« simple laïc », déclaré « vénérable » par l’Église
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La
dévotion réparatrice et le culte à la Sainte Face
Les
personnes qui, de nos jours, viennent à Tours, se doivent de visiter l’Oratoire
de la Sainte-Face, au 8 rue Bernard-Palissy. C’est ici que Monsieur Dupont a
vécu presque toute sa vie tourangelle de 1834 jusqu'à sa
mort en 1876. C’est
dans son salon qu’il a reçu des ecclésiastiques, des religieux, des magistrats,
des médecins, pour prier, méditer l’Écriture à Bible ouverte et concevoir les
projets les plus divers au service de l’Évangile et des pauvres. Et c'est là
surtout qu’il plaça l’image de la Sainte-Face, le Mercredi Saint de 1851, avec
près d’elle une petite lampe à huile constamment allumée. Et c'est encore là que
des milliers de personnes sont venues vénérer l’image de la Sainte Face. Mais
comment naquit cette dévotion chez M. Dupont?
6-1-La
dévotion réparatrice
Nous avons vu plus haut que M. Dupont, soucieux de toujours faire la volonté de
Dieu, avait développé en lui ce que l'on appela "l'esprit d'enfance". Il
avait compris que son apostolat s'exercerait au milieu du monde, et la
Providence le conduisait, sans qu'il le sache, vers ce qui serait sa véritable
mission: la réparation. En effet, nous vu compris que l'aspect essentiel de sa
spiritualité fut son désir de réparer les outrages faits à Dieu. Il vivait au
XIX siècle qui fut par excellence le siècle du blasphème. Or tout ce qui
offensait Dieu: blasphèmes, irréligion, moqueries, indifférence religieuse,
philosophies athées blessait profondément M. Dupont qui chercha à réparer ces
outrages. Il le faisait publiquement, sans respect humain quand les occasions se
présentaient.
"En traversant les places publiques et les rues,
il ne manquait jamais l'occasion de reprendre les blasphémateurs, bien qu'il
n'en reçût que du mépris ou des injures."
Mais
bientôt M. Dupont sera amené à agir d'une manière plus efficace, car,
fortuitement, ses intentions réparatrices
furent confortées grâce à ses relations avec une sainte carmélite de Tours, la
tourière Sœur Marie-de-Saint-Pierre. Mais comment réparer? Par plus d'amour.
La
nécessité de réparer fut comme confirmée par les apparitions de la Salette, le
19 septembre 1846. La Vierge Marie annonçait des famines et demandait à deux
enfants de prier, de se convertir et de faire pénitence. En octobre 1846 il y
eut à Tours une inondation désastreuse. M. Dupont pensa qu'il existait un lien
entre les demandes faites à Sœur Marie-de-Saint-Pierre, les apparitions de la
Salette, et les désastres qu'il constatait. Par exemple, les pommes de terre,
atteintes d'une étrange maladie étaient devenues impropres à la consommation. Le
blé pourrissait dans les greniers. M. Dupont eut connaissance d'une lettre que
Madame d'Entraigues reçut du curé de sa paroisse berrychonne: "Madame,
suivant l'ordre que vous m'aviez donné, j'ai pris ce matin la clef de votre
grenier d'abondance, pour faire une distribution aux gens qui souffrent de la
disette; mais j'ai la douleur de vous annoncer que tout le blé est pourri; il
n'y a pas un seul boisseau de bon." N'était-ce pas une preuve suffisante?
En
résumé on peut dire que pour Monsieur Dupont, "la vie spirituelle est l'amour
de Dieu, un amour simple et confiant comme celui d'un enfant, mais aussi
empressé à réparer les injures commises par la malice ou la faiblesse des
hommes.
