. Ils auront dans leur bouche le glaive à deux
tranchants de la parole de Dieu; ils porteront sur leurs épaules l'étendard
ensanglanté de la Croix, le crucifix dans la main droite, le chapelet dans la
gauche, les sacrés noms de Jésus et de Marie sur leur coeur, et la modestie et
mortification de Jésus-Christ dans toute leur conduite.
Voilà de grands hommes qui viendront, mais que Marie fera par ordre du
Très-Haut, pour étendre son empire sur celui des impies, idolâtres et
mahométans. Mais quand et comment cela sera-t-il?... Dieu seul le sait: c'est à
nous de nous taire, de prier, soupirer et attendre: Expectans expectavi.
II. «EN QUOI CONSISTE LA DÉVOTION A MARIE»
[A. VÉRITÉS FONDAMENTALES DE LA
DÉVOTION A LA SAINTE VIERGE]
60. Ayant jusqu'ici dit quelque chose de la nécessité que
nous avons de la dévotion à la Très Sainte Vierge, il faut dire en quoi consiste
cette dévotion; ce que je ferai, Dieu aidant, après que j'aurai présupposé
quelques vérités fondamentales, qui donneront jour à cette grande et solide
dévotion que je veux découvrir.
[«Jésus-Christ est la fin dernière de toutes nos
dévotions»]
61. Première vérité. - Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu et vrai homme,
doit être la fin dernière de toutes nos autres dévotions: autrement elles
seraient fausses et trompeuses.
Jésus-Christ est l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin de toutes choses.
Nous ne travaillons, comme dit l'Apôtre, que pour rendre tout homme parfait en
Jésus-Christ, parce que c'est en lui seul qu'habite[nt] toute la plénitude de la
Divinité et toutes les autres plénitudes de grâces, de vertus et de perfections;
parce que c'est en lui seul que nous avons été bénis de toute bénédiction
spirituelle; parce qu'il est notre unique maître qui doit nous enseigner, notre
unique Seigneur de qui nous devons dépendre, notre unique chef auquel nous
devons être unis, notre unique modèle auquel nous devons nous conformer, notre
unique pasteur qui doit nous nourrir, notre unique voie qui doit nous conduire,
notre unique vérité que nous devons croire, notre unique vie qui doit nous
vivifier, et notre unique tout en toutes choses qui doit nous suffire. Il n'a
point été donné d'autre nom sous le ciel, que le nom de Jésus, par lequel nous
devions être sauvés. Dieu ne nous a point mis d'autre fondement de notre salut,
de notre perfection et de notre gloire, que Jésus-Christ: tout édifice qui n'est
pas posé sur cette pierre ferme est fondé sur le sable mouvant et tombera
infailliblement tôt ou tard. Tout fidèle qui n'est pas uni à lui comme une
branche au cep de la vigne, tombera, séchera et ne sera propre qu'à être jeté au
feu. Si nous sommes en Jésus-Christ et Jésus-Christ en nous, nous n'avons point
de damnation à craindre: ni les anges des cieux, ni les hommes de la terre, ni
les démons des enfers, ni aucune autre créature ne nous peut nuire, parce
qu'elle ne nous peut séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus-Christ. Par
Jésus-Christ, avec Jésus-Christ, en Jésus-Christ, nous pouvons toutes choses:
rendre tout honneur et toute gloire au Père, en l'unité du Saint-Esprit; nous
rendre parfaits et être à notre prochain une bonne odeur de vie éternelle.
62. Si donc nous établissons la solide dévotion de la Très
Sainte Vierge, ce n'est que pour établir plus parfaitement celle de
Jésus-Christ, ce n'est que pour donner un moyen aisé et assuré pour trouver
Jésus-Christ. Si la dévotion à la Sainte Vierge éloignait de Jésus-Christ, il
faudrait la rejeter comme une illusion du diable; mais tant s'en faut qu'au
contraire, comme j'ai déjà fait voir et ferai voir encore ci-après: cette
dévotion ne nous est nécessaire que pour trouver Jésus-Christ parfaitement et
l'aimer tendrement et le servir fidèlement.
