Il est impossible de rapporter tout
ce qui a été écrit sur Saint Joseph tant les ouvrages et les panégyriques le
concernant sont nombreux. Ce qui surprend le plus c’est de constater combien ce
grand silencieux, pratiquement inconnu jusqu’au XIIIe siècle, a suscité de
méditations contemplatives et de réflexions, comme si le monde, longtemps privé
d’un modèle d’une telle valeur, avait cherché, et continuait à chercher à se
rattraper. Nous ne donnerons ci-dessous, pour chacun des auteurs cités, que
l’aspect essentiel qui semble l’emporter sur tous les autres.
Dans son livre : ”Saint Joseph,
Patron des communautés religieuses” le Chanoine LAMOTHE-TENET rappelle:
– C’est en 1870, pendant le Concile
Vatican I, que le pape Pie IX a proclamé Saint Joseph Patron de l’Eglise
catholique. (Décret Urbi et Orbi du 8 décembre 1870)
– Le pape Léon XIII a proclamé
Joseph Patron de l’Eglise universelle. (1889)
“La vocation de St Joseph et la
vocation religieuse sont unies par des rapprochements si intimes qu’il n’y a pas
de circonstance, dans la vie de l’Époux de Marie, qui n’offre aux épouses de
N.S. Jésus Christ un trait de perfection à imiter.”
[1]
En conséquence, Saint Joseph est
également le Patron des membres qui composent l’Église dirigeante ou
hiérarchique. Il est le protecteur et le Patron de l’Église et de tous ses
membres. Par dessus tout, il est le Patron des religieux qui honorent l’Église.
Dans les communautés religieuses, Saint Joseph, Père des familles religieuses,
est également le modèle de toutes les âmes religieuses. De très nombreux saints
ont été, personnellement, des amis très intimes de Saint Joseph dont ils avaient
fait leur protecteur et ami.
Voyons maintenant comment les
auteurs spirituels ont montré combien il était juste de considérer Saint Joseph
comme Patron de l’Église et des âmes religieuses.
Le Père Jérôme Gratien de la Mère
de Dieu, carme espagnol, conseiller de Sainte Thérèse d’Avila, écrivit un livre
sur ”Les excellences du glorieux Saint Joseph” dans lequel il se plaît à
conter la gloire du Saint Patriarche si cher à l’Ordre du Carmel.
Pour bâtir un palais, il faut
d’abord un architecte, puis un charpentier, et, enfin, des ouvriers.“Notre
Seigneur Jésus-Christ ne procède pas autrement pour l’édifice de l’Église
catholique. Pour ouvriers, il a élu les apôtres; pour manoeuvres les martyrs,
les confesseurs, les vierges, tous ceux qui donnèrent secours, en un mot, en
portant la matière nécessaire de son Précieux Sang, et les saints sacrements.
Mais avant de livrer au premier coup de marteau ses mains et ses pieds sacrés,
les faisant clouer sur le bois de la Croix, il élit Joseph le Charpentier pour
qu’avec sa Mère ils traitassent à trois du mode à tenir en cette excellente
construction de l’Église, en cette oeuvre de notre Rédemption. Nous devons
beaucoup de reconnaissance aux ouvriers de l’Église qui furent les saints
apôtres, aux manoeuvres et autres gens de service, qui furent tous les saints;
mais combien sommes-nous plus tenus et obligés envers ce vénérable charpentier,
choisi pour aider à travailler au dessein et au modèle de notre réparation et
Rédemption?”
[2]
Comme Saint François de Sales le
lui avait prédit, alors qu’il n’était encore qu’un jeune garçon de 14 ans, J.J.
Olier fut le premier à ouvrir les séminaires réclamés par le Concile de Trente.
Pour cela il fonda la Compagnie de Saint-Sulpice confiée à Marie et à Saint
Joseph. Tout est extraordinaire dans la vie de J.J. Olier, et pourtant tout est
très simple, car il était entré dans la maison de Nazareth où il avait appris
l’esprit d’enfance et avait longuement contemplé Saint Joseph qu’il a peut-être
mieux compris que quiconque. En particulier, J.J. Olier a, sur le rôle rempli
par Saint Joseph auprès de l’Enfant Jésus, et sur son rôle toujours actuel
auprès des âmes intérieures, quelques-unes des plus belles pages qu’ait connues
le XVIIe siècle.