6-1-1-Sœur Marie-de-Saint-Pierre
Perrine
Éluère, de Rennes, entra au carmel de Tours le 13 septembre 1839 et prit le nom
de Sœur Marie-de-Saint-Pierre. Sa première dévotion fut d'honorer l'enfance de
Jésus-Sauveur et d'en reproduire les vertus. Puis elle comprit qu'il fallait
réparer les injures faites à Dieu par les hommes, et surtout par les
blasphémateurs. Et cette réparation devait avoir son expression principale dans
la dévotion à la Sainte Face. Le 26 août 1843 elle reçut du Seigneur l'ordre de
faire dire la prière suivante afin de réparer le grand crime du blasphème:
"Qu'à jamais soit loué, béni, aimé, adoré, glorifié, le très saint, très sacré,
très adorable, inconnu, inexprimable Nom de Dieu, au ciel, sur la terre et dans
les enfers, par toutes les créatures sorties des mains de Dieu et par le
Sacré-Cœur de Jésus au très Saint Sacrement de l'autel."
En
effet, "le très saint Nom de Jésus exprime la glorieuse victoire qu'il a
remportée sur l'enfer, et renferme en lui les mérites infinis de sa personne
adorable. Le très saint Nom de Dieu exprime la divinité et renferme en lui
toutes les perfections du Créateur. Il suit de là que les blasphémateurs de ces
Noms sacrés attaquent Dieu lui-même." (21 janvier 1847)
Curieusement, le 8 août de la même année 1843, le pape Grégoire XVI avait permis
l'institution de confréries ayant pour objectif l'extirpation du blasphème, et
le 25 août était le dernier jour d'une quarantaine de prières chère à M. Dupont,
appelée quarantaine de saint Louis, qui contenait une partie des mots
donnés par Jésus, le lendemain, à la carmélite. M. Dupont avait fait cette
quarantaine de prières.
6-1-2-M. Dupont et Sœur Marie-de-Saint-Pierre
M.
Dupont connaissait bien le carmel de Tours dont sœur Marie-de-Saint-Pierre était
la tourière. La prieure informa M. Dupont des révélations de sa tourière. Ce
dernier, étonné par les coïncidences qu'il découvrait, fit sienne la dévotion de
la carmélite et comprit la nécessité urgente de réparer les blasphèmes et la
profanation du dimanche. Le 15 mars 1844, Mgr Morlot, évêque de Tours,
approuvait l'Association à la gloire du saint Nom de Dieu. Mgr Parisis,
évêque de Langres érigea la Confrérie réparatrice du blasphème et de la
profanation du dimanche dans une église de Saint-Dizier à laquelle le pape
Pie IX conféra le titre et les privilèges d'archiconfrérie. (1846) L'œuvre a
donc deux buts: la réparation des blasphèmes et la réparation de la profanation,
par le travail, du saint jour du dimanche.
Quand
Sœur Marie-de-Saint-Pierre apprit l'érection canonique de cette archiconfrérie,
elle s'écria:
– Ma
mission sur la terre est achevée. Je vais mourir.
Le 8
juillet 1848 elle s'éteignit en s'offrant comme victime pour le salut de la
France: elle avait 31 ans.
6-2-L'origine de la dévotion à la Sainte Face
6-2-1-Sœur Marie-de-Saint-Pierre
Rien ne
semblait prédestiner M. Dupont à devenir "le Serviteur de la Sainte Face."
La dévotion à la Sainte Face était connue depuis des siècles tant en France
qu'en Espagne ou en Italie. Le jeudi Saint 1644, à Osa de Vega, en Espagne, on
vit une image de la Sainte Face pleurer des larmes de sang. Mais d'où vint la
renaissance de cette dévotion, et pourquoi à Tours? Et comment grandit-elle en
Monsieur Dupont, un simple laïc, dans sa maison et non pas dans une église ou un
couvent?
La
réponse, c'est: du carmel, où Sœur Marie-de-Saint-Pierre vivait déjà depuis
1845, la réparation des blasphèmes, très fréquents à son époque, et la dévotion
à la Sainte-Face.
Elle écrira: "J'ai compris que, comme le Sacré-Cœur est l'objet sensible
offert à nos adorations pour représenter son amour immense au très saint
Sacrement de l'autel, de même la Face adorable de Notre-Seigneur est l'objet
sensible offert à nos adorations pour réparer les outrages commis par les
blasphémateurs envers la majesté et la souveraineté de Dieu dont cette sainte
Face est la figure et l'expression..."
M.
