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SES VERTUS MORALES
Le souci de la perfection
qu'avait le serviteur de Dieu était tel qu'il aimait corriger lui-même toutes
les épreuves d'imprimerie de ses écrits, même de ceux qui paraissaient
anonymement ou sous un pseudonyme dans A Defesa et
Il révélait son humilité lorsqu'il demandait pardon aux cérémoniaires, même simples séminaristes, quand il s'était trompé dans les cérémonies, malgré le soin extrême qu'il avait mis à les préparer. Il écoutait attentivement ses interlocuteurs, surtout à table ; il écoutait volontiers ses familiers, riant innocemment des histoires drôles qu'ils racontaient, et racontait à son tour des histoires d'autrefois. Jamais, cependant, il ne permit que l'on murmurât en sa présence. Doué d'une patience presque inaltérable, il ne manifestait jamais la moindre contrariété lorsqu'un familier du palais épiscopal lui répondait avec humeur. Il n'oubliait pas pour autant de corriger ce qui devait l'être ; il attendait une occasion plus favorable surtout au cours des retraites sacerdotales, pour attirer l'attention sur les manques de respect. Les occasions de mécontentement ne manquaient pas, surtout venant des secrétaires débordés et surchargés principalement par la correspondance qui s'accumulait sur les bureaux et à laquelle il était urgent de répondre. Il dictait simultanément deux lettres et parfois un article de journal, un discours ou une homélie ; les secrétaires étaient continuellement occupés, certains y perdirent la santé. Mais le bon prélat était si proche. Lors de la récitation du chapelet dans la chapelle après le dîner, il arrivait que les familiers vaincus par le sommeil ne répondent plus aux Je vous salue Marie et aux Notre Père récités avec beaucoup de dévotion et posément par l'archevêque qui finissait par y répondre lui-même à haute voix, sans adresser par la suite le moindre reproche aux dormeurs, bien que Jésus l'ait fait à ses apôtres au jardin des Oliviers. Le serviteur de Dieu aimait alterner avec un de ses secrétaires la récitation du bréviaire, généralement après dix heures du soir, mais quand il voyait que le secrétaire somnolait en priant, il l'envoyait se coucher et continuait à prier seul. Malgré le peu de temps qu'il accordait au sommeil -il lui arrivait de passer des nuits entières à travailler sans se coucher -on ne le voyait jamais somnoler dans les longues cérémonies ni lorsqu'il écoutait un discours ou un sermon, même si parfois d'autres personnes se laissaient aller dans les bras de Morphée. Son d'obéissance se manifestait dans le respect avec lequel il recevait tous les ordres et toutes les directives émanant du Saint-Siège et les suivait, même si cela devait lui attirer des ennuis et des affronts comme cela se produisit dans les années qui suivirent l'instauration de la république et avec la fondation du centre catholique portugais dont il fut l'un des principaux artisans. Il était par son obéissance docile et prompte au Saint-Siège un modèle vivant et un exemple éloquent pour ses subordonnés, surtout les prêtres. Quand ceux-ci lui objectaient le sacrifice qu'exigeait d'eux une nomination, il prenait sa croix pectorale (geste qui lui était particulier et fréquent) et la montrait en disant : Celle-ci n'est pas moins lourde que la vôtre. Voulez-vous l'échanger ?... L'inflexion ferme et douce de sa voix, tout comme le geste expressif qui était une invitation, suffisaient pour calmer les tempêtes et entraîner les volontés. Sa prudence se manifesta surtout dans sa façon de ramener, sur le chemin de l'accomplissement exact et digne de leurs obligations sacerdotales, les prêtres qui vivaient en marge des canons de l'Église. Il se servait avec douceur et fermeté de la houlette épiscopale pour faire revenir au bercail les brebis égarées, et ce n'est qu'après avoir épuisé tous les moyens de la persuasion, qu'il suspendit un petit nombre de rebelles. De la part des laïcs, il n'acceptait de plaintes contre les prêtres que si elles étaient signées. Il était plein de délicatesse et de prudence dans ses contacts avec les femmes. Ainsi, quand une dame tout à fait respectable, dans la maison de laquelle il devait être hébergé en une localité de l'archidiocèse, lui envoya son automobile pour le conduire et qu'il apprit que venait dans le véhicule une dame qui lui était inconnue, la fille de sa bienfaitrice, il remercia et s'excusa de ne pouvoir profiter de la voiture, et emprunta une automobile, parce que le prélat n'avait pas encore de voiture alors et se servait de celles que lui prêtaient de généreux diocésains. Sa délicatesse ne l'empêcha pas d'exprimer son désaccord sur les modes immorales, au point de refuser la confirmation aux filles de maîtres de maison qui l'hébergeaient et de les envoyer à leurs mères