Vicente Vilar David
Laïc, Martyr, Bienheureux
(1889-1937)

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FÉVRIER

Avant de parler du Bienheureux Vicente Vilar David, il est indispensable de parler d'abord de la situation politique de l'Espagne à l'époque où vécut notre bienheureux Vicente. Après avoir connu une très courte république de février 1873 à janvier 1874, l'Espagne vit sa royauté restaurée en janvier 1875, puis de nouveau abolie en 1931 avec l’instauration de la seconde République. Beaucoup de catholiques se rallièrent d'abord à cette république; malheureusement, les persécutions contre les catholiques commencèrent dès 1933, avec la mise en place d'une politique de laïcité absolue qui voulait éradiquer le christianisme de la nation espagnole. Ainsi, il fut interdit aux religieux de se consacrer à des activités industrielles ou à  l'enseignement. Les jésuites furent expulsés, le divorce approuvé et les crucifix furent retirés des classes. Et l'on commença à brûler des églises.

Les élections de décembre 1933 ramènent au pouvoir une majorité de droite qui, malheureusement ne fit pas les réformes nécessaires. Durant l’été 1934, éclata ce que l'on appela la "Révolution des Asturies" au cours de laquelle des prêtres et des religieuses furent assassinés. La gauche, qui jusque là était dispersée se regroupa et institua, lors des élections de février 1936, le "Frente popular", le Front populaire.  Le pouvoir, quoique composé de communistes, de socialistes et d'anarchistes aux opinions souvent divergentes, était cependant très anticlérical. Des violences éclatèrent dès juin 1936, et le gouvernement, dit "républicain" lança une persécution sanglante qui, en quelques semaines, fit de nombreuses victimes. Comme tout le peuple ne suivait pas, à la chambre, un député monarchiste protesta mais le lendemain, 14 juillet 1936, il était assassiné. C'est alors que commença une terrible guerre civile de trente-deux mois de 1936 à 1938. La plus grande persécution anticatholique que l'Espagne eut connue se déchaîna et s'abattit sur toutes les régions. Les exactions se multiplièrent: incendie de couvents, d'évêchés, d'églises, destruction du patrimoine artistique sacré, bref, de tout ce qui rappelait la religion catholique. Notons, pour être juste, qu’il y eut des violences condamnables de part et d’autre.

Les républicains procédèrent à des exécutions massives, accompagnées d'une férocité inouïe. Furent victimes: 13 évêques, 4184 prêtres, 2365 religieux, 283 religieuses et des milliers de laïcs. Conscients de mourir pour leur foi, beaucoup criaient, comme les "Cristeros" du Mexique l'avaient fait de 1926 à 1929: "Vive le Christ-Roi!". Venons-en maintenant à notre bienheureux Vicente.

Vicente Vilar David naquit le 28 juin 1889 à Manises près de Valence, en  Espagne. Benjamin des huit enfants d’une famille très chrétienne, il fut baptisé le lendemain de sa naissance par le frère de sa maman, un prêtre. Ses parents, Justo Vilar Arenes et Carmen David Gimeno étaient des industriels spécialisés dans la céramique.

Vicente fit ses études d'abord au collège des Ecoles Pies à Valence, puis à  l’École supérieure de Barcelone pour devenir ingénieur. Là, il se montra particulièrement doué en physique, en chimie et en mathématiques. Cependant, très croyant, Vicente désirait mettre sa vie en conformité avec sa foi, par des œuvres de charité concrètes. Durant un voyage en Italie, il put obtenir une audience auprès du pape Pie XI.

En 1922, Vicente épousa Isabela Rodes Reig, qui l’appuya dans toutes ses démarches, avec le même idéal. Á la mort de son père, ses trois frères et lui reprirent ensemble la fabrique familiale de céramique. Dès que Vicente eut terminé ses études d’ingénieur, ses frères lui demandèrent de prendre la direction de l’usine. Sa première préoccupation fut immédiatement d’améliorer la qualité de vie de ses employés, instaurant pour eux une assurance vieillesse et une assurance maladie. Curieusement, cette initiative provoqua la colère des représentants de l'usine qui lui reprochèrent de faire leur travail. Ici on pourrait se demander pourquoi eux, les représentants de l'usine, ne l'avaient pas fait plus tôt… Ajoutons que dans l'entreprise, tous les employés étaient traités comme de vrais amis, qu’on allait même visiter, quand c’était possible, s’ils étaient malades. Évidemment, cela gênait trop de personnes, et Vicente fut suspendu de son travail.

Pensant à l'avenir, Vicente fonda une école de céramique, et devint le  pionnier d’une entreprise qui devait acquérir une dimension internationale. Il collabora à la construction de l’aéroport de Valencia et à la direction technique de l’entreprise de céramique Eloy Domínguez. Il devint l'adjoint du maire de Manises. Dans sa paroisse, bras droit de son curé et membre de la confraternité eucharistique, il s'occupait de la catéchèse des enfants et des jeunes des quartiers défavorisés de son village natal. Au début des années trente, il créa un Patronat d'action Sociale pour venir en aide aux prêtres. Vraiment, Vicente était un personnage très connu et très  apprécié.

Mais tout devait changer quand la révolution éclata en 1936. Les autorités lui retirèrent sa fonction de secrétaire et de professeur à l’école de céramique, parce qu’il était catholique. Cependant, très courageux, il devint le protecteur de son pasteur, pour l’aider et le défendre jusqu’à ce qu’il fût assassiné. Sa maison personnelle recevait des prêtres et des religieux qui cherchaient à se cacher. Un tel Chrétien ne pouvait que troubler les républicains; aussi fut-il arrêté. Le 14 février 1937, des miliciens viennent à son domicile. À son épouse Isabel, déjà décédée, il s'adressa tout simplement:

– À demain, au Ciel!

Et à ceux qui le fusilleront cette même nuit, Vicente proclama:

– Je ne renie pas la vérité.

Devant une étrange cour de justice, il expliqua que tout ce qu’il avait fait, il l'avait fait parce qu'il était catholique. Condamné à mort le soir du 14 février 1937, il pardonna à ses bourreaux, juste avant d’être fusillé. Vicente avait 48 ans.

Ses ouvriers fermèrent la fabrique pendant trois jours en signe de deuil, malgré les pressions des autorités qui voulaient la faire rouvrir immédiatement; les ouvriers répliquèrent que Vicente n’était pas seulement leur patron, mais aussi le père de chacun d’eux.

Vicente Vilar David martyrisé le 14 février 1937, fut béatifié le 1er octobre 1995 par le pape Jean-Paul II.

Paulette Leblanc

 

 

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