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Les fruits des grâces exceptionnelles

 

Il ne faut jamais oublier que les grâces exceptionnelles que Dieu envoie parfois à certaines âmes ont un but unique: porter des fruits et être utiles, non seulement à l'âme privilégiée, mais également à son prochain. En ce qui concerne Lucie-Christine, il ne faut jamais oublier qu'elle fut une mère de famille très occupée, une épouse dévouée à un mari subissant parfois des crises terribles dues probablement à l'alcool de l'absinthe, une femme responsable souvent des finances de la famille. En dehors de son directeur de conscience peu de personnes ont eu connaissance de l'intensité de la vie spirituelle de Lucie-Christine, mais beaucoup ont admiré ses vertus.

Lucie-Christine elle-même, parfois étonnée ou effrayée de ce qui lui arrivait fut instruite et consolée par Jésus lui-même. Ainsi, vers le début de l’année 1881, Jésus fit comprendre à Lucie-Christine que l’effet des consolations c’était de lui faire connaître son adorable Maître. Car Jésus est la charité… Ce jour-là, Lucie-Christine avait quelque chose à pardonner. Elle pardonna et « elle eut la joie de ramener à la paix ceux qui l’avaient troublée. »

 

9-1-Les vertus vécues par Lucie-Christine

 

        9-1-1-La confiance

 

Lucie-Christine se plaignait de sa faiblesse. « Alors le bon maître l’engagea à s’en remettre à son amour, ce qu’elle fit de grand cœur, et s’en trouva bien. »

 

        9-1-2-La charité

 

Nous sommes en février 1882. Lucie-Christine est triste à cause des blessures faites par les hommes au Cœur de Jésus. Elle écrit : « Notre-Seigneur m’a demandé d’être prodigieusement charitable. » Le 6 mars, après avoir, dans l’oraison, « revu le regard adorable du Seigneur » elle ajoute : « Après, je me trouvai dans une circonstance assez rude à la nature, entendant des choses propres à la blesser profondément… mais je ne pouvais ressentir que de la charité pour mes frères. »

Comment pratiquement mettre en œuvre la charité que Dieu demande de nous ? Lucie-Christine rappelle, le 14 septembre 1888 : « L’essence de Dieu est la charité ; et la bonne odeur de Jésus-Christ que portent les chrétiens doit se manifester par cette même charité dans l’humilité et la douceur… »  

D’où quelques points pratiques signalés par Lucie-Christine: «Il est très imparfait de m’impatienter toute seule contre des détails négligés par le prochain, de paraître contrariée en apprenant que quelqu’un vient me déranger ; d’être d’abord contrariée d’avoir fait ou dit une maladresse… de soutenir son idée quand il n’y a pas d’absolue nécessité… » 

 

        9-1-3-La pauvreté du cœur et l’humilité

 

19 mars 1882. Fête de Saint-Joseph. Lucie-Christine sent son âme transportée à la vue des richesses infinies de Jésus, et elle comprend la pauvreté des richesses humaines. Elle écrit : « Je sentis se creuser dans mon âme un certain degré de mépris et de détachement de tout ce qui forme la vie présente... » Et humblement, elle reconnaît son indignité, à elle, à qui pourtant le Seigneur « laisse entrevoir ses magnificences à cette chétive créature. » Elle avait également compris, ce même mois « que nous ne sommes tous… q’un tissu d’imperfections, et que le moindre éclat de vertu ne peut nous venir que de notre Sauveur Jésus-Christ .»

