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[A. NÉCESSITÉ DE LA DÉVOTION A MARIE]
1. C'est par la Très Sainte Vierge Marie que Jésus-Christ est
venu au monde, et c'est aussi par elle qu'il doit régner dans le monde.
2. Marie a été très cachée dans sa vie: c'est pourquoi elle
est appelée par le Saint-Esprit et l'Église Alma Mater: Mère cachée et secrète.
Son humilité a été si profonde qu'elle n'a point eu sur la terre d'attrait plus
puissant et plus continuel que de se cacher à elle-même et à toute créature,
pour n'être conne que de Dieu seul.
3. Dieu, pour l'exaucer dans les demandes qu'elle lui fit de
la cacher, appauvrir et humilier, a pris plaisir à la cacher dans sa conception,
dans sa naissance, dans sa vie, dans ses mystères, dans sa résurrection et
assomption, à l'égard de presque toute créature humaine. Ses parents mêmes ne la
connaissaient pas; et les anges se demandaient souvent les uns aux autres: Quae
est ista? Qui est celle-là? Parce que le Très-Haut la leur cachait; ou, s'il
leur en découvrait quelque chose, il leur en cachait infiniment davantage.
4. Dieu le Père a consentit qu'elle ne fit point de miracle
dans sa vie, du moins qui éclatât, quoiqu'il lui en eût donné la puissance. Dieu
le Fils a consenti qu'elle ne parlât presque point, quoiqu'il lui eût communiqué
sa sagesse. Dieu le Saint-Esprit a consenti que ses Apôtres et ses Évangélistes
n'en parlassent que très peu et qu'autant qu'il était nécessaire pour faire
connaître Jésus-Christ, quoiqu'elle fût son Épouse fidèle.
5. Marie est l'excellent chef-d'oeuvre du Très-Haut, dont il
s'est réservé la connaissance et la possession. Marie est la Mère admirable du
Fils, qu'il a pris plaisir à humilier et à cacher pendant sa vie, pour favoriser
son humilité, la traitant du nom de femme, mulier, comme une étrangère, quoique
dans son coeur il l'estimât et l'aimât plus que tous les anges et les hommes.
Marie est la fontaine scellée et l'Épouse fidèle du Saint-Esprit, où il n'y a
que lui qui entre. Marie est le sanctuaire et le repos de la Sainte Trinité, où
Dieu est plus magnifiquement et divinement qu'en aucun lieu de l'univers, sans
excepter sa demeure sur les chérubins et les séraphins; et il n'est pas permis à
aucune créature, quelque pure qu'elle soit, d'y entrer sans un grand privilège.
6. Je dis avec les saints: La divine Marie est le paradis
terrestre du nouvel Adam, où il s'est incarné par l'opération du Saint-Esprit,
pour y opérer des merveilles incompréhensibles. C'est le grand et le divin monde
de Dieu, où il y a des beautés et des trésors ineffables. C'est la magnificence
du Très-Haut, où il a caché, comme dans son sein, son Fils unique, et en lui
tout ce qu'il y a de plus excellent et précieux. Oh! oh! que de choses grandes
et cachées ce Dieu puissant a faites en cette créature admirable, comme elle est
elle-même obligée de le dire, malgré son humilité profonde : Fecit mihi magna
qui potens est. Le monde ne les connaît pas, parce qu'il en est incapable et
indigne.
7. Les saints ont dit des choses admirables de cette sainte
cité de Dieu; et ils n'ont jamais été plus éloquents et plus contents, comme ils
l'avouent eux-mêmes, que quand ils en ont parlé. Après cela, ils s'écrient que
la hauteur de ses mérites, qu'elle a élevés jusqu'au trône de la Divinité, ne se
peut apercevoir; que la largeur de sa charité, qu'elle a plus étendue que la
terre, ne se peut mesurer; que la grandeur de
sa puissance, qu'elle a jusque sur un Dieu même, ne se peut comprendre; et,
enfin, que la profondeur de son humilité et de toutes ses vertus et ses grâces,
qui sont un abîme, ne se peut sonder. O hauteur incompréhensible! O largeur
ineffable! O grandeur démesurée! O abîme impénétrable!
8. Tous les jours, d'un bout de la terre à l'autre, dans le
plus haut des cieux, dans le plus profond des abîmes, tout prêche, tout publie
l'admirable Marie. Les neuf choeurs des anges, les hommes de tous sexes, âges,
conditions, religions, bons et mauvais, jusqu'aux diables, sont obligés de
l'appeler bienheureuse, bon gré, mal gré, par la force de la vérité.
