Concernant les « vues
intellectuelles », Lucie-Christine écrit le 6 août 1883 : « Les vues
intellectuelles sont encore plus difficiles à rendre que les vues imaginaires…
L’âme se trouve cependant dans des régions tout à fait inconnues à la nature. »
Pourtant, le 28 décembre 1884, elle constate : « J’aperçus tout à coup la
Sainte Hostie très distinctement, ce qui n’est pas ordinaire à cette distance,
et beaucoup plus grande que de nature. C’est la première fois que j’ai vu
quelque chose d’extraordinaire des yeux du corps, et j’avoue que j’ai un peu de
prévention contre cette sorte de vue, sachant qu’elle est moins sûre que les
autres. En effet, dans les vues intellectuelles et imaginaires, l’âme a à se
défier d’elle-même et c’est déjà beaucoup ; mais ici, en outre, il fait encore
se défier de l’intermédiaire du corps qui n’existe pas dans les autres cas. »
Les expériences mystiques de
Lucie-Christine furent multiples, et parfois, elle essaie de résumer les
enseignements spirituels qu’elle a reçus de Dieu. Le 12 mai 1888, elle écrit :
« Il me paraît que Dieu veut se faire connaître à l’âme dans la vie
intérieure, de trois manières :
1°D’abord par le simple
sentiment,
2°puis, par des vues et
des images intérieures ou des paroles ;
3°enfin, il se donne à
connaître par lui-même, et parfois il se montre sans aucun terme de comparaison.
Le 19 mai 1888, le Seigneur lui
dit : «Sois mon canal pour porter mes grâces aux autres… Le canal se laisse
diriger où l’ouvrier le conduit… Le canal contient et renferme ce qu’on lui
confie, comme un secret, comme un trésor… et ne l’épanche que là où il doit
l’épancher… »
5-1-Comprendre les enseignements de Dieu
Il faut savoir, dire et redire, que
c’est Jésus, et Jésus seul qui sanctifie les âmes ; le 27 mai 1882, il confia à
Lucie-Christine: « Aucune force créée ne peut donner l’idée du désir par
lequel j’attire les âmes à Moi dans le sacrement de mon amour… Les âmes qui
veulent se sanctifier doivent entrer en Moi et n’en pas sortir. »
Mais comment savoir qu’une
instruction intérieure vient de Dieu ou de notre imagination ? En mars 1883,
Lucie-Christine livre cette remarque : « Au sujet des vues intérieures dites
imaginatives, il me vient cette réflexion. Quand nous demandons à l’imagination
de nous représenter quelque chose, l’idée existe nécessairement avant l’image.
Au contraire, dans les vues que Dieu donne au cours de l’oraison, il arrive que
l’âme voit d’abord intérieurement une image, puis, ensuite, la lumière lui est
donnée pour comprendre ce qu’elle voit. »
En bon pédagogue, Dieu revient très
souvent sur ses enseignements car il connaît notre peu d’intelligence pour tout
de qui est spirituel. Le 10 novembre 1886, Lucie-Christine écrit :
« Notre-Seigneur me renouvela un enseignement qu’il m’avait esquissé hier. C’est
que, tout en usant, pour adorer Dieu, les connaissances qu’il me donne de
lui-même dans l’oraison, je dois adorer en lui encore plus l’inconnu que le
connu et ne considérer les lumières qu’il m’accorde sur lui-même que comme des
aperçus, des entrevues de la Divinité: ‘Après ce que tu connais, me dit
intérieurement Jésus, il y a encore l’Inconnu qui est infini.’ »… Quelques
jours plus tard, Lucie-Christine ajoutait : « Et mon esprit né avec cette
dévorante soif d’apprendre, reconnut le néant des connaissances créées en
présence de la lumière éternelle. »
Le 30 janvier 1887 Lucie-Christine
fit une étonnante expérience. Le Seigneur lui rendit soudain sa présence
sensible, « et en même temps il lui montra intérieurement un édifice
splendide qui s’élevait devant les yeux de son âme. » Suivit la description
de ce magnifique édifice et Jésus lui montra que cet édifice était son œuvre
qu’il fallait achever. Pourtant Lucie-Christine ne faisait pas grand’chose :
elle n’apportait que quelques petites pierres qui déchiraient et ensanglantaient
ses mains, et que Jésus regardait cependant avec beaucoup d’amour. « Alors,
dit-elle, mon âme fut remplie d’une lumière et d’un sentiment de confiance
incomparable, en voyant le peu que je faisais, et que Dieu faisait tout… »
Bientôt Jésus lui montra aussi « son concours providentiel, son action dans
toute sa vie.