“Saint Joseph, ayant été choisi
par Dieu pour être son image envers son Fils unique, n’a point été établi pour
aucune fonction publique dans l’Église de Dieu, mais seulement pour exprimer sa
pureté et sa sainteté incomparables qui le séparent de toute créature visible;
de là vient qu’il est le Patron des âmes cachées et inconnues. Autre est la
fonction de Saint Pierre sur l’Église; autres sont les opérations de Saint
Joseph.”
Pour Jean-Jacques Olier, Saint
Joseph est un saint caché, sans fonction extérieure, mais il est destiné à
communiquer intérieurement la vie qu’il reçoit du Père et qui arrive ensuite
jusqu’à nous par Jésus-Christ:”L’influence de Saint Joseph est une
participation à la vie de Dieu le Père en son Fils. C’est une participation de
la source sans règle et sans mesure qui se répand de Dieu le Père dans son
Fils; et Dieu le Père qui veut nous faire sentir qu’il nous aime du même amour
dont il aime son Fils unique, nous donne à puiser, à goûter, à savourer dans
Saint Joseph la grâce et l’amour dont il aime ce même Fils... Ainsi, Saint
Joseph est le Patron des âmes suréminentes élevées à la pureté et à la sainteté
de Dieu, tant de celles qui sont intimement unies à Jésus-Christ, et auxquelles
il communique sa tendresse pour cet aimable Sauveur que de celles qui sont
appliquées à Dieu le Père dont Saint Joseph est la figure.
C’est un Saint caché, que Dieu a
voulu tenir secret pendant sa vie, et dont il s’est réservé à lui seul les
occupations intérieures sans les partager aux soins extérieurs de l’Église; un
Saint que Dieu a manifesté au fond des coeurs et dont il a lui-même inspiré la
vénération dans l’intérieur des âmes.
Saint Joseph doit être le
tabernacle universel de l’Église: c’est pourquoi l’âme unie intérieurement à
Jésus-Christ, et qui entre dans ses voies, ses sentiments, ses inclinations et
ses dispositions, cette âme, tant qu’elle sera sur la terre, sera remplie
d’amour, de respect, de tendresse pour Saint Joseph à l’imitation de
Jésus-Christ vivant sur la terre, car telles étaient les inclinations et les
dispositions de Jésus-Christ: il allait aimer avec tendresse Dieu le Père dans
Saint Joseph, et l’adorer sous cette image vivante où il habitait réellement.
C’est à nous à suivre cette conduite et aller ainsi chercher notre Père dans ce
Saint. C’est en lui que nous devons aller voir, contempler, adorer toutes les
perfections divines, dont l’assemblage nous rendra parfaits comme notre Père
Céleste est parfait. Nous apprenons par ce Saint qu’on peut ressembler à Dieu le
Père et être parfait sur la terre comme il l’est dans le Ciel. Et parce qu’en
Dieu le Père Saint Joseph est source de tout bien et de toute miséricorde, on
dit de ce Saint qu’on ne lui demande rien qu’on ne l’obtienne.”
[3]
Archevêque de Malines, le Cardinal
Mercier insiste sur la vie intérieure de Saint Joseph gardien des âmes
sacerdotales. A Nazareth, Dieu habitait personnellement. Marie était là et Jésus
s’y disposait à apprendre au monde que le Ciel était descendu sur la terre:
“O mon Dieu, qui dira les adorations discrètes, les hymnes silencieuses
d’actions de grâces, les accents brûlants qu’ensemble, époux et épouse, vous
faisiez monter de vos coeurs, tandis que vous veilliez sur les jours de l’Enfant-Dieu.
Regardiez-vous le Père penché sur son Fils? Ou, dans une vision de sacrifice,
regardiez-vous l’Enfant déjà à l’autel, au Cénacle, au Calvaire, dans les
temples de la chrétienté?...
Ensemble vous deviez pleurer,
pensant à ce qu’il en coûterait à votre cher Jésus de devenir le Rédempteur du
monde.
Ensemble vous deviez exulter à
l’idée de la gloire qui couronnerait éternellement son sacrifice...” [4]
La contemplation de la vie
intérieure de Saint Joseph devrait contribuer à ranimer, dans les âmes
sacerdotales, la racine de la sainteté.
Le 24 mars 1911, dans sa “Lettre
à Sylvain” Paul Claudel constate: la vocation de Saint Joseph est une
vocation singulière. Il écrit: “Quelle vocation plus singulière que la
virginité pour un homme, à cette époque surtout! Pourquoi l’avait-il adopté?