Tous les anges dans les cieux lui crient incessamment, comme
dit saint Bonaventure: Sancta, sancta, sancta Maria, Dei Genitrix et Virgo; et
lui offrent millions de millions de fois tous les jours la Salutation des anges
: Ave, Maria, etc., en se prosternant devant elle, et lui demandant pour grâce
de les honorer de quelques-uns de ses commandements. Jusqu'à saint Michel [qui],
dit saint Augustin, quoique le prince de toute la cour céleste, est le plus zélé
à lui rendre et à lui faire rendre toutes sortes d'honneurs, toujours en attente
pour avoir l'honneur d'aller, à sa parole, rendre service à quelqu'un de ses
serviteurs.
9. Toute la terre est pleine de sa gloire, particulièrement
chez les chrétiens où elle est prise pour tutélaire et protectrice en plusieurs
royaumes, provinces, diocèses et
villes. Plusieurs cathédrales consacrées à Dieu sous son nom.
Point d'église sans autel en son honneur: point de contrée ni canton où il n'y
ait quelqu'une de ses images miraculeuses, où toutes sortes de maux sont guéris
et toutes sortes de biens obtenus. Tant de confréries et congrégations en son
honneur! tant de religions sous son nom et sa protection! tant de confrères et
de soeurs de toutes les confréries et tant de religieux et religieuses de toutes
les religions qui publient ses louanges et qui annoncent ses miséricordes! Il
n'y a pas
un petit enfant qui, en bégayant l'Ave Maria, ne la loue; il n'y a guère de
pécheurs qui, en leur endurcissement même, n'aient en elle quelque étincelle de
confiance; il n'y a pas même de diable dans les enfers qui, en la craignant, ne
la respecte.
10. Après cela, il faut dire, en vérité, avec les saints : De
Maria nunquam satis.
On n'a point encore assez loué, exalté, honoré, aimé et servi Marie. Elle mérite
encore plus de louanges, de respects, d'amours et de services.
11. Après cela, il faut dire avec le Saint-Esprit: Omnis
gloria ejus filiae Regis ab intus: Toute la gloire de la fille du Roi est au
dedans: comme si toute la gloire extérieure que lui rendent à l'envi toute la
terre n'était rien, en comparaison de celle qu'elle reçoit au-dedans par le
Créateur, et qui n'est point connue des petites créatures, qui ne peuvent
pénétrer le secret des secrets du Roi.
12. Après cela, il faut nous écrier avec l'Apôtre: Nec oculus
vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit: Ni l'oeil n'a pas vu, ni
l'oreille n'a entendu, ni le coeur de
l'homme n'a compris les beautés, les grandeurs et excellences de Marie, le
miracle des miracles de la grâce, de la nature et de la gloire. Si vous voulez
comprendre la Mère, dit un saint, comprenez le Fils. C'est une digne Mère de
Dieu: Hic taceat omnis lingua: Que toute langue demeure muette ici.
13. Mon coeur vient de dicter tout ce que je viens d'écrire,
avec une joie particulière, pour montrer que la divine Marie a été inconnue
jusqu'ici, et que c'est une des raisons pourquoi Jésus-Christ n'est point connu
comme il doit être. Si donc, comme il est certain, la connaissance et le règne
de Jésus-Christ arrivent dans le monde, ce ne sera qu'une suite nécessaire de la
connaissance et du règne de la Très Sainte Vierge Marie, qui l'a mis au monde la
première fois et le fera éclater la seconde.
[1. «DIEU A VOULU COMMENCER ET ACHEVER
SES PLUS GRANDS OUVRAGES PAR LA TRÈS SAINTE VIERGE»]
14. J'avoue, avec toute l'Église, que Marie n'étant qu'une
pure créature sortie des mains du Très-Haut, comparée à sa Majesté infinie, est
moindre qu'un atome, ou plutôt n'est rien du tout, puisqu'il est seul "Celui qui
est", et que, par conséquent, ce grand Seigneur, toujours indépendant et
suffisant à lui-même, n'a pas eu ni n'a pas encore absolument besoin de la Très
Sainte Vierge pour l'accomplissement de ses
volontés et pour la manifestation de sa gloire. Il n'a qu'à vouloir pour tout
faire.
15. Je dis cependant que, les choses supposées comme elles
sont, Dieu ayant voulu commencer et achever ses plus grands ouvrages par la Très
Sainte Vierge depuis qu'il l'a formée, il es à croire qu'il ne changera point de
conduite dans les siècles des siècles, car il est Dieu, et ne change point en
ses sentiments ni en sa conduite.
