Lucie-Christine ne mourra qu'en
1908. Pourtant, en mai 1901, elle écrit comme un résumé de ce que fut sa vie
spirituelle: "Mon âme a goûté la mœlle de la croix. Elle a trouvé Dieu au
fond des choses très amères où le souvenir même de Dieu nous semble interdit;
elle s'est vue cernée par toutes sortes d'impuissances naturelles et
surnaturelles; et le ciel était muré. Mais l'âme peut toujours dire: 'Seigneur!
Que votre volonté soit faite!' et au sortir de ces chemins si âpres, si rudes,
où elle avait cru cent fois s'égarer, l'âme doit reconnaître avec amour que
Celui qu'elle ne voyait pas la portait encore; que l'ami caché travaillait pour
elle et en elle avec cette arme pénétrante et irrésistible qui s'appelle la
douleur; qu'il a combattu pour elle, et que lui seul a pu repousser par elle et
déjouer les attaques et les ruses de l'ennemi. Bien plus, elle voit clair
maintenant, et considérant le chemin qu'elle a parcouru durant lequel elle
croyait se perdre ou ne rien faire, elle voit avec surprise combien Dieu l'a
fait avancer... "
Au sujet de la douleur, on peut
également rapporter ici ce que Lucie-Christine constatait le 7 janvier 1902:
"Ce n'est qu'au sortir de ces périodes douloureuses ou dans les rares clartés
qui les illuminent, que Dieu fait comprendre à l'âme de quel grand prix est la
souffrance, et quels trésors lui apporte la croix dans l'anéantissement de la
nature. Au sortir de ces longues et cruelles traverses, combien l'âme se sent
plus souple sous la main de Dieu et plus détachée de tout ce qui n'est pas lui!"
Le 25 mai 1902, après une longue
période de solitude spirituelle durant laquelle Dieu se cachait, Jésus lui dit:
"Ne me reconnais-tu pas? Ne suis-je pas toujours le même, quelle que soit la
fréquence de mes visites... et l'état intérieur et extérieur dans lequel tu me
reçois?"
Et à propos des anges
Lucie-Christine rappelle que le
Seigneur lui a demandé à plusieurs reprises de réclamer l’aide des anges dans
les embarras, les fatigues ou les difficultés. En particulier, Jésus ajouta que
« de même que l’homme résume en son corps tous les éléments de la création
matérielle, de même il résume ainsi dans son âme, d’une certaine manière, la
création immatérielle, la création angélique. Et ceci n’est pas pour l’honneur
de l’homme, inférieur à l’ange, mais parce que le Verbe incarné, Roi de la
création, venant prendre personnellement possession de la nature humaine, devait
y trouver tous les êtres créés représentés et réunis pour lui rendre l’hommage
dû à sa souveraine grandeur. »
Quelques prières de Lucie-Christine
– Puisse mon faible cœur vous
aimer autant qu’il est possible d’aimer à une créature humaine.
– Mon Dieu, faites encore que je
vous fasse aimer ! Que nul ne m’aime que pour l’amour de vous !
Prière à la très Sainte Trinité
(1er janvier 1898)
Ô très sainte trinité !
soyez-moi présente, autant que possible, à chaque heure, chaque minute de cette
année qui commence aujourd’hui. Soyez-moi tout, au-dessus de tous et de toutes
choses. Soyez l’âme de mon âme, la vie de ma vie, la flamme de mon cœur, l’œil
de mon esprit, le souffle de ma parole, la force de ma patience et le nerf de
mon action.
Faites de moi réellement tout ce
que vous voulez que je sois, et par moi tout ce que vous voulez que je fasse.
Unissez ma faiblesse, ma souffrance et mon amour à votre Verbe incarné, immolé
sur l’autel. Grâce, mon Dieu, pour l’Église, pour la France, pour les pauvres
pécheurs personnifiés dans votre servante qui vous implore. Grâce et miséricorde
pour tous ces cœurs que vous m’avez donnés ; faites-leur le bien que je ne puis
assez dire et faire. »
Lucie-Christine voudrait que ceux
qui la voient, ne la voient pas, elle, mais voient Dieu : « Qu’on ne me voie
plus, qu’on m’oublie, mais qu’on soit forcé de vous voir en moi, de vous
reconnaître, ô mon maître, de vous adorer et de vous obéir. »
Actions de grâces
Le 18 avril 1897, Lucie-Christine
laisse éclater sa reconnaissance :
« Que son amour soit béni !
Son amour m’a donné l’être, la
vie de la foi et de la grâce, qu’il soit béni !
Il a fait miséricorde à toutes
mes fautes, faiblesses et misères, qu’il soit béni ! Il m’a donné la vie
d’union, d’amour et de lumière, qu’il soit béni !
Il s’est retiré par moments, m’a
voilé sa face et retranché beaucoup de moyens de grâces ; il a étendu comme un
crêpe de deuil sur ma volonté et mes facultés, par l’épreuve d’infirmité et
d’impuissance, qu’il soit béni !
Qu’il veuille ou non me guérir,
qu’il soit béni ! Que son amour dont vit mon âme toujours et quand même, quand
même elle se croit dans la mort, soit toujours béni !
Que son amour dont nous vivons
tous, dont vit son Église, soit à jamais et toujours béni !
Le 1er
octobre 1902, Lucie-Christine prie le Père: "Ô Père, ô Dieu, ô Ami, Maître et
Époux, alors que je ne vous vois plus, je vous cherche toujours; alors que vous
vous cachez, vous êtes incapable de me manquer jamais! Mon âme vous dit fiat, et
ce fiat, ce fil imperceptible qui la tient unie à vous, c'est sa nourriture,
c'est sa vie..."
Bibliographie
Journal spirituel de
Lucie-Christine, publié par Auguste POULAIN.
Edité par Pierre Téqui en 1910.
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