Léon Dupont
Le “saint homme” de Tours
1797-1876

 « simple laïc », déclaré « vénérable » par l’Église
 

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La dévotion réparatrice et le culte à la Sainte Face

 

Les personnes qui, de nos jours, viennent à Tours, se doivent de visiter l’Oratoire de la Sainte-Face, au 8 rue Bernard-Palissy. C’est ici que Monsieur Dupont a vécu presque toute sa vie tourangelle de 1834 jusqu'à sa mort en 1876. C’est dans son salon qu’il a reçu des ecclésiastiques, des religieux, des magistrats, des médecins, pour prier, méditer l’Écriture à Bible ouverte et concevoir les projets les plus divers au service de l’Évangile et des pauvres. Et c'est là surtout qu’il plaça l’image de la Sainte-Face, le Mercredi Saint de 1851, avec près d’elle une petite lampe à huile constamment allumée. Et c'est encore là que des milliers de personnes sont venues vénérer l’image de la Sainte Face. Mais comment naquit cette dévotion chez M. Dupont?[1]

6-1-La dévotion réparatrice

Nous avons vu plus haut que M. Dupont, soucieux de toujours faire la volonté de Dieu, avait développé en lui ce que l'on appela "l'esprit d'enfance". Il avait compris que son apostolat s'exercerait au milieu du monde, et la Providence le conduisait, sans qu'il le sache, vers ce qui serait sa véritable mission: la réparation. En effet,  nous vu compris que l'aspect essentiel de sa spiritualité fut son désir de réparer les outrages faits à Dieu. Il vivait au XIX siècle qui fut par excellence le siècle du blasphème. Or tout ce qui offensait Dieu: blasphèmes, irréligion, moqueries, indifférence religieuse, philosophies athées blessait profondément M. Dupont qui chercha à réparer ces outrages. Il le faisait publiquement, sans respect humain quand les occasions se présentaient. "En traversant les places publiques et les rues, il ne manquait jamais l'occasion de reprendre les blasphémateurs, bien qu'il n'en reçût que du mépris ou des injures[2]."

Mais bientôt M. Dupont sera amené à agir d'une manière plus efficace, car, fortuitement, ses intentions réparatrices[3] furent confortées grâce à ses relations avec une sainte carmélite de Tours, la tourière Sœur Marie-de-Saint-Pierre. Mais comment réparer? Par plus d'amour.

La nécessité de réparer fut comme confirmée par les apparitions de la Salette, le 19 septembre 1846. La Vierge Marie annonçait des famines et demandait à deux enfants de prier, de se convertir et de faire pénitence. En octobre 1846 il y eut à Tours une inondation désastreuse. M. Dupont pensa qu'il existait un lien entre les demandes faites à Sœur Marie-de-Saint-Pierre, les apparitions de la Salette, et les désastres qu'il constatait. Par exemple, les pommes de terre, atteintes d'une étrange maladie étaient devenues impropres à la consommation. Le blé pourrissait dans les greniers. M. Dupont eut connaissance d'une lettre que Madame d'Entraigues reçut du curé de sa paroisse berrychonne: "Madame, suivant l'ordre que vous m'aviez donné, j'ai pris ce matin la clef de votre grenier d'abondance, pour faire une distribution aux gens qui souffrent de la disette; mais j'ai la douleur de vous annoncer que tout le blé est pourri; il n'y a pas un seul boisseau de bon." N'était-ce pas une preuve suffisante?

En résumé on peut dire que pour Monsieur Dupont, "la vie spirituelle est l'amour de Dieu, un amour simple et confiant comme celui d'un enfant, mais aussi empressé à réparer les injures commises par la malice ou la faiblesse des hommes.

