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La vie de Jésus adulte à Nazareth
Marie-Aimée de Jésus remarque
"que tous les actes
du Verbe incarné eurent le double mérite de l'acte
volontaire et de l'acte d'obéissance... Que choisit le Fils
de Dieu?... Jésus est homme, mais il est Dieu également et
il veut l'abjection..."
Jésus avait tout ce
qu'il fallait pour traiter d'égal à égal avec les Docteurs
de Jérusalem, mais il veut encore être oublié, ignoré,
caché, inconnu, car l'Heure n'est pas encore venue. Jésus
veut manger le pain qu'il aura gagné: il sera charpentier
comme Joseph. Ainsi, chez les hommes comme en Dieu, Jésus
occupera "le juste milieu... Ainsi, il montrera aux âmes
simples et pures quelque chose de l'éclat de sa gloire...."
Et Marie-Aimée de s'écrier: "Il est des âmes
qui vous contemplent, il en est qui vous comprennent autant
qu'il est possible à de chétives créatures. Il en est
auxquelles vous découvrez vos attraits intérieurs..."
Ces âmes, peu nombreuses, apprennent l'estime de la vie
cachée, obscure, oubliée.
De
nouveau, Marie-Aimée s'adresse directement aux religieux et
aux religieuses. "Leur vie est séparée de la multitude,
mais pour les chrétiens, cette vocation est considérée comme
un état supérieur et digne d'estime." Mais dans le
monastère, si une âme est favorisée de quelque grâce
exceptionnelle, elle doit le cacher, le dérober aux yeux des
autres. Certes, cette vie dérobée est cruelle pour la
nature, et l'âme doit demander souvent à Dieu la force
nécessaire pour résister aux révoltes de l'amour-propre et
aux aiguillons de Satan.
4-2-1-Marie-aimée
contemple Jésus dans son atelier
Marie-Aimée contemple Jésus qui s'est mis au travail dès que
ses forces le lui ont permis: quel exemple! "Le labeur
d'un Homme-Dieu, quel paiement à la justice divine pour le
péché de l'homme et quelle leçon pour celui-ci!... Si
l'homme était demeuré dans l'innocence, le Verbe se serait
incarné... alors le Christ n'aurait pas souffert et ne
serait pas mort; il aurait sans doute travaillé avec
l'homme, non péniblement, puisque la terre aurait tout
produit d'elle-même, mais pour vivre la vie de l'humanité...
Il se serait interrompu pour chanter avec l'homme les
louanges de Dieu..." Mais l'homme a péché et il doit
manger son pain à la sueur de son front. Alors le Verbe
s'incarne "par un amour de compassion envers sa créature
déchue... pour glorifier et faire glorifier la Bonté
manifestée par la Miséricorde." Et le travail de l'homme
est ennobli, élevé à l'ordre divin. Grande joie pour les
ouvriers!
"Les
pensées de l'esprit de Jésus, les sentiments de son cœur
sont si divins... qu'ils sauvent le monde. Jésus sait qu'Il
nous instruit, nous console, nous soutient par son labeur...
Il révèle dans une éclatante lumière son amour de la
pauvreté... Jésus se plaît à agir comme les pauvres... Il
n'est pas pauvre par nécessité, mais par attrait... Ô
humilité de Celui qui, ayant tout fait de rien ne
recherchait pas tel ou tel travail en lui-même, mais voulait
surtout nous inspirer, en toutes choses, l'amour de la
simplicité... Seigneur, Vous ne cessez jamais d'être grand,
même dans vos abaissements parce que vous êtes la grandeur
même..."