pour que celles-ci les habillent plus décemment. Son successeur, monseigneur Manuel Trindade Salgueiro rapporta que dans les dernières conférences auxquelles monseigneur Mendes participa, il insista encore pour que l'épiscopat publie une notre contre les modes indécentes. Son zèle pour la chasteté sacerdotale se manifestait lors des retraites par l'insistance avec laquelle il l'inculquait aux participants. L'épisode suivant en est révélateur : il demanda à un secrétaire de lui acheter un certain quotidien du soir de Lisbonne. Lorsqu'il s'aperçut que figurait sur le journal une femme dans une tenue peu décente, il s'arrangea pour la cacher aux yeux du jeune secrétaire. Indécis en apparence, il prenait le temps de réfléchir, ses décisions étaient alors irrévocables. On aurait dit qu'il n'éprouvait aucune difficulté pour réaliser ses projets. Il sollicitait les prières des communautés religieuses. Il se recommandait tout particulièrement aux trois sœurs de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus qui vivaient au carmel de Lisieux. Lors de l'acquisition de la propriété de Saint-Antoine à Évora, en 1938, initialement destinée au grand séminaire, il écrivit une lettre à son secrétaire particulier qui le représentait dans cette transaction : J'avais demandé dans mes prières que ne se fit que ce qui serait agréable à Dieu, et de bonnes âmes se sont du reste associées à cette intention; nous devons donc considérer cet achat comme un indice de la volonté de Dieu. Nous devons ensuite espérer de sa munificence infinie, les ressources pour le payer... Le contrat a été signé le dernier jour du Cœur de Marie. N'est-ce pas un signe encourageant ? Ses décisions n'étaient cependant pas inébranlables au point de ne pouvoir s'adapter à la réalité. C'est le cas pour la propriété de Saint-Antoine où le bâtiment projeté pour le petit séminaire qu'il désirait tant ne put être construit, tant à cause des difficultés émanant de la direction des monuments historiques qu'a cause du déplaisir qu'aurait causé à Vila Viçosa le départ du séminaire de la maison ducale. Cependant, la propriété se révéla un lieu parfaitement adapté pour les retraites, les sessions et les réunions. Les participants des cours de chrétienté de l'archidiocèse l'appellent la ferme des miracles, en raison de la transfiguration spirituelle qu'y trouvèrent des milliers de chrétiens, hommes et femmes, et certainement aussi grâce à l'intercession du serviteur de Dieu, dont les membres des cours de chrétienté ont précisément demandé la béatification, comme nous le dirons plus loin. Son tempérament naturel, sa vie intérieure profonde et son recueillement surnaturel ne rendaient pas monseigneur Manuel Mendes particulièrement expansif. Apparemment froid et distant, il était cependant toujours affable et prévenant envers tout le monde. Il sollicitait tout comme une faveur, même aux employés du palais archiépiscopal. Dans les salons, il se comportait en vrai gentleman. aimant imiter non seulement la mansuétude mais aussi les bonnes manières de saint François de Sales. Dans les contacts familiers, il émanait de lui une simplicité attirante et bienveillante. Il n'avait pas d'heures fixes pour les audiences parce qu'il était toujours disponible pour recevoir tout le monde, surtout les prêtres auxquels il ne manquait jamais de faire une visite quand il lui arrivait de traverser leurs paroisses au cours de ses visites pastorales continuelles du diocèse. Il était toujours optimiste. Sa joie était sereine et sans malice. Quand il se déplaçait dans son diocèse, il accordait généreusement sa bénédiction à tous ceux qu'il rencontrait en chemin. S'il voyait un berger, il le saluait et l'appelait cher collègue. car lui-même n'était-il pas berger des âmes ? En voyage à l'étranger, il ne portait extérieurement aucun insigne épiscopal. Cela lui donnait parfois l'occasion d'entendre des commentaires et des paroles dures contre le clergé. Ainsi, lors d'un voyage à Lourdes, des Portugais qui voyageaient dans le même wagon, pensant qu'il était prêtre français et qu'il ignorait leur langue, dirent pis que pendre des prêtres. En changeant de compartiment ils oublièrent un parapluie que le serviteur de Dieu leur apporta en s'exprimant en portugais, sans faire de réflexion, à leur grande confusion. A Saint-Marc de Venise, il fut mal reçu par un chanoine de mauvaise humeur lorsqu'il demanda à voir le trésor de la basilique. Pendant que le chanoine alla chercher les clés, il mit sa calotte sur sa tête, glissa son anneau pastoral au doigt et découvrit sa croix pectorale. Découvrant à son retour qu'il avait manqué d'égard à un évêque, le chanoine tomba à genoux et lui demanda pardon. L'archevêque le releva en souriant et lui pardonna.
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