Dupont fera plus tard des remarques similaires à propos du Cœur de Jésus révélé
à Sainte Marguerite Marie quand il écrira en 1854 à la prieure des bénédictines
d'Arras: "Si le Cœur de Jésus est l'emblème de l'amour de Notre-Seigneur, sa
face adorable est l'expression bien douloureuse des souffrances endurées pour
nous et qui accompagnent mystiquement ce même Sauveur toujours occupé de notre
salut."
Il en
sera plus tard de même pour M. Dupont qui considérera que l'expansion du culte
de la Sainte Face n'est que l'extension de la dévotion réparatrice. Cette idée
réparatrice dominait tout dans son esprit, et, c'est à elle que, des années plus
tard, tandis que les miracles de grâces se multipliaient autour de la Sainte
Face exposée dans son salon, M. Dupont les rapportait. De même, à ses yeux,
"l'œuvre de la Salette et la dévotion à la sainte Face tendaient au même but:
l'extirpation du blasphème en premier lieu, puis tout naturellement, la
sanctification du dimanche et l'observation des lois de l'Église."
Ceci
peut également s'appliquer à la France. Le 24 janvier 1846, Sœur
Marie-de-Saint-Pierre écrivait: "... Voici les terribles paroles de ce divin
Sauveur: 'La face de la France est devenue hideuse aux yeux de mon Père, elle
provoque sa justice! Offrez-lui donc la Face de son Fils, qui charme son Cœur,
pour attirer sur cette France sa miséricorde; sans quoi, elle sera châtiée. Là
est son salut, c'est-à-dire en la Face du Sauveur. Voyez quelle preuve de ma
bonté pour la France, qui ne me paye que d'ingratitude'."
6-2-2-Théodolinde Dubouché
Dans la
nuit du 11 au 12 février 1847, Théodolinde qui fonda plus tard la Congrégation
de l'Adoration Réparatrice, eut une vision: le Christ lui apparut souffrant, le
visage et la bouche meurtris. Le lendemain, pendant la messe, l'image se
représenta à elle. Peu de temps après la prieure du carmel de la rue d'Enfer à
Paris lui remit un cahier contenant les révélations de Sœur
Marie-de-Saint-Pierre.
Le lien
entre les révélations de la carmélite de Tours et ses propres visions et
oraisons frappèrent Théodolinde qui peignit sa vision. Son tableau fut montré à
Sœur Marie-de Saint-Pierre qui estima que la Face de Notre Seigneur qui y était
représentée, correspondait bien avec l'idée qu'elle se faisait du visage
souffrant du Christ. M. Dupont eut connaissance de tous ces faits, mais ce n'est
que plus tard qu'on lui en donna une petite copie.
En
janvier 1849, pendant l'exil de Pie IX à Gaëte, des prières publiques furent
prescrites dans toutes les églises, et le Voile de saint Véronique, qui fut
exposé à Saint-Pierre, se colora soudain, s'anima, et la figure de Jésus se
montra dans la lumière. Le prodige, dûment constaté par les autorités
ecclésiastiques, se renouvela plusieurs fois. On en fit des fac-similés qui
furent imprimés en grand nombre et il en parvint quelques-uns au carmel d'Arras.
Le
dimanche des Rameaux 1851, la prieure du Carmel de Tours offrit à Monsieur
Dupont deux images de la Sainte Face. Les Bénédictines d'Arras, qui en avaient
reçues plusieurs de Rome, en avaient données quelques-unes au carmel de Tours.
Le mercredi saint suivant, M. Dupont plaça une de ces images qu'il avait fait
encadrer, sur une petite commode. Soudain, il pensa qu'il fallait placer un
signe extérieur de respect devant cette sainte image, et c'est ainsi qu'il eut
la pensée d'allumer auprès d'elle une petite lampe qui brûlerait durant le reste
de la Semaine sainte. C'est alors que se produisirent des faits extraordinaires.
6-3-Les
premiers miracles
Le
Samedi saint une personne souffrant très fort des yeux vient voir M. Dupont qui
lui conseilla de prier devant l'image. Soudain il eut une pensée étrange et il
lui demanda de mettre un peu d'huile de la lampe sur ses yeux. Ce qu'elle fit.
