« simple laïc », déclaré « vénérable » par l’Église
5
Portrait de M. Dupont
5-1-Les
vertus
5-1-1-Le chrétien
Monsieur
Dupont fut un homme du monde, mais un chrétien exemplaire. Il a été un fils
attentif, un époux dévoué, et un père soucieux de l'avenir éternel de son
enfant. Monsieur Dupont n'était pas un consacré, il vivait seulement de la grâce
de son baptême, mais cette grâce ne fut pas vaine en lui; elle fut même
extraordinairement féconde. Outre ses nombreuses activités, il avait le souci
des mourants qu'il recommandait aux prières de ses amis. Grâce à ses prières,
il obtint de nombreuses conversions in extremis, et cela le réjouissait
beaucoup. Parfois il suffisait d'une goutte de l'huile de la lampe brûlant près
de la sainte Face pour que la personne concernée se confesse et reçoive les
sacrements avant de mourir.
5-1-2-L'humilité
M.
Dupont a pratiqué brillamment, jusqu'à sa mort, toutes les vertus cardinales:
prudence, justice, force et tempérance. Cependant, pour lui, la vertu
essentielle, c'était l'humilité qui est le "fondement de toutes les vertus...
le fondement de tout édifice qu'on veut élever vers le ciel... On ne saurait
trop l'estimer, ni trop la rechercher." Être humble, c'est s'effacer pour
approcher Dieu, pour n'être plus que Lui et quà Lui. "Je ne veux plus être
moi, je veux être Vous!"
Sainte Gertrude
d'Helfta, que M. Dupont aimait beaucoup. |
M.
Dupont, ancien magistrat, ne craignait pas de rencontrer les déshérités. À
quelqu'un qui lui demandait des conseils, il écrivit: "Des conseils! Hélas!
Mon cher ami, celui qui écrit ce mot devrait, lui, se cacher dans quelque fumier
inconnu et s'y tenir coi au lieu de s'entretenir avec les âmes bien portantes."
Et souvent il ressentait beaucoup de confusion en constatant que Dieu se
servait de sa maison pour manifester sa bonté envers tous ceux qui venaient
implorer ses grâces. Pourtant M. Dupont savait reconnaître les dons que le
Seigneur lui avait donnés. Il avait un jour noté: "Je sais qu'il y en a
quelques-uns qui, malgré ce qu'ils en reconnaissent, veulent ignorer les dons
que Dieu leur a faits... Pour moi, il me semble que je dois connaître ce que
j'ai reçu, afin que je sache ce qui me manque. Il me semble que, selon l'apôtre,
nous devons savoir ce que Dieu nous a donné, pour ne point ignorer ce que nous
avons à demander par des gémissements."
Dans une
lettre à un ami prêtre, M. Dupont écrit en 1843:
– Toujours j'ai vu devant moi la petite route des petites âmes, et je m'y suis
engagé...
Il
espérait ainsi sauver des âmes sans s'expatrier. Il ne sera pas un des
"conquérants d'Outre-Mer", mais en restant à Tours, au sein de sa famille et
dans la vie séculière, il deviendra un des "convertisseurs d'âmes" que le
Seigneur désire, et contribuera ainsi à propager le Royaume de Dieu. L'apostolat
auquel Dieu le réservait, était celui de la réparation.
Se faire
petit et rechercher les petites choses était un des principes de sa
spiritualité; car pour sauver le monde, Jésus s'est fait petit; nous devons donc
nous faire petits. Fréquemment M. Dupont parlait de "l'esprit
d'anéantissement", de la nécessité de connaître son propre néant: "Cette
rentrée dans le néant est difficile, puisqu'il a fallu que Celui qui avait fait
sortir le monde du néant vînt se mêler lui-même aux choses du néant pour nous
prêcher d'exemple. Et voici que, dans l'obligation où nous sommes de suivre
Jésus pour arriver au ciel, nous ne pouvons pas marcher autrement que dans le
sentier de la plus extrême humilité..."
Enfin,
pour conclure ce paragraphe sur l'humilité de M. Dupont, il faut signaler que
pour avancer dans les voies de la contemplation mystique, il s'appuyait
humblement sur sainte Mechtilde, sainte Gertrude d'Helfta ou sainte Thérèse
d'Avila. Il méditait souvent ce passage de la vie de sainte Mechtilde: "En
l'oraison elle ne cherchait pas de hautes pensées, mais elle se contentait de se
préparer et d'être simplement devant Dieu, sans rechercher élévation d'esprit,
simplement regardant les faiblesses de son corps et les diversités de son
esprit, et les spiritualisant en Dieu, elle trouvait TOUT... Elle pensait à ses
péchés en l'amertume et douleur de son cœur..."