16. Dieu le Père n'a donné son Unique au monde que par Marie.
Quelques soupirs qu'aient poussés les patriarches, quelques demandes qu'aient
faites les prophètes et les saints de l'ancienne loi, pendant quatre mille ans,
pour avoir ce trésor, il n'y a eu que Marie qui l'ait mérité et trouvé grâce
devant Dieu par la force de ses prières et la hauteur de ses vertus. Le monde
étant indigne, dit saint Augustin, de (le) recevoir le Fils de Dieu
immédiatement des mains du Père, il l'a donné à Marie afin que le monde le reçût
par elle.
Le Fils de Dieu s'est fait homme pour notre salut, mais en Marie et par Marie.
Dieu le Saint-Esprit a formé Jésus-Christ en Marie, mais après lui avoir demandé
son consentement par un des premiers ministres de sa cour.
17. Dieu le Père a communiqué à Marie sa fécondité autant
qu'une pure créature en était capable, pour lui donner le pouvoir de produire
son Fils et tous les membres de son Corps mystique.
18. Dieu le Fils est descendu dans son sein virginal, comme
le nouvel Adam dans son paradis terrestre, pour y prendre ses complaisances et
pour y opérer en cachette des merveilles de grâce. Ce Dieu fait homme a trouvé
sa liberté à se voir
emprisonné dans son sein; il a fait éclater sa force à se laisser porter par
cette petite fille; il a trouvé sa gloire et celle de son Père à cacher ses
splendeurs à toutes créatures d'ici-bas, pour ne les révéler qu'à Marie; il a
glorifié son indépendance et sa majesté à dépendre de cette aimable Vierge dans
sa conception, en sa naissance, en sa présentation au temple, en sa vie cachée
de trente ans, jusqu'en sa mort, où elle devait assister, et pour être immolé
par son consentement au Père éternel, comme autrefois Isaac par le consentement
d'Abraham à la volonté de Dieu. C'est elle qui l'a allaité, nourri, entretenu,
élevé et sacrifié pour nous.
O admirable et incompréhensible dépendance d'un Dieu que le Saint-Esprit n'a pu
passer sous silence dans l'Évangile, - quoiqu'il nous ait caché presque toutes
les choses admirables que cette Sagesse incarnée a faites dans sa vie cachée -,
pour nous en montrer le prix et la gloire infinie. Jésus-Christ a plus donné de
gloire à Dieu son Père par la soumission qu'il a eue à sa Mère pendant trente
années, qu'il ne lui en eût donné en convertissant toute la terre par
l'opération des plus grandes merveilles. Oh! qu'on glorifie hautement Dieu quand
on se soumet, pour lui plaire, à Marie, à l'exemple de Jésus-Christ, notre
unique modèle!
19. Si nous examinons de près le reste de la vie de
Jésus-Christ, nous verrons qu'il a voulu commencer ses miracles par Marie. Il a
sanctifié saint Jean dans le sein de sa mère sainte Elisabeth, par la parole de
Marie; aussitôt qu'elle eût parlé, Jean fut sanctifié, et c'est son premier et
plus grand miracle de grâce. Il changea, aux noces de Cana, l'eau en vin, à son
humble prière, et c'est son premier miracle de nature.
Il a commencé et continué ses miracles par Marie; et il les continuera jusques à
la fin des siècles par Marie.
20. Dieu le Saint-Esprit étant stérile en Dieu, c'est-à-dire
ne produisant point d'autre personne divine, est devenu fécond par Marie qu'il a
épousée. C'est avec elle et en elle et d'elle qu'il a produit son chef-d'oeuvre,
qui est un Dieu fait homme, et qu'il produit tous les jours jusqu'à la fin du
monde les prédestinés et les membres du corps de ce chef adorable : c'est
pourquoi plus il trouve Marie, sa chère et indissoluble Épouse, dans une âme, et
plus il devient opérant et puissant pour produire Jésus-Christ en cette âme et
cette âme en Jésus-Christ.
21. Ce n'est pas qu'on veuille dire que la Très Sainte Vierge
donne au Saint-Esprit la fécondité, comme s'il ne l'avait pas, puisque, étant
Dieu, il a la fécondité ou la capacité de produire, comme le Père et le Fils,
quoiqu'il ne la réduise pas à l'acte, ne produisant point d'autre Personne
divine. Mais on veut dire que le Saint-Esprit, par l'entremise de la Sainte
Vierge, dont il veut bien se servir, quoiqu'il n'en ait pas absolument besoin,
réduit à l'acte sa fécondité, en produisant en elle et par elle Jésus-Christ et
ses membres. Mystère de grâce inconnu même aux plus savants et spirituels
d'entre les chrétiens.