63. Je me tourne ici un moment vers vous, ô mon aimable
Jésus, pour me plaindre amoureusement à votre divine Majesté de ce que la
plupart des chrétiens, même des plus savants, ne savent pas la liaison
nécessaire, qui est entre vous et votre sainte Mère. Vous êtes, Seigneur,
toujours avec Marie, et Marie est toujours avec vous et ne peut être sans vous:
autrement elle cesserait d'être de qu'elle est; elle est tellement transformée
en vous par la grâce qu'elle ne vit plus, qu'elle n'est plus; c'est vous seul,
mon Jésus, qui vivez et régnez en elle, plus parfaitement qu'en tous les anges
et les bienheureux. Ah! si on connaissait la gloire et l'amour que vous recevez
en cette admirable créature, on aurait de vous et d'elle bien d'autres
sentiments qu'on n'a pas. Elle [vous] est si intimement liée, qu'on séparerait
plutôt la lumière du soleil, la chaleur du feu; je dis plus, on séparerait
plutôt tous les anges et les saints de vous, que la divine Marie: parce qu'elle
vous aime plus ardemment et vous glorifie plus parfaitement que toutes vos
autres créatures ensemble.
64. Après cela, mon aimable Maître, n'est-ce pas une chose
étonnante et pitoyable de voir l'ignorance et les ténèbres de tous les hommes
d'ici-bas à l'égard de votre sainte Mère? Je ne parle pas tant des idolâtres et
païens, qui, ne vous connaissant pas, n'ont garde de la connaître; je ne parle
même pas des hérétiques et des schismatiques, qui n'ont garde d'être dévots à
votre sainte Mère, s'étant séparés de vous et votre sainte Église; mais je parle
des chrétiens catholiques, et même des docteurs parmi les catholiques, qui
faisant profession d'enseigner aux autres les vérités, ne vous connaissent pas,
ni votre sainte Mère, si ce n'est d'une manière spéculative, sèche, stérile et
indifférente. Ces messieurs ne parlent que rarement de votre sainte Mère et de
la dévotion qu'on lui doit avoir parce qu'ils craignent, disent-ils, qu'on en
abuse, qu'on ne vous fasse injure en honorant trop votre sainte Mère. S'ils
voient ou entendent quelque dévot à la Sainte Vierge parler souvent de la
dévotion à cette bonne Mère, d'une manière tendre, forte et persuasive, comme
d'un moyen assuré sans illusion, d'un chemin court sans danger, d'une voie
immaculée sans imperfections, et d'un secret merveilleux pour vous trouver et
vous aimer parfaitement, ils se récrient contre lui, et lui donnent mille
fausses raisons pour lui prouver qu'il ne faut pas tant parler de la Sainte
Vierge, qu'il y a beaucoup d'abus en cette dévotion, et qu'il faut s'appliquer à
les détruire, et à parler de vous plutôt qu'à porter les peuples à la dévotion à
la Sainte Vierge qu'ils aiment déjà assez.
On les entend parfois parler de la dévotion à votre sainte Mère, non pas pour
l'établir et la persuader, mais pour en détruire les abus qu'on en fait, tandis
que ces messieurs sont sans piété et sans dévotion tendre pour vous, parce
qu'ils n'en ont pas pour Marie, regardant le Rosaire, le Scapulaire, le
Chapelet, comme des dévotions de femmelettes, propres aux ignorants, sans
lesquels on peut se sauver; et s'il tombe en leurs mains quelque dévot à la
Sainte Vierge, qui récite son chapelet ou ait quelque autre pratique de dévotion
envers elle, ils lui changeront bientôt l'esprit et le coeur: au lieu du
chapelet, ils lui conseilleront de dire les sept psaumes; au lieu de la dévotion
à la Sainte Vierge, ils lui conseilleront la dévotion à Jésus-Christ.
O mon aimable Jésus, ces gens ont-il votre esprit? Vous font-ils plaisir d'en
agir de même? Est-ce vous plaire que de ne pas faire tous ses efforts pour
plaire à votre Mère, de peur de vous déplaire? La dévotion à votre sainte Mère
empêche-t-elle la vôtre? Est-ce qu'elle s'attribue l'honneur qu'on lui rend?
Est-ce qu'elle fait bande à part? Est-elle une étrangère qui n'a aucune liaison
avec vous? Est-ce se séparer ou s'éloigner de votre amour que de se donner à
elle et de l'aimer?
65. Cependant, mon aimable Maître, la plupart des savants,
pour punition de leur orgueil, n'éloigneraient pas plus de la dévotion à votre
sainte Mère, et n'en donneraient pas plus d'indifférence, que si tout ce que je
viens de dire était vrai. Gardez-moi, Seigneur, gardez-moi de leurs sentiments
et leurs pratiques et me donnez quelque part aux sentiments de reconnaissance,
d'estime, de respect et d'amour que vous avez à l'égard de votre sainte Mère,
afin que je vous aime et glorifie d'autant plus que je vous imiterai et suivrai
de plus près.