Instantanément la douleur cessa. La lampe ne s'éteindra plus devant la Sainte
Face. L'évènement se sut très vite, et très rapidement les visiteurs vinrent
nombreux pour prier. Il y eut ensuite d'autres guérisons... La maison de
Monsieur Dupont devint un lieu de pèlerinage. M. Dupont dut cesser toutes ses
autres activités, sauf l'Adoration nocturne et sa correspondance devenue
considérable, pour se consacrer au service de la Sainte Face.
Le mardi
de Pâques, nouvelle guérison: celle de la jambe malade d'un jeune homme après
une onction d'huile. La petite lampe brillait toujours devant la sainte image...
Durant le mois consacré au Sacré-Cœur et au Précieux sang, nouvelles guérisons,
lesquelles vont aller se multipliant.
6-4-L'huile
de la lampe
Peu à
peu la maison de M. Dupont devenait le centre d'un culte en l'honneur de la
Sainte Face. Bientôt les visiteurs voulurent emporter de l'huile. Monsieur
Dupont donna des milliers de petites fioles d'huile de la lampe. On lui en
demandait de partout: de Pologne, d'Allemagne, d'Italie, d'Angleterre
d'Amérique, de Calcutta... M. Dupont envoya d'innombrables colis de fioles
d'huile à la Martinique. Il s'occupait seul du remplissage des petites fioles et
des colis en nombre impressionnant. Un jour la Poste refusa les colis: les
fioles furent alors remplacées pas des images imprégnées d'une goutte d'huile.
6-5-Le culte
de la Sainte Face
6-5-1-Les débuts
Les
pèlerins défilaient par centaines puis par milliers dans le salon de M. Dupont
accablé par la mission dont il était investi. Les miracles étaient nombreux et
les témoignages affluaient. M. Dupont, conscient de sa petitesse, "misérable
pèlerin, pauvre instrument" s'étonnait du choix du Seigneur. Le culte de la
Sainte Face prenait tout son temps: il notait les guérisons, inscrivait les
grâces obtenues, rangeait les certificats; il conserva les cannes et les
béquilles laissées par les infirmes guéris. Mais lui, il était de plus en plus
enserré par ses rhumatismes, ses articulations douloureuses, notamment celles de
la main droite. Il ne pouvait plus aller suivre ses cures qu'il reprendra
cependant en 1859 à Bourbon l'Archambault. Mais il les cessera en 1863, ayant
compris que son mal était incurable.
6-5-2-Le pèlerinage
La
maison de M. Dupont devenait un lieu de pèlerinage: des gens valides désirant
honorer Notre-Seigneur, mais aussi des aveugles, des sourds, des paralytiques,
des infirmes de toutes sortes qui venaient demander leur guérison. On venait de
partout, à pied, en omnibus, et même en chemin de fer, la ligne d'Orléans à
Tours ayant été ouverte en 1846. Des milliers de personnes vinrent vénérer la
Sainte Face. Curieusement,
"jamais les journaux n'ont fait une allusion aux
merveilles qui se passaient dans la rue Saint-Étienne, à Tours."
L'autorité
ecclésiastique gardait une bienveillante réserve.
M.
Dupont accueillait chaleureusement tous ces pèlerins et se faisait le serviteur
de tous. Toutefois, il était souvent bouleversé par le manque de foi des
personnes qui venaient chez lui. M. Aubineau écrivit: "Ces guérisons
merveilleuses ne suffisaient pas toujours à toucher et à convertir les
assistants. Les conducteurs et les parents des malades même guéris s'en allaient
parfois étourdis et non édifiés sans se rendre compte de ce qui s'était passé
devant eux. M. Dupont était douloureusement affecté de ces ignorances... Ce qui
était surtout pénible au serviteur de Dieu, c'était la défaillance de la foi,
les stérilités des âmes censément pieuses..."