        6-1-1-Sœur  Marie-de-Saint-Pierre

Perrine Éluère, de Rennes, entra au carmel de Tours le 13 septembre 1839 et prit le nom de Sœur Marie-de-Saint-Pierre. Sa première dévotion fut d'honorer l'enfance de Jésus-Sauveur et d'en reproduire les vertus. Puis elle comprit qu'il fallait réparer les injures faites à Dieu par les hommes, et surtout par les blasphémateurs. Et cette réparation devait avoir son expression principale dans la dévotion à la Sainte Face. Le 26 août 1843 elle reçut du Seigneur l'ordre de faire dire la prière suivante afin de réparer le grand crime du blasphème: "Qu'à jamais soit loué, béni, aimé, adoré, glorifié, le très  saint, très sacré, très adorable, inconnu, inexprimable Nom de Dieu, au ciel, sur la terre et dans les enfers, par toutes les créatures sorties des mains de Dieu et par le Sacré-Cœur de Jésus au très Saint Sacrement de l'autel."

En effet, "le très saint Nom de Jésus exprime la glorieuse victoire qu'il a remportée sur l'enfer, et renferme en lui les mérites infinis de sa personne adorable. Le très saint Nom de Dieu exprime la divinité et renferme en lui toutes les perfections du Créateur. Il suit de là que les blasphémateurs de ces Noms sacrés attaquent Dieu lui-même." (21 janvier 1847)

Curieusement, le 8 août de la même année 1843, le pape Grégoire XVI avait permis l'institution de confréries ayant pour objectif l'extirpation du blasphème, et le 25 août était le dernier jour d'une quarantaine de prières chère à M. Dupont, appelée quarantaine de saint Louis, qui contenait une partie des mots donnés par Jésus, le lendemain, à la carmélite. M. Dupont avait fait cette quarantaine de prières.

        6-1-2-M. Dupont et Sœur Marie-de-Saint-Pierre

M. Dupont connaissait bien le carmel de Tours dont sœur Marie-de-Saint-Pierre était la tourière. La prieure informa M. Dupont des révélations de sa tourière. Ce dernier, étonné par les coïncidences qu'il découvrait, fit sienne la dévotion de la carmélite et comprit la nécessité urgente de réparer les blasphèmes et la profanation du dimanche.  Le 15 mars 1844, Mgr Morlot, évêque de Tours, approuvait l'Association à la gloire du saint Nom de Dieu. Mgr Parisis, évêque de Langres érigea la Confrérie réparatrice du blasphème et de la profanation du dimanche dans une église de Saint-Dizier à laquelle le pape Pie IX conféra le titre et les privilèges d'archiconfrérie. (1846) L'œuvre a donc deux buts: la réparation des blasphèmes et la réparation de la profanation, par le travail, du saint jour du dimanche.

Quand Sœur Marie-de-Saint-Pierre apprit l'érection canonique de cette archiconfrérie, elle s'écria:

– Ma mission  sur la terre est achevée. Je vais mourir.

Le 8 juillet 1848 elle s'éteignit en s'offrant comme victime pour le salut de la France: elle avait 31 ans.

6-2-L'origine de la dévotion à la Sainte Face

        6-2-1-Sœur Marie-de-Saint-Pierre

Rien ne semblait prédestiner M. Dupont à devenir "le Serviteur de la Sainte Face." La dévotion à la Sainte Face était connue depuis des siècles tant en France qu'en Espagne ou en Italie. Le jeudi Saint 1644, à Osa de Vega, en Espagne, on vit une image de la Sainte Face pleurer des larmes de sang. Mais d'où vint la renaissance de cette dévotion, et pourquoi à Tours? Et comment grandit-elle en Monsieur Dupont, un simple laïc, dans sa maison et non pas dans une église ou un couvent?

La réponse, c'est: du carmel, où Sœur Marie-de-Saint-Pierre vivait déjà depuis 1845, la réparation des blasphèmes, très fréquents à son époque, et la dévotion à la Sainte-Face[4]. Elle écrira: "J'ai compris que, comme le Sacré-Cœur est l'objet sensible offert à nos adorations pour représenter son amour immense au très saint Sacrement de l'autel, de même la Face adorable de Notre-Seigneur est l'objet sensible offert à nos adorations pour réparer les outrages commis par les blasphémateurs envers la majesté et la souveraineté de Dieu dont cette sainte Face est la figure et l'expression..."

M. Dupont fera plus tard des remarques similaires à propos du Cœur de Jésus révélé à Sainte Marguerite Marie quand il écrira en 1854 à la prieure des bénédictines d'Arras: "Si le Cœur de Jésus est l'emblème de l'amour de Notre-Seigneur, sa face adorable est l'expression bien douloureuse des souffrances endurées pour nous et qui accompagnent mystiquement ce même Sauveur toujours occupé de notre salut."

