Le Père Auguste Poulain,
spécialiste en théologie mystique, comprit qu’une femme ordinaire, mère de
famille pouvait, en utilisant simplement ce que l’Église met à notre
disposition, arriver à une grande sainteté : il suffisait de faire son devoir
d’état avec beaucoup de soin et d’amour et de vivre parfaitement dans la
condition sociale qui est la sienne. Oui, on peut se sanctifier dans tous les
états de vie. Le Père Poulain, ayant décidé de publier le Journal spirituel,
protégea l'identité de l'auteur, et celle de sa famille, en lui donnant le
pseudonyme de Lucie-Christine. Dans cette étude, nous n'utiliserons que ce nom.
2-1-Des dons extraordinaires
Dans son enfance, à plusieurs
reprises, Lucie-Christine avait manifesté un don extraordinaire: il lui arrivait
de savoir ce qui se passait à de grandes distances. Ainsi, en 1859, pendant la
guerre d’Italie, un jeune parent et le fils d’amis intimes, deux jeunes
officiers faisant partie de cette campagne, cessèrent de donner de leurs
nouvelles. Un jour, les familles des jeunes gens reçurent une lettre disant
qu’ils étaient en vie, qu’ils se portaient bien et rentreraient bientôt. C’est
Lucie-Christine qui avait écrit ces lettres.
L’année suivante, en 1860, dans la
famille d’un magistrat, un enfant de quelques mois avait été volé. Impossible de
le retrouver. Un jour, on trouva une lettre sous la porte d’entrée de la maison
de Lucie indiquant où se trouvait l’enfant et comment il était vêtu. La lettre,
non signée, fut envoyée à la famille de l’enfant qui fut retrouvé. C’était
Lucie-Christine qui avait écrit la lettre mais sans la signer, voulant rester
anonyme. C’est à sa mère seule qu’elle révéla la vérité.
Lucie-Christine n’avait que vingt
neuf ans quand elle vécut sa première véritable expérience mystique. Elle
comprit alors qu’il était possible « d’être complètement à Dieu seul dans le
monde. » Deux ans plus tard, en 1873, naissait son dernier enfant, Alice.
2-2-Les souffrances dues à l'entourage de l'époque
Nous sommes dans la deuxième moitié
du XIXème siècle. À cette époque, Monsieur Dupont (1797-1876) le Saint homme de
Tours, reprenant la mission d’une petite carmélite de Tours, sœur Marie de
Saint-Pierre (1816-1848), s’efforçait de développer l’œuvre de la Réparation des
blasphèmes et le culte de la Sainte Face. En effet, le monde anticlérical non
seulement multipliait les blasphèmes, mais se montrait d’une intolérance extrême
envers les personnes qui s’efforçaient de vivre pleinement leur christianisme,
en multipliant les vexations et les paroles désagréables. Ainsi, Lucie-Christine
eut beaucoup à souffrir de ses voisins à cause de sa piété, et peut-être aussi
de certains membres de sa famille. Elle fut également critiquée, dans certains
milieux catholiques qui ne comprenaient pas les âmes priantes et
contemplatives.
Mais le Seigneur veillait, et elle
fit l’expérience de la Miséricorde et de l’amour de Dieu. Jésus lui demandait de
témoigner une bienveillance toute particulière envers ceux qui la
faisaient souffrir. Vers la fin de sa vie elle pouvait affirmer: «J’ai
cherché comment faire mieux aimer Dieu aux âmes… et je n’ai trouvé d’autre
moyen, et de plus puissant, que la bonté.»
Remarque:
Lorsque le Seigneur désire établir
une grande intimité entre une âme et Lui, il commence toujours par la former
longuement. L’âme que le Seigneur désire, souvent pour lui confier une mission,
est une âme humaine, touchée comme toutes les autres âmes par les séquelles du
péché originel. Elle a ses misères, ses faiblesses ; comme les autres âmes, elle
est capable de se décourager, de ne pas comprendre les chemins par lesquels son
Seigneur la mène. Elle doit donc aller à l’école de Dieu. Et en bon pédagogue,
Dieu tient compte de ses capacités intellectuelles et de sa mémoire. Il doit
souvent redire les choses, afin qu’elles soient bien comprises et mémorisées.
Cela demande beaucoup de temps à l’échelle humaine. On ne doit donc pas
s’étonner de trouver dans les journaux intimes des mystiques, écrits
généralement à la demande de leurs directeurs, de nombreuses répétitions qui
peuvent rendre la lecture un peu fastidieuse. Et les éventuels lecteurs, qui
viendraient généralement de nombreuses années plus tard, pourraient peut-être se
lasser et passer à côté de conseils irremplaçables. D'où l'importance des
travaux de synthèse, qui, bien qu'accompagnés de nombreuses citations,
permettent de connaître les dons de Dieu, sans lassitude.
Les seize cahiers du journal intime
de Lucie-Christine sont pleins de ces répétitions volontaires du Seigneur. Aussi
le Père Auguste Poulain qui publia le Journal Spirituel de Lucie-Christine
en a-t-il volontairement supprimé de nombreuses, surtout dans les derniers
cahiers, afin de mieux mettre en évidence l’action irremplaçable d’un Maître
unique, Dieu. Notre étude n’est pas de reprendre ce qui a déjà été admirablement
fait, mais de mettre en évidence les points fondamentaux de la vie spirituelle
de Lucie-Christine, son obéissance à la grâce de Dieu, et l’originalité de sa
mission.
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