4-2-2-Réflexions
sur le travail dans la vie religieuse
La vie religieuse est toujours
et obligatoirement, à la fois active et contemplative. Mais
l'amour du travail bien fait est une vertu qui a pour modèle
la vie même du Verbe incarné sur la terre. Cette vertu
"n'existera plus au
ciel, mais elle est indispensable sur la terre, car le
véritable amour préfère le labeur au repos; il préfère se
dévouer à son objet que d'en jouir, c'est l'amour
désintéressé... Nous ne pouvons et nous ne devons pas plus
nous dispenser du travail que de la nourriture; l'une doit
être gagnée par l'autre... L'enseignement de Jésus est
infaillible. Il nous apprend non à vivre comme des anges,
mais comme a vécu un Homme-Dieu... Gardons notre esprit et
notre pensée pour Dieu; abandonnons le corps à ce pour quoi
il est destiné... En vraie pauvre, l'âme religieuse aime
à
penser que son travail aide à soutenir la vie de ses sœurs
et à faire l'aumône: ainsi faisait Jésus... L'âme solitaire
travaille dans la retraite et le silence... L'obéissance
règle le travail de toute âme religieuse."
4-3-La
vie de Jésus avec Marie et Joseph (tome 2 – Chapitre 19)
Jésus-Christ est Dieu. Il ne
veut et n'agit que sous l'inspiration du Saint-Esprit. Mais
Il est vraiment homme, et, pour les choses extérieures et
courantes, Il est soumis à Marie et à Joseph. Cela est un
grand mystère. Jésus apprend de Joseph le métier de
charpentier, Il écoute ses leçons avec grande attention. Son
intelligence divine se soumet à une intelligence humaine.
Quelle humilité! Marie-Aimée s'extasie:
"Il y a en Jésus un sentiment
auquel on pense peu, c'est celui de la joie que l'humilité
lui fait rencontrer et goûter, dans l'héroïque soumission
qu'il rend à ses créatures en vue de son Père céleste...
Jésus est simple, très simple... Il obéit dans la sérénité,
toutes ses puissances étant tournées vers Dieu le Père
céleste... Jésus n'a qu'un seul désir: accomplir la volonté
de son Père... Jésus obéit, et c'est tout... Plus les actes
de Jésus sont ordinaires pour nous, plus il est merveilleux
qu'un Dieu s'y assujettisse. Jésus ne voit que son Père, et
Il obéit...
Ô
divinité, que votre nom est glorifié par une telle humilité!
Que votre puissance est dignement louée par une telle
impuissance! Que votre sagesse est hautement louée par une
telle folie! Que votre science est divinement exaltée par ce
semblant d'ignorance! Ô anges, ô hommes, abîmons-nous dans
ce mystère!"
D'où la méditation de
Marie-Aimée sur la vertu d'obéissance. "L'âme qui vit
avec Jésus-Christ depuis sa naissance et qui l'a suivi avec
fidélité en contemplant assidûment tous ses actes, est
obéissante sans aucun doute... Mais est-elle soumise? La
soumission est la parfaite obéissance, celle qui joint à
l'accomplissement exact, prompt et joyeux de ce qui est
commandé, l'humilité de l'esprit, l'adhésion de la volonté,
l'approbation du jugement; le contentement du cœur..."
Jésus a donné l'exemple en se soumettant aux hommes.
Soumettre ses facultés, pour Dieu, c'est le triomphe de
l'amour, et "plus on
aime, plus on s'élance vers ce qui peut plaire à Dieu qu'on
aime... La soumission, pour être parfaite, s'étendra à
toutes les personnes qui à un degré ou à un autre, peuvent
intimer des ordres; car, pour une entière conformité avec le
divin Maître et par amour pour lui, l'âme se complaît dans
une obéissance totale qui la soumet à toute créature..."
La
justice de Dieu est toute bonté. Après avoir créé le monde,
Dieu se reposa le septième jour. C'est un modèle pour
l'homme qui devra se reposer, selon le précepte, pour se
souvenir de Dieu. Mais que se passait-il dans la sainte
famille, le jour du Sabbat? Marie-Aimée nous répond:
"Entrons dans la maison de Nazareth. C'est le soir du
sixième jour de la semaine. Le soleil... disparaît à
l'horizon. Au même instant Jésus, Marie et Joseph se
prosternent devant celui qui a créé toutes choses... Le
Christ passe la nuit en prière et la plus grande partie du
saint jour. .."