Il en sera plus tard de même pour M. Dupont qui considérera que l'expansion du culte de la Sainte Face n'est que l'extension de la dévotion réparatrice. Cette idée réparatrice dominait tout dans son esprit, et, c'est à elle que, des années plus tard, tandis que les miracles de grâces se multipliaient autour de la Sainte Face exposée dans son salon, M. Dupont les rapportait.  De même, à ses yeux, "l'œuvre de la Salette et la dévotion à la sainte Face tendaient au même but: l'extirpation du blasphème en premier lieu, puis tout naturellement, la sanctification du dimanche et l'observation des lois de l'Église."

Ceci peut également s'appliquer à la France. Le 24 janvier 1846, Sœur Marie-de-Saint-Pierre écrivait: "... Voici les terribles paroles de ce divin Sauveur: 'La face de la France est devenue hideuse aux yeux de mon Père, elle provoque sa justice! Offrez-lui donc la Face de son Fils, qui charme son Cœur, pour attirer sur cette France sa miséricorde; sans quoi, elle sera châtiée. Là est son salut, c'est-à-dire en la Face du Sauveur. Voyez quelle preuve de ma bonté pour la France, qui ne me paye que d'ingratitude'."

        6-2-2-Théodolinde Dubouché

Dans la nuit du 11 au 12 février 1847, Théodolinde qui fonda plus tard la Congrégation de l'Adoration Réparatrice, eut une vision: le Christ lui apparut souffrant, le visage et la bouche meurtris. Le lendemain, pendant la messe, l'image se représenta à elle. Peu de temps après la prieure du carmel de la rue d'Enfer à Paris lui remit un cahier contenant les révélations de Sœur Marie-de-Saint-Pierre.

Le lien entre les révélations de la carmélite de Tours et ses propres visions et oraisons frappèrent Théodolinde qui peignit sa vision. Son tableau fut montré à Sœur Marie-de Saint-Pierre qui estima que la Face de Notre Seigneur qui y était représentée, correspondait bien avec l'idée qu'elle se faisait du visage souffrant du Christ. M. Dupont eut connaissance de tous ces faits, mais ce n'est que plus tard qu'on lui en donna une petite copie.

En janvier 1849, pendant l'exil de Pie IX à Gaëte, des prières publiques furent prescrites dans toutes les églises, et le Voile de saint Véronique, qui fut exposé à Saint-Pierre, se colora soudain, s'anima, et la figure de Jésus se montra dans la lumière. Le prodige, dûment constaté par les autorités ecclésiastiques, se renouvela plusieurs fois. On en fit des fac-similés qui furent imprimés en grand nombre et il en parvint quelques-uns au carmel d'Arras.

Le dimanche des Rameaux 1851, la prieure du Carmel de Tours offrit à Monsieur Dupont deux images de la Sainte Face. Les Bénédictines d'Arras, qui en avaient reçues plusieurs de Rome, en avaient données quelques-unes au carmel de Tours. Le mercredi saint suivant, M. Dupont plaça une de ces images qu'il avait fait encadrer, sur une petite commode. Soudain, il pensa qu'il fallait placer un signe extérieur de respect devant cette sainte image, et c'est ainsi qu'il eut la pensée d'allumer auprès d'elle une petite lampe qui brûlerait durant le reste de la Semaine sainte. C'est alors que se produisirent des faits extraordinaires.

6-3-Les premiers miracles

Le Samedi saint une personne souffrant très fort des yeux vient voir M. Dupont qui lui conseilla de prier devant l'image. Soudain il eut une pensée étrange et il lui demanda de mettre un peu d'huile de la lampe sur ses yeux. Ce qu'elle fit. Instantanément la douleur cessa. La lampe ne s'éteindra plus devant la Sainte Face. L'évènement se sut très vite, et très rapidement les visiteurs vinrent nombreux pour prier. Il y eut ensuite d'autres guérisons... La maison de Monsieur Dupont devint un lieu de pèlerinage. M. Dupont dut cesser toutes ses autres activités, sauf l'Adoration nocturne et sa correspondance devenue considérable, pour se consacrer au service de la Sainte Face.