Le flot
des pélerins dura jusqu'en janvier 1864, puis il sembla tarir. M. Dupont écrit:
"Depuis plus d'un mois, le nombre des pèlerins devant la Sainte Face est
presque nul; je n'ai pas reçu un seul certificat. Je ne me fais pas la moindre
question là-dessus, je constate le fait." Il accepte le dessein de Dieu,
mais se réjouit à cause de Lourdes où il ne pourra jamais aller compte tenu de
la diminution de ses forces. En 1866 il écrit encore: "Je suis toujours à
l'ancre... Toutefois je vois diminuer le nombre des pèlerins, ce qui ne me
contrarie pas trop, vu que je sens diminuer mes forces."
Il y
avait moins de foule chez M. Dupont, mais toujours autant de miracles éloignés
dus à l'huile, toujours autant de lettres et de grâces de conversion... Sa
maison était devenue un sanctuaire vers lequel des milliers de cœurs se
tournaient pour demander des grâces de toutes sortes, tant de guérisons des
corps que des âmes et des cœurs.
Quelle
fut la cause de la diminution des visiteurs? Incontestablement les curieux ne
venaient plus, mais seulement des pèlerins et des malades. Par contre l'huile de
la lampe était toujours autant demandée. Et puis, peut-être que le Seigneur
voulait laisser à son vieux serviteur un peu de temps pour se reposer et
préparer son passage vers l'éternité. Par ailleurs, pendant la guerre, en
1870-1871, il était devenu difficile de se déplacer; pourtant les demandes
d'huile continuaient... Et les demandes de prières, et des télégrammes urgents,
et des lettres en quantité. M. Dupont répondait à tout, malgré les grandes
difficultés qui étaient devenues les siennes pour écrire. Enfin, il ne faut pas
oublier Lourdes où la Vierge Immaculée multipliait ses grâces.
6-6-Les
miracles survenus du vivant de M. Dupont
À la
demande de M. Dupont, M. d'Avrainville constitua un volumineux dossier des
certificats des guérisons miraculeuses. M. Dupont recueillait aussi avec soin
d'autres témoignages, en particulier les béquilles des infirmes guéris.
Nous ne
pourrrons ici présenter que quelques miracles obtenus grâce à l'huile de la
lampe de la Sainte Face ou aux prières récitées devant elle. Car, pour guérir,
disait M. Dupont, il faut d'abord prier. Et l'on priait en ajoutant deux prières
spéciales:
– Ô
face Adorable, si miséricordieusement inclinée sur l'Arbre de la Croix, au jour
de la Passion, pour le salut du monde, aujourd'hui encore par pitié,
inclinez-vous vers nous et recevez-nous au baiser de paix.
– Mon
Dieu, guérissez toutes les plaies de nos corps, toutes les plaies de nos cœurs,
toutes les douleurs, toutes nos peines, par la vertu de votre Sainte Face.
M.
Dupont donnait l'exemple de la prière. Un jour, raconte M. Aubineau, M. Dupont
ouvrit une lettre venant d'une ville du Nord. Il s'agissait d'un enfant très
malade que les parents recommandaient aux prières de M. Dupont. Il regarda
intensément la Face du Seigneur en disant: "Seigneur, vous voyez que cela
presse." À cent lieues de là, à l'heure même, en un clin d'œil, l'enfant
était merveilleusement et complètement guéri. Quelques jours plus tard, avec son
père et sa mère, l'enfant venait remercier.
Les
guérisons étaient soit instantanées, et obtenues seulement grâce à la seule
prière ou à une onction d'huile, soit en plusieurs étapes, notamment en
renouvelant les onctions d'huile:
– ainsi on signale la guérison instantanée d'une dame, femme et mère de médecin,
atteinte d'une tuberculose en phase terminale.
– on assista aussi à la guérison d'un enfant blessé profondément à une main.
Après une prière et une onction d'huile, la plaie s'améliora et la main perdit
ses contractures. Au cours des deuxième et troisième onctions, la peau se
reconstruisit, et l'enfant put se laver les mains: il était parfaitement guéri.
– Il en fut de même pour la jambe très abîmée d'un jeune homme d'une vingtaine
d'années. "M. Dupont fit des onctions sur la jambe malade. À la première, le
patient avait autant de mal; à la deuxième, un peu moins; à la troisième, il
était tout à fait guéri et marchait très facilement, et, à la place de la plaie,
il n'y avait plus qu'une rougeur."