Le 2 mai 1882, le Seigneur lui demanda de «s’humilier pour le glorifier… afin qu’il n’y ait que lui dans son âme . » Et tandis que Lucie-Christine se demandait comment il pouvait se faire que le Seigneur n’embrase pas le cœur de tous ceux qui communient, Jésus lui répondit :  « Le cœur des hommes est souvent rempli de leurs attaches quand ils viennent à moi. Pourrais-tu verser une liqueur précieuse dans un vase plein jusqu’aux bords ? Ainsi mon amour se trouve repoussé. »

Vers Pâques 1883, s’adressant à Dieu, Lucie-Christine utilise une jolie comparaison : « Le brin d’herbe qui porte si humblement sa petite tête verte, a pourtant son langage pour vous louer, et les grandes voix de la mer et des cataractes ne vous empêchent pas de l’entendre…Oh! dans ce petit coin ignoré, dans cette vie obscure, penchez-vous vers moi, Seigneur, bien bas… plus bas encore… »

C’est Jésus lui-même qui a subi les plus fortes humiliations. Il fit voir à Lucie-Christine, le 26 mai 1883, « que les humiliations qu’il lui accordait étaient comme l’envers de son manteau de gloire », et il lui montra les humiliations qu’il avait dû subir, et qu’il continuait à subir.

Les plus grandes grâces de Dieu doivent nécessairement nous conduire à plus d’humilité. Ainsi, le 20 septembre 1884, Lucie-Christine reçut un nouvel enseignement « Notre-Seigneur m’enseigna, sans parole, par une très vive lumière, que toute grâce est une infusion de Dieu en nous, et que l’obstacle vient généralement des péchés et imperfections qui souillent l’âme, et de ce qu’elle est pleine de créé ; de sorte que Dieu ne peut s’imprimer sur ce miroir terni, ni s’épancher dans ce vase rempli. »

L'humilité, c'est la petitesse que Jésus recommande particulièrement: "Sois une petite enfant, seule en moi, au milieu de tous," lui dit-il le 8 août 1893. Et le 18 août 1893, Lucie-Christine peut affirmer: "Mon âme était perdue comme un tout petit point dans cette immensité[1] délicieuse et admirable; et la relation entre ce petit point et l'Immense, c'est l'amour seul. Elle en était couverte, protégée, pénétrée; il n'y a que devant Dieu que l'homme comprenne avec joie sa misère."

L’humilité est indispensable, car tous les hommes sont pécheurs, et devant Dieu il n'y a pas de petites fautes. Lucie-Christine fut comme obligée d’écrire les circonstances d'une faute qu’elle venait de commettre. Elle s’en confessa et exprima ses regrets. Et voici que soudain elle vit la laideur de sa faute, et quelle laideur ! Une lumière inexorable pénétra dans son cœur, « et elle vit à sa clarté la grandeur des soi-disant petites fautes. En un instant elle se trouva enveloppée d’une confusion inexprimable devant la Majesté divine. » Elle prit une forte résolution de patience et de charité envers ses frères.

 

         9-1-4-La miséricorde

 

Jésus a demandé à ses disciples d’aimer leurs ennemis. Pardonner est une règle essentielle de l’enseignement de Jésus, mais c’est souvent très difficile. Lucie-Christine rapporte quelques conseils de Jésus qui lui donna aussi les moyens de les mettre en œuvre:

– En me faisant considérer mes persécuteurs comme les simples instruments de sa volonté chérie qui les laisse à dessein me fournir les croix et les épines que je dois nécessairement rencontrer dans la voie contemplative,

– en me conseillant de parler d’eux avec une bienveillance toute particulière,

– d’éviter la moindre allusion à leurs torts lorsqu’il n’est pas absolument nécessaire d’en parler,

– enfin, de faire en toutes circonstances que l’accent de la charité domine toutes mes paroles à leur égard.

Lucie-Christine ajoute : « Qu’il en soit ainsi, mon Seigneur!... Pour vous je puis aimer ce qui n’est pas aimable, rester muette quand tout mon sang bouillonne, agir selon mon devoir sans aucune probabilité d’être approuvée, prier et offrir mon âme pour ceux qui la tourmentent… »

Le soir du 25 août 1882, le cœur de Lucie-Christine lui « parut comme un vase rempli jusqu’aux bords d’une suavité infinie et divine, et ce vase avait des fentes par lesquelles il découlait quelques gouttes de suavité sur tous ceux qui avaient offensé Dieu en lui faisant du mal. » Et le 6 novembre Jésus lui-même lui dit, en lui montrant une âme qui l’affligeait  beaucoup : « Oublie-toi complètement, ma bien-aimée, et ne songe qu’à lui faire du bien.»