22. La conduite que les trois Personnes de la Très Sainte
Trinité ont tenue dans l'Incarnation et le premier avènement de Jésus-Christ,
elles la gardent tous les jours, d'une manière invisible, dans la Sainte Église,
et la garderont jusqu'à la consommation des siècles, dans le dernier avènement
de Jésus-Christ.
23. Dieu le Père a fait un assemblage de toutes les eaux,
qu'il a nommé la mer; et il a fait un assemblage de toutes ses grâces, qu'il a
appelé Marie. Ce grand Dieu a un trésor ou un magasin très riche, où il a
renfermé tout ce qu'il a de beau,
d'éclatant, de rare et de précieux, jusqu'à son propre Fils; et ce trésor
immense n'est autre que Marie, que les saints appellent le trésor du Seigneur,
de la plénitude duquel les hommes sont enrichis.
24. Dieu le Fils a communiqué à sa Mère tout ce qu'il a
acquis par sa vie et sa mort, ses mérites infinis et ses vertus admirables, et
il l'a faite la trésorière de tout ce que son Père lui a donné en héritage;
c'est par elle qu'il applique ses mérites à ses membres, qu'il communique ses
vertus et distribue ses grâces; c'est son canal mystérieux, c'est son aqueduc,
par où il fait passer doucement et abondamment ses miséricordes.
25. Dieu le Saint-Esprit a communiqué à Marie, sa fidèle
Épouse, ses dons ineffables, et il l'a choisie pour la dispensatrice de tout ce
qu'il possède: en sorte qu'elle distribue à qui elle veut, autant qu'elle veut,
comme elle veut et quand elle veut, tous ses dons et ses grâces, et il ne se
donne aucun don céleste aux hommes qui ne passe par ses mains virginales. Car
telle est la volonté de Dieu, qui a voulu que nous ayons tout [par] Marie: car
ainsi sera enrichie, élevée et honorée du Très-Haut celle qui s'est appauvrie,
humiliée et cachée jusqu'au fond du néant par sa propre humilité, pendant toute
sa vie. Voilà les sentiments de l'Église et des Saints Pères.
26. Si je parlais à des esprits forts de ce temps, je
prouverais tout ce que je dis simplement, plus au long, par la Sainte Écriture,
les Saints Pères, dont je rapporterai les passages latins, et par plusieurs
solides raisons qu'on pourra voir au long déduites par le R. P. Poiré en
sa Triple Couronne de la Sainte Vierge. Mais comme je parle particulièrement aux
pauvres et aux simples qui, étant de bonne volonté et ayant plus de foi que le
commun des savants, croient plus simplement et avec plus de mérite, je me
contente de leur déclarer simplement la vérité, sans m'arrêter à leur citer tous
les passages latins, qu'ils n'entendent pas, quoique je ne laisse pas d'en
rapporter quelques-uns, sans les rechercher beaucoup. Continuons.
27. La grâce perfectionnant la nature, et la gloire
perfectionnant la grâce, il est certain que Notre Seigneur est encore dans le
ciel aussi Fils de Marie qu'il l'était sur la terre, et que, par conséquent, il
a conservé la soumission et l'obéissance du plus parfait de tous les enfants à
l'égard de la meilleure de toutes les mères. Mais il faut prendre garde de
concevoir en cette dépendance quelque abaissement ou imperfection en
Jésus-Christ. Car Marie étant infiniment au-dessous de son Fils, qui est Dieu,
ne lui commande pas comme une mère d'ici-bas commanderait à son enfant qui est
au-dessous d'elle. Marie, étant toute transformée en Dieu par la grâce et la
gloire qui transforme tous les saints en lui, ne demande, ne veut ni ne fait
rien qui soit contraire à l'éternelle et immuable volonté de Dieu. Quand on lit
donc, dans les écrits des saints Bernard, Bernardin, Bonaventure, etc., que dans
le ciel et sur la terre, tout, jusqu'à Dieu même, est soumis à la Très Sainte
Vierge, ils veulent dire que l'autorité que Dieu a bien voulu lui donner est si
grande, qu'il semble qu'elle a la même puissance que Dieu, et que ses prières et
demandes sont si puissantes auprès de Dieu, qu'elles passent toujours pour des
commandements auprès de sa
Majesté, qui ne résiste jamais à la prière de sa chère Mère, parce qu'elle est
toujours humble et conforme à sa volonté.