5-1-3-La foi
M.
Dupont était une âme de foi, une foi qu'il vivait avec la simplicité d'un
enfant. Il n'hésita pas à écrire: "je commence à ne plus comprendre autre
chose que cette vie de Jésus en nous. Le reste passe." Cette science de la
foi, c'est dans l'Eucharistie et l'adoration du Saint-Sacrement qu'il
l'apprenait. Il adhérait aussi, et fortement, à la parole de Dieu conservée dans
la Bible. Il avait un éminent respect pour l'Église et ses chefs: d'abord le
pape, puis les évêques. Et il se soumettait aux enseignements de l'Église.
Grand
mystique, M. Dupont croyait aussi aux révélations de Sainte Gertrude d'Helfta et
reconnaissait l'authenticité des apparitions de la Salette, de Lourdes et de
Pontmain. Et il adhérait avec joie aux révélations de Sœur Marie de Saint-Pierre
du Carmel de Tours. C'est grâce à cette sainte carmélite qu'il développera en
lui l'esprit d'enfance. En un mot on peut dire que la foi de M. Dupont éclatait
dans toutes ses paroles et ses actions: "Il vivait avec Dieu et lui parlait
comme à un ami." Pour lui, les miracles étaient comme naturels.
Monsieur
Dupont croyait aussi aux vertus de la médaille de saint Benoît, et il en
distribua beaucoup. En effet, M. Dupont fit frapper cette médaille, et en fit
venir de grandes quantités. Le chanoine Janvier se plaît à citer de nombreux
miracles obtenus grâce à ces médailles distribuées par M. Dupont: arrêt de la
puissance d'un magnétiseur, sauvegarde de la chapelle Notre-Dame des Ardilliers
sauvée d'une destruction partielle, conversion des mourants impies, retour de la
paix dans des ménages, préservation d'une maison d'un incendie, etc...
L'abbé
Botrel qui avait bien connu M. Dupont disait de lui: "Cet ami de Dieu était
vraiment l'homme de foi, d'une foi forte, simple et constante, laquelle se
révélait en lui plutôt par des actes parfaitement soutenus et uniformes dans la
conduite et l'ordinaire de la vie, que par les signes et les pratiques
exceptionnelles d'une vie intérieure et mystique. Je me sers à dessein du mot
"mystique", non certes pour le déprécier à la manière du monde, qui, dans son
ignorance, n'use de ce mot que pour vouer au mépris ce qu'il y a de plus avancé
dans la vie spirituelle, mais voulant dire que ce qui se remarquait davantage en
M. Dupont, et ce qui je crois, était une suite de son rôle providentiel ici-bas,
c'était l'œuvre visible de la foi, comme la présence sensible de cette vertu qui
faisait de lui un instrument docile et prêt à tout bien."
Lorsque
les miracles se multiplieront autour de la sainte Face, M. Dupont se fera un
devoir de rappeler qu'il n'était pas médecin et que seuls ceux qui avaient la
foi étaient guéris. Et il ajoutait: "Ce n'est ni moi ni mes prières qui vous
obtiendront la guérison: ce sera votre foi."
5-1-4-L'espérance
La
confiance en Dieu de M. Dupont était sans limite. Il avait d'abord confiance
pour sa vie personnelle, certain d'être "aimé par le Bon Dieu et d'être
traité par Lui comme un enfant à qui le Père qui est dans les cieux ne refuse ni
sa tendresse habituelle, ni son pardon après les fautes..." Il était certain
aussi du bonheur infini qui attendait les hommes après les épreuves de cette
vie. Il était absolument certain de la pérennité de l'Église et de son triomphe
définitif, mais il se montrait prudent envers les nombreuses prophéties qui
courent le monde dans les périodes de crise. Et il conseillait: "Frappez au
Cœur de Jésus par la confiance et par l'amour: il vous sera ouvert, et il en
découlera sur vous une abondance de grâces."