 

        9-1-5-La pureté du cœur et le don de soi

 

Lucie-Christine se souvient qu’un jour, Jésus avait dit, à trois reprises : « Les cœurs purs voient Dieu. » En février 1884, Lucie-Christine rapporta des paroles de Jésus : « La pureté d’intention nous donne un mobile unique, un seul intérêt en toutes choses, et là est le repos de l’âme dans l’action, et en même temps la source d’un fécondité beaucoup plus grande. Jésus ajouta que là était la raison des œuvres prodigieuses des saints. »

Toutefois les vertus ne tuent pas la nature qui parfois reprend ses droits. Ainsi, le 6 octobre 1889, Lucie-Christine avoue une période de grand trouble et de tristesse. Il lui semble qu’une tourmente d’éléments mauvais se soit déchaînée sur elle : « Je me sens bouillonner d’impatience, et sans aucun motif, contre les personnes que j’aime le plus ; j’aurais besoin de casser quelque chose ; j’éprouve un mécontentement involontaire, mais plein d’amertume, contre les autres, moi-même, et toute chose ; j’en suis même tentée contre Dieu, quoique cela ne fasse que passer… »  Alors Lucie-Christine a prié et s’est offerte à Dieu, simplement, totalement.

 

9-2-Lucie-Christine dans sa vie familiale

 

    9-2-1-Le mariage

 

Lucie-Christine rencontra de graves difficultés dans sa vie d'épouse en raison des crises terribles de son époux, crises dues, probablement à l'alcool. Mais le Seigneur lui fit vivre des grâces extraordinaires qui lui firent considérer toute la grandeur du mariage. Elle écrit : »Chrétiens mariés, Dieu nous appelle, n’en doutons pas, à exercer le pontificat qu’il a voulu confier à l’homme lorsqu’il le fit roi de la création. Nous sommes tenus de lui offrir ce qu’il y a de plus parfait dans le monde, la créature humaine … Nous, chrétiens, nous ne pouvons nous donner l’un à l’autre qu’à cette fin principale de rendre gloire à la suzeraineté de Dieu… »

 

        9-2-2-Lucie-Christine face à la maladie et à la mort

 

Une grande épreuve: la mort de son époux

La belle-mère de Lucie-Christine était décédée le 30 mars 1885 tandis que son fils était en pèlerinage à Jérusalem. À partir du 24 décembre 1887 une autre épreuve attendait Lucie-Christine : la maladie brutale et la mort de son mari. Ce fut dans la nuit de la veille de Noël, le 24 décembre 1887. Laissons Lucie-Christine s’exprimer elle-même : « Auprès de ce lit de douleur et de délire, quelque temps d’ineffable communion entre Jésus et mon âme… mon esprit demeure libre par la grâce, malgré l’étreinte d’une angoisse terrible.. »

Le 26 décembre 1887 Lucie-Christine écrit : « Le délire violent a duré sans un moment de trêve, depuis samedi 6 heures du soir jusqu’à aujourd’hui lundi, 8 heures du matin ; mon pauvre ami est brisé ! Mon âme aussi est brisée… À 10 heures, j’ai pu avoir la messe, la sainte communion, enfin ! où mon Dieu a absorbé tout mon être. L’âme soutenue par Dieu s’est présentée à lui pour accepter ce qu’il pouvait y avoir de plus douloureux, si c’était conforme à sa gloire et le meilleur pour l’âme du cher souffrant. »

