Là où est Jésus, là est la Croix. Et l’Eucharistie
n’est pas loin. Comment Saint Joseph a-t-il connu la Croix, alors qu’il est mort
bien avant que Jésus ne commençât sa mission publique? Et quels sont les liens
qui ont pu être tissés entre Saint Joseph et l’Eucharistie? De nombreux
théologiens ont réfléchi ou médité sur ces sujets; laissons-les parler.
Bossuet pense que Joseph comprit rapidement que le
mystère de l’Incarnation auquel il était si intimement associé, c’est le mystère
de la Croix. Voici ce qu’il écrit: “
Quand Jésus entre quelque part, il y entre avec sa Croix et il en fait part à
ceux qu’il aime. Joseph et Marie étaient des pauvres; mais n’était-ce pas assez
de leur indigence? Pourquoi Jésus leur attire-t-il des persécutions? Ils
vivaient ensemble dans leur ménage, pauvrement mais avec douceur, surmontant
leur pauvreté par leur patience et par leur travail assidu. Jésus ne leur permet
pas de repos; il ne vient au monde que pour les troubler, et il attire tous les
malheurs avec lui. Hérode ne peut souffrir que cet Enfant vive; la bassesse de
sa naissance n’est pas capable de le cacher à la jalousie du tyran. Le ciel
lui-même trahit le secret; il découvre Jésus-Christ par une étoile, et il semble
qu’il ne lui amène des adorateurs que pour lui susciter, dans son propre pays,
une persécution impitoyable.”
Plus tard, Joseph ira sans s’inquiéter, parce
qu’il est avec Jésus-Christ, “cet Enfant
qui ne laisse pas les siens en repos, mais qui les inquiète toujours dans ce
qu’ils possèdent et toujours leur suscite quelque nouveau trouble... afin de
nous apprendre que c’est un conseil de la miséricorde de mêler de l’amertume
dans toutes nos joies.”
Michel Gasnier contemplant le mystère de Joseph
s’attarde sur les sept douleurs qui ont jalonné sa vie. Nous en rappelons
brièvement les principales circonstances:
– Son angoisse quand il s’aperçut que son
épouse était enceinte, et la peine de son coeur lorsqu’il prit la décision de se
séparer d’elle en secret.
– Lors de la naissance de Jésus lorsqu’il
constata que toutes les portes de Bethléem se fermaient devant lui.
– Au moment de la Circoncision de Jésus,
quand il dut marquer la chair de l’Enfant et verser les premières gouttes de son
sang.
– Lorsque le vieillard Siméon annonça que
Jésus serait un signe de contradiction pour les hommes, et que le coeur de Marie
serait un jour transpercé d’un glaive de douleur.
– Lors de la fuite en Égypte.
– Au retour d’Égypte, lorsque, apprenant
la férocité du fils d’Hérode, il renonça à s’installer en Judée et choisit de
rentrer à Nazareth.
– A l’occasion de la majorité de Jésus,
lorsque ce dernier, sans prévenir, voulut être aux affaires de “son Père”.
Nous avons déjà souvent contemplé Joseph, gardien
du Fils Éternel du Père. “Marie
est le sanctuaire du travail du Saint Esprit
sur terre, mais elle-même est confiée à Joseph, ombre du Père Éternel.” Tout
ceci se comprend bien dans le cadre de l’enfance et de l’adolescence de Jésus.
Quand Jésus, adulte, devra commencer sa mission, Joseph aura disparu. Joseph
aura-t-il pour autant, terminé sa mission? On répond spontanément oui. Et
pourtant!
Comme plusieurs auteurs l’avaient déjà pressenti
avant lui, André Doze pense que la tâche de Joseph devait, sous d’autres formes
accompagner Jésus durant toute sa vie. Il était, notamment, mystérieusement
présent lors de la Passion de Jésus. En effet, lorsque Jésus est mort sur la
croix, et que Marie, malgré le désarroi général, restait forte dans sa foi,
“Dieu a voulu qu’un certain Joseph garde
le corps du Christ. Ce n’est pas un hasard. C’est Joseph qui, de toute éternité,
doit garder le corps du Christ, comme l’Église commencera à le reconnaître le 8
décembre 1870, en le proclamant Patron de l’Église universelle. Discrètement, en
ce Samedi Saint qui résume l’histoire de l’Église, c’est Joseph qui veille sur
le corps endormi du Bien-Aimé: le sein virginal de Marie, à lui confié, verra le
commencement de l’engendrement du Fils unique. Le tombeau neuf, prêté par un
certain Joseph, sera le seul témoin de l’achèvement de cet incomparable
engendrement, notre seule espérance.”
[1]
Comment conclure? Seule Marie, rencontrée au pied
de la Croix, peut nous introduire chez elle, à Nazareth.