L'espérance soutint M. Dupont durant toutes les douloureuses épreuves de sa vie,
notamment la mort de sa fille en 1847 et durant ses longues années de quasi
immobilité. Il n'hésitait pas à affirmer: "Pour peu que l'espérance augmente
en nous, la foi grandit, la charité s'enflamme et prête l'oreille pour entendre
les pas du divin époux." Monsieur Dupont avait, à l'égard du Bon Dieu
l'attitude d'un enfant plein d'amour et de confiance. C'est cette même espérance
qui lui faisait vivre intensément le moment présent, car, "moins on voit loin
devant soi, plus on est à la chose qu'il faut faire présentement..." Dans la
foi, l'espérance et l'amour, car "la vie de l'homme n'est que d'un instant."
Et il ne "voulait point remettre à demain, ce lendemain qui ne nous
appartient pas."
Malgré
l'incrédulité qui croissait en France à cette époque, l'espérance de M. Dupont
ne fut jamais entamée, et il avait toujours confiance en l'avenir. Il écrivait
en 1853: "Il est bien certain que l'on correspond fort peu aux sentiments si
formels de la bonté de Dieu! Une seule chose me rassure, c'est la pensée que la
très sainte et immaculée Mère de Jésus n'aurait pas accepté le message, si ses
pauvres enfants de la terre n'avaient dû le recevoir que pour s'enfoncer de plus
en plus dans le crime, et s'attirer une masse de fléaux destructeurs. Je me
prends, en conséquence, à espérer encore et beaucoup... Non, il est impossible
que les dix justes ne se trouvent pas en France..."
Il est
bien certain, disait aussi M. Dupont, "que notre confiance acquiert un degré
de mérite dans la proportion des difficultés qui se présentent et dont nous
constatons l'évidence." Aussi, "Prions pour la France!... Prions avec
confiance. Rougissons de n'avoir pas la confiance qui obtient tout... Il faut
employer une sorte d'importunité. Notre Seigneur lui-même nous y invite, quand
il nous donne une comparaison ravissante qui ne distingue pas celle d'un ami
survenant au milieu de la nuit et frappant à coups redoublés à la porte de son
ami jusqu'à ce que celui-ci lui ouvre, vaincu par l'importunité plutôt que
poussé par l'amitié". D'ailleurs Jésus n'a-t-il pas dit: "Quand vous
demanderez quelque chose en mon nom n'hésitez pas; croyez fermement que vous
l'obtiendrez, et il en sera ainsi." Et encore: "Dieu qui nous inspire de
le prier, ne peut pas ne pas écouter nos prières." M. Dupont ne doutait
jamais de l'efficacité de la prière; si elle n'obtenait pas son effet, c'est
qu'il y avait un véritable manque de confiance.
À propos
de la confiance et de la situation mauvaise de la France, M. Dupont prenait
l'exemple de Ninive et de Sodome. "Toute la grande ville de Ninive, qui était
païenne, dut se couvrir de cendres pour éviter la ruine. Dix justes auraient
sauvé Sodome." Et il conseillait de prendre exemple sur saint Paul lorsqu'il
s'écriait: "Je puis tout en celui qui me fortifie."
5-2-L'homme
de prière
5-2-1-L'homme de prière et de pénitence, d'amour et de foi
Nous
avons vu que M. Dupont était un homme de prière, car il savait pertinemment que
"le démon s'applique à détourner de l'oraison celui qu'il tente." Les
Écritures, objets de ses méditations, l'Évangile et surtout les psaumes, et la
prière, étaient la source de sa force quotidienne, même au milieu des épreuves
que toute vie humaine est appelée à connaître. M. Dupont priait sans cesse,
seul, partout. Curieusement il affectionnait les prières vocales et n'hésitait
pas à répéter une même prière, jusqu'à 150, 250 voire mille fois dans la même
journée. Il passait beaucoup de temps dans les nuits d'adoration. Il priait et
il invitait les autres à prier. Ainsi, en avril 1871, à propos de la commune qui
ensanglantait Paris, il écrivit: "Ma pensée s'est portée vers vous au milieu
des effroyables évènements qui, depuis près d'un an ont écrasé notre pauvre
France, ravalée au-dessous de tous les pays! Vous savez la catastrophe; mais il
vous reste à prier pour que l'abîme ne se referme pas sur nous, c'est-à-dire que
la révolution, qui est Satan déchaîné, ne nous absorbe pas comme elle le fit il
y a quatre-vingts ans." (donc en 1789)
À l'une
de ses filleules, il n'hésitait pas à conseiller, en 1866:
"La
chose essentielle, c'est de faire chaque jour un pas de plus dans les voies de
l'amour, et de se souvenir dans les circonstances qui semblent épineuses que
tout coopère au bien des élus."