Marie-Aimée contemple Jésus qui est comme en extase, et elle
distingue en lui trois regards:
- "Le
premier regard du Verbe incarné s'étend du premier jour du
monde au septième. Jésus se repose en contemplant la
magnificence des œuvres divines...
- Le deuxième regard du Verbe
incarné s'étend du septième jour du monde, au jour plus
brillant de sa glorieuse résurrection... Ce sont quarante
siècles qui passent,
et avec eux toutes les générations: les patriarches, les
prophètes, Marie, l'Incarnation, sa naissance, sa vie, sa
mort... Jésus entre d'avance dans le repos si doux du Dieu
Rédempteur et dans les célestes joies de sa Résurrection.
C'est principalement pendant cette extase que la vigueur du
corps sacré de Jésus se renouvelle, pour endurer de nouveaux
travaux.
- Le
troisième regard du Verbe incarné s'étend du jour de la
résurrection auquel le sabbat cèdera, pour tous les siècle à
venir, son repos religieux à cet autre huitième jour qui
sera celui du dernier jugement... Et Jésus entre d'avance
dans le repos de Dieu sanctificateur. Tout son être le loue,
par anticipation avec tous les saints, anciens, présents et
futurs, dont il a la consolante vision.
Ces
trois regards sont des regards d'admiration: admiration dans
le monde de l'homme, admiration dans le monde du Christ,
admiration dans le monde de la grâce."
Jésus bénéficie aussi de trois
repos: "un repos de
silence et d'adoration, un repos d'amour et de
reconnaissance, un repos de louange et de jubilation.
Silence et adoration en Dieu Créateur, amour et
reconnaissance en Dieu Sauveur, louange et jubilation en
Dieu Sanctificateur..."
Sœur Marie-Aimée se "retrouve"
dans la sainte Trinité dont elle contemple les repos. Pour
elle, "le repos du
septième jour est le repos du Père, parce que la création
est son particulier ouvrage. Le repos de la résurrection est
le repos du Fils... Le repos de l'éternité, suivant la
cessation du temps, est particulièrement le repos du
Saint-Esprit, parce que la sanctification des âmes est son
particulier ouvrage... Ainsi, à cause de l'unité des
personnes dans la Trinité, ce que l'une fait, l'autre le
fait aussi... Ainsi, le Père et le Saint-Esprit faisaient
entrer le Christ dans leurs repos respectifs..."
Marie-Aimée revient à la vie religieuse et à la façon dont
l'âme religieuse doit sanctifier le dimanche, glorieux
anniversaire de la résurrection de Dieu Rédempteur. Le
dimanche remplace le sabbat dans la loi nouvelle, car
l'œuvre de la Rédemption est plus grande que celle de la
création, et cette œuvre de la Rédemption demanda un sublime
effort de l'amour. Seule l'assistance au saint sacrifice est
obligatoire le dimanche, et les œuvres serviles sont
défendues. Malgré cette tolérance, Marie-Aimée s'afflige des
profanations si nombreuses du saint jour du dimanche:
"Pour
la religieuse, la plus grande partie du dimanche s'écoule
dans le doux repos de la prière; si elle s'accorde quelque
distraction, c'est par pure nécessité... D'un dimanche bien
sanctifié, la religieuse tire des fruits de renouvellement
dans l'amour de Dieu et dans l'esprit de sa vocation... Le
dimanche est comme un jour de retraite... Ce jour-là elle a
un immense besoin de contempler l'objet de son amour, de se
perdre en lui pour le mieux trouver et le mieux glorifier...
Plus l'âme vraiment contemplative s'est adonnée au travail,
en vue de Dieu, durant la semaine, mieux elle se repose en
lui le dimanche... Le lendemain du Jour du Seigneur, elle se
montre empressée à remplir son devoir... La flamme de son
amour est plus vive et l'entraîne plus loin."