“Nous serons étonnés d’y entrevoir, effectivement,
ce que nous avions commencé à deviner le Samedi Saint. C’est là que nous
pourrons commencer à deviner les secrets inconnus du Septième jour et le rôle
ignoré de Saint Joseph, fils de David, à qui Dieu a, de toute éternité, confié
la garde de ce mystère tenu caché au long des âges et que Dieu a manifesté
maintenant à ses saints.”
Voici quelques saintes
méditations
On ne sait que peu de choses du Père Albert de
Paris, capucin, sinon qu’il vécut 62 ans de vie religieuse, et écrivit quelques
méditations sur Saint Joseph.
Le Père Albert, entrant dans l’église pour vénérer
l’Eucharistie, imagine qu’il entre dans la petite maison de Nazareth “dont
Saint Joseph était le maître” et maintenant son introducteur auprès de
Jésus. Parlant à Jésus, il dit, entre autres:
“Ô mon adorable Jésus, si Saint Joseph vous a logé
comme Verbe fait chair, ne lui ferez-vous pas l’honneur de demeurer chez lui à
présent que vous êtes le Verbe fait pain? Si vous lui avez obéi pendant que les
hommes ne vous connaissaient pas, vous voudrez bien encore dépendre de lui à
présent, dans l’état où votre amour vous a mis entre les mains des hommes qui
vous gardent et vous portent, et qui se servent de vous avec bien moins de
respect qu’il ne faisait? Il est bien juste que pour récompenser la fidélité
qu’il a eue pendant le temps de votre obscurité, il conserve quelque marque de
cet avantage, à présent que vous êtes dans la gloire.”
D’où la nécessité pour nous de célébrer le mystère
de la soumission de Jésus à Saint Joseph, ce Saint maître de la maison de Jésus
et chef de sa famille. Et le Père Albert d’ajouter: “Si j’entre (dans
l’église) je veux que ce soit lui qui m’introduise; si je Vous parle, je veux
que ce soit lui qui me présente; si j’obtiens quelque grâce, je veux que ce soit
lui qui l’ait sollicitée, et si je Vous reçois, je veux que ce soit lui qui Vous
donne à moi...” Ô mon aimable Sauveur, abattez les idoles de mon amour-propre:
faites tomber tout ce qui ne Vous adore pas en moi, et faites que je devienne
pour Vous une maison où Vous daigniez demeurer et dont Saint Joseph soit le
maître..” Puis, s’adressant à Saint Joseph:
“Oui, grand Saint, les soins que vous avez eus de
l’humanité de mon Sauveur Lui furent trop agréables pour qu’Il ne continue pas
encore de se glorifier en vous par l’exercice de cette pratique. “
Et comme l’Eucharistie est la continuation et
l’extension de l’Incarnation, le Père Albert aime à se persuader que la charge
de Saint Joseph, nourricier et père, se continuera jusqu’à la consommation des
siècles, et que, de même qu’il a fourni le pain pour faire vivre le Verbe fait
chair, il prendra encore soin de la chair de ce même Verbe sous les apparences
du pain. Le Père Albert s’encourage “à
la fidélité en honorant Saint Joseph et en adorant Jésus-Christ dans le Très
Saint Sacrement de l’autel. “
[2]
Le Père Faber n’est plus très connu et c’est
dommage. Anglican converti il s’attarda longuement à contempler la crèche de
Bethléem, où, parmi les adorateurs de l’Enfant Jésus, Saint Joseph a une place
de choix.
“Joseph adorait Jésus comme jamais aucun saint
ne l’avait adoré... Il n’y avait pas d’ange qui pût aimer Jésus comme Joseph
l’aimait, comme Joseph était tenu de l’aimer. Il n’y avait pas d’amour temporel,
sauf celui de Marie, qui pût mieux ressembler à un amour éternel que l’amour de
Joseph pour l’Enfant, à cause de sa ressemblance avec l’amour du Père Éternel.
Saint Joseph était prêtre de l’Enfant Jésus, mais
pas pour le sacrifier ni pour l’offrir,
“c’était seulement pour le garder, le diriger avec respect et l’adorer.... Il
était le prêtre serviteur à la garde duquel le tabernacle avait été confié...
Saint Joseph a beaucoup souffert: “Au fond de
la crèche il y a la Croix; le coeur de l’Enfant Dieu est un crucifix vivant.
Depuis la première crainte de Joseph à l’occasion de Marie, jusqu’à ce jour où
il a reposé sa tête fatiguée sur les genoux de son divin Fils, pour s’y endormir
du dernier sommeil, sa vie a été une souffrance continuelle, la torture de
l’anxiété sans l’imperfection du trouble...” Les hommes grossiers, les
femmes égoïstes de Bethléem, la fuite, le retour, les craintes, tout cela fut un
calvaire continuel pour Joseph.