66. Comme si jusqu'ici je n'avais encore rien dit en
l'honneur de votre sainte Mère, faites-moi la grâce de la louer dignement: Fac
me digne tuam Matrem collaudare, malgré tous mes ennemis, qui sont les vôtres,
et que je leur dise hautement avec les saints: Non praesumat aliquis Deum se
habere propitium qui benedictam Matrem offensam habuerit: Que celui-là ne
présume pas recevoir la miséricorde de Dieu, qui offense sa sainte Mère.
67. Pour obtenir de votre miséricorde une véritable dévotion
à votre sainte Mère, et pour l'inspirer à toute la terre, faites que je vous
aime ardemment, et recevez pour cela la prière embrasée que je vous fais avec
saint Augustin et vos véritables amis (tom. 9, operum meditat.):
"Tu es Christus, pater meus sanctus, Deux meus pius, rex meus magnus, pastor
meus bonus, magister meus unus, adjutor meus optimus, dilectus meus pulcherrimus,
panis meus vivus, sacerdos meus in aeternum, dux meus ad patriam, lux mea vera,
dulcedo mea sancta, via mea recta, sapientia mea praeclara, simplicitas mea pura,
concordia mea pacifica, custodia mea tota, portio mea bona, salus mea sempiterna...
"Christe Jesu, amabilis Domine, cur amavi, quare concupivi in omni vita mea
quidquam praeter te Jesum Deum meum? Ubi eram quando tecum mente non eram? Jam
ex hoc nunc, omnia desideria mea, incalescite et effluite in Dominum Jesum;
currite, satis hactenus tardastis; properate quo pergitis; quaerite quem
quaeritis. Jesu, qui non amat te anathema sit; qui te non amat amaritudine
repleatur... O dulcis Jesu, te amet, in te delectetur, te admiretur omnis sensus
bonus tuae conveniens laudi. Deux cordis mei et pars mea, Christe Jesu, deficiat
cor meum spiritu suo, et vivas tu in me, et concalescat in spiritu meo vivus
carbo amoris tui, et excrescat in ignem perfectum; ardeat jugiter in ara cordis
mei, ferveat in medullis meis, flagret in absconditis animae meae; in die
consummationis meae consummatus inveniar apud te. Amen."
J'ai voulu mettre en latin cette admirable oraison de saint Augustin, afin que
les personnes qui entendent le latin la disent tous les jours pour demander
l'amour de Jésus que nous cherchons par la divine Marie.
[Nous sommes à Jésus-Christ et à Marie en qualité d'esclaves]
68. Seconde vérité. - Il faut conclure de ce que Jésus-Christ
est à notre égard, que nous ne sommes point à nous, comme dit l'Apôtre, mais
tout entiers à lui, comme ses membres et ses esclaves qu'il a achetés infiniment
cher, par le prix de tout son sang. Avant le baptême, nous étions au diable
comme ses esclaves, et le baptême nous a rendus les véritables esclaves de
Jésus-Christ, qui ne doivent vivre, travailler et mourir que pour fructifier
pour ce Dieu Homme, le glorifier en notre corps et le faire régner en notre âme,
parce que nous sommes sa conquête, son peuple acquis et son héritage. C'est pour
la même raison que le Saint-Esprit nous compare: 1 à des arbres plantés le long
des eaux de la grâce, dans le champ de
l'Église, qui doivent donner leurs fruits en leur temps; 2 aux branches d'une
vigne dont Jésus-Christ est le cep, qui doivent rapporter de bons raisins; 3 à
un troupeau dont Jésus-Christ est le pasteur, qui se doit multiplier et donner
du lait; 4 à une bonne terre dont Dieu est le laboureur, et dans laquelle la
semence se multiplie et rapporte au trentuple, soixantuple ou centuple.
Jésus-Christ a donné sa malédiction au figuier infructueux, et porté
condamnation contre le serviteur inutile qui n'avait pas fait valoir son talent.
Tout cela nous prouve que Jésus-Christ veut recevoir quelques fruits de nos
chétives personnes, savoir: nos bonnes oeuvres, parce que ces bonnes oeuvres lui
appartiennent uniquement: Creati in operibus bonis in Christo Jesu: Créés dans
les bonnes oeuvres en Jésus-Christ. Lesquelles paroles du Saint-Esprit montrent
et que Jésus-Christ est l'unique principe et doit être l'unique fin de toutes
nos bonnes oeuvres, et que nous le devons servir non seulement comme des
serviteurs à gages, mais comme des esclaves d'amour. Je m'explique.