Il est à remarquer que dans ce
genre de grâce, dans ces vues imaginaires, l’image qui est montrée à l’âme est
bien la forme actuelle de la grâce, son enseignement visible et tangible, pour
ainsi dire, aux sens intérieurs… Mais l’image n‘est que l’accessoire de la
grâce. Le fond intime de l’âme est captivé par Dieu même ; Dieu pénètre en même
temps l’âme et l’image qu’il évoque devant elle ; elle voit d’abord, puis il lui
enseigne à mesure le sens mystique de ce qu’elle voit, et c’est lui qu’elle aime
dans ce qu’elle voit, lui-même qu’elle écoute, lui qui voit et aime en elle... »
5-2-Les relations avec Dieu
5-2-1-Sentir Dieu
Nous remarquons, en lisant les
textes de Lucie-Christine, qu’elle emploie souvent le terme de « sentir » Dieu.
Peut-on vraiment « sentir » Dieu, et qu’est-ce que cela signifie ?
En février 1882, Lucie-Christine
écrit : « Il m’arriva de ressentir dans la sainte communion et dans l’oraison
comme une déperdition passagère des forces physiques et une sorte de
défaillance, mais sans perdre le sentiment, ou bien, si j’essayais de réciter
une prière vocale en certains moments, ma langue se trouvait tout engourdie. Une
fois dans la sainte communion, mon âme fut envahie d’une grande lumière
intérieure et pénétrée d’un profond sentiment de l’être intime de Dieu… Ce fut
une vue très simple et très frappante de lui-même que Dieu donna à mon âme , le
jour dont je parle ; aucune parole ne me fut dite, ni aucun attribut particulier
ne me fut montré, mais Dieu, attirant en lui ma pauvre âme, lui fit voir et
sentir ce qu’il est… Cette vue intime de Dieu laisse le cœur embrasé
d’amour et le désir de se dévouer pour lui .
Le 1er mars 1882 elle s’écrit :
« Ô nature de Dieu ! Il est impossible de dire ce que vous êtes, et l’âme n’a
pas assez d’admiration et d’amour quand elle vous contemple... Et l’âme éperdue…
à la vue de ces grandeurs… se sent pénétrée de cette divine nature, elle sent
qu’elle en vit… Il lui semble que, autant elle vit, autant elle aime. »
Lucie-Christine aurait voulu crier sa joie, son secret lui brûlait les lèvres,
mais elle comprit qu’elle devait se taire, qu’elle devait seulement rayonner
pour les autres âmes. Mais, quelques jours plus tard, elle était de nouveau
souffrante et alitée, et le cœur alangui ; mais son âme, « resta aux pieds de
Jésus, le Bien-aimé, qui lui fit sentir sa présence. »
Un autre jour, le 20 août 1882,
Notre-Seigneur « lui donna, dans la communion, cette vue claire et intime par
laquelle l’âme comprend que, dans l’autre vie, nous verrons toutes choses en
Dieu, parce qu’il est la vérité, et fait être vrai, tout ce qui est vrai. Cette
vue dure très peu et laisse une impression très profonde et le besoin de ne
chercher la vérité qu’en Dieu seul. »
Le même jour, Lucie-Christine écrit
aussi : « Par moments, dans l’action de grâces surtout, mon âme éprouve cet
état dans lequel elle ne sent plus l’existence que par le sentiment que Notre
Seigneur lui donne de sa présence. C‘est quelque chose d’une simplicité et d’une
grandeur dont rien ne peut donner l’idée. »
Plus tard, après une retraite, elle
ajoutera : « Mon âme demeure unie à Jésus… L’âme sent qu’il n’y a rien entre
Jésus et elle… Il la pénètre… elle l’embrasse, l’étreint, le serre avec amour. »
Lucie-Christine, parlant de
l’amabilité de Jésus, écrira même, le 27 janvier 1883 : «Qu’est-ce que ce
langage sans paroles, par lequel vous faites sentir à l’âme votre tendresse
infinie ? Cette voix mystérieuse, l’âme la comprend, et pourtant elle ne peut
traduire par aucune parole ce qu’elle a entendu. Est-ce la langue du ciel, mon