S’adressant à Saint Joseph, Mgr Pichenot s’exprime
en termes pleins de reconnaissance, car c’est à lui que nous devons
l’Eucharistie: “Lève-toi, Joseph, prends l’Enfant avec sa mère, et cherche
son salut dans la fuite. Veille sur lui, conserve-le bien, c’est notre seul
espoir; il doit nourrir un jour, de sa propre substance, le monde entier. Si
l’orage de la persécution avait moissonné alors cet épi naissant, nous n’aurions
pas aujourd’hui le Pain sacré qui donne la vie éternelle.
C’est en Égypte que l’ancien Joseph amassa dans
les greniers, pendant les sept années d’abondance, le blé qui devait nourrir les
sujets de Pharaon et la Maison de Jacob, pendant les sept années de stérilité.
C’est en Égypte d’abord, c’est à Nazareth ensuite, que le nouveau Joseph cacha
longtemps Celui qui, à la veille de sa mort, ouvrit ses tabernacles et dit aux
Juifs et aux Gentils: “Prenez et mangez, ceci est mon corps; prenez et mangez,
ceci est mon sang; ma chair est vraiment nourriture, et mon sang breuvage.”
Notre Joseph, mieux que le vice-roi du Nil, peut donc être appelé le Sauveur du
monde... La Sainte Hostie nous arrive, pour ainsi dire, toute détrempée des
sueurs de Saint Joseph... Dans ces temps de stérilité après dix-huit siècles,
nous vivons encore du froment amassé par lui et mis en réserve dans ces greniers
d’abondance que nous appelons les saints tabernacles.”
[3]
L’Abbé Gaston Courtois médite sur Saint Joseph,
image du sacerdoce. Il imagine Jésus se confiant à ses prêtres, et se
réjouissant de ce qu’ils contemplent Saint Joseph. Jésus dit:”Que
de fois, moi aussi, je l’ai regardé, je l’ai observé, je l’ai contemplé et j’ai
admiré! Si tu savais la virilité de son caractère, la rectitude de son jugement,
la perfection de son équilibre, et, par-dessus tout, la délicatesse exquise de
son coeur!
J’étais fier d’être appelé son fils et d’être
considéré comme tel. Il a eu pour moi tant de dévouement... En lui, je voyais
l’homme dans sa dimension première et sa perfection dernière... En lui, je
voyais tous les hommes, les pauvres, les ouvriers, les artisans des villes et
des campagnes, aussi bien que les fils de rois. Je voyais aussi tous ceux qui
auraient à s’exiler, à s’expatrier, à se déraciner.
En lui surtout, je vous voyais tous, mes
prêtres bien-aimés. Ne suis-je pas entre vos mains, sous les espèces
eucharistiques, comme j’étais entre ses bras lorsqu’il me prenait, Enfant? Ne
vous suis-je pas soumis, comme je lui étais obéissant. Comme lui, chacun de vous
n’a-t-il pas à me protéger, à me défendre, à me nourrir, à m’aider à grandir en
beaucoup d’âmes? Comme lui, chacun de vous n’a-t-il pas à souffrir pour moi ou à
cause de moi? Mais aussi, chacun de vous n’est-il pas appelé à vivre comme lui
dans mon intimité et celle de ma mère?
Allez plus souvent à Joseph. Il y a en lui une
source de grâces cachées qui vous sont réservées... C’est un bon compagnon qui
connait bien le rude “métier” qu’est le vôtre et qui vous enseignera à faire de
la belle ouvrage... Il vous apprendra surtout cette disponibilité totale aux
vouloirs du Père Céleste qui est le secret du véritable surnaturel.. Car ce qui
importe, ce n’est pas tellement de se dépenser sans compter que d’accomplir avec
tout l’amour dont on est capable, ce que Dieu attend de chacun.
Confiez aussi à Joseph vos soucis et vos
peines, vos angoisses et vos inquiétudes: il sait par expérience ce qu’est
l’anxiété, l’insécurité... Pour lui, l’abandon était une forme active du don
total de lui-même au plan d’amour du Père.
Il n’est point jusqu’aux difficultés
matérielles qu’il n’ait mission de résoudre à votre profit, pour peu que vous
fassiez appel à son crédit qui est immense.
Enfin, lorsque vous serez sur le point de
terminer la phase terrestre de votre existence, nul ne pourra mieux vous
assister que celui qui est mort entre mes bras.”
[4]
[1] André DOZE
”Joseph, Gardien du Shabbat” - Éditions des Béatitudes
[2] Cité par Mrg
Villepelet dans “Les plus beaux
textes sur Saint Joseph”
[3] Cité par Mrg
Villepelet dans “Les plus beaux
textes sur Saint Joseph”
[4] Cité
par Mrg Villepelet dans “Les plus beaux textes sur Saint Joseph”
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