Le 27 décembre, c’est la fin. Lucie est près du lit de son mari qui vient de mourir. Elle écrit : « Je demeurai longtemps à genoux, là. Ma douleur était complètement dominée par la pensée du jugement de Dieu. C’est là qu’était réellement mon âme, tâchant d’assister cette âme chérie et de seconder son bon ange. Je la remettais entre les mains de Dieu en toute confiance et amour, et comme me l’a dit ensuite mon directeur toujours si inspiré, je sentais la Miséricorde recevant entre ses bras cette âme qui a toujours si vaillamment combattu pour la cause de Dieu, et mené la vie chrétienne sans apparence de respect humain…

On exigea que l’allasse prendre deux heures de repos. Rentrée dans ma chambre, je me remis à genoux et je renouvelai de cœur et de bouche ma consécration religieuse. Ensuite j’ai remis à Dieu mes enfants, mes pauvres chers orphelins !... Puis j’ai invoqué l’Esprit Saint, le suppliant de prendre la direction de ma vie nouvelle et de m’inspirer dans l’accomplissement de tous mes devoirs. Puis j’ai prié pour lui, sans pouvoir dormir, naturellement. »

Le 3 janvier 1888, Lucie-Christine confie : « J’ai beaucoup souffert depuis le 27 décembre par la pensée des peines du purgatoire pour cette âme chérie ; je m’identifie à sa souffrance ; ma prière est pour elle habituellement, presque continuelle… J’avoue que plusieurs nuits se sont passées entièrement à prier, sans pouvoir dormir, parce que mon cœur était rempli et anxieux de cette douloureuse préoccupation. Hier, le 2 janvier, je suis rentrée dans une voie plus paisible, en considérant l’accomplissement de la volonté de Dieu sur cette âme, ce qui m’a donné une grande paix… J’entre aussi dans les dispositions de son âme qui vit dans l’espérance du ciel. Plusieurs fois, dans l’oraison, j’ai senti que cette âme recevait de grands soulagements, qu’elle était dans une sphère de paix malgré ses souffrances…

Puis, le 8 janvier 1888 : « J’ai rencontré en Dieu l’âme chérie de mon absent déjà plusieurs fois. Hier, c’était avec le sentiment de la paix de cette âme. Aujourd’hui c’est l’impression d’une grande douceur… Je ne sais pas clairement s’il est au ciel… »

Quelques jours plus tard, le 5 février 1888, elle écrit : « Mon âme se trouvant ressaisie par un nouveau souvenir très vif des horribles et douloureuses crises dans lesquelles j’avais vu débuter la dernière maladie de mon pauvre mari, Jésus l’enleva soudain par la vue de sa beauté céleste et glorieuse… Depuis les premiers jours de mon veuvage, mon âme s’est sentie tenaillée par Dieu pour être détachée du créé. »

Puis, le 7 décembre 1889, ce fut la mort de sa plus jeune fille, dont nous avons déjà parlé.

 

Mort de sa tante très chère

 

Le 3 février 1901, la sainte tante de Lucie-Christine décédait. Le 6 mars 1901 elle pouvait écrire: "Le dimanche 3 février, jour de la mort de ma sainte et chère tante, et fréquemment les trois jours suivants, et encore depuis, Dieu me fit cette grâce: cinq heures après la mort, Dieu unissant mon âme à lui dans l'oraison, par un mode très simple, je sens, je rencontre en lui cette âme bienheureuse qui lui est unie dans la gloire. L'amour dont Dieu couvre cette âme élue et dont cette âme lui répond, n'est qu'un seul amour, et forme une relation d'une suavité ineffable dont quelque chose descend jusqu'à terre... cette âme est en Dieu, près de Dieu, comme une étoile dans les rayons du foyer divin.

Cette vue admirable et suave s'imprime dans mon âme sous l'empire de l'union divine, par une seule action, par une seule lumière, avec cette certitude, cette évidence qui ne peut être humainement exprimée, mais qui s'impose à l'âme. On prie néanmoins pour l'âme qu'on sent en Dieu, tout en la priant, et avec la confiance de pouvoir augmenter encore son bonheur."

