Titus BRANDSMA
Anno Sjoerd BRANDSMA
Prêtre carme, Martyr, Bienheureux
1841-1942
 

26

JUILLET

Anno Sjoerd Brandsma naquit le 23 février 1881 à Bolsfard, aux Pays-Bas, dans une famille nombreuse, paysanne et frisonne, modeste et très catholique. Dès l'âge de onze ans, Anno Sjoerd commença ses études chez les Franciscains, et ressentit rapidement un appel à la prêtrise. Il voulut suivre son frère chez les Franciscains, mais une maladie l’en empêcha. Il poursuivit ses études secondaires au lycée de Megen, et il entra en 1888 au noviciat des ‘Grands Carmes’ (distincts des Carmes déchaux) à Boxmeer; là, il prit le nom de Titus Brandsma, et poursuivit des études religieuses à Zenderen et au séminaire carme d'Oss.

Titus avait dix-huit ans quand il fit ses premiers vœux en 1899. Il traduisit et publia en néerlandais les œuvres de sainte Thérèse d'Avila en 1901, et il commença à enseigner au séminaire d'Oss. Ordonné prêtre le 17 juin 1905, il poursuivit ses études de philosophie et de sociologie à l'Université grégorienne de Rome où il obtint un doctorat de philosophie en 1909.

Dès son retour de Rome, Titus fut nommé professeur au grand séminaire de son Ordre, à Oss. Il enseigna la philosophie, la sociologie et l'Histoire de l'Église et de la mystique. Convaincu de l'importance de  l'éducation pour les jeunes, il fonda un lycée à Oldenzaal et agrandit celui de Zenderen. Titus était un religieux carme, aimant beaucoup la solitude de sa cellule, pourtant il se montra particulièrement actif et, ayant obtenu un diplôme de journaliste professionnel, il devint, en 1919, rédacteur en chef d'un journal local à Oss, puis d'un journal régional, De Gelderlander, à Nimègue. Conseiller spirituel des journalistes catholiques, il se préoccupa du renouveau de la presse catholique et des conditions de travail des journalistes. De plus, il s'intéressa beaucoup à la sauvegarde de la culture très riche de sa région natale, la Frise et à sa langue, le frison. Il faut ajouter qu'il travailla au développement de l'espéranto et qu'il fut membre de L'union internationale des espérantistes catholiques.

Nous sommes en 1923. L'Université Catholique de Nimègue vient d'être créée. Titus Brandsma y est nommé professeur. Il est chargé d'enseigner l'histoire de la philosophie et de la mystique, et, notamment, de la mystique des Pays-Bas. En effet, l'héritage des mystiques constitue pour Titus une source intarissable de spiritualité. Les grands mystiques flamands: Hadewich, Ruysbroeck, Geert Grote et la Dévotion Moderne, puis Thérèse d'Avila et beaucoup d'autres, deviennent ses compagnons de route. Titus fit connaître ce qu'il appela la mystique-de-l'ordinaire, grâce à de nombreuses publications, tant populaires que scientifiques. À l’occasion de la béatification de sainte Thérèse de Lisieux il écrivit: "Généralement on attend quelque chose de spécial d'un saint, quelque chose qui sorte de l'ordinaire, quelque chose qu'on pourrait appeler le poème de la vie du saint. Ici, pourtant, on voit la sainteté si prosaïque et ordinaire que, de l'extérieur, on n'y voit pas la sainteté. Mais, précisément, c'est cela la vraie sainteté."

Titus ne se contentait pas de donner des cours à ses étudiants; il abordait avec eux leurs problèmes de vie et les grandes questions du jour, comme bientôt le nazisme. Il se lança dans le journalisme, ayant constaté le manque d’instruction de beaucoup de chrétiens et même de journalistes catholiques. Sa charité s’étendit encore aux chrétiens non-catholiques via l’œcuménisme. De plus il était un confesseur très populaire.

Notons qu'à Nimègue, il fut de 1926 à 1929 le prieur d'une petite communauté de Carmes étudiants, puis en 1929, il fonda un couvent plus important, Doddendaal. En 1927, il devint le cofondateur du journal religieux Ons geestelijk erf (« Notre patrimoine spirituel »).

