Avant de parler du Bienheureux Vicente Vilar David, il
est indispensable de parler d'abord de la situation
politique de l'Espagne à l'époque où vécut notre
bienheureux Vicente. Après avoir connu une très courte
république
de février 1873 à janvier 1874, l'Espagne vit sa royauté
restaurée en janvier 1875, puis de nouveau abolie en
1931 avec l’instauration de la seconde République.
Beaucoup de catholiques se rallièrent d'abord à cette
république; malheureusement, les persécutions contre les
catholiques commencèrent dès 1933, avec la mise en place
d'une politique de laïcité absolue qui voulait éradiquer
le christianisme de la nation espagnole. Ainsi, il fut
interdit aux religieux de se consacrer à des activités
industrielles ou à l'enseignement. Les jésuites furent
expulsés, le divorce approuvé et les crucifix furent
retirés des classes. Et l'on commença à brûler des
églises.
Les élections de décembre 1933 ramènent au pouvoir une
majorité de droite qui, malheureusement ne fit pas les
réformes nécessaires. Durant l’été 1934, éclata ce que
l'on appela la "Révolution des Asturies" au cours de
laquelle des prêtres et des religieuses furent
assassinés. La gauche, qui jusque là était dispersée se
regroupa et institua, lors des élections de février
1936, le "Frente popular", le Front populaire. Le
pouvoir, quoique composé de communistes, de socialistes
et d'anarchistes aux opinions souvent divergentes, était
cependant très anticlérical. Des violences éclatèrent
dès juin 1936, et le gouvernement, dit "républicain"
lança une persécution sanglante qui, en quelques
semaines, fit de nombreuses victimes. Comme tout le
peuple ne suivait pas, à la chambre, un député
monarchiste protesta mais le lendemain, 14 juillet 1936,
il était assassiné. C'est alors que commença une
terrible guerre civile de trente-deux mois de 1936 à
1938. La plus grande persécution anticatholique que
l'Espagne eut connue se déchaîna et s'abattit sur toutes
les régions. Les exactions se multiplièrent: incendie de
couvents, d'évêchés, d'églises, destruction du
patrimoine artistique sacré, bref, de tout ce qui
rappelait la religion catholique. Notons, pour être
juste, qu’il y eut des violences condamnables de part et
d’autre.
Les républicains procédèrent à des exécutions massives,
accompagnées d'une férocité inouïe. Furent victimes: 13
évêques, 4184 prêtres, 2365 religieux, 283 religieuses
et des milliers de laïcs. Conscients de mourir pour leur
foi, beaucoup criaient, comme les "Cristeros" du Mexique
l'avaient fait de 1926 à 1929: "Vive le Christ-Roi!".
Venons-en maintenant à notre bienheureux Vicente.
Vicente Vilar David naquit le 28 juin 1889 à Manises
près de Valence, en Espagne. Benjamin des huit enfants
d’une famille très chrétienne, il fut baptisé le
lendemain de sa naissance par le frère de sa maman, un
prêtre. Ses parents, Justo Vilar Arenes et Carmen David
Gimeno étaient des industriels spécialisés dans la
céramique.
Vicente fit ses études d'abord au collège des Ecoles
Pies à Valence, puis à l’École supérieure de Barcelone
pour devenir ingénieur. Là, il se montra
particulièrement doué en physique, en chimie et en
mathématiques. Cependant, très croyant, Vicente désirait
mettre sa vie en conformité avec sa foi, par des œuvres
de charité concrètes. Durant un voyage en Italie, il put
obtenir une audience auprès du pape Pie XI.
En
1922, Vicente épousa Isabela Rodes Reig, qui l’appuya
dans toutes ses démarches, avec le même idéal. Á la mort
de son père, ses trois frères et lui reprirent ensemble
la fabrique familiale de céramique. Dès que Vicente eut
terminé ses études d’ingénieur, ses frères lui
demandèrent de prendre la direction de l’usine. Sa
première préoccupation fut immédiatement d’améliorer la
qualité de vie de ses employés, instaurant pour eux une
assurance vieillesse et une assurance maladie.
Curieusement, cette initiative provoqua la colère des
représentants de l'usine qui lui reprochèrent de faire
leur travail. Ici on pourrait se demander pourquoi eux,
les représentants de l'usine, ne l'avaient pas fait plus
tôt… Ajoutons que dans l'entreprise, tous les employés
étaient traités comme de vrais amis, qu’on allait même
visiter, quand c’était possible, s’ils étaient malades.
Évidemment, cela gênait trop de personnes, et Vicente
fut suspendu de son travail.
Pensant à l'avenir, Vicente fonda une école de
céramique, et devint le pionnier d’une entreprise qui
devait acquérir une dimension internationale. Il
collabora à la construction de l’aéroport de Valencia et
à la direction technique de l’entreprise de céramique
Eloy Domínguez. Il devint l'adjoint du maire de Manises.
Dans sa paroisse, bras droit de son curé et membre de la
confraternité eucharistique, il s'occupait de la
catéchèse des enfants et des jeunes des quartiers
défavorisés de son village natal. Au début des années
trente, il créa un Patronat d'action Sociale pour venir
en aide aux prêtres. Vraiment, Vicente était un
personnage très connu et très apprécié.
Mais tout devait changer quand la révolution éclata en
1936. Les autorités lui retirèrent sa fonction de
secrétaire et de professeur à l’école de céramique,
parce qu’il était catholique. Cependant, très courageux,
il devint le protecteur de son pasteur, pour l’aider et
le défendre jusqu’à ce qu’il fût assassiné. Sa maison
personnelle recevait des prêtres et des religieux qui
cherchaient à se cacher. Un tel Chrétien ne pouvait que
troubler les républicains; aussi fut-il arrêté. Le 14
février 1937, des miliciens viennent à son domicile. À
son épouse Isabel, déjà décédée, il s'adressa tout
simplement:
– À demain, au Ciel!
Et
à ceux qui le fusilleront cette même nuit, Vicente
proclama:
– Je ne renie pas la vérité.
Devant une étrange cour de justice, il expliqua que tout
ce qu’il avait fait, il l'avait fait parce qu'il était
catholique. Condamné à mort le soir du 14 février 1937,
il pardonna à ses bourreaux, juste avant d’être fusillé.
Vicente avait 48 ans.
Ses ouvriers fermèrent la fabrique pendant trois jours
en signe de deuil, malgré les pressions des autorités
qui voulaient la faire rouvrir immédiatement; les
ouvriers répliquèrent que Vicente n’était pas seulement
leur patron, mais aussi le père de chacun d’eux.
Vicente Vilar David martyrisé le 14 février 1937, fut
béatifié le 1er octobre 1995 par le pape
Jean-Paul II.
Paulette Leblanc |