69. Il y a deux manières ici-bas d'appartenir à un autre et
de dépendre de son autorité, savoir: la simple servitude et l'esclavage; ce qui
fait que nous appelons un serviteur et un esclave.
Par la servitude commune parmi les chrétiens, un homme s'engage à en servir un
autre pendant un certain temps, moyennant un certain gage ou une telle
récompense.
Par l'esclavage, un homme est entièrement dépendant d'un autre pour toute sa
vie, et doit servir son maître, sans en prétendre aucun gage ni récompense comme
une de ses bêtes sur laquelle il a droit de vie et de mort.
70. Il y a trois sortes d'esclavages: un esclavage de nature,
un esclavage de contrainte et un esclavage de volonté.
Toutes les créatures sont esclaves de Dieu en la première manière: Domini est
terra et plenitudo ejus; les démons et les damnés en la seconde; les justes et
les saints le sont en la troisième. L'esclavage de volonté est le plus parfait
et le plus glorieux à Dieu, qui regarde le coeur, et qui demande le coeur, et
qui s'appelle le Dieu du coeur, ou de la volonté amoureuse, parce que, par cet
esclavage, on fait choix, par-dessus toutes choses, de Dieu et de son service,
quand même la nature n'y obligerait pas.
71. Il y a une totale différence entre un serviteur et un
esclave:
1 Un serviteur ne donne pas tout ce qu'il est et tout ce qu'il possède et tout
ce qu'il peut acquérir par autrui ou par soi-même, à son maître; mais l'esclave
se donne tout entier, tout ce qu'il possède et tout ce qu'il peut acquérir, à
son maître, sans aucune exception.
2 Le serviteur exige des gages pour les services qu'il rend à son maître, mais
l'esclave n'en peut rien exiger, quelque assiduité, quelque industrie, quelque
force qu'il ait à travailler.
3 Le serviteur peut quitter son maître quand il voudra, ou du moins quand le
temps de son service sera expiré; mais l'esclave n'est pas en droit de quitter
son maître quand il voudra.
4 Le maître du serviteur n'a sur lui aucun droit de vie et de mort, en sorte que
s'il le tuait, comme une de ses bêtes de charge, il commettrait un homicide
injuste; mais le maître de l'esclave a, par les lois, droit de vie et de mort
sur lui, en sorte qu'il peut le vendre à qui il voudra, ou le tuer, comme, sans
comparaison, il ferait [de] son cheval.
5 Enfin, le serviteur n'est que pour un temps au service d'un maître, et
l'esclave pour toujours.
72. Il n'y a rien parmi les hommes qui nous fasse plus
appartenir à un autre que l'esclavage; il n'y a rien aussi parmi les chrétiens
qui nous fasse plus absolument appartenir à Jésus-Christ et à sa sainte Mère que
l'esclavage de volonté, selon l'exemple de Jésus-Christ même, qui a pris la
forme d'esclave pour notre amour: Formam servi accipiens, et de la Sainte
Vierge, qui s'est dite la servante et l'esclave du Seigneur. L'Apôtre s'appelle
par honneur servus Christi. Les chrétiens sont appelés plusieurs fois dans
l'Écriture sainte servi Christi; lequel mot de servus, selon la remarque
véritable qu'a faite un grand homme, ne signifiait autrefois qu'un esclave,
parce qu'il n'y avait point encore de serviteurs comme ceux d'aujourd'hui, les
maîtres n'étant servi que par des esclaves ou affranchis: ce que le Catéchisme
du saint Concile de Trente, pour ne laisser aucun doute que nous soyons esclaves
de Jésus-Christ, exprime par un terme qui n'est point équivoque, en nous
appelant mancipia Christi : esclave de Jésus-Christ. Cela posé:
73. Je dis que nous devons être à Jésus-Christ et le servir,
non seulement comme des serviteurs mercenaires, mais comme des esclaves
amoureux, qui par un effet d'un grand amour, se donnent et se livrent à le
servir en qualité d'esclaves, pour l'honneur seul de lui appartenir. Avant le
baptême, nous étions esclaves du diable; le baptême nous a rendus esclaves de
Jésus-Christ: ou il faut que les chrétiens soient esclaves du diable, ou
esclaves de Jésus-Christ.
74. Ce que je dis absolument de Jésus-Christ, je le dis
relativement de la Sainte Vierge, que Jésus-Christ, ayant choisie pour compagne
indissoluble de sa vie, de sa mort, de sa gloire et de sa puissance au ciel et
sur la terre, lui a donné par grâce, relativement à sa Majesté, tous les mêmes
droits et privilèges qu'il possède par nature: Quidquid Deo convenit per naturam,
Mariae convenit per gratiam: Tout ce qui convient à Dieu par nature, convient à
Marie par grâce, disent les saints; en sorte que, selon eux, n'ayant tous deux
que la même volonté et la même puissance, ils ont tous deux les mêmes sujets,
serviteurs et esclaves.