Homme de
prière Léon Dupont était aussi un homme de pénitence, dont les mortifications,
courantes à son époque, et qui pouvaient aller jusqu'à des flagellations
sanglantes, peuvent nous paraître excessives. Mais "dans la communion, Jésus
fait plus que nous parler, nous exciter à l'amour et nous enseigner le chemin du
salut, il nous donne son sang en breuvage.... Eh bien! y a-t-il réciprocité...
si nous ne lui donnons pas notre sang?"
Comme
tous les saints, M. Dupont fut abondamment critiqué; on lui reprochait d'être
exalté, d'exagérer... Mais de quelle exagération s'agit-il? Toute sa vie il aida
son prochain et participa à des œuvres multiples. Il fut toujours docile aux
décisions, -ou aux non-décisions- de la sainte Église. Il acceptait sans mot
dire tous ses avis. Mais il avait la foi, la foi qui déplace les montagnes:
est-ce exalté que d'avoir cette foi que Jésus nous recommande? Il priait et il
savait se mortifier pour lutter contre le démon et sauver les âmes: est-ce
exagéré d'agir ainsi? N'est-ce pas plutôt ceux qui se baignent dans leur tiédeur
qui exagèrent? Et les saints, ceux que l'Église a reconnus et glorifiés, ne
furent-ils pas des exaltés? N'exagéraient-ils pas dans leurs excès d'amour
envers Dieu et leur prochain?
5-2-2-La dévotion à la Vierge Marie et à saint Joseph
M.
Dupont professait une dévotion filiale pour la très sainte Vierge Marie. Il
avait soutenu les apparitions de la Salette; et celles de Lourdes, à la fin de
sa vie le réjouirent. Il connaissait aussi les apparitions de la rue du Bac, à
Paris et les miracles liés à la médaille miraculeuse, et il s'en félicitait.
Tant qu'il pu disposer d'un peu de temps, avant le culte qu'il dut rendre à la
sainte Face, il fréquenta de nombreux lieux de pèlerinages mariaux. Il priait
régulièrement et faisait prier la Sainte Vierge; il récitait tous les jours
l'Angélus. Mais il vénérait également saint Joseph, chef de la sainte Famille
qu'il n'hésitait pas à qualifier de "Trinité de la terre".
Il
implorait saint Joseph: "Saint Joseph, chef de la sainte Famille, faites par
votre puissante intercession, qu'un jour dans le ciel le doux nom de Jésus soit
inscrit sur nos fronts. Mais en attendant, père tendre et miséricordieux,
daignez nous conduire et nous diriger dans les embarras de ce monde comme vous
avez conduit Jésus et Marie en Égypte, et comme vous leur avez donné des soins à
Nazareth..." Il demandait fréquemment à saint Joseph pour lui-même et pour
d'autres, la grâce d'une sainte mort.
Le 7
septembre 1852, veille de la Nativité de Marie, il écrivait: "Vive Marie! Si
les siècles précédents le disaient avec amour, aujourd'hui combien plus encore
devons-nous élever la voix pour chanter les louanges et raconter les bienfaits
de notre bonne Mère! Elle en a tant fait pour nous! Ses caresses ne les
multiplie-t-elle pas pour se soumettre les cœurs?..."
5-2-3-Autres dévotions de M. Dupont
M.
Dupont vénérait de nombreux saints. Il faut citer spécialement:
– Sainte Thérèse d'Avila,
– Sainte Gertrude d'Helfta, confidente du Cœur de Jésus, et interlocutrice de
saint Jean l'Évangéliste,
– Le pape saint Léon le Grand, son saint patron,
– Saint Antoine de Padoue qu'il invoquait comme tout le monde pour rechercher
des objets perdus, avec des succès étonnants, dont voici un exemple: M. Dupont
conduisait jusqu'au Mans une religieuse qui devait s'embarquer au Hâvre pour
l'Amérique. Arrivée à sa communauté, la religieuse cherche sa malle: elle
n'était nulle part. M. Dupont s'informe auprès des diligences: rien. Il rassure
la religieuse qui devait partir le lendemain matin, de bonne heure, et lui
demande de prier saint Antoine. Le lendemain matin la malle était dans la cour
de l'établissement. Comment était-elle arrivée, toutes les portes étant fermées?