– Il y eut aussi l'histoire de cet enfant de sept à huit ans qui ne pouvait pas
marcher, et dont les pieds étaient si gonflés qu'il était impossible de le
chausser.
– Allez
lui acheter des chaussures, demanda M.
Dupont.
– Non
Monsieur, dit la mère;
– Allez
lui en chercher, répéta le saint homme.
La mère
partit, et pendant ce temps on commença les prières. Le serviteur de Dieu
pratiqua les onctions sur les pieds malades: la guérison fut instantanée. Les
chaussures furent mises sans difficulté et l'enfant s'en alla sur ses jambes.
Il y a
aussi des miracles inattendus. Ainsi une pieuse épouse vient trouver M. Dupont
pour lui parler de son mari athée. Entendu! M. Dupont priera pour lui; mais en
la saluant, il lui lance:
– Mais,
Madame, vous avez un strabisme!
– Oh,
c'est sans importance
– Mais
non, mais non, on va prier ensemble pour cela, venez!
Et les
voilà tous les deux en prière devant la Sainte Face, pour le strabisme de
Madame.
Quand
l'épouse pieuse fut de retour à la maison, son diable de mari la dévisagea:
– Mais,
tu n'as plus de strabisme!
– Qu'est-ce
que tu racontes ?
– Si,
si, je t'assure, tu ne louches plus! Tu as vu un chirurgien?
Alors la
dame finit par raconter la prière à la Sainte Face. Et son mari se convertit.
Il y
eut aussi des guérisons à distance:
Le 9
juillet 1852, le curé de Menars écrivit à M. Dupont pour lui rapporter la
guérison d'une religieuse atteinte d'une phtisie pulmonaire très avancée. Il
avait prié devant la sainte Face avec M. Dupont pour cette sœur Marie-André le
28 juin vers une heure moins un quart. Il relate: "À la même heure
exactement, la pauvre malade qui avait beaucoup souffert la veille et le jour
même toute la matinée dit à ses sœurs: 'On prie pour moi à Tours; je me sens
infiniment mieux.' Et pour preuve, elle qui ne pouvait marcher, se mit à
parcourir les bâtiments, monter de grands escaliers, se promener dans le
village... le bon docteur est convenu bien vite que le doigt de Dieu est là..."
On
pourrait multiplier les exemples à l'infini. Kammer, le domestique de M. Dupont
disait:
– Les
guérisons étaient devenues si nombreuses que nous n'y faisions plus attention.
Les
guérisons à distance et avec l'huile
Un pieux
catholique de Nantes écrit à M. Dupont, en 1855: "Je suis heureux de vous
dire que que l'huile que vous avez eu la charité de nous donner... vient
d'opérer, vendredi dernier, un miracle sur une petite fille de cinq ans... Elle
était malade à mourir de la fièvre cérébrale, et le médecin avait déclaré
qu'elle ne passerait pas la nuit. Le samedi à six heures du matin, le père,
homme très chrétien, lui fait une croix sur le front avec l'huile que je lui
avais portée le soir; après avoir fait ce signe de croix, il passe dans une
pièce voisine; il revient et trouve la petite fille étudiant dans son livre qui
se trouvait sur son lit; quelques heures après elle mangeait, et le lendemain
dimanche elle mangeait à notre table, en parfaite santé..."
Parfois
le ciel semble faire comme un clin d'œil. Ainsi un ancien officier au 2ème
chasseur à cheval, G. de Jorna, habitant à Niort (Deux-Sèvres), "certifie
avoir donné une fiole d'huile de la Sainte Face de Jésus à Mme Damon, et que
cette dame, qui avait été condamnée par tous les médecins pour un cancer
intérieur, a été guérie presque instantanément, et, chose merveilleuse,, c'est
que cette dame a remarqué qu'à mesure qu'elle se servait de l'huile, la fiole,
loin de diminuer, ne faisait qu'augmenter." (20 août 1854)
Enfin,
il faut signaler aussi des miracles en Martinique, après des onctions d'huile.