Bien-Aimé ? »
C'est presque toujours au moment de
la communion que Jésus enseignait Lucie-Christine. Le 21 mai 1892, dans la
sainte communion, Jésus lui montra sa royauté sur les âmes du ciel : « Il est
leur roi à bien des titres… Il est leur roi comme rédempteur, comme pasteur,
comme juge, comme maître souverain ; il est leur roi par l’amour… »
5-2-2-Les larmes
« Sentir Dieu » peut se manifester
d’une manière étonnante par les larmes. Le 15 juillet 1892, Lucie-Christine
avoue : « Mon cœur saigne des larmes intérieures quand j’entends parler de
l’indifférence et de la corruption des hommes. Je voudrais être digne de
m’offrir comme une hostie pour ceux qui ne croient pas et qui outragent leur
créateur par l’asservissement funeste de leur âme à leur corps… Mon Dieu,
comment se peut-il qu’on vous méconnaisse, qu’on doute un instant de vous ?
5-2-3-Les sécheresses
Tous les mystiques ont parlé des
sécheresses ressenties par l’âme. Lucie-Christine n’échappa pas à cette épreuve,
et elle donne les indications suivantes :
– Dieu, aperçu parfois,
transporte l’âme, mais cette joie ne dure pas. » Il y a comme un nuage entre
Dieu et l’âme ; Dieu se tait et se cache. C’est comme un douloureux purgatoire.
– Une autre souffrance : c’est le
fait que l’âme est, par son devoir d’état, souvent occupée et retenue par les
soins extérieurs. Elle est alors comme privée de son élément vital.
Parlant des sécheresses,
Lucie-Christine explique : « Quand Jésus ne se rend plus présent à l’âme,
elle lui parle, l’adore, l’appelle autant qu’auparavant,, et rien ne répond que
le silence. La foi demeure, mais au lieu de la sainte présence, l’âme sent
l’isolement et le vide… Et le tentateur vient qui essaie d’abuser de la peine de
cette âme, et, à chaque pas, à tout prétexte, lui fournit les pensées les plus
hideuses ou les plus décourageantes. Alors l’âme fait des actes de foi, de
générosité ou de confiance… Mais elle ne trouve de soulagement en rien parce
qu’en tout le mauvais esprit lui fait voir le mal. Quoi qu’elle fasse, elle est
mécontente, sa confiance en Dieu lui semble présomption, sa volonté arrêtée de
le servir, illusion. Si elle prie, elle est fatiguée d’entendre les blasphèmes
de son misérable ennemi ; si elle veut faire un acte d’amour, il lui semble
qu’un poids lourd comme le monde empêche son cœur de s ‘élever vers Dieu ; si
elle appelle Jésus, elle croit qu’il se détourne d’elle…»
Le 31 juillet 1890, après une
longue période de sécheresse, Lucie-Christine écrit : « Dieu permet que cette
pauvre âme soit navrée du sentiment d’être séparée de lui, de lui être
désagréable… Elle est enfoncée dans ce sentiment de séparation de Dieu comme
dans une caverne obscure d’où elle ne pourrait sortir. Tout ce que la raison lui
dit, et même les saintes paroles de la direction, ne peuvent la sortir de cet
état qui est une telle souffrance qu’elle ne pourrait la supporter, je crois,
sans la grâce de Dieu. Dieu seul peut lui dire la parole de paix et lui rendre
la joie. Pour cela il se montre ; c’est tout ! »
5-3-L’Esprit-Saint
Lucie-Christine reçut des
enseignements à la fois très théologiques tout en étant mystiques. Ainsi, le 18
juillet 1883, elle pouvait écrire : « Je vis dans une divine lumière que, de
même que le Saint-Esprit est le terme des processions divines, de même il doit
être le terme des manifestations divines, c’est-à-dire que, dans l’Ancien
Testament, les hommes ont surtout connu et adoré le Père, le Créateur, dans le
Nouveau Testament, ils se sont attachés à leur Sauveur adorable, Jésus-Christ.