Mystère!
Enfin,
M. Dupont avait une spéciale affection pour Saint François d'Assise,
Sainte
Monique, Sainte Philomène, la petite sainte chérie du curé d'Ars, et bien sûr,
saint Martin.
Et puis,
M. Dupont n'oubliait pas les anges. Il commençait souvent ses lettres par des
expressions du style: "Je salue votre bon ange!" Ou bien: "Salut à nos
bons anges!" À un ami il écrit: "Je salue votre cher ange, mon cher ami,
et je le prie de s'entendre avec le mien pour nous faire tous les deux accomplir
en toutes choses la sainte volonté de Dieu..."
Il
priait aussi son ange gardien. Voici un exemple de prière à son ange: "Bon
ange, cher objet de mon affection, ne me refusez point le secours de votre
puissante intervention; mais au contraire, aidez-moi à me transporter en corps
et en âme dans le monde entier, au pied des autels, à l'heure où se consomme le
saint Sacrifice..."
M.
Dupont professait une autre dévotion: celle des âmes du Purgatoire. Les
funérailles des pauvres ou des gens sans condition l'attiraient
particulièrement: il se faisait un devoir de prier pour les âmes oubliées, les
âmes que personne ne pensait à soulager.
5-3-L'amour
de Dieu et du prochain
5-3-1-L'union à Dieu
Léon
Dupont, brûlant d'amour pour son divin Maître, vivait dans une intime union avec
Jésus, et parfois il s'écriait: "Mon Dieu, se peut-il que nous demeurions si
peu reconnaissants envers vous? Votre Cœur s'ouvre pour nous inonder de grâces,
ô Jésus, et le nôtre se ferme!... Régnez dans nos cœurs, ô Jésus, et rendez-nous
libres malgré nous-mêmes et notre lâcheté, en nous assujettissant à votre saint
empire... Il est certain qu'on ne peut pas penser à la continuation de la
Passion sans ressentir l'envie de porter quelque consolation à Notre-Seigneur."
M.
Dupont avait compris la nécessité de l'Eucharistie et de la communion fréquente.
Il disait: "Le chrétien sans la sainte communion est un poisson hors de
l'eau." Aussi son sacrifice fut-il grand, quand, brisé par les infirmités,
il ne put plus entendre la messe, ni communier. Ce sacrifice dura plus de deux
ans...
5-3-2-L'amour de Dieu
L'amour
de Dieu fut la cause et le principe des œuvres qu'il créa ou accompagna tout au
long de sa vie. Ayant une très haute idée des droits de Dieu il multipliait ses
charités, il encourageait les uns, soutenait les autres; et surtout il priait et
il adorait. Les œuvres de piété qu'il mit en œuvre: adoration nocturne, culte
envers la Sainte Face et dévotion envers l'Eucharistie n'avaient qu'un but:
rendre gloire à Dieu et à son Amour, et s'efforcer de l'aimer toujours plus et
mieux. On a retrouvé parmi ses écrits ces lignes brûlantes: "Seigneur! Quand
est-ce que je vous aimerai?... Je veux trouver, même dans le sentiment de mon
indignité, des motifs d'amour; je veux que le souvenir même de mes indignités
pardonnées me pousse à l'amour... Je veux enfin, avec le secours de votre grâce
toute puissante, trouver en tout, partout et toujours, des motifs impérieux
d'amour: dans la prospérité, les douceurs de l'amour, dans mes peines, les
consolations de l'amour; dans les souffrances, l'amour en esprit d'immolation et
de sacrifice. D'ailleurs l'amour est un feu qui purifie. Il faut donc beaucoup
aimer, surtout quand on a beaucoup péché."
Dieu
seul faisait l'objet habituel de ses conversations, même à table ou en visite,
dans son salon ou en voyage. Et il affirmait: "Il n'y a jamais d'ennui dans
les conversations qui nous portent au ciel." D'ailleurs, "manger sans
parler de Dieu nous fait ressemble à la brute sans raison." En écrivant ces
choses, M. Dupont se souvenait-il de la sévère remarque de la sainte Vierge,
parlant de leurs contemporains qui ne remerciaient pas Dieu avant de se mettre à
table, aux deux enfants de la Salette: "Vous vous mettez à table comme des
chiens!"