D'où la plainte de
Marie-Aimée: "C'est
que hier, elle a vu les impies transgresser la loi du
Seigneur, elle veut satisfaire sa justice, dédommager son
amour... et attirer sur les coupables par les mêmes moyens
qu'employa son Sauveur, des grâces de conversion."
Marie-Aimée de Jésus pénètre
au sein de la pensée de la sainte Trinité:
"Le Père connaît son Fils, le
Fils connaît son Père; le Père et le Fils connaissent le
Saint-Esprit comme le Saint-Esprit connaît le Père et le
Fils. Le Père n'a pas une autre pensée que la pensée du
Fils, le Fils n'a pas une autre pensée que la pensée du
Père; le Père et le Fils n'ont pas d'autres pensées que les
pensées du Saint-Esprit, comme le Saint-Esprit n'a pas
d'autres pensées que les pensées du Père et du Fils. Le Père
aime son Fils et le Fils aime son Père; le Père et le Fils
aiment le Saint-Esprit comme le Saint-Esprit aime le Père et
le Fils. Voilà précisément ce qui peut expliquer ce qui est
vraiment inexplicable, c'est-à-dire ce mode de communication
qui existe entre les trois personnes de l'indivisible
Trinité, mode qui est un sublime langage, sans parole, et
dont l'entretien d'âme à esprit peut seul donner une idée...
Oh! qu'il est doux et agréable l'entretien des trois
personnes qui, étant distinctes, forment une réelle société,
et qui, étant unies indivisiblement, sont un seul et même
Dieu, le seul Dieu! Et cependant que dit ce Dieu par son
Verbe? 'Mes délices sont d'être avec les enfants des
hommes!'...
Le
Verbe s'est fait homme pour converser avec l'homme, et le
premier homme avec lequel il converse, c'est lui-même, étant
Dieu et homme... Deux natures et une seule Personne, le
seul Verbe, le seul Christ, Fils unique de Dieu, Fils unique
de la Vierge!... La perfection achevée, complète, incréée,
avec la perfection créée, la vie avec la Vie, l'amour avec
l'Amour! Y avons-nous pensé? Le ruisseau avec sa source, la
fleur avec sa tige, le fini avec l'infini, le créé avec
l'incréé, Dieu avec l'homme, Emmanuel!..."
Ainsi la divinité se montre à
l'intelligence de l'âme de Jésus-Christ, en se manifestant à
elle; celle-ci lui répond en l'adorant.
"L'intelligence de
Jésus-Christ ne peut cesser de parler le langage de
l'adoration parce que la divinité ne cesse point de lui
parler celui de la vision... La volonté de Jésus-Christ ne
peut cesser de s'entretenir avec la divinité par l'amour...
L'intelligence de Jésus-Christ ne peut pas pénétrer par
elle-même toutes les pensées et tous les desseins de la
divinité, mais la divinité lui communique ses secrets par
intuition..."
Jésus-Christ voit, avec les
pensées de Dieu, nos maux et nos besoins. "Ô Dieu,
quelles grandes choses! L'âme peut à peine les envisager,
elle a besoin de s'abîmer..." Les premières créatures
avec lesquelles Dieu s'entretient par Jésus-Christ son Fils,
furent Marie et Joseph. Mais que leur dit Jésus?
"Excepté pour les choses
nécessaires à la vie, Jésus n'eut le plus souvent, avec
Marie et Joseph, que des conversations intérieures. La
Vierge et Joseph exposaient au Seigneur leurs doutes, leurs
difficultés, leurs peines, comme nous le faisons dans
l'oraison, et Jésus leur répondait comme il nous répond à
nous-mêmes, quoique par des paroles plus distinctes et
accompagnées de plus vives lumières... Pour les choses
inférieures ou nécessaires à la vie, Jésus usait de la
parole ordinaire avec Marie et Joseph, comme avec les autres
hommes..."