Mais, dans les derniers temps,
l’Esprit-Saint fera sentir davantage sa chaleur et sa lumière au cœur des
fidèles : ils y trouveront un renouvellement de foi, et ils connaîtront et
aimeront d’autant mieux le Père et le Fils, et particulièrement Notre-Seigneur
dans l’Eucharistie, qu’ils connaîtront et aimeront davantage l’Amour éternel ;
de même qu’ils ont déjà appris par le Verbe à connaître le Père et à être des
adorateurs en esprit et en vérité.
J’ai cru comprendre,
poursuit Lucie-Christine, que le culte du Sacré-Cœur de Jésus, qui nous
propose l’amour divin dans le Cœur de l’Homme-Dieu, prépare les âmes à ce
rayonnement de l’Amour éternel et personnel de Dieu qui doit, comme un suprême
effort, embrasser le monde de sa toute-puissante étreinte et joindre les âmes
pour le combat de ces jours qui seront marqués de toutes les rages de l’enfer… »
L’Esprit-Saint donne aussi des
lumières très personnelles à Lucie-Christine ; ainsi, le 9 août 1883 il lui fait
comprendre qu’elle doit « aimer particulièrement ceux qui l’affligent, parce
qu’ils la font ressembler de loin à notre Seigneur Jésus-Christ. »
5-4-La sainteté
En 1888 on disait souvent que la
foi était perdue en France. On plaignait les pauvres prêtres considérant leur
église abandonnée, les derniers sacrements négligés : vraiment il n’y avait plus
rien à faire... C’est alors que, le 18 janvier 1888, Lucie-Christine bénéficia
d’un riche enseignement : « Ce qui me fut montré, sans parole et d’une
manière très saisissante dans cette oraison, c’est que, quand il n’y a plus rien
à faire pour le prêtre, il lui reste une chose à faire, c’est d’être un saint…
La vie des saints est pleine de conversions qu’ils ont opérées par le seul
rayonnement de leur sainteté, qu’ils cherchaient cependant à cacher. »
Malgré toute sa bonne volonté,
aucun homme n’est capable de devenir saint par lui-même. Lucie-Christine l’a
bien compris, qui écrit le 1er janvier 1889, au sujet de la sainteté
qu’elle désire : « De moi-même je ne puis pas et ne sais pas me faire sainte,
mais je suis prête à tout ce que vous voulez et voudrez de moi, au fur et à
mesure que vous me le montrerez ; je ne veux que votre volonté sainte et votre
amour, mon Dieu, vous le savez ! »
La sainteté ne peut se vivre que
dans la liberté. Dieu a voulu libre la volonté de l’homme : « Si cette
volonté n’était point libre, le don que l’homme en fait à Dieu ne satisferait
pas à l’amour… Dieu a fait sa créature libre, non qu’il lui dût la liberté, mais
parce qu’il l’aime et qu’il veut qu’elle puisse se donner à lui par un libre
retour d’amour. »
Le 1er février 1897,
Jésus, voyant le désir de sainteté de Lucie-Christine, lui donna un enseignement
précieux : « La charité ne se perd pas… Tu pleures le bien que tu ne vois pas
fait ; mais, par mes soins tu fais un autre bien que tu ne vois pas. »
5-5-Dieu utilise des images pour se faire
comprendre
Les enseignements du Seigneur, nous
ne pouvons pas toujours les comprendre ; aussi utilise-t-il parfois des images
simples mais parlantes. Ainsi, trois jours avant de subir une opération aux
yeux, Lucie-Christine priait, quand soudain elle entendit : « Tout est là. »
C’est alors qu’elle vit « se dérouler des merveilles, des trésors, des
beautés, autres que tout ce que nous voyons et comprenons de beau ! Toutes ces
richesses que je voyais en mon Sauveur étaient distinctes l’une de l’autre et
toutes étaient lui-même. C’était mon Dieu lui-même qui se dévoilait, se laissait
pressentir, entrevoir… Mon âme demeura ravie pendant un temps qui me parut avoir