Dans un
petit opuscule qu'il voulut anonyme M. Dupont écrit, entre autres: "Ô mon
Dieu, quand pourrai-je lire, écrit par vos mains dans mon cœur, le précepte de
vous aimer?... Quand me sera-t-il donné, ô mon Dieu, de vous aimer sans
distraction, au milieu des ennuis et des traverses du monde?... Ô mon Dieu, à
l'exemple de l'Épouse des Cantiques, je veux aller dire partout que je vous
aime, que je vous ai trouvé dans mon cœur, que chacun peut vous découvrir au
fond de son être, et ce qu'il y a de bonheur inexprimable à vous aimer! Mon
Dieu, que ne vous dois-je point? Combien je devrais vous aimer!... Mourir dans
l'amour habituel, mourir dans l'acte du pur amour, voilà une fin bienheureuse;
mais mourir par amour, ce serait le comble de mes désirs, s'il était permis à un
misérable pécheur de les porter si loin.
Mon
Dieu, vous êtes tout amour, car vos ouvrages respirent l'amour; vos
commandements sont amour; notre vocation n'est qu'amour. Mais qu'il est petit le
nombre de ceux qui comprennent le langage de l'amour!
5-3-3-L'amour du prochain
C'est
une chose bien connue: quand on aime Dieu, on aime forcément son prochain
puisque Dieu est amour. L'amour de Jésus conduisait M. Dupont à l'amour du
prochain et au zèle pour le salut des âmes. Monsieur Dupont ayant aimé Dieu de
toute son âme et de tout son cœur, il était normal qu'il aimât aussi son
prochain. Il soutenait les œuvres vouées à la prière et à l'adoration, et son
soutien aux œuvres charitables était bien connu: Petites Sœurs des Pauvres,
Vestiaire saint Martin, Conférences saint Vincent de Paul notamment. Il disait:
"Aimons nos frères, commençons par les moins aimables, afin d'aimer à la
façon du bon Maître... Les pauvres! Soyons toujours exacts à les servir, ne
différons jamais, car ce sont des rois... Il faut leur faire l'aumône avec
respect: c'est Jésus que l'on honore en leur personne..." Et il estimait que
seule la charité chrétienne peut rapprocher les hommes.
Aussi la
charité de M. Dupont était-elle sans borne, à travers ses générosités en argent
et en nature, à l'exemple de Saint Martin. Il recherchait tous les moyens pour
faire le plus de bien possible. Quand il était à bout de ressources, il vendait
quelques objets: ainsi une pauvre femme n'ayant plus d'argent pour payer son
loyer, et M. Dupont étant à court d'argent, ce dernier donna, après l'avoir
vidée du tabac qu'elle contenait, une luxueuse tabatière en disant: "Vous la
vendrez et vous pourrez payer votre loyer." Dès lors, M. Dupont cessa de
priser...
M.
Dupont savait aussi payer de sa personne comme le prouve l'anecdote suivante:
voyant un jour un cheval attelé à une charrette, arriver au galop, sans
conducteur, il l'arrêta et le tint fermement jusqu'au moment où le charretier
essoufflé arriva enfin.
M.
Dupont se souciait également des âmes, et il visitait régulièrement les
prisonniers et leur laissait toujours avec une aumône, des paroles de foi et de
réconfort. Il visitait aussi les malades nécessiteux et, au besoin, les soignait
de ses propres mains... Il se fit aussi le professeur de nombreux illettrés.
Dans les cas de grandes catastrophes, comme les débordements de la Loire, en
1846, 1856 et 1866, M. Dupont était toujours présent, prêt à apporter son
concours. Et à tous ceux qu'il aidait, il laissait une médaille de saint Benoît.
La
soudaine et grande inondation de juin 1856, dont la ville de Tours fut victime,
fut particulièrement désastreuse, car dans la nuit du 3 au 4 juin, les digues se
rompirent. M. Dupont écrit: "Dans la nuit du 3 au 4, la ville entière, et en
moins d'une heure, devait être emportée comme une paille par les grandes eaux
qui nous menaçaient depuis plusieurs jours. Il est à remarquer, d'ailleurs, que
malgré la rupture d'une digue qui servit de déversoir à la masse d'eau qui
baignait la vallée jusqu'au Cher, le danger n'a cessé que dans la matinée du
samedi. Jusque-là nous étions sous la menace d'un engloutissement sans
pareil..."