75. On peut donc, suivant le sentiment des saints et de
plusieurs grands hommes, se dire et se faire l'esclave amoureux de la Très
Sainte Vierge, afin d'être par là plus parfaitement esclave de Jésus-Christ. La
Sainte Vierge est le moyen dont Notre-Seigneur s'est servi pour venir à nous;
c'est aussi le moyen dont nous devons nous servir pour aller à lui, car elle
n'est pas comme les autres créatures, auxquelles si nous nous attachions, elles
pourraient plutôt nous éloigner de Dieu que de nous en approcher; mais la plus
forte inclination de Marie est de nous unir à Jésus-Christ, son Fils, et la plus
forte inclination du Fils est qu'on vienne à lui par sa sainte Mère; et c'est
lui faire honneur et plaisir, comme ce serait faire honneur et plaisir à un roi
si, pour devenir plus parfaitement son sujet et son esclave, on se faisait
esclave de la reine. C'est pourquoi les saints Pères et saint Bonaventure après
eux, disent que la Sainte Vierge est le chemin pour aller à Notre-Seigneur: Via
veniendi ad Christum est appropinquare ad illam (In psalt. min.).
76. De plus, si, comme j'ai dit, la Sainte Vierge est la
Reine et souveraine du ciel et de la terre: Ecce imperio Dei omnia subjiciuntur
et Virgo; ecce imperio Virginis omnia subjiciuntur et Deus, disent saint
Anselme, saint Bernard, saint Bernardin, saint Bonaventure, n'a-t-elle pas
autant de sujets et d'esclaves qu'il y a de créatures? N'est-il pas raisonnable
que parmi tant d'esclaves de contrainte, il y en ait d'amour qui, par une bonne
volonté, choisissent, en qualité d'esclaves, Marie pour leur souveraine? Quoi!
les hommes et les démons auront leurs esclaves volontaires, et Marie n'en aurait
point? Quoi! un roi tiendra à honneur que la reine, sa compagne, ait des
esclaves sur qui elle ait droit de vie et de mort, parce que l'honneur et la
puissance de l'un est l'honneur et la puissance et l'autre; et on [pourrait]
croire [que] Notre-Seigneur qui, comme le meilleur de tous les fils, a fait part
de toute sa puissance à sa sainte Mère, trouve mauvais qu'elle ait des esclaves?
A-t-il moins de respect et d'amour pour sa Mère qu'Assuérus pour Esther et que
Salomon pour Bethsabée? Qui oserait le dire et même le penser?
77. Mais où est-ce que ma plume me conduit? Pourquoi est-ce
que je m'arrête ici à prouver une chose si visible. Si on ne veut pas qu'on se
dise esclave de la Sainte Vierge, qu'importe! Qu'on se fasse et qu'on se dise
esclave de Jésus-Christ! C'est l'être de la Sainte Vierge, puisque Jésus-Christ
est le fruit et la gloire de Marie. C'est ce qu'on fait parfaitement par la
dévotion dont nous parlerons dans la suite.
[«Nous devons nous vider de ce qu'il y a de mauvais en nous»]
78. Troisième vérité. — Nos meilleures actions sont
ordinairement souillées et corrompues par le mauvais fond qui est en nous. Quand
on met de l'eau nette et claire dans un vaisseau qui sent mauvais, ou du vin
dans une pipe dont le dedans est gâté par un autre vin qu'il y a eu dedans,
l'eau claire et le bon vin en est gâté et prend aisément la mauvaise odeur. De
même, quand Dieu met dans le vaisseau de notre âme, gâté par le péché originel
et actuel, ses grâces et rosées célestes ou le vin délicieux de son amour, ses
dons sont ordinairement gâtés et souillés par le mauvais levain et le mauvais
fond que le péché a laissé en nous; nos actions, même des vertus les plus
sublimes, s'en sentent. Il est donc d'une très grande importance, pour acquérir
la perfection, qui ne s'acquiert que par l'union à Jésus-Christ, de nous vider
de ce qu'il y a de mauvais en nous: autrement, Notre-Seigneur, qui est
infiniment pur et qui hait infiniment la moindre souillure dans l'âme, nous
rejettera de devant ses yeux et ne s'unira point à nous.
