Urbain II élu pape le 12 mars 1088, succéda à Victor
III, qui l’avait désigné, en mourant pour le remplacer.
Il était Français, et portait le nom d'Eudes ou Odon,
fils du seigneur de Lagny, près Chatillon-sur-Marne, ce
qui l'a fait quelquefois désigner sous le nom d'Eudes de
Chatillon. Il avait fait ses études à Reims, sous saint
Bruno, et il devint chanoine de la cathédrale, puis
archidiacre de la même ville.
Eudes
de Châtillon, entré à Cluny (entre 1067 et 1070), il y
devint grand prieur (entre 1074 et 1079). Cette position
le plaçait à un point névralgique du mouvement de
réforme grégorienne. Envoyé à Rome, il fut nommé
cardinal-évêque d'Ostie par Grégoire VII (entre 1079 et
1082), dont il appuya la politique intransigeante.
À la mort de Victor III, la crise, née de la violence du
mouvement réformateur durant les quinze années
précédentes, était profonde, divisant jusqu'au parti
réformateur lui-même. Il fallut six mois pour que Eudes
fût élu pape sous le nom d'Urbain II et consacré à
Terracina, près de Gaète (12 mars 1088). Sa situation
était alors délicate face à l'antipape Clément [III],
maître de Rome et fort du soutien tant de l'empereur que
des réformateurs modérés.
Seule l'habileté d'Urbain II permit de renverser la
situation : tout en réaffirmant fortement les positions
défendues par Grégoire VII sur la simonie, le nicolaïsme
et les investitures laïques - ajoutant, sur ce point,
l'interdiction faite à tout clerc de prêter foi ou
hommage à quelque laïque que ce fût (concile de Clermont
en 1095) -, il sut se montrer conciliant sur le problème
de la légitimité de certaines ordinations, quitte à
s'opposer aux réformateurs les plus zélés. Le mariage du
duc de Bavière avec la comtesse Mathilde (1089), la
résistance des villes lombardes liguées contre les
troupes impériales (à partir de 1092), le passage de
Conrad, fils de Henri IV, dans le camp pontifical
(1093), l'appui constant des Normands et de la noblesse
lorraine permirent à Urbain II de renforcer son pouvoir
et de s'installer à Rome à partir de 1093 : il ne prit
possession du Latran qu'en 1094 et du château Saint-Ange
qu'en 1098. Urbain II sut allier principes rigoureux et
réalisme politique au gré des rapports de force,
n'excommuniant, par exemple, le roi de France Philippe
Ier qu'une fois sa position affermie (1094-1095).
L'acte majeur de son pontificat reste l'appel à la
croisade lancé lors du concile de Clermont (18-28
novembre 1095). Fidèle à son origine chevaleresque et
champenoise, Urbain imposa à la Chrétienté la trêve de
Dieu (concile de Melfi en 1089, de Troia en 1093 et
enfin de Clermont). L'idée que la violence pouvait être
légitime, quand elle était employée pour la gloire de
Dieu, avait fait son chemin au fur et à mesure des
succès de la Reconquête en Espagne et en Sicile,
mouvement qu'encouragea le pape. Enfin, le rêve de
l'unité des chrétiens semble avoir joué dans l'esprit
d'Urbain II, qui tenta, dès 1088, un rapprochement avec
Byzance. Ces éléments jouèrent sans doute un rôle
important dans l'élaboration par Urbain II de l'idée de
croisade. Initiateur d'un mouvement séculaire, le pape
ne sut jamais rien des premiers succès remportés en
Terre sainte.
Il mourut à Rome, le 29 juillet 1099. En une dizaine
d'années, il était devenu le personnage essentiel de la
Chrétienté, alors que le roi de France était excommunié,
l'empereur englué dans sa politique italienne et
l'influence de l'antipape Clément [III] très nettement
déclinante.
Sources
diverses.
(Dans
l'image: Saint Bruno s'incline devant Urbain II, son
ancien élève à Reims) |