En 1932, Titus prononça son discours inaugural de Recteur de l'université. Il déclara que  "Dieu n'est pas une chimère, mais vit en tout ce qui existe." Son livre Itinéraire spirituel du Carmel fut traduit en français. Durant l'été 1935, Titus donna des conférences en Amérique sur la mystique du Carmel. Il prit la parole à l'Université de Washington, dans des collèges à Chicago, Niagara Falls et Middletown, ainsi que dans les couvents des Carmes, dont ceux de New-York et d’Allentown. Durant son voyage en Amérique du Nord, il séjourna au monastère de Niagara Falls. L'immensité de la nature et la splendeur des chutes le plongaient dans le mystère de Dieu Créateur.

Titus est connu comme un grand mystique "du terrain". C'était dans sa relation à Dieu qu'il puisait la force surhumaine qui le poussait à l'action. Sa responsabilité à l'Université allait de pair avec de hautes fonctions dans la direction de deux organisations qui lui tenaient à cœur: l'enseignement secondaire avec la création de lycées, et le journalisme catholique. Écrire était pour lui un besoin, car il croyait que la vie mystique appartient au peuple. Mais peu à peu la politique d'Hitler en Allemagne devient très inquiétante. Aussi, dès 1935, Titus s'opposa-t-il publiquement, dans ses enseignements et ses publications, aux théories nazies et aux persécutions contre les Juifs. Face à la montée du nazisme, il ne cachait pas la vérité, mais, il conseillait: "Qui veut gagner le monde au Christ doit avoir le courage d’entrer en conflit avec ce monde." Dans son livre intitulé: "Itinéraire spirituel du Carmel", il écrivit : "Le néo-paganisme peut répudier l’amour, l’histoire nous enseigne que, malgré tout, nous serons vainqueur de ce néo-paganisme par l’amour. Nous n’abandonnerons pas l’amour. L’amour nous regagnera le cœur de ces païens. La nature est plus forte que la philosophie. Qu’une philosophie rejette et condamne l’amour et l’appelle faiblesse, le témoignage vivant d’amour renouvellera toujours sa puissance pour conquérir et captiver le cœur des hommes."

Devenu le porte-parole de l'Archevêché d'Utrecht, Titus s'opposa fermement aux théories nazies et à la persécution des juifs. En 1938-1939 il donna une série de cours sur les principes néfastes du Nazisme et prit la défense des juifs.

Le 10 mai 1940, les Pays-Bas étaient envahis puis occupés par les Nazis qui, malheureusement trouvèrent des collaborateurs dans le parti nazi local, le Mouvement National Socialiste (NSB). Titus Brandsma s'insurgea contre le renvoi des écoliers et des étudiants juifs et contre le NSB. Le 30 décembre 1941, après un entretien avec l'archevêque d'Utrecht sur la position de la presse catholique aux Pays-Bas, il rendit ensuite visite aux directeurs et aux rédacteurs en chef des journaux catholiques, plaidant pour que ne soit faite aucune publicité pour le NSB.  Début janvier 1942, un rapport allemand sur Titus Brandsma mentionna cette opposition systématique et ordonna son arrestation.

Le 19 janvier 1942, Titus fut arrêté au couvent des Carmes à Nimègue et emprisonné. Commence alors son chemin de croix. Il est d'abord détenu à la prison d'Arnhem, transféré à Scheveningen, puis déporté à Amersfoord et finalement dirigé vers le camp de concentration de Dachau le 13 juin 1942 Très affaibli et malade, Titus voyait sa santé se détériorer rapidement. Dans la baraque des malades, il reçut la piqûre toxique et mourut le 26 juillet l942 à 14 heures. Il fut incinéré dans un des fours crématoires de Dachau.

Titus  Brandsma fut béatifié le 3 novembre 1985, comme martyr, par le pape Jean-Paul II.