Pour la
première fois depuis 1848, l'adoration dans la nuit du 3 au 4 juin ne put avoir
lieu. Mais, le dimanche 1er juin, il avait été inscrit sur le registre de
l'adoration nocturne: "Vives instances au sujet de l'intempérie de la saison
et prière pour que Dieu épargne la France et la ramène à son amour par une autre
voie que celle de l'inondation." M. Dupont écrit encore: "À minuit les
digues se rompaient, mais se rompaient de manière à ne pas écraser la ville."
Le 11
juin, M. Dupont écrit à son ami de Paris, M. d'Avrainville: "Les désastres
sont grands, mais à la pensée de ce qui pouvait avoir lieu, on est saisi
d'effroi. En moins d'une heure, tous les habitants allaient, à l'improviste,
paraître au jugement de Dieu, s'il ne se faisait pas, en dehors de la ville, une
rupture de digue; et alors l'eau est arrivée sur nous après avoir fait un
immense détour à la campagne, perdant, de pas en pas, une partie de sa fougue et
de son élévation. La digue rompue, le fleuve, pendant près de quarante huit
heures, n'a pas cessé de battre en brèche, avec une grande furie, les lèvres
d'une levée aux trois quarts détruite du premier coup; et pendant ces quarante
huit heures nous nous sommes trouvés exposés à un danger presque aussi
formidable qu'à la rupture de la digue d'où nous est venue l'inondation
amoindrie".
Les
dégâts furent considérables. "Nous avons échappé à une affreuse catastrophe.
La ville de Tours ne devrait plus être qu'une plaine ravinée... L'incrédule ne
s'explique rien. Le chrétien remercie le Bon Dieu," car les victimes furent
peu nombreuses.
Plus
tard, à ses amis, dont M. d'Avrainville de Paris, qui demandaient de ses
nouvelles, il écrit: "Nous ne nous convertissons pas! Priez!..." Et
encore: "Il faut espérer aussi que le siècle rachètera ses iniquité par de
belles aumônes..." Et des aumônes, il y en eut beaucoup...
La
dernière nuit fut affreuse et M. Dupont, dès quatre heures du matin, fut le
premier, dans un bateau, à rendre visite aux naufragés, apportant des vivres et
des secours de toute nature. Mgr Morlot le suivit bientôt pour secourir tous les
infortunés: dignes émules de saint Martin!
Pour
conclure, nous n'oublions pas que M. Dupont ne critiquait jamais qui que ce
soit. Il était, au contraire, toujours prêt à excuser les fautes d'autrui et à
solliciter pour lui le pardon de Dieu. Et pour exprimer la sainteté de M.
Dupont, le chanoine Janvier, son biographe, n'hésite pas à écrire qu'il en était
de M. Dupont comme de la plupart des grands saints: "Ils ont passé, eux
aussi, aux yeux de leurs contemporains pour des hommes exaltés ou exagérés. Que
n'a-t-on pas dit, par exemple, du pauvre d'Assise, le séraphique saint François?
Et jadis, que ne disait-on pas du grand évêque de Tours, saint Martin, même
parmi ses propres disciples. Les saints transports qui élevaient ces âmes
d'élite au-dessus de la nature et d'elles-mêmes, ont pu étonner ou être mal
compris; mais en réalité, ils n'en étaient pas moins sérieux et conformes au
vrai, ils n'en méritaient pas moins l'approbation de Dieu et l'admiration des
hommes."
5-4-Monsieur Dupont et Satan
M.
Dupont professait contre Satan une haine profonde. Il savait que le diable est
le plus grand ennemi de Dieu et des hommes, et il parlera souvent de Satan comme
de la "plus méchante des bêtes". Il avait une conscience aigüe de sa
perversité et avait compris ce qu'il fallait faire pour résister aux tentations.
"Il avait au plus haut point le sens du péché et des périls qui
l'accompagnent... et il estimait que l'esprit du mal peut entrer dans
l'homme par le trou d'une aiguille comme il peut soudain fracasser une âme..."
Il n'hésitait pas à dire qu'il y avait le péché, et que Satan était toujours à
l'affût. "Le
découragement, l'ennui, la tristesse n'ont jamais fait de bien à l'âme, et c'est
en soi-même qu'on trouve le remède. Jésus donne les armes pour combattre ces
trois grands ennemis que Satan tient à ses gages."