Si Moïse, par la force de sa prière, arrêta la colère de Dieu sur les
Israélites, d'une manière si puissante que ce très haut et infiniment
miséricordieux Seigneur, ne pouvant lui résister, lui dit qu'il le laissât se
mettre en colère et punir ce peuple rebelle, que devons-nous penser, à plus
forte raison, de la prière de l'humble Marie, la digne Mère de Dieu, qui est
plus puissante auprès de sa Majesté que les prières et intercessions de tous les
anges et les saints du ciel et de la terre?
28. Marie commande dans les cieux sur les anges et les
bienheureux. Pour récompense de son humilité profonde, Dieu lui a donné le
pouvoir et la commission de remplir de saints les trônes vides dont les anges
apostats sont tombés par orgueil. Telle est la volonté du Très-Haut, qui exalte
les humbles, que le ciel et la terre et les enfers plient, bon gré mal gré, aux
commandement de l'humble Marie, qu'il a faite la souveraine du ciel et de la
terre, la générale de ses armées, la trésorière de ses trésors, la dispensatrice
de ses grâces, l'ouvrière de ses grandes merveilles, la réparatrice du genre
humain, la médiatrice des hommes, l'exterminatrice des ennemis de Dieu et la
fidèle compagne de ses grandeurs et de ses triomphes.
29. Dieu le Père se veut faire des enfants par Marie jusqu'à
la consommation du monde, et il lui dit ces paroles : In Jacob inhabita :
demeurez en Jacob, c'est-à-dire faites votre demeure et résidence dans mes
enfants et prédestinés, figurés par Jacob, et non point dans les enfants du
diable et les réprouvés, figurés par Ésaü.
30. Comme dans la génération naturelle et corporelle il y a
un père et une mère, de même dans la génération surnaturelle et spirituelle il y
a un père qui est Dieu et une mère qui est Marie. Tous les vrais enfants de Dieu
et prédestinés ont Dieu pour père et Marie pour mère; et qui n'a pas Marie pour
Mère n'a pas Dieu pour Père. C'est pourquoi les réprouvés, comme les hérétiques,
schismatiques, etc., qui haïssent ou regardent avec mépris ou indifférence la
Très Sainte Vierge, n'ont point
Dieu pour père, quoiqu'ils s'en glorifient, parce qu'ils n'ont pas Marie pour
mère: car, s'ils l'avaient pour mère, ils l'aimeraient et l'honoreraient comme
un vrai et bon enfant aime naturellement et honore sa mère qui lui a donné la
vie.
Le signe le plus infaillible et le plus indubitable pour distinguer un
hérétique, un homme de mauvaise doctrine, un réprouvé, d'avec un prédestiné,
c'est que l'hérétique et le réprouvé n'ont que du mépris ou de l'indifférence
pour la Très Sainte Vierge, tâchant, par leurs paroles et exemples, d'en
diminuer le culte et l'amour, ouvertement ou en cachette, quelquefois sous de
beaux prétextes. Hélas! Dieu le Père n'a pas dit à Marie de faire sa demeure en
eux, parce qu'ils sont des Esa.
31. Dieu le Fils veut se former et, pour ainsi dire,
s'incarner tous les jours, par sa chère Mère, dans ses membres, et il lui dit:
In Israel haereditare: Ayez Israël pour héritage. C'est comme s'il disait: Dieu
mon Père m'a donné pour héritage toutes les nations de la terre, tous les hommes
bons et mauvais, prédestinés et réprouvés; je conduirai les uns par la verge
d'or et les autres par la verge de fer; je serai le père et l'avocat des uns, le
juste vengeur des autres, et le juge de tous; mais pour vous, ma chère Mère,
vous n'aurez pour votre héritage et possession que les prédestinés figurés par
Israël; et, comme leur bonne mère, vous les enfanterez, nourrirez, élèverez; et,
comme leur souveraine, vous les conduirez, gouvernerez et défendrez.