duré dix minutes, … mais qui effectivement avait duré plus d’une demi-heure. »
Le 18 septembre 1883, tandis
qu’elle était en oraison, Lucie-Christine « vit le Sauveur environné d’une
grande lumière qui rayonnait de sa personne adorable, et dans cette lumière elle
vit beaucoup d’anges … Elle les voyait seulement baignés dans la lumière divine…
Elle était inondée de bonheur en voyant son Jésus ainsi aimé et adoré par ces
anges… Il se faisait parmi les chœurs angéliques comme une mélodie purement
intellectuelle… »
Après ces descriptions,
Lucie-Christine fait comme une mise en garde ; elle note : « J’ai observé,
dans cette oraison et dans quelques autres, que lorsqu’il s’y trouve comme un
petit intervalle où les puissances reviennent un peu à elles, la volonté
continuant à demeurer unie, l’imagination essaie de se mêler aux vues divines et
de se représenter aussi quelque chose aux yeux de l’âme, et souvent aussi,
alors, l’entendement fait ses commentaires ; l’âme en est immédiatement avertie
par un malaise, qui est premièrement le sentiment du faux, de l’illusion, et,
secondement, le tiraillement qu’elle éprouve par ce mouvement de son propre
esprit qui tendrait à l’arracher à l’état passif où Dieu l’a mise… Ces ridicules
essais de l’imagination ne durent pas; d’eux-mêmes ils s’en vont comme en fumée
et l’image divine ressaisit l’âme avec une force plus grande qu’auparavant. »
Lucie-Christine rappelle d’autres images. Ainsi,
le 22 août 1885, « la divine blancheur de l’Époux paraissait s’étendre comme
un nuage entre le ciel et la terre, enlevant son âme au-dessus des choses
créées, en Dieu, au milieu des anges. » Le 1er septembre 1885,
« son âme fut ravie dans la vue du Bien-Aimé Crucifié. » Et elle ajoute :
« Cette vue
intérieure, cette grâce d’onction et de force me prépara à souffrir, pendant la
journée du 3 septembre, des angoisses
pires que celles de la mort. »
Puis, le 13 novembre 1886, dans la
sainte communion, « mon Seigneur m’apparut couvert d’un manteau de pourpre,
semé de fleurs de lys. Les bords de ce manteau s’étendaient un peu sur la terre
et étaient couverts de fleurs et de pierreries qui semblaient y voir été
répandues ; et je ne savais pas ce que c’était. Jésus me dit : ‘Ce sont tes
œuvres ; et c’est toi qui m’as revêtu de ce manteau’. »
5-6-Autres méthodes de révélations et
d’enseignement
Le soir du 7 mars 1887, après une
vision concernant l’enfer et les ennemis de Dieu, jésus lui fit comprendre que
si l’amour n’était plus libre, ce ne serait plus de l’amour. Et Lucie-Christine
explique : « Je vis aussi clairement, comment une seule âme glorifie plus
Dieu par sa volonté libre que tout l’univers insensible et inintelligent ne peut
le glorifier en suivant aveuglément et exactement les lois que lui a imposées le
Créateur. »
Lucie-Christine « rencontra »
souvent Dieu d’une manière ineffable. Elle sentit un jour, le 17 juin 1887,
« que si Dieu est le principe de tout, il est autre que tout ; seul entre tout
ce qui existe, unique, seul Celui qui est…
Quatre jours plus tard, le 21 juin
1887, elle crut comprendre « que dès la mort, il se fait dans l’âme juste une
irradiation de la vérité… » La mort, c’est un réveil : « non vraiment, la
mort n’est pas la mort ; mourir, c’est naître. »
5-7-Retours sur le passé
En mai 1883, après avoir longuement
médité sur la beauté en général et la beauté de Dieu en particulier,
Lucie-Christine fait un retour sur son passé. Elle écrit, entre autres :
« Cette tendance de mon âme vers le beau et l’idéal la préparait sans que je
pusse m’en douter, à la voie dans laquelle Dieu voulait me faire entrer.