Cependant, "le silence des trois saints contemplatifs
était rarement interrompu et pour fort peu de temps... La
vie de Jésus n'est pas extraordinaire comme nous le pensons;
elle est, à l'extérieur, on ne peut plus simple et
ordinaire. Le Christ était considéré comme le Fils de
Joseph... Et comme à Nazareth, Marie et Joseph avaient des
relations de connaissances, il est hors de doute que Jésus
eut, dans des circonstances inévitables, des occasions qui
sollicitaient de leur part des rencontres, des entretiens ou
ce que réclame la charité." Tout naturellement,
Marie-Aimée de Jésus va traiter de la manière de sanctifier
les récréations, dans son couvent. Mais ce qui suit regarde
aussi chaque âme en particulier.
"Il
est une conversation continuelle que toute âme doit avoir
avec Dieu: aspiration, adhésion, regard simple de
l'intelligence, souvenir affectueux de la mémoire, volonté
droite, intention pure, amour fidèle. Ce langage ne fatigue
pas puisqu'il est sans parole... Pour ses relations
extérieures, Jésus-Christ regardait tous les hommes comme
ses frères... Les entretiens de la religieuse doivent
respirer la simplicité et l'humilité de Jésus conversant...
Dans la plupart des ordres religieux, on travaille en se
récréant... et ce délassement n'est pas moins nécessaire à
l'âme qu'au corps... Au point de vue spirituel, cette
détente est également indispensable...
C'est
le Seigneur qui a voulu que de temps en temps les
récréations s'interposassent entre lui et notre esprit, non
pour cacher à celui-ci son divin objet qui est Dieu, mais
pour le reposer, alors qu'il le regardera comme à travers
les créatures... Heureuses les religieuses à qui Dieu
départit le don de dilater les âmes, comme le faisait Jésus
pour ceux qui l'approchaient... Ainsi, les récréations sont
une école de perfection... Croyons que l'humilité qui
demande et qui obtient du céleste Époux la suspension de ses
plus précieuses faveurs à ce moment, en est bien dédommagée
ensuite... Dilatons-nous, épurons-nous, simplifions-nous..."
L'Évangile ne dit rien de la
mort de saint Joseph, ni de la date, ni des circonstances.
Sœur Marie-aimée de Jésus en est très consciente. Elle ne
peut que constater que Joseph bénéficia d'un "privilège
incomparable de mourir entre les bras de Jésus et de
Marie... Joseph va mourir; Jésus éprouve en son cœur la
douleur de se séparer de lui. Il ressent en même temps la
douleur de Marie qui perd... son époux, son protecteur, son
ange visible et son soutien." Quant à Joseph, le
mourant, sa douleur est grande aussi car il va être séparé
de Jésus et de Marie qu'il ne reverra qu'après l'ascension
de Jésus.
Marie-Aimée s'étend peu sur
saint Joseph; par contre, elle profitera de cette méditation
pour conseiller les âmes religieuses, celles qui vont mourir
et celles qui les assistent. Après avoir redit que les
monastères sont des maisons de paix, elle sait que de temps
en temps "l'ange de la mort vient dire, de la part de
Dieu, à l'une des âmes qui y vivent: 'Voici l'Époux qui
vient'!" Un certain temps va s'écouler entre l'annonce
et la mort de l'âme choisie qui devra "se préparer, se
laisser purifier, consumer." Et la garde malade devra
"imiter, à la lettre, Jésus auprès de saint Joseph... L'âme
religieuse doit bien se garder de parler aux malades à cette
heure suprême, des choses de ce monde auxquelles elles
doivent être mortes depuis longtemps. Elle les entretiendra
peu du purgatoire, moins encore de l'enfer, à moins d'une
nécessité particulière; beaucoup de la Passion de Notre
Seigneur, beaucoup du ciel et de ceux qui l'habitent...