Le mardi de Pâques, nouvelle guérison: celle de la jambe malade d'un jeune homme après une onction d'huile. La petite lampe brillait toujours devant la sainte image... Durant le mois consacré au Sacré-Cœur et au Précieux sang, nouvelles guérisons, lesquelles vont aller se multipliant.

 6-4-L'huile de la lampe

Peu à peu la maison de M. Dupont devenait le centre d'un culte en l'honneur de la Sainte Face. Bientôt les visiteurs voulurent emporter de l'huile. Monsieur Dupont donna des milliers de petites fioles d'huile de la lampe. On lui en demandait de partout: de Pologne, d'Allemagne, d'Italie, d'Angleterre d'Amérique, de Calcutta... M. Dupont envoya d'innombrables colis de fioles d'huile à la Martinique. Il s'occupait seul du remplissage des petites fioles et des colis en nombre impressionnant. Un jour la Poste refusa les colis: les fioles furent alors remplacées pas des images imprégnées d'une goutte d'huile.

6-5-Le culte de la Sainte Face

        6-5-1-Les débuts

Les pèlerins défilaient par centaines puis par milliers dans le salon de M. Dupont accablé par la mission dont il était investi. Les miracles étaient nombreux et les témoignages affluaient. M. Dupont, conscient de sa petitesse, "misérable pèlerin, pauvre instrument" s'étonnait du choix du Seigneur. Le culte de la Sainte Face prenait tout son temps: il notait les guérisons, inscrivait les grâces obtenues, rangeait les certificats; il conserva les cannes et les béquilles laissées par les infirmes guéris. Mais lui, il était de plus en plus enserré par ses rhumatismes, ses articulations douloureuses, notamment celles de la main droite. Il ne pouvait plus aller suivre ses cures qu'il reprendra cependant en 1859 à Bourbon l'Archambault. Mais il les cessera en 1863, ayant compris que son mal était incurable.

        6-5-2-Le pèlerinage

La maison de M. Dupont devenait un lieu de pèlerinage: des gens valides désirant honorer Notre-Seigneur, mais aussi des aveugles, des sourds, des paralytiques, des infirmes de toutes sortes qui venaient demander leur guérison. On venait de partout, à pied, en omnibus, et même en chemin de fer, la ligne d'Orléans à Tours ayant été ouverte en 1846. Des milliers de personnes vinrent vénérer la Sainte Face. Curieusement, "jamais les journaux n'ont fait une allusion aux merveilles qui se passaient dans la rue Saint-Étienne, à Tours."[5] L'autorité ecclésiastique gardait une bienveillante réserve.

M. Dupont accueillait chaleureusement tous ces pèlerins et se faisait le serviteur de tous. Toutefois, il était souvent bouleversé par le manque de foi des personnes qui venaient chez lui. M. Aubineau écrivit: "Ces guérisons merveilleuses ne suffisaient pas toujours à toucher et à convertir les assistants. Les conducteurs et les parents des malades même guéris s'en allaient parfois étourdis et non édifiés sans se rendre compte de ce qui s'était passé devant eux. M. Dupont était douloureusement affecté de ces ignorances... Ce qui était surtout pénible au serviteur de Dieu, c'était la défaillance de la foi, les stérilités des âmes censément pieuses..."

Le flot des pélerins dura jusqu'en janvier 1864, puis il sembla tarir. M. Dupont écrit: "Depuis plus d'un mois, le nombre des pèlerins devant la Sainte Face est presque nul; je n'ai pas reçu un seul certificat. Je ne me fais pas la moindre question là-dessus, je constate le fait." Il accepte le dessein de Dieu, mais se réjouit à cause de Lourdes où il ne pourra jamais aller compte tenu de la diminution de ses forces. En 1866 il écrit encore: "Je suis toujours à l'ancre... Toutefois je vois diminuer le nombre des pèlerins, ce qui ne me contrarie pas trop, vu que je sens diminuer mes forces."

