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Le Rosaire de l'Immaculée
1-1-Une rencontre imprévue
Nous sommes le 13 mai
1940. La deuxième guerre mondiale se poursuit, inflexible, ainsi que
l'invasion, par
l'Allemagne
de Hitler, de nombreux pays européens.
Bärbell' Ruess de
Pfaffenhofen,
âgée de seize ans, se promène dans la forêt, dans un secteur
appartenant à son père et situé dans les environs de son village. La
veille, jour de la
Pentecôte, elle avait déjà pris ce chemin et récité le chapelet.
Mais, comme au cours de sa promenade
elle avait perdu son chapelet,
elle refit le même chemin
en sens inverse, pour le chercher.
Elle cheminait lentement
quand une femme se joignit
à elle. Après quelques mots de
salutation, la femme dit à Bärbel:
― Tu te demandes
quel chapelet tu dois réciter?
Je vais t'apprendre un autre
chapelet et prier avec toi.
Bärbel lui demanda:
― D'où savez-vous ce que je viens
de penser, et qui
êtes-vous?
La femme répondit :
― C'est sans importance.
Mais si tu récites assidûment le
chapelet que je vais
t'enseigner, tu apprendras à mieux me connaître.
Alors la femme lui enseigna le
chapelet de l'Immaculée: au lieu d'ajouter
à la fin des Ave
Maria la formule en usage en
Allemagne, on la remplace par l'une des invocations
suivantes:
– au 1er mystère:
Par votre Immaculée Conception, sauvez notre patrie,
– au 2ème mystère: Par
votre Immaculée Conception, gardez notre patrie,
– au 3ème mystère:
Par votre Immaculée Conception, guidez notre patrie,
– au 4ème mystère:
Par votre Immaculée Conception, sanctifiez notre patrie,
– au 5ème mystère:
Par votre Immaculée
Conception, gouvernez notre
patrie.
On pouvait aussi ajouter des
noms de personnes ou de
communautés, pour qui l'on voulait réciter le chapelet. Puis
la femme récita avec Bärbel
le chapelet pour la
patrie (c'était au cours
de l'année de guerre
1940). Mais chose
surprenante, elle ne récitait qu'une
partie du chapelet:
le
"Notre
Père" et le "Gloire au Père."
Quand elles eurent récité le
chapelet, la femme
s'éloigna.
Bärbel
avait été très impressionnée
par le visage de cette femme de qui émanait comme un
rayonnement extraordinaire de
spiritualité, de pureté
et de bonté. Bärbel,
désireuse de la revoir,
récita dès lors
fréquemment le chapelet de l'Immaculée. Mais elle garda
soigneusement pour elle ce qui
venait de se passer. Ce n'est que
cinq ans plus tard,
environ, qu'elle en parla à son
amie Anna
Humpf.
1-2-Le mouvement de Schönstatt
Trois années étaient
passées depuis la rencontre de Bärbel avec la Dame inconnue, trois
années de guerre... Le 29 septembre 1943, l'abbé Martin Humpf
devenait le curé de Pfaffenhofen qui avait alors 1300 habitants. Sa
soeur Anna Humpf, chargée de l'assister auprès de la jeunesse,
rassemblait de temps en temps une vingtaine de jeunes filles, de
quinze à vingt ans, le soir à la cure. Ces réunions étaient appelées
"leçons de chant", pour ne pas entrer en conflit avec les lois du
IIIe Reich: il était alors difficile, voire dangereux, d'éduquer
chrétiennement la jeunesse, le régime national-socialiste
travaillant dans une direction hostile à l'Eglise.
Anna Humpf avait
appartenu dès sa jeunesse, au mouvement de Schönstatt. C'était un
mouvement d'apostolat religieux qui proposait Marie comme modèle.
Bärbel Ruess, quoique très pieuse, ne put se joindre au groupe animé
par Anna Humpf qu'en 1945, car elle avait été gravement malade. Elle
avoua un jour à Anna que c'était parce qu'elle présentait la Mère de
Dieu comme l'idéal de la femme et de la jeune fille, qu'elle était
venue se joindre à son groupe.
1-3-Protéger sa paroisse contre les
dangers de la guerre
En 1944, les avions
ennemis survolaient en permanence la contrée, et personne n'était
plus en sécurité. Quelques mois auparavant, la ville d'Ulm avait été
détruite par ces bombardements aériens. L'une des plus importantes
routes de retraite des troupes allemandes passait par Pfaffenhofen,
et presque chaque semaine des avions militaires survolaient la place
de l'église. Pfaffenhofen risquait d'être détruit. Qui pouvait
apporter le salut? C'est alors que le curé Humpf lanca l'idée,
devant la catastrophe menaçante, de faire un vœu à la Mère de Dieu:
si elle préservait la paroisse de Pfaffenhofen, on lui construirait
une chapelle en reconnaissance. Devant le danger croissant et de
plus en plus imminent, la paroisse se tournait vers Marie "Secours
des chrétiens".
La confiance des
paroissiens de Pfaffenhofen ne fut pas déçue: la guerre se termina
sans dégâts notables pour Pfaffenhofen. Les lourdes bombes qui lui
étaient destinées tombèrent dans la forêt voisine où elles
creusèrent plusieurs gros cratères.
Une telle protection
était la réponse de la Mère de Dieu au vœu des paroissiens qui se
mirent à l'œuvre pour lui bâtir la chapelle promise. Mais où
fallait-il l'élever?
1-4-Accomplir le vœu de la paroisse
Deux emplacements
étaient possibles sur une colline boisée: l'un à la lisière du côté
ouest, l'autre à la lisière est. Comme il était de coutume, à
Pfaffenhofen, d'emmener les enfants de la première communion, le
dimanche de Quasimodo, faire une excursion avec leur curé à une
chapelle de Lourdes, on voulut, cette année-là, célébrer la Mère de
Dieu, sur l'emplacement de la future chapelle. Mais il fallait pour
cela aménager un peu la place. Aussi Anna, la sœur du curé,
prépara-t-elle un tableau de Notre-Dame de Schönstatt pour
l'oratoire. Puis, le 25 avril 1946 dans l'après-midi, vers 15
heures, le curé Humpf, Bärbel (22 ans) et Anna, (26 ans), sortirent
pour choisir définitivement l'endroit et pour l'aménager.
Les deux endroits
choisis pour la chapelle projetée paraissaient également appropriés:
le choix s'avérait difficile. Bientôt le curé raconta l'histoire de
l'origine de la basilique de Sainte-Marie-Majeure à Rome, et ajouta:
– Il faudrait que
l'on sache maintenant quelle est la bonne place. Un signe comme
celui de Rome faciliterait le choix.
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