Des œuvres de Voltaire et de Rousseau, il disait "qu'elles ne pouvaient être
bonnes qu'à la nourriture des cochons".
M.
Dupont avait en effet compris que Satan était présent dans la libre-pensée et
les fausses philosophies, le rationalisme et "le pullulement des sectes
irréligieuses ou immorales." Déjà!...
M.
Dupont écrivait aussi ces lignes d'une actualité toujours brûlante: "La
nécessité de nous rendre les amis de Notre-Seigneur devient de plus en plus
vive, parce que les efforts de Satan sont visiblement plus actifs. Le misérable
comprend que l'Église doit remporter une victoire sur la mer d'iniquités
composée de toutes les hérésies modernes, et dès lors sa convoitise ne connaît
plus de bornes; il voudrait d'une gueulée (sic) avaler les générations
actuelles, si bien disciplinées à s'avancer en aveugles sous l'infernale
inspiration!"
Pour
vaincre Satan, M. Dupont conseillait avant tout la foi et la prière. Pour
combattre Satan, M. Dupont aida la presse qui s'était engagée au service de
l'Église. Il mit également en garde, à partir de 1847, contre les "Congrès de la
Paix" nés d'initiatives maçonniques et protestantes et très hostiles à Rome. Il
écrivit: "Il y aurait bien des choses à dire sur le congrès de la paix
(1847), nouveau traquenard pour prendre les niais et détruire la foi. Cela pue
son Satan... Multipliez le nombre des chrétiens, et vous aurez la paix" Le
style est rude, mais quelle sagesse! "Ne craignons pas de mal penser et de
mal parler du diable: la raison d'abord, c'est qu'il est le père de tous les
maux... Il y a plus, c'est que pour ne pas mal penser ou mal parler de lui, il
faut nier son existence, et c'est ce que font très sérieusement toutes ses
dupes." Et nous, gens du XXIème siècle, nous en savons quelque chose!...
Mais peu
de gens savent que M. Dupont eut parfois maille à partir avec "le vieux".
Il témoigna un jour qu'à "deux reprises, une fois chez lui, une autre fois
dans le petit dortoir de l'Adoration nocturne, il fut jeté à bas de son lit par
une force mystérieuse qui lui parut être celle de Satan." La personne qui le
logeait en 1858 ou 1859, à Bourbon l'Archambault où il devait se soigner, a
rapporté aussi ce que le curé de Néronde, près de Nevers, qui occupait la
chambre voisine de celle de M. Dupont, avait vécu: "Pendant la nuit celui-ci
entendit comme le bruit d'une lutte violente qui se prolongea et qui finit par
l'inquiéter si fortement qu'il crut qu'un voleur avait pénétré chez le voisin,
qu'ils se battaient ensemble et, dans sa frayeur, il verrouilla sa porte. Ce
bruit se produisit encore la nuit suivante et le curé de Néronde dénonça le fait
à la propriétaire... Durant deux nuits, le vacarme fut épouvantable."
Monsieur Dupont, à qui l'on demandait s'il avait besoin d'aide déclara: "Non,
je n'ai pas besoin de secours humains: ils sont inutiles..."
Pour
exprimer le mépris qu'il avait pour Satan, M. Dupont lui donnait des noms
particulièrement humiliants: "l'antique serpent, le vieux, le chien furieux,
enragé ou enchaîné, le vieux menteur, la bête, l'animal ou le monstre amphibie,
le pourceau..."
M.
Dupont estimait qu'il était important que Satan soit connu et qu'il aurait moins
de serviteurs si on le connaissait mieux. Mais disait-il aussi, parlant des
dégâts commis dans le monde qui était le sien, celui du XIXème siècle: "Le
mal est si grand que Dieu seul peut donner le triomphe à son Église, et d'une
manière assez éclatante pour que ses ennemis soient manifestement confondus. Il
est visible que nous n'avons pas à combattre la chair et le sang, mais l'esprit
infernal, c'est-à-dire celui-là que l'on nomme "la bête", la mauvaise bête qui
n'a perdu dans son ignoble chute que sa sainteté: sa puissance est toujours fort
grande..." Monsieur Dupont aurait-il écrit aussi pour nous du XXIème siècle?
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