Notre vie
spirituelle avec l'Esprit
La falaise
Tous
les hommes sont appelés à la sainteté, tous sans exception: c'est pour cela que
Dieu nous a créés. Or, malheureusement, dès que l'on parle
de sainteté, la
plupart des gens pensent que la sainteté, ce n'est pas pour eux. Si, la sainteté
est pour tous, et souvent le Seigneur et la Vierge Marie ont cherché à nous
faire comprendre que nous pouvions nous sanctifier dans tous les états de vie.
Tout ce qui suit s'adresse donc à tous les chrétiens, tous sans exception.
L’évolution de la vie spirituelle est une chose étonnante. C’est d’abord un
légère murmure qui appelle et qui incite à monter une première marche, puis une
deuxième, puis une troisième. Oh! bien doucement. On monte puis on redescend, et
on remonte encore jusqu’à atteindre un premier palier sur lequel on voudrait
bien souffler un peu. Mais quelque chose, ou Quelqu’Un... fait comprendre qu’il
faut reprendre l’ascension; et justement un évènement imprévu, un courant
ascendant spirituel permet de faire un brusque saut en avant: c’est comme une
falaise verticale que l’on vient de franchir, et curieusement, sans effort...
Maintenant on se trouve sur un vaste plateau sur lequel il faut progresser, un
plateau plus ou moins aride, avec parfois quelques légères pentes, soit
descendantes, soit montantes. Il est sûr que les pentes descendantes sont bien
attirantes: on a tout de même un peu envie de se reposer, d’attendre. Et l’on se
met à glisser un peu, insensiblement mais irrésistiblement. Heureusement il y a
quelques aspérités, quelques rochers ou quelques branches qui permettent de se
retenir, juste le temps d’apercevoir l’abîme vers lequel on se dirigeait...
Alors, tant bien que mal, on essaie de remonter la pente, pour retrouver le
sommet du plateau et un peu de sécurité... Et bientôt on arrive et l'on peut
continuer à avancer et à découvrir les richesses du plateau.
Curieusement, au cours de nos explorations, il arrive un jour où, sans que nous
sachions pourquoi, nous nous trouvons de nouveau au pied d’une nouvelle falaise,
un à-pic apparemment infranchissable, et pourtant Quelqu’Un appelle de nouveau.
On voudrait bien répondre, car cet appel est irrésistible, mais on ne voit pas
tout de suite par où il faut passer pour trouver le sentier qui permettrait
l’ascension. On tâtonne, on hésite, on trébuche, on s’accroche, on glisse et on
se rattrape, on recommence, et sans qu’on sache très bien comment c’est arrivé,
on atteint un nouveau palier... On atteint un nouveau palier, puis un autre, et
un jour on rencontre Celui que l’on cherchait et qui demande: ”Donne-moi tout.”
On hésite, on attend, on combat, on craint l’erreur, on refuse et on accepte,
puis on reprend son chemin jusqu’au jour où, vaincu définitivement, on finit par
accepter.
Quel
que soit son état de vie, quels que soient son milieu et ses responsabilités, on
accepte l’Amour du Seigneur, on accepte l’Amour avec toutes ses exigences. Et un
jour tout bascule car l’Amour veut aussi toute la place.
Quand le
Seigneur agit dans nos âmes, dans nos cœurs, Il veut occuper toute la place.
S’il y a un peu de place, cette place, Il l’occupe. Lui donne-t-on davantage
d’espace, Il prend tout cet espace. Plus on Lui en donne, plus Il en prend, et
plus Il en désire. Car Dieu est un Dieu jaloux, et Il veut tout. Et un jour
c'est l'âme qui s'écrie: "Seigneur, prenez toute la place en moi. Toute la place
dans mon cœur et mon âme."
ais
comment cela va-t-il se faire? Poursuivons notre comparaison, et les nombreux
mystiques, qui ont su tout donner à Dieu et Le laisser faire en eux, nous
donneront la réponse. Revenons sur notre plateau: soudain une tempête s’élève au
pied de la falaise, un tourbillon irrésistible, un cyclone qui aspire tout, qui
entraîne, qui aspire vers lui, qui attire dans des zones agitées, tourmentées,
bousculées. Nos âmes perdent l’équilibre, appellent au secours; nous sommes
totalement affolés et nous avons l’impression de nous élargir, de nous ouvrir de
plus en plus, de laisser pénétrer en nous une force inconnue, un amour
incomparable qui nous change.