32. "Un homme et un homme est né en elle", dit le
Saint-Esprit: Homo et homo natus est in ea. Selon l'explication de quelques
Pères, le premier homme qui est né en Marie est l'Homme Dieu, Jésus-Christ; le
second est un homme pur, enfant de Dieu et de Marie par adoption. Si
Jésus-Christ, le chef des hommes, est né en elle, les prédestinés, qui sont les
membres de ce chef, doivent aussi naître en elle par une suite nécessaire. Une
même mère ne met pas au monde la tête ou le chef sans les membres, ni les
membres, sans la tête; autrement ce serait un monstre de la nature; de même,
dans l'ordre de la grâce, le chef et les membres naissent d'une même mère; et si
un membre du corps mystique de Jésus-Christ, c'est-à-dire un prédestiné,
naissait d'une autre mère que Marie qui a produit le chef, ce ne serait pas un
prédestiné, ni un membre de Jésus-Christ, mais un monstre dans l'ordre de la
grâce.
33. De plus, Jésus-Christ étant à présent autant que jamais
le fruit de Marie, comme le Ciel et la terre lui répètent mille et mille fois
tous les jours : Et béni est le fruit de votre ventre, Jésus, il est certain que
Jésus-Christ est pour chaque homme en particulier, qui le possède, aussi
véritablement le fruit et l'oeuvre de Marie, que pour tout le monde en général;
en sorte que, si quelque fidèle a Jésus-Christ formé dans son coeur, il peut
dire hardiment: " Grand merci à Marie, ce que je possède est son effet et son
fruit, et sans elle je ne l'aurais pas"; et on peut lui appliquer plus
véritablement que saint Paul ne se les applique, ces paroles: Quos iterum
parturio, donec in vobis formetur Christus: J'enfante tous les jours les enfants
de Dieu, jusqu'à ce que Jésus-Christ mon Fils ne soit formé en eux dans la
plénitude de son âge. Saint Augustin se surpassant soi-même, et tout ce que je
viens de dire, dit que tous les prédestinés, pour être conformes à l'image du
Fils de Dieu, sont en ce monde cachés dans le sein de la Très Sainte Vierge, où
ils sont gardés, nourris, entretenus et agrandis par cette bonne Mère, jusqu'à
ce qu'elle ne les enfante à la gloire, après la mort, qui est proprement le jour
de leur naissance, comme l'Église appelle la mort des justes. O mystère de grâce
inconnu aux réprouvés et peu connu des prédestinés!
34. Dieu le Saint-Esprit veut se former en elle et par elle
des élus et il lui dit: In electis meis mitte radices. Jetez, ma bien-aimée et
mon Épouse, les racines de toutes vos vertus dans mes élus, afin qu'ils
croissent de vertu en vertu et de grâce en grâce. J'ai pris tant de complaisance
en vous, lorsque vous viviez sur la terre dans la pratique des plus sublimes
vertus, que je désire encore vous trouver sur la terre, sans cesser d'être dans
le ciel. Reproduisez-vous pour cet effet dans mes élus: que je voie en eux avec
complaisance les racines de votre foi invincible, de votre humilité profonde, de
votre mortification universelle, de votre oraison sublime, de votre charité
ardente, de votre espérance ferme et de toutes vos vertus. Vous êtes toujours
mon Épouse aussi fidèle, aussi pure et aussi féconde que jamais: que votre foi
me donne des fidèles; que votre pureté me donne des vierges, que votre fécondité
me donne des élus et des temples.
35. Quand Marie a jeté ses racines dans une âme, elle y
produit des merveilles de grâces qu'elle seule peut produire parce qu'elle est
seule la Vierge féconde qui n'a jamais eu ni n'aura jamais sa semblable en
pureté et en fécondité.
Marie a produit, avec le Saint-Esprit, la plus grande chose qui ait été et sera
jamais, qui est un Dieu-Homme, et elle produira conséquemment les plus grandes
choses qui seront dans les derniers temps. La formation et l'éducation des
grands saints qui seront sur la fin du monde lui est réservée; car il n'y a que
cette Vierge singulière et miraculeuse qui peut produire, en union du
Saint-Esprit, les choses singulières et extraordinaires.
36. Quand le Saint-Esprit, son Époux, l'a trouvée dans une
âme, il y vole, il y entre pleinement, il se communique à cette âme abondamment
et autant qu'elle donne place à son Épouse; et une des grandes raisons pourquoi
le Saint-Esprit ne fait pas maintenant des merveilles éclatantes dans les âmes,
c'est qu'il n'y trouve pas une assez grande union avec sa fidèle et indissoluble
Épouse. Je dis: indissoluble Épouse, car depuis que cet Amour substantiel du
Père et du Fils a épousé Marie pour produire Jésus-Christ, le chef des élus et
Jésus-Christ dans les élus, il ne l'a jamais répudiée, parce qu'elle a toujours
été fidèle et féconde.
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