79. Pour nous vider de nous-mêmes, il faut, premièrement,
bien connaître, par la lumière du Saint-Esprit, notre mauvais fond, notre
incapacité à tout bien utile au salut, notre faiblesse en toutes choses, notre
inconstance en tout temps, notre indignité de toute grâce, et notre iniquité en
tout lieu. Le péché de notre premier père nous a tous presque entièrement gâtés,
aigris, élevés et corrompus, comme le levain aigrit, élève et corrompt la pâte
où il est mis. Les péchés actuels que nous avons commis, soit mortels, soit
véniels, quelque pardonnés qu'ils soient, ont augmenté notre concupiscence,
notre faiblesse, notre inconstance et notre corruption, et ont laissé de mauvais
restes dans notre âme.
Nos corps sont si corrompus, qu'ils sont appelés par le Saint-Esprit corps du
péché, conçus dans le péché, nourris dans le péché et capable de tout, corps
sujets à mille et mille maladies, qui se corrompent de jour en jour, et qui
n'engendrent que de la gale, de la vermine et de la corruption.
Notre âme, unie à notre corps, est devenue si charnelle,
qu'elle est appelée chair: Toute chair avait corrompu sa voie. Nous n'avons pour
partage que l'orgueil et l'aveuglement dans l'esprit, l'endurcissement dans le
coeur, la faiblesse et l'inconstance dans l'âme, la concupiscence, les passions
révoltées et les maladies dans le corps. Nous sommes naturellement plus
orgueilleux que des paons, plus attachés à la terre que des crapauds, plus
vilains que des boucs, plus envieux que des serpents, plus gourmands que des
cochons, plus colères que des tigres et plus paresseux que des tortues, plus
faibles que des roseaux, et plus inconstants que des girouettes. Nous n'avons
dans notre fond que le néant et le péché, et nous ne méritons que l'ire de Dieu
et l'enfer éternel.
80. Après cela, faut-il s'étonner si Notre-Seigneur a dit que
celui qui voulait le suivre devait renoncer à soi-même et haïr son âme; que
celui qui aimerait sa vie la perdrait et que celui qui la haïrait la sauverait?
Cette Sagesse infinie, qui ne donne pas des commandements sans raison, ne nous
ordonne de nous haïr nous-mêmes que parce que nous sommes grandement dignes de
haine: rien de si digne d'amour que Dieu, rien de si digne de haine que
nous-mêmes.
81. Secondement, pour nous vider de nous-mêmes, il faut tous
les jours mourir à nous-mêmes: c'est-à-dire qu'il faut renoncer aux opérations
des puissances de notre âme et des sens du corps, qu'il faut voir comme si on ne
voyait point, entendre comme si on n'entendait point, se servir des choses de ce
monde comme si on ne s'en servait point, ce que saint Paul appelle mourir tous
les jours: Quotidie miroir! Si le grain de froment tombant en terre ne meurt, il
demeure terre et ne produit point de fruit qui soit bon: Nisi granum frumenti
cadens in terram mortuum fuerit, ipsum solum manet.
Si nous ne mourons à nous-mêmes, et si nos dévotions les plus saintes ne nous
portent à cette mort nécessaire et féconde, nous ne porterons point de fruit qui
vaille, et nos dévotions nous deviendront inutiles, toutes nos justices seront
souillées par notre amour-propre et notre propre volonté, ce qui fera que Dieu
aura en abomination les plus grands sacrifices et les meilleures actions que
nous puissions faire; et qu'à notre mort nous nous trouverons les mains vides de
vertus et de mérites, et que nous n'aurons pas une étincelle du pur amour, qui
n'est communiqué qu'aux âmes dont la vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu.
82. Troisièmement, il faut choisir parmi toutes les dévotions
à la Très Sainte Vierge celle qui nous porte le plus à cette mort à nous-mêmes,
comme étant la meilleure et la plus sanctifiante; car il ne faut pas croire que
tout ce qui reluit soit or, que tout ce qui est doux soit miel, et que tout ce
qui est aisé à faire et pratiqué du plus grand nombre soit le plus sanctifiant.
Comme il y a des secrets de nature pour faire en peu de temps, à peu de frais et
avec facilité certaines opérations naturelles, de même il y a des secrets dans
l'ordre de la grâce pour faire en peu de temps, avec douceur et facilité, des
opérations surnaturelles: se vider de soi-même, se remplir de Dieu, et devenir
parfait.
La pratique que je veux vous découvrir est un de ces secrets de grâce, inconnu
du grand nombre des chrétiens, connu de peu de dévots, et pratiqué et goûté d'un
bien plus petit nombre. Pour commencer à découvrir cette pratique, voici une
quatrième vérité qui est une suite de la troisième.