Témoigner, aux malades,
une sincère affection, mais forte, élevée, toute passée en
Dieu, est le fait d'une âme qui possède et qui donne
Jésus-Christ..."
Quand l'Époux est venu
chercher l'âme de son épouse, c'est un devoir pour celles
qui lui survivent,
"de garder son corps pour lui rendre les derniers devoirs...
Car ce corps, c'est le Temple de la Sainte Trinité, c'est le
tabernacle et le ciboire de Jésus-Christ. Ce corps n'a pas
été créé pour le tombeau, mais pour le Christ... Traitons ce
corps avec honneur et respect: un jour il suivra l'Agneau
partout où il ira... Enfin, quand tout est fini aux yeux du
corps, tout commence aux yeux de l'âme qui a la foi..."
Marie-Aimée contemple Jésus
avec ses yeux de la fin du 19ème siècle et la
connaissance qu'elle avait des habitudes et des misères de
la société des débuts de l'ère industrielle. Ses méditations
sur les austérités et les pénitences de Jésus sont également
conformes aux mentalités de son époque. Ainsi, Marie-Aimée
écrit: "Le Fils de Dieu fait homme n'a pas été un seul
instant sans souffrir, depuis son incarnation jusqu'à sa
mort." Cette affirmation est peut-être exagérée, car
Jésus, Dieu fait homme pour connaître tout ce qui fait une
vie humaine, a forcément éprouvé des plaisirs, des
satisfactions et de la joie dans ses activités quotidiennes
et dans son travail. Ceci étant bien posé, on peut revenir à
la méditation de Marie-Aimée, en la transposant sur les
ouvriers de son temps dont les souffrances et la misère
étaient très grandes. Ainsi, Marie-Aimée écrit:
"Jésus-Christ qui est
l'humilité même a voulu que les hommes de son temps ne
soupçonnassent point sa pénitence et qu'elle ne leur parût
qu'une suite de sa pauvreté...
Dès
le matin il quittait le lieu où il était déjà depuis
longtemps prosterné devant son divin Père, et il commençait
sa pénible journée d'ouvrier... Il soutenait sa vie avec de
pauvres aliments... tout comme les pauvres. Jésus ne
quittait le travail que lorsque le jour lui refusait sa
lumière... et il demeurait en prières bien avant dans la
nuit... Ô mon Jésus! Quelle vie! La vie d'un ouvrier et d'un
anachorète tout ensemble... Nul sur la terre, sinon Marie et
Joseph, ne connaît le secret de vos jeûnes, de vos
abstinences, de votre nourriture, de vos fatigues, de vos
veilles..."
Marie-Aimée raconte que
pendant qu'elle méditait les austérités de la vie de Jésus,
"elle comprit que le
Verbe ne s'était incarné, à titre de Rédempteur, que pour
mener une vie pénitente, parce que la divine justice avait
résolu de sauver, par la pénitence, l'homme déchu de
l'innocence... Les impies n'ont-ils pas dit dans l'égarement
de leurs pensées: 'L'homme après sa mort n'a plus de bien à
attendre, et on ne sait personne qui soit revenu des
enfers... Le temps de notre vie n'est qu'une ombre qui
passe: après la mort, il n'y a plus de retour... Allons
donc, jouissons des biens présents. Hâtons-nous d'user des
créatures tandis que nous sommes jeunes. Enivrons-nous des
vins les plus excellents... car c'est là notre sort et notre
partage.'
Et le
Christ, couvrant la voix arrogante des insensés a dit au
Très-Haut: 'Je m'offre à vous, ô mon Dieu, pour vivre, dès
ma jeunesse, dans la plus austère pénitence et dans la
privation de toutes choses... Je vous aurai dignement
glorifié, Père Saint. J'aurai sauvé des hommes, je serai en
droit de dire à ceux qui, malgré tout, se seront perdus:
qu'aurais-je dû faire pour vous que je n'aie pas fait'?"