Il y avait moins de foule chez M. Dupont, mais toujours autant de miracles éloignés dus à l'huile, toujours autant de lettres et de grâces de conversion... Sa maison était devenue un sanctuaire vers lequel des milliers de cœurs se tournaient pour demander des grâces de toutes sortes, tant de guérisons des corps que des âmes et des cœurs.

Quelle fut la cause de la diminution des visiteurs? Incontestablement les curieux ne venaient plus, mais seulement des pèlerins et des malades. Par contre l'huile de la lampe était toujours autant demandée. Et puis, peut-être que le Seigneur voulait laisser à son vieux serviteur un peu de temps pour se reposer et préparer son passage vers l'éternité. Par ailleurs, pendant la guerre, en 1870-1871, il était devenu difficile de se déplacer; pourtant les demandes d'huile continuaient... Et les demandes de prières, et des télégrammes urgents, et des lettres en quantité. M. Dupont répondait à tout, malgré les grandes difficultés qui étaient devenues les siennes pour écrire. Enfin, il ne faut pas oublier Lourdes où la Vierge Immaculée multipliait ses grâces.

6-6-Les miracles survenus du vivant de M. Dupont

À la demande de M. Dupont, M. d'Avrainville constitua un volumineux dossier des certificats des guérisons miraculeuses. M. Dupont recueillait aussi avec soin d'autres témoignages, en particulier les béquilles des infirmes guéris.

Nous ne pourrrons ici présenter que quelques miracles obtenus grâce à l'huile de la lampe de la Sainte Face ou aux prières récitées devant elle. Car, pour guérir, disait M. Dupont, il faut d'abord prier. Et l'on priait en ajoutant deux prières spéciales:

– Ô face Adorable, si miséricordieusement inclinée sur l'Arbre de la Croix, au jour de la Passion, pour le salut du monde, aujourd'hui encore par pitié, inclinez-vous vers nous et recevez-nous au baiser de paix.

– Mon Dieu, guérissez toutes les plaies de nos corps, toutes les plaies de nos cœurs, toutes les douleurs, toutes nos peines, par la vertu de votre Sainte Face.

M. Dupont donnait l'exemple de la prière. Un jour, raconte M. Aubineau, M. Dupont ouvrit une lettre venant d'une ville du Nord. Il s'agissait d'un enfant très malade que les parents recommandaient aux prières de M. Dupont. Il regarda intensément la Face du Seigneur en disant: "Seigneur, vous voyez que cela presse." À cent lieues de là, à l'heure même, en un clin d'œil, l'enfant était merveilleusement et complètement guéri. Quelques jours plus tard, avec son père et sa mère, l'enfant venait remercier.

Les guérisons étaient soit instantanées, et obtenues seulement grâce à la seule prière ou à une onction d'huile, soit en plusieurs étapes, notamment en renouvelant les onctions d'huile:

        – ainsi on signale la guérison instantanée d'une dame, femme et mère de médecin, atteinte d'une tuberculose en phase terminale.

        – on assista aussi à la guérison d'un enfant blessé profondément à une main. Après une prière et une onction d'huile, la plaie s'améliora et la main perdit ses contractures. Au cours des deuxième et troisième onctions, la peau se reconstruisit, et l'enfant put se laver les mains: il était parfaitement guéri.

        – Il en fut de même pour la jambe très abîmée d'un jeune homme d'une vingtaine d'années. "M. Dupont fit des onctions sur la jambe malade. À la première, le patient avait autant de mal; à la deuxième, un peu moins; à la troisième, il était tout à fait guéri et marchait très facilement, et, à la place de la plaie, il n'y avait plus qu'une rougeur."

        – Il y eut aussi l'histoire de cet enfant de sept à huit ans qui ne pouvait pas marcher, et dont les pieds étaient si gonflés qu'il était impossible de le chausser.

– Allez lui acheter des chaussures, demanda M. Dupont.

– Non Monsieur, dit la mère;

– Allez lui en chercher, répéta le saint homme.

La mère partit, et pendant ce temps on commença les prières. Le serviteur de Dieu pratiqua les onctions sur les pieds malades: la guérison fut instantanée. Les chaussures furent mises sans difficulté et l'enfant s'en alla sur ses jambes.