Des lettres et des certificats ont été retrouvés concernant ces faits.
Monsieur
Dupont conservait son inaltérable humilité. Mais il se réjouissait de toutes ces
guérisons parce qu'elles procuraient la gloire de Dieu et conduisaient les âmes
au salut. Ainsi Ernest Hello écrivit à M. Dupont après une neuvaine pour
demander la guérison d'une névralgie: "Quand on a perdu l'odeur de Dieu, on
la retrouve devant la Sainte Face... Je me souviens avec délices de certaines
lueurs divines que j'ai entrevues chez vous. Dieu me touchait, et je l'ai
senti..."
Dom
Guéranger était très ami avec M. Dupont. À plusieurs reprises il lui envoya des
malades avec "ordre" de les guérir. Ainsi, par exemple, en 1854, il lui envoya
un de ses novices avec ce mot: "Je vous adresse un de nos novices, notre très
aimé frère Boutin qui souffre d'une grave affection pulmonique et qui vient vous
prier de joindre vos prières aux siennes devant la sainte Face de
Notre-Seigneur..." M. Dupont s'exécuta et le jeune novice rentra guéri, dans
son monastère.
Il n'y
avait pas que des guérisons physiques chez M. Dupont. On ne l'approchait pas
sans devenir meilleur... "On emportait de son contact, de sa foi, de sa
charité, de sa sérénité, comme un besoin de vie plus haute."
M.
Dupont était parfois victorieux des malices de Satan. On raconte, entre autres,
l'anecdote suivante: un jour, dans la chapelle de saint Martin, le sacristain et
le balayeur s'efforçaient d'ouvrir le tronc. En vain! La clé ne voulait pas
tourner. M. Dupont arrive, s'informe et ne semble pas surpris: "C'est encore
un tour de Satan!" Alors, prenant la clé, il la plonge dans le bénitier et
dit: "Ouvrez maintenant!" On met la clé dans la serrure, on la tourne
facilement, et le tronc s'ouvre...
Cependant tous les malades ne guérissaient pas. M. Dupont en est bien conscient
et n'est pas tellement étonné. Il cherche la raison et la trouve surtout dans
le manque de foi.
6-7-L'attitude de la hiérarchie
Comme il
se doit, les évêques se montrèrent, sinon réservés, du moins très prudents.
Pourtant M. Dupont s'inquiétait parfois et il aurait souhaité une prise de
position nette de l'Église. Ainsi, le 22 mai 1854, après avoir reçu dom Pitra,
encore simple moine bénédictin à Solesmes, il notait: "Nous trouvions qu'il
était temps que Notre-Seigneur fît rompre le silence; mais nous reconnaissons
que lui seul peut donner le signal qui entraînera, comme conséquence nécessaire,
un hommage public à la sainte Face et le complément de l'œuvre de la
réparation."
En
attendant, les guérisons miraculeuses se multipliaient... ainsi que les
conversions.
Une
religieuse ursuline de Rome étant venue consulter M. Dupont au sujet des
révélations de Sœur Marie-de-Saint-Pierre, M. Dupont répondit: "L'autorité ne
s'étant point encore prononcée, il y a une sorte de veto sur les révélations de
la sœur Marie-de-Saint-Pierre... Ce que je puis dire, c'est qu'un homme bien
placé s'occupe de cette affaire... Mais pour que la chose réussisse, il faut
trois choses indispensables: secret, patience, prière."
L'épreuve du temps était nécessaire. Cependant Mgr Morlot n'hésitait pas à
écrire à un curé qui demandait son avis: "qu'il pouvait sans crainte laisser
une paroissienne malade suivre en toute sûreté de conscience les recommandations
de M. Dupont, et se servir de l'huile qui a brûlé devant la sainte Face... M.
Dupont est un laïc fort pieux, fort édifiant, plein de foi, ne s'occupant que de
bonnes œuvres... On m'a signalé les faits étonnants, nombreux, extraordinaires
de guérison... J'évite de faire une enquête sur ces faits, je laisse faire; plus
tard, si c'est l'œuvre de Dieu, nous verrons les résultats."
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