Marie-Aimée comprit alors que
si le Christ avait embrassé une vie si pénitente, c'était
afin d'obtenir le salut de milliers d'âmes. Elle livre alors
quelques réflexions sur l'esprit de pénitence dans la vie
religieuse. "Si elle est lâche, c'est que l'amour, en
elle, n'est pas assez fort pour donner vie à l'esprit
d'expiation... et qu'elle a oublié, avec le temps, ce qui
manque à la sainte Passion de Jésus... Désormais son âme ne
cessera de répéter: 'quoi qu'il t'en coûte, il faut imiter
Jésus'..." Marie-Aimée énumère ce qui lui coûte: se
mortifier, veiller et travailler après une pénible journée,
souffrir de la faim, habiter une cellule incommode, endurer
le froid et le chaud, coucher sur la dure, se maltraiter et
paraître se ménager. Tout cela coûte beaucoup, mais quand on
aime!... "Quand on
aime beaucoup, tout ce qui faisait souffrir quand on aimait
peu devient un plaisir, tout ce qui peinait devient une
joie... C'est toute la théologie de l'amour..."
Marie-Aimée croyait que la vie
de Jésus avait été ordinaire, mais elle vient d'entrer dans
l'intimité de la vie de Jésus et elle s'écrie: "Mon Dieu,
soyez béni! Car les nouvelles connaissances que j'y ai
puisées m'ont donné une idée plus vraie de la vie religieuse
et de la manière dont je dois en vivre. Vie pénitente,
prolongement de la vôtre, ô Jésus!"
4-8-1-Le
départ de Jésus
Joseph n'est plus. Jésus,
resté seul avec Marie a continué humblement son travail de
charpentier. Personne, à Nazareth, n'a deviné qu'Il était le
Messie promis. Mais l'Heure vient, et Jésus doit commencer
sa vie publique. "Il
annonce à sa tendre Mère l'heure prochaine de la séparation
et lui montre, sinon dans les détails, du moins dans
l'ensemble, les événements qui vont se succéder jusqu'à sa
triomphante Ascension...
Jésus
et Marie se séparent... Désormais Marie sera seule."
Son sacrifice est immense car
elle sait où va son Bien-Aimé. Son cœur souffre, car elle
est Mère et Mère d'un Homme-Dieu. Jésus s'éloigne, grand
dans sa simplicité, fort dans sa douceur.
"Rien, en dehors des intérêts
de Dieu, ne captive son attention, ne le retient, ne
l'attire; seule la cause pour laquelle il est venu ici-bas,
le fixe et l'occupe. Sa mission de Rédempteur et de Sauveur,
ses augustes titres de prêtre et de Victime, donnent à son
caractère une nuance admirable de dignité et de gravité. Il
est grand sans hauteur, doux sans faiblesse, fort sans
dureté, égal sans être insensible, ferme sans jamais
descendre... L'Esprit du Seigneur est sur lui... Le Christ
est Dieu. Voilà pourquoi il est beau de cette beauté qui est
l'empreinte de la substance du Père, étant sa splendeur, son
reflet et... la blancheur de l'éternelle lumière...
L'expression de la physionomie du Christ lui est donnée par
la divinité qui habite corporellement en tout son être... Sa
beauté n'est que le rayonnement de la beauté intérieure de
son âme..."
4-8-2-Le
Christ est l'Époux des vierges
Sœur Marie-Aimée de Jésus
revient de temps en temps au sujet qui l'a conduite à son
travail d'écriture. Elle écrit: "Oui, Jésus est l'Époux
des vierges, et elles veulent le chercher jusqu'au midi de
sa gloire. C'est pourquoi leur amour, blessé par les
blasphèmes des impies, se venge par des cantiques et des
supplications. Leur amour s'étonne, non de la longanimité
d'un Dieu, mais de la perversité des hommes, non de la
miséricorde infinie, mais de l'ingratitude de ceux qui
refusent d'y avoir recours..." Entre plusieurs autres
saints, Marie-Aimée cite saint Paul de la Croix:
"Mes frères, aimez Dieu qui
mérite tant d'être aimé! N'entendez-vous pas les feuilles
mêmes des arbres qui vous disent d'aimer Dieu?"