 

        9-2-3-La vie de famille

 

Plusieurs fois le Seigneur fit comprendre à Lucie-Christine combien il appréciait la vie de famille. Ainsi, en 1882, après la sainte communion, tandis qu’elle se reprochait de trop penser à des joies familiales, Jésus « lui fit comprendre que son Cœur si bon aime à voir l’union et les joie d’affection d’une famille chrétienne… » Mais Lucie-Christine sait parfaitement que tous les amours terrestres, même les plus forts et les plus légitimes ne sont rien auprès de l’amour que nous devons à Dieu. Elle écrit le 12 janvier 1883 : « La créature la plus digne, la plus chère, la plus évidemment reçue des mains de Dieu ne sera jamais nécessaire à notre cœur que d’une nécessité secondaire, résultant de la place même que Dieu lui a marquée dans nos destinées.

Non, il n’est qu’un être que notre amour réclame, un seul que notre cœur cherche, le voyant ou ne le voyant pas, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvé ; comme il n’est qu’un cri qui parle spontanément des profondeurs de notre âme, et cet être, et ce cri, c’est Dieu. Ô Dieu ! Ô Jésus, Amour unique, immense, qui embrassez le monde, qui lui donnez l’être ! Et le monde ne vous connaît pas ! 

Le 15 avril 1883, Lucie-Christine se réjouit de la piété de ses enfants. Elle écrit, s’adressant à Dieu : « Quelle douce consolation vous m’avez réservée en mettant dans le cœur de mes enfants cette piété naissante ! L’un d’entre eux, atteignant cet âge où naît ordinairement le goût du plaisir, ne cherche de joie que dans les choses pieuses ; et l’autre, toute petite, demandant toujours à entendre les histoires du Bon Dieu, et venant sans cesse me confier ses secrets où je vois son cœur et ses jeunes pensées qui s’éveillent devant vous et commencent à regarder, à s’étonner, à admirer et à aimer ; puis ce petit que je vous porte tous les jours dans mon cœur, afin que vous-même preniez soin de fixer sa mobilité naturelle, et qu’elle ne nuise point aux vifs désirs de son âme, dans l’attente de votre prochaine et tendre visite. »

Comme toutes les mamans de la terre, Lucie-Christine est fière de ses enfants. Le 6 mai 1883, elle écrit : « Mes filles portaient des parures fraîches et j’avais quelque plaisir à voir l’une avec ses grâces de seize ans, l’autre avec son charme enfantin ; trop de plaisir, je crois ; je me le reprochai devant mon Seigneur, lui montrant ma futilité. » C’est alors que le Seigneur lui montra sa beauté souveraine et lui découvrit les beautés visibles de la création, et Lucie-Christine comprit que «  la beauté incréée infuse quelque chose de sa magnificence dans les créatures, et que Dieu, est,  pour ainsi dire, la beauté de ce qui est beau… »

Pour Lucie-Christine, épouse et mère de famille, vie d’oraison et souci des siens vont de pair. Ainsi, le 19 mai 1883, veille de la communion de son troisième fils : « Tandis que mon enfant allait recevoir la sainte absolution, je priai ardemment pour lui, tenant mon cœur attaché à Jésus au Saint-Sacrement… Quand le cher enfant revint auprès de moi, Notre Seigneur nous environna de cette blancheur mystérieuse de son vêtement, qui avait pénétré mon âme, mais cette fois je le vis, non par image, mais par une vue intellectuelle. Cette divine blancheur remplissait l’âme de mon petit enfant et rejaillissait de lui sur moi. Combien j’étais heureuse sentant ainsi la grâce de Dieu dans cette petite âme ! »