Il y a aussi des miracles inattendus. Ainsi une pieuse épouse vient trouver M. Dupont  pour lui parler de son mari athée. Entendu! M. Dupont priera pour lui; mais en la saluant, il lui lance:

– Mais, Madame, vous avez un strabisme!

– Oh, c'est sans importance

– Mais non, mais non, on va prier ensemble pour cela, venez!

Et les voilà tous les deux en prière devant la Sainte Face, pour le strabisme de Madame.

Quand l'épouse pieuse fut de retour à la maison, son diable de mari la dévisagea:

– Mais, tu n'as plus de strabisme!

– Qu'est-ce que tu racontes ?

– Si, si, je t'assure, tu ne louches plus! Tu as vu un chirurgien?

Alors la dame finit par raconter la prière à la Sainte Face. Et son mari se convertit.

Il y eut aussi des guérisons à distance:

Le 9 juillet 1852, le curé de Menars écrivit à M. Dupont pour lui rapporter la guérison d'une religieuse atteinte d'une phtisie pulmonaire très avancée. Il avait prié devant la sainte Face avec M. Dupont pour cette sœur Marie-André le 28 juin vers une heure moins un quart. Il relate: "À la même heure exactement, la pauvre malade qui avait beaucoup souffert la veille et le jour même toute la matinée dit à ses sœurs: 'On prie pour moi à Tours; je me sens infiniment mieux.' Et pour preuve, elle qui ne pouvait marcher, se mit à parcourir les bâtiments, monter de grands escaliers, se promener dans le village... le bon docteur est convenu bien vite que le doigt de Dieu est là..."

On pourrait multiplier les exemples à l'infini. Kammer, le domestique de M. Dupont disait:

– Les guérisons étaient devenues si nombreuses que nous n'y faisions plus attention.

Les guérisons à distance et avec l'huile

Un pieux catholique de Nantes écrit à M. Dupont, en 1855: "Je suis heureux de vous dire que que l'huile que vous avez eu la charité de nous donner... vient d'opérer, vendredi dernier, un miracle sur une petite fille de cinq ans... Elle était malade à mourir de la fièvre cérébrale, et le médecin avait déclaré qu'elle ne passerait pas la nuit. Le samedi à six heures du matin, le père, homme très chrétien, lui fait une croix sur le front avec l'huile que je lui avais portée le soir; après avoir fait ce signe de croix, il passe dans une pièce voisine; il revient et trouve la petite fille étudiant dans son livre qui se trouvait sur son lit; quelques heures après elle mangeait, et le lendemain dimanche elle mangeait à notre table, en parfaite santé..."

Parfois le ciel semble faire comme un clin d'œil. Ainsi un ancien officier au 2ème chasseur à cheval, G. de Jorna, habitant à Niort (Deux-Sèvres), "certifie avoir donné une fiole d'huile de la Sainte Face de Jésus à Mme Damon, et que cette dame, qui avait été condamnée par tous les médecins pour un cancer intérieur, a été guérie presque instantanément, et, chose merveilleuse,, c'est que cette dame a remarqué qu'à mesure qu'elle se servait de l'huile, la fiole, loin de diminuer, ne faisait qu'augmenter." (20 août 1854)

Enfin, il faut signaler aussi des miracles en Martinique, après des onctions d'huile. Des lettres et des certificats ont été retrouvés concernant ces faits.

Monsieur Dupont conservait son inaltérable humilité. Mais il se réjouissait de toutes ces guérisons parce qu'elles procuraient la gloire de Dieu et conduisaient les âmes au salut. Ainsi Ernest Hello écrivit à M. Dupont après une neuvaine pour demander la guérison d'une névralgie: "Quand on a perdu l'odeur de Dieu, on la retrouve devant la Sainte Face... Je me souviens avec délices de certaines lueurs divines que j'ai entrevues chez vous. Dieu me touchait, et je l'ai senti..."