4-8-3-Que
dire aux blasphémateurs?
Après tous les saints auxquels
elle fait référence, que dira Marie-Aimée? Pensant aux
blasphémateurs elle écrit:
"Depuis longtemps déjà je me
reposais à l'ombre de l'arbre chargé de fruits, quand tout à
coup retentit à mon oreille ce blasphème: 'Jésus n'est qu'un
homme!' Alors, oubliant mes saintes résolutions, mes nobles
ambitions, mon sexe même et ma jeunesse, je me suis mise à
crier: 'Jésus est le Fils de Dieu!'
L'écho de ma voix est revenu à mes oreilles; j'en fus
effrayée, j'en fus troublée, d'autant plus troublée que,
dans le transport de ma foi, j'avais parlé; que, dans le
délire de mon amour, j'avais écrit. La crainte d'être dans
l'illusion m'a fait dire toute la vérité. J'ai voulu ensuite
me taire, mais l'obéissance me l'a défendu. J'ai voulu
brûler, déchirer, anéantir, mais l'obéissance s'y est
opposée. Je tremblais, mais l'obéissance m'a rassurée. Et
mon cri est long comme un livre! Ô Dieu, j'adore vos
desseins!
Et
vous, contempteurs du Christ que vous dirai-je?... Je ne
vous ai fait entendre les cris enflammés que de quelques
saints... Ma vie qui s'en va ne me permet pas de feuilleter
les livres... Le Christ s'en va au désert, et, étant son
épouse, je dois l'y suivre... Je veux le contempler et m'en
nourrir. Après, ô ariens de nos jours, nous aurons de
nouvelles raisons pour dire et de nouvelles forces pour
crier: 'Jésus est le Fils de Dieu'!"
4-8-4-La
maturité de la vie intérieure
Marie-Aimée de Jésus conclut le tome 2 de son long ouvrage,
par une réflexion sur la vie intérieure arrivée à maturité.
En effet, après avoir longuement étudié la vie cachée de
Jésus, l'âme épouse a dû comprendre comment Jésus voulait la
transformer et la faire parvenir à la maturité –la virilité-
de la vie intérieure. L'âme épouse doit maintenant posséder
l'équilibre de ses puissances et de ses facultés et entrer
avec Jésus dans le désert. Marie-Aimée donne quelques
précisions:
"L'âme fidèle a bientôt trente ans dans la vie du Christ.
Elle a bientôt cet âge si elle sait avoir l'œil à tout... si
elle vraiment imitatrice de Jésus-Christ. Elle a bientôt
trente ans l'âme qui a assez d'empire sur elle-même pour
dominer l'orgueil et les émotions de l'impatience... Elle
sait accepter les réprimandes, les reproches, les
accusations sans fondement... Elle aime à rester dans
l'ombre... et attend surtout l'heure de Dieu... Elle est
assez sincère avec elle-même pour reconnaître et s'avouer ce
qu'il y a encore à extirper en elle d'amour-propre... Le
Saint Esprit lui montre alors le portrait qu'il lui a tracé
de Jésus-Christ... Et elle regardera où elle en est de son
recueillement, de sa mortification, de sa simplicité, de sa
pauvreté...
Cette
âme annonce Jésus-Christ sans dire une parole; elle
continue, sans même y penser, l'éloquente prédication de la
vie cachée du Sauveur, celle de l'exemple... Voilà ce qu'ont
été tous les saints sur la terre. Ils ont vécu 'à l'ombre
bienfaisante de l'Arbre chargé de fruits' qui est Jésus; ils
se sont nourris de lui, ce fruit si doux à leurs lèvres, ils
l'ont offert à ceux qui les entouraient."
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