[«Nous avons besoin d'un médiateur auprès du Médiateur même»]
83. Quatrième vérité. - Il est plus parfait, parce qu'il est
plus humble, de n'approcher pas de Dieu par nous-mêmes, sans prendre un
médiateur. Notre fond, comme je viens de montrer, étant si corrompu, si nous
nous appuyons sur nos propres travaux, industries, préparations, pour arriver à
Dieu et lui plaire, il est certain que toutes nos justices seront souillées, ou
de peu de poids devant Dieu, pour l'engager à s'unir à nous et à nous exaucer.
Car ce n'est pas sans raison que Dieu nous a donné des médiateurs auprès de sa
Majesté: il a vu notre indignité et incapacité, il a eu pitié de nous, et, pour
nous donner accès à ses miséricordes, il nous a pourvu
des intercesseurs puissants auprès de sa grandeur; en sorte que négliger ces
médiateurs, et s'approcher directement de sa sainteté, c'est manquer de respect
envers un Dieu si haut et si saint; c'est moins faire de cas de ce Roi des rois
qu'on ne ferait d'un roi ou d'un prince de la terre, duquel on ne voudrait pas
approcher sans quelque ami qui parlât pour soi.
84. Notre-Seigneur est notre avocat et notre médiateur de
rédemption auprès de Dieu le Père; c'est par lui que nous devons prier avec
toute l'Église triomphante et militante; c'est par lui que nous avons accès
auprès de sa Majesté, et nous ne devons jamais paraître devant lui qu'appuyés et
revêtus de ses mérites, comme le petit Jacob des peaux de chevreaux devant son
père Isaac, pour recevoir sa bénédiction.
85. Mais n'avons-nous point besoin d'un médiateur auprès du
Médiateur même? Notre pureté est-elle assez grande pour nous unir directement à
lui, et par nous-mêmes! N'est-il pas Dieu, en toutes choses égal à son Père, et
par conséquent le Saint des saints, aussi digne de respect que son Père? Si, par
sa charité infinie, il s'est fait notre caution et notre médiateur auprès de
Dieu son Père, pour l'apaiser et lui payer ce que nous lui devions, faut-il pour
cela que nous ayons moins de respect et de crainte pour sa majesté et sa
sainteté? Disons donc hardiment, avec saint Bernard, que nous avons besoin d'un
médiateur auprès du Médiateur même, et que la divine Marie est celle qui est la
plus capable de remplir cet office charitable; c'est par elle que Jésus-Christ
nous est venu, et c'est par elle que nous devons aller à lui. Si nous craignons
d'aller directement à Jésus-Christ, ou à cause de sa grandeur infinie, ou à
cause de notre bassesse, ou à cause de nos péchés, implorons hardiment l'aide et
l'intercession de Marie notre Mère: elle est bonne, elle est tendre; il n'y a en
elle rien d'austère ni rebutant, rien de trop sublime et de trop brillant; en la
voyant, nous voyons notre pure nature.
Elle n'est pas le soleil, qui, par la vivacité de ses rayons,
pourrait nous éblouir à cause de notre faiblesse; mais elle est belle et douce
comme la lune, qui reçoit la lumière du soleil et la tempère pour la rendre
conforme à notre petite portée. Elle est si charitable qu'elle ne rebute
personne de ceux qui demandent son intercession, quelque pécheurs qu'ils soient;
car, comme disent les saints, il n'a jamais été ouï dire, depuis que le monde
est monde, qu'aucun ait eu recours à la Sainte Vierge avec confiance et
persévérance, et en ait été rebuté. Elle est si puissante que jamais elle n'a
été refusée dans ses demandes; elle n'a qu'à se montrer devant son Fils pour le
prier: aussitôt il accorde, aussitôt il reçoit; il est toujours amoureusement
vaincu par les mamelles et les entrailles et les prières de sa très chère Mère.
86. Tout ceci est tiré de saint Bernard et de saint
Bonaventure; en sorte que, selon eux, nous avons trois degrés à monter pour
aller à Dieu: le premier, qui est le plus proche de nous et le plus conforme à
notre capacité, est Marie; le second est Jésus-Christ; et le troisième est Dieu
le Père. Pour aller à Jésus, il faut aller à Marie, c'est notre médiatrice
d'intercession; pour aller au Père éternel, il faut aller à Jésus, c'est notre
médiateur de rédemption. Or, par la dévotion que je dirai ci-après, c'est
l'ordre qu'on garde parfaitement.