Dom Guéranger était très ami avec M. Dupont. À plusieurs reprises il lui envoya des malades avec "ordre" de les guérir. Ainsi, par exemple, en 1854, il lui envoya un de ses novices avec ce mot: "Je vous adresse un de nos novices, notre très aimé frère Boutin qui souffre d'une grave affection pulmonique et qui vient vous prier de joindre vos prières aux siennes devant la sainte Face de Notre-Seigneur..." M. Dupont s'exécuta et le jeune novice rentra guéri, dans son monastère.

Il n'y avait pas que des guérisons physiques chez M. Dupont. On ne l'approchait pas sans devenir meilleur... "On emportait de son contact, de sa foi, de sa charité, de sa sérénité, comme un besoin de vie plus haute."

M. Dupont était parfois victorieux des malices de Satan. On raconte, entre autres, l'anecdote suivante: un jour, dans la chapelle de saint Martin, le sacristain et le balayeur s'efforçaient d'ouvrir le tronc. En vain! La clé ne voulait pas tourner. M. Dupont arrive, s'informe et ne semble pas surpris: "C'est encore un tour de Satan!" Alors, prenant la clé, il la plonge dans le bénitier et dit: "Ouvrez maintenant!" On met la clé dans la serrure, on la tourne facilement, et le tronc s'ouvre...

Cependant tous les malades ne guérissaient pas. M. Dupont en est bien conscient et n'est pas tellement étonné. Il  cherche  la raison et la trouve surtout dans le manque de foi.

6-7-L'attitude de la hiérarchie

Comme il se doit, les évêques se montrèrent, sinon réservés, du moins très prudents. Pourtant M. Dupont s'inquiétait parfois et il aurait souhaité une prise de position nette de l'Église. Ainsi, le 22 mai 1854, après avoir reçu dom Pitra, encore simple moine bénédictin à Solesmes, il notait: "Nous trouvions qu'il était temps que Notre-Seigneur fît rompre le silence; mais nous reconnaissons que lui seul peut donner le signal qui entraînera, comme conséquence nécessaire, un hommage public à la sainte Face et le complément de l'œuvre de la réparation."

En attendant, les guérisons miraculeuses se multipliaient... ainsi que les conversions.

Une religieuse ursuline de Rome étant venue consulter M. Dupont au sujet des révélations de Sœur Marie-de-Saint-Pierre, M. Dupont répondit: "L'autorité ne s'étant point encore prononcée, il y a une sorte de veto sur les révélations de la sœur Marie-de-Saint-Pierre... Ce que je puis dire, c'est qu'un homme bien placé s'occupe de cette affaire... Mais pour que la chose réussisse, il faut trois choses indispensables: secret, patience, prière."

L'épreuve du temps était nécessaire. Cependant Mgr Morlot n'hésitait pas à écrire à un curé qui demandait son avis: "qu'il pouvait sans crainte laisser une paroissienne malade suivre en toute sûreté de conscience les recommandations de M. Dupont, et se servir de l'huile qui a brûlé devant la sainte Face... M. Dupont est un laïc fort pieux, fort édifiant, plein de foi, ne s'occupant que de bonnes œuvres... On m'a signalé les faits étonnants, nombreux, extraordinaires de guérison... J'évite de faire une enquête sur ces faits, je laisse faire; plus tard, si c'est l'œuvre de Dieu, nous verrons les résultats."


[1] D'après un article du chanoine Gérard Leray, publié en février 2006, à l'occasion du 130ème anniversaire de la mort de Léon Papin-Dupont.
[2] D'après l'abbé Janvier son biographe.
[3] On peut consulter l'encyclique Miserentissimus Redemptor de Pie XI publiée en 1928, et dans laquelle le pape exprime, tout au long de sa lettre, que le culte dû au Sacré-Cœur concerne aussi la réparation des injures faites à Dieu, confirmant ainsi la pensée de Monsieur Dupont.
[4] En 1845, le Seigneur Jésus faisait comprendre à Sœur Marie de Saint-Pierre que les péchés de blasphèmes et la profanation du dimanche étaient des péchés comparables aux soufflets et aux coups qu'Il avait reçus pendant sa Passion sur sa Face adorable. Il fallait réparer ces outrages. Ces révélations lui furent renouvelées pendant trois ans, jusqu'à sa mort le 8 juillet 1848.
[5] D'après l'écrivain M. Aubineau.

   

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