Qu’il devait être patient et fort contre l’ennui, comme le soleil qui chaque
matin recommence sans s’ennuyer la même route!...
Joseph est le Patron de la vie
cachée, l’Écriture ne rapporte pas de lui un seul mot. C’est le silence qui est
père du Verbe. Que de contrastes chez lui! Il est le Patron des célibataires et
des pères de famille, celui des laïcs et celui des contemplatifs! celui des
prêtres et celui des hommes d’affaires...“
[5]
“Il faut aller jusqu’à l’idée
profonde: le sens est alors d’une étonnante plénitude, et le culte de Saint
Joseph paraît sous son vrai jour qui le magnifie. On va, il est vrai, de
surprise en surprise.” Maurice Bouvet rappelle déjà deux thèmes principaux
dans ce culte rendu à Saint Joseph: le combat que doit mener l’Église ainsi que
son agonie d’une part, et la nécessité de bien mourir, d’autre part.
“Église et agonie incluent un
élément commun: l’idée de combat... C’est là assurément l’idée la plus étrangère
à ce culte tel qu’on l’entend d’ordinaire. C’en est pourtant l’idée essentielle.
Saint Joseph est le Patron de l’Église parce que l’oeuvre que l’Église accomplit
est exactement la suite de celle qu’il a faite lui-même: elle peine pour donner
au Christ les accroissements de son Corps mystique en lui gagnant et unissant
des âmes qui aient part à sa vie comme tous les éléments constituant de notre
corps ont part à notre âme. Elle travaille aussi à lui faire le sang de sa
Passion perpétuelle que, d’âge en âge, ses fidèles prolongent de leurs
souffrances. Son oeuvre se range donc en quelque sorte d’elle-même sous le
patronage de Saint Joseph et la met à son école... Toute lutte ainsi menée est
la lutte quotidienne du pauvre charpentier de village qui nourrit à la sueur de
son front le Sauveur.”
Mgr Loutil, plus connu sous le nom
de Pierre l’Ermite, a écrit, dans un article publié dans le journal “La Croix” à
propos de Joseph:
“L’Église n’est pas un arbre
mort. Chaque siècle, elle pousse en avant le saint dont elle a besoin pour parer
aux besoins d’une époque... Sa préoccupation, aujourd’hui, (au début du XXè
siècle) est cette immense classe ouvrière travaillée par de mauvais
bergers...Alors, sur la scène du monde, l’Église fait avancer Joseph, l’ouvrier
modèle... celui qui aime son travail et le fait bien... La montée de Joseph sur
le plan social est presque une réparation. Il a d’abord été laissé dans l’ombre.
L’Évangile parle quatorze fois de Joseph, mais ne cite aucune parole de lui.
C’est le saint du silence.
Il faut arriver aux Croisades, à
Saint Bernard, à Saint François d’Assise, pour saluer son étoile qui monte à
l’horizon. Mais alors, ce pauvre Joseph, le monde se met à le tourner en
dérision... Et les peintres de la Renaissance, suivis avec ardeur par ceux de
Saint Sulpice, font une autre offensive, ils nous présentent un Saint Joseph
vieux, très vieux, chauve, délavé, avec du sang de guimauve dans les veines...
Saint Joseph est le patron de
ceux qui aiment la vie intérieure. Il ne demande rien au monde que de l’ignorer.
Il sait que Dieu ne se trouve pas dans l’agitation, et que la solitude d’âme est
la patrie des forts. ”
[6]
[1] “Saint
Joseph Patron des communautés religieuses” par le Chanoine
LAMOTHE-TENET - Editeur J. Martel ainé, Imprimeur de N.S.P. le Pape.
Montpellier (1879)
[2] “Les
excellences du glorieux Saint Joseph”. Cité par Mrg Villepelet dans
“Les plus beaux textes sur Saint Joseph”
[3] Cité
par Mrg Villepelet dans “Les plus beaux textes sur Saint Joseph”
[4] Cité
par Mrg Villepelet dans “Les plus beaux textes sur Saint Joseph”
[5] Paul
Claudel “Positions et Propositions” - Édité chez Gallimard
(1934)
[6] Les
peintres des Catacombes, probablement plus proches de la vérité,
montrent au contraire un Joseph jeune et imberbe, fort et vigoureux.
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