[«Il nous est très difficile de conserver les grâces et
les trésors reçus de Dieu»]
87. Cinquième vérité. - Il est très difficile, vu notre
faiblesse et fragilité, que nous conservions en nous les grâces et les trésors
que nous avons reçus de Dieu: 1 Parce que nous avons ce trésor, qui vaut mieux
que le ciel et la terre, dans des vases fragiles: Habemus thesaurum istum in
vasis fictilibus, dans un corps corruptible, dans une âme faible et inconstante,
qu'un rien trouble et abat.
88. 2 Parce que les démons, qui sont de fins larrons, veulent
nous surprendre à l'impourvu pour nous voler et dévaliser; ils épient jour et
nuit le moment favorable pour cela; ils tournoient incessamment pour nous
dévorer, et nous enlever en un moment, par un péché, tout ce que nous avons pu
gagner de grâces et de mérites en plusieurs années. Leur malice, leur
expérience, leurs ruses et leur nombre doivent nous faire infiniment craindre ce
malheur, vu que des personnes plus pleines de grâces, plus riches en vertus,
plus fondées en expérience et plus élevées en sainteté, ont été surprises,
volées et pillées malheureusement. Ah! combien a-t-on vu de cèdres du Liban et
d'étoiles du firmament tomber misérablement et perdre toute leur hauteur et leur
clarté en peu de temps! D'où vient cet étrange changement? Ce n'a pas été faute
de grâce, qui ne manque à personne, mais faute d'humilité: ils se sont crus
capables de garder leurs trésors; ils se sont fiés et appuyés sur eux-mêmes; ils
ont cru leur maison assez sûre, et leurs coffres assez forts pour garder le
précieux trésor de la grâce, et c'est à cause de cet appui imperceptible qu'ils
avaient en eux-mêmes (quoiqu'il leur semblât qu'ils s'appuyaient uniquement sur
la grâce de Dieu), que le Seigneur très juste a permis qu'ils ont été volés, en
les délaissant à eux-mêmes. Hélas! s'ils avaient connu la dévotion admirable que
je montrerai dans la suite, ils auraient confié leur trésor à une Vierge
puissante et fidèle, qui le leur aurait gardé comme son bien propre, et même
s'en serait fait un devoir de justice.
89. 3 Il est difficile de persévérer dans la justice à cause
de la corruption étrange du monde. Le monde est maintenant si corrompu qu'il est
comme nécessaire que les coeurs religieux en soient souillés, sinon par sa boue,
du moins par sa poussière; en sorte que c'est une espèce de miracle quand une
personne demeure ferme au milieu de ce torrent impétueux sans être entraînée, au
milieu de cette mer orageuse sans être submergée ou pillée par les pirates et
les corsaires, au milieu de cet air empesté, sans en être endommagée; c'est la
Vierge uniquement fidèle dans laquelle le serpent n'a jamais eu de part, qui
fait ce miracle à l'égard de ceux et celles [qui l'aiment] de la belle manière.
[B. MARQUES DE LA VÉRITABLE DÉVOTION A
MARIE]
90. Ces cinq vérités présupposées, il faut maintenant plus
que jamais faire un bon choix de la vraie dévotion à la Très Sainte Vierge: car
il y a plus que jamais de fausses dévotions à la Sainte Vierge, qu'il est facile
de prendre pour de véritables dévotions. Le diable, comme un faux monnayeur et
un trompeur fin et expérimenté, a déjà tant trompé et damné d'âmes par une
fausse dévotion à la Très Sainte Vierge, qu'il se sert tous les jours de son
expérience diabolique pour en damner beaucoup d'autres, en les amusant et
endormant dans le péché, sous prétexte de quelques prières mal dites et de
quelques pratiques extérieures qu'il leur inspire. Comme un faux monnayeur ne
contrefait ordinairement que l'or et l'argent et fort rarement les autres
métaux, parce qu'ils n'en valent pas la peine, ainsi l'esprit malin ne
contrefait pas tant les autres dévotions que celles de Jésus et de Marie, la
dévotion à la Sainte Communion et la dévotion à la Sainte Vierge, parce qu'elles
sont, parmi les autres dévotions, ce que sont l'or et l'argent parmi les métaux.
91. Il est donc très important de connaître, premièrement,
les fausses dévotions à la Très Sainte Vierge pour les éviter, et la véritable
pour l'embrasser; secondement, parmi tant de pratiques différentes de la vraie
dévotion à la Sainte Vierge, quelle est la plus parfaite, la plus agréable à la
Sainte Vierge, la plus glorieuse à Dieu et la plus sanctifiante pour nous, afin
de nous y attacher.
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