Je vécus ainsi jusqu’au jour où
le premier appel surnaturel de Dieu me jeta tout entière entre ses bras… Alors
je découvris dans l’Évangile, dans les psaumes, dans les rites de l’Église, un
sens, un charme divin qui, jusqu’alors m’avaient été relativement cachés. Puis,
élevant vers vous seul ce regard que vous avez donné à mon âme pour contempler
et admirer, je vous cherchai, mon Dieu, partout où je voyais le beau, et partout
je vous ai trouvé.
Je vous ai demandé à toutes les
créatures, et toutes m’ont répondu : 'Il est là…' Mon œil ravi vous a découvert
présidant aux aménagements industrieux de l’insecte, et ma vue s’est arrêtée,
étonnée, devant les mystères que votre sagesse a condensés dans la vie d’une
fleur… J’ai vu aussi, Seigneur, votre regard de miséricorde luire sur nous dans
la lumière des astres, et leur nombre et leurs distances incommensurables ne
m’ont plus effrayée, parce qu’ils ont invité mon âme à s’élancer dans votre
infini…
Je vous ai contemplé enfin dans
vos œuvres plus parfaites, je vous ai admiré dans vos saints… Je vous ai vu, mon
Sauveur Jésus-Christ, dans la personne du pauvre et du vieillard, de l’affligé,
revêtus du titre de noblesse que vous avez donné à tout ce qui souffre et qui
pleure… Je vous ai trouvé, mon Dieu, au fond du regard de l’enfant…
Voilà le premier changement que
Dieu opéra dans mon âme, mais ce n’était pas assez : bientôt j’éprouvai quelque
chose d’étrange, du moins pour moi. Tout ce que j’avais admiré jusqu’alors me
paraissait également beau, et néanmoins je ne pouvais plus en jouir de même…
Tout s’effaçait dans le regard de Dieu sur mon âme ; je regardais la mer et la
terre et je ne voyais plus que Dieu. Plus je vais, plus devient fort cet
attrait, et le dégoût de ce qui n’est pas Dieu… mais ceci est le travail de Dieu
et non le mien, je ne fais que suivre son attrait de toute ma bonne volonté…
Le 11 mai 1883 suivant,
Lucie-Christine donne un exemple : « Après cette oraison devant le
Saint-Sacrement, mon âme demeura unie à Jésus… au milieu de la compagnie et des
occupations de la maison comme si j’eusse été dans l’église, devant le
tabernacle. J’étais cependant libre de parler et d’agir, mais j’avais l’âme
absorbée, et sentant la meilleure partie d’elle-même prise en Dieu. »
Le 23 août 1894, nouveau retour sur
le passé : « Hier, à l’oraison, les vingt précédentes années de ma vie furent
soudain représentées à mon âme par une vue d’ensemble de toutes les grâces dont
Dieu m’avait comblée pendant ce temps, grâces d’union, grâces de joie, grâces de
douleur, je les voyais toutes sans en regarder aucune en particulier. C’érait
comme un concert spirituel sur une note unique, et cette note est si mélodieuse
et si ravissante que l’âme voudrait toujours l’entendre, les grâces formant
comme un réseau d’amour, et mon âme entendant de Jésus ce seul mot : amour. »
Le 1er janvier 1897,
Lucie-Christine revit encore sa vie, dans le silence de son âme, dans un
profond sentiment des grâces qu’elle avait reçues et de ses insuffisances,
ajoutant, le 16 janvier 1897, « Mon âme oubliait sa peine, ravie dans la
bonté de Dieu, et éblouie, charmée, consolée par la vue même de son Dieu
impassible. »
Le 21 août 1905, Jésus ouvrit son Cœur sacré à
l'âme "très affligée" de Lucie-Christine. Le Cœur de Jésus était "comme une
caverne tutélaire et un refuge inviolable." Il lui réprésenta en même temps
"la première oraison de sa vie, à l'âge de six ans, où, étant réveillée de
bonne heure, elle fixait ses yeux d'enfant sur le Cœur percé de Jésus crucifié;
et elle méditait comme quoi la scélératesse de Longin n'était pas comparable à
la sienne, elle qui avait mieux connu le Bon Dieu que lui, et qui, cependant,
l'avait blessé par toutes ses fautes. " Lucie se souvenait de cette
méditation comme si c'était la veille. Mais elle ne savait plus si elle avait
été se confesser, mais elle avait une grande douleur de ses péchés.
|