Lucie-Christine est une mère très attentive et elle offre toutes ses souffrances pour ses enfants . Elle écrit le 13 août 1884 : « Hier soir, ne tenant plus de fatigue, je ne pus faire qu’une brève oraison, mais… Dieu me donne souvent alors, en quelques minutes, la quintessence d’une oraison plus longue. Je lui offre souvent en sacrifice mes préoccupations pour mes enfants. » Le 23 mai 1884, Lucie-Christine est présente au commencement la retraite de confirmation des enfants de sa paroisse. Elle gémit : « J’avais tout le temps le cœur serré de tristesse en voyant la manière dissipée dont une partie de ces enfants se tenaient dans l’église et les peines si peu récompensées que se donnaient leurs bons prêtres autour d’eux… »

 

9-2-4-L’éducation des enfants

 

Lucie-Christine vécut à une époque où l’on ne badinait pas avec l’éducation des enfants. Elle en donne quelques exemples vécus au cours des vacances de 1886 :

        – Le 11 août 1886 elle écrit : « J’ai envoyé deux de mes grands enfants dans leur chambre parce qu’on m’avait mal répondu. Je ne veux pas leur tolérer cela, à aucun âge. Le quatrième commandement est toujours là. Mais ce matin, j’ai bien prié Dieu aussi pour que mon imperfection ne nuise pas à mes enfants. Ils se soumettent du reste très vite, dès qu’on leur fait sentir l’autorité. »

        – Mais il peut s’agir aussi de distractions saines : ainsi Lucie-Christine n’hésite pas à confier : « Aujourd’hui, journée d’excursion depuis la messe. Nous sommes entrés dans plusieurs églises au cours de notre pérégrination. Ces courtes visites mettent l’eau à la bouche spirituelle de l’âme…

        – Parfois Jésus éclaire sur la vocation : « Notre-Seigneur bien-aimé me fit comprendre la voie dans laquelle il m’a mise, où je dois adorer constamment. La souffrance, l’action, sont les moyens pour me rendre plus apte à contempler… Ah ! que n’ai-je pu plus tôt comprendre ces mystères !

L’éducation des enfants passe aussi par les loisirs, surtout pendant les vacances. Pour ses enfants,  Lucie-Christine ne laisse rien au hasard. Elle écrit en août 1889 : « Mes fils étaient à cheval et m’ont grandement remerciée de cette journée. Il paraît qu’on me trouve très ingénieuse à organiser les vacances ; j’en suis bien aise, car je tiens à amuser mes enfants dans les limites convenables, pour deux raisons :

– parce que je le leur dois quand ils ont bien travaillé ;

– parce qu’ayant l’honneur de leur présenter la dévotion, je ne veux jamais être cause qu’ils puissent la trouver ennuyeuse.

Puis, en septembre 1889 : « Depuis trois jours nous allons visiter beaucoup de merveilles de l’Exposition, autant que mes enfants doivent les connaître… »

 Et Lucie-Christine porte quelques jugements sur l’art de son époque : « Nos artistes d’aujourd’hui sont habiles, mais ils n’auront pas su, avec cette grandeur et cette énergie[2], révéler Dieu aux hommes, et raconter les pères aux enfants…

Mon siècle doit plier les genoux et rougir ; rougir de son peu de foi et de son lâche matérialisme qui étouffe en lui la sève de l’inspiration, arrête l’ascension de l’esprit vers l’idéal, et tarit les plus nobles sources du génie et de l’art. »

2 avril 1891-Jeudi de Pâques. Lucie-Christine raconte : « Il faut occuper et amuser à la maison mes grands fils ; je suis costumier, essayeuse, répétiteur et chef de troupe[3] ; j’envoie des lettres d’invitation… Mais bien au-dessus de cela, reste intacte dans l’âme comme une zone lumineuse où l’amour garde une oraison perpétuelle… »


[1] celle de Jésus qui se laisse contempler par Lucie-Christine.
[2] Celles des artistes du Moyen-âge.
[3] Pendant plusieurs années Lucie-Christine composa des comédies, pour les faire jouer par ses enfants, afin de distraire parents et amis. Elle se chargeait de tout et même des décors.

   

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