Bientôt
nous ne voyons plus rien et nous avons peur. Nous sommes comme poussés vers le
centre du tourbillon sans espoir de pouvoir reculer: les forces en jeu sont trop
puissantes pour les petites âmes sans force. Alors, elles se laissent aller, se
laissent porter, entrent dans l’œil du cyclone où soudain il se fait un grand
calme, un calme extraordinaire, une étrange mais rassurante paix. La paix de
l’Amour. La vie spirituelle, c'est cela: nous laissons notre cœur s’ouvrir un
peu, et sans que nous nous en rendions compte, Dieu le remplit à mesure qu’il
s’ouvre. Et qui plus est, Il remplit complètement sa capacité qui ne cesse de
croître: Dieu est en train de prendre toute la place...
Avec
Jésus, dans l’œil du cyclone nous sommes à l’abri, nous sommes bien et nous ne
voudrions pas nous en aller; d’ailleurs on ne quitte pas comme ça l’œil d’un
cyclone!... Ce serait beaucoup trop dangereux. Mais l’œil du cyclone, c’est
l'Amour de Jésus, l'Amour de Dieu qui remplit nos cœurs, qui veut continuer à
toujours prendre toute la place, pour que dans nos cœurs il n’y ait plus que
Lui, Lui seul, éternellement. C'est cela, la vie spirituelle à laquelle tous
les hommes sont appelés, sans exception.
Seigneur, à
qui irions-nous?
Beaucoup de personnes disent: "Je
place toute mon espérance dans la grande miséricorde de Dieu", cette
miséricorde qui s'est manifestée au moment de l'Incarnation, cette miséricorde
qui continue à se manifester chaque fois qu'un prêtre, investi par Jésus
Lui-même, dit: "Prenez et mangez, ceci est mon Corps."
Rejoignons l'apôtre Jean, celui que
Jésus aimait. Qu'a-t-il pensé lorsque après avoir entendu Jésus, "enseignant
dans la synagogue à Capharnaüm" il entendit aussi ses disciples dire: "Cette
parole est dure, et qui peut l'écouter?" Pauvre Jean! Il ne comprend pas
très bien, mais il écoute le Maître qui poursuit: "Cela vous scandalise? Et
quand vous verrez le Fils de l'Homme monter où il était auparavant!… C'est
l'Esprit qui vivifie; la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites
sont esprit et vie. Mais il y en a parmi vous quelques-uns qui ne croient
point." Car Jésus savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient
point, et qui était celui qui le trahirait.
Jean ne sait plus. Il prie
intérieurement; il regarde le Maître qui ajouta: "C'est pourquoi je vous ai
dit que nul ne peut venir à moi si cela ne lui a été donné par mon Père."
Voici que Jean assiste maintenant à une scène insensée: "Dès ce moment,
beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n'allaient plus avec lui."
De longs jours passèrent, lourds, douloureux: qu'allaient faire les douze
apôtres? S'en iraient-ils, eux aussi? Pourtant, dans leur cœur, il n'était pas
question de quitter Celui qu'ils aimaient tant. Et puis, ils connaissaient les
habitudes de Jésus d'utiliser des paraboles, et de les expliquer ensuite en
particulier. Bientôt le Maître les éclairerait, Il leur expliquerait ses paroles
si mystérieuses…
Les douze apôtres fatigués, anxieux, se
sont assis sous un figuier. Jésus leur dit:
– Et
vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller? Simon-Pierre lui répondit:
– Seigneur,
à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous avons
cru et nous avons connu que Tu es le Saint de Dieu. Jésus leur répondit:
– N'est-ce
pas moi qui vous ai choisis, vous les Douze? Et l'un de vous est un démon.
Il parlait de Judas, fils de Simon
Iscariote, car c'était lui qui devait le trahir, lui, l'un des Douze.
(Jean 6, 47-71) Jésus ne dit rien de plus ce jour-là. Curieusement Il avait
redonné du courage aux disciples épuisés. La vie reprit comme avant. Jésus
multipliait les miracles. Mais les disciples gardaient toujours dans leur cœur
les paroles mystérieuses de Jésus: ils savaient qu'un jour ils comprendraient.
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