Maintenant nous devons nous arrêter un peu sur la spiritualité de Titus Brandsma. Doté d'une intelligence exceptionnelle, carme normalement voué au silence et à une intense vie d'oraison, Titus Brandsma nous étonne par sa vie active exceptionnelle. Pour mieux le comprendre, nous avons retenu quelques-unes de ses phrases qui le peignent particulièrement bien.  Ainsi, il n'hésite pas à dire, au sujet du nazisme:    

– Qui veut gagner le monde au Christ doit avoir le courage d’entrer en conflit avec ce monde.

– Le néo-paganisme peut répudier l’amour; l’histoire nous enseigne que, malgré tout, nous serons vainqueur de ce néo-paganisme par l’amour. Nous n’abandonnerons pas l’amour. L’amour nous regagnera le cœur de ces païens. La nature est plus forte que la philosophie. Qu’une philosophie rejette et condamne l’amour et l’appelle faiblesse, le témoignage vivant d’amour renouvellera toujours sa puissance pour conquérir et captiver le cœur des hommes.  

Et dans la prison de Scheveningen où il passa, il priait Jésus: 

– Toi ô Jésus sois près de moi, je n’ai jamais été si proche de toi. Reste avec moi. Reste avec moi, mon doux Jésus. Ta proximité me rend toute chose bonne.  

À l'occasion de sa béatification, le Saint Père Jean-Paul II dépeint sa personnalité en ces termes: "La force morale que le Bienheureux Titus Brandsma a démontrée, dans ses activités aussi nombreuses que variées, et finalement dans son calvaire et dans sa mort, est certainement en relation avec sa nature et avec son caractère de fils de la Frise… Cette force morale était nourrie et soutenue par sa grande érudition intellectuelle, par son exceptionnelle formation théologico-juridique. Mais incontestablement, la principale source de sa force morale était sa profonde vie spirituelle personnelle."

Titus répétait sans cesse ces mots de Jésus: "Sans moi, vous ne pouvez rien faire." Et aussi: "Celui qui veut gagner le monde pour le Christ, doit avoir le courage d'entrer en conflit avec le monde."

Finalement, Titus Brandsma aboutit au camp de concentration de Dachau. Dans cet enfer, il garda sa sérénité proverbiale, soutenant le moral des détenus, leur partageant sa maigre ration et les invitant à aimer leurs ennemis, car, disait-il: "eux aussi sont des enfants de Dieu, et peut-être quelque chose en est-il resté en eux." Mais les mauvais traitements le réduisirent rapidement à la dernière extrémité. C’est une ancienne catholique, infirmière, qui lui injecta la piqûre mortelle le 2 juillet 1942, tandis qu’il posait sur elle un regard de compassion qu’elle ne pourra plus jamais oublier. Voici le récit de la mort de Titus, racontée par un membre du carmel: 

– Le Bienheureux P. Titus Brandsma, au camp de Dachau, donna son pauvre Chapelet, fait en cachette avec des petits bouts de cuivre et de bois, à l’infirmière haïe et méprisée de tous les prisonniers qui devait lui injecter l’acide phénique. À Dachau, le médecin du camp parlait sarcastiquement de "l’injection de grâce".

– Je ne sais pas prier! fut la réponse irritée de la femme. Titus lui répondit avec douceur:

– Tu n’as pas besoin de dire tout le Je vous salue Marie; dit seulement: "Priez pour nous pécheurs".

L'infirmière ne réussit plus à oublier le visage du prêtre âgé auquel elle avait donné la mort. Elle racontera ensuite: "Lui, il avait de la compassion pour moi!" Elle l’avait tué, mais il l’avait engendrée à la grâce.  

Voici un poème de Titus Brandsma 

Ô Jésus, lorsque je te contemple,
À nouveau je sens combien je t'aime
Et que ton cœur à toi m'aime aussi
Comme ton ami le plus intime.

Même si cela réclame plus de courage,
Oh! toute souffrance m'est bonne,
Parce que par elle je te ressemble
Et c'est la voie vers ton Royaume.

Je suis heureux dans ma douleur
Qui pour moi n'est plus douleur,
Mais mon lot choisi entre tous,
Qui m'unit à toi, mon Dieu.

Oh! laisse-moi seul et silencieux,
Dans toute froideur qui m'environne,
Et que personne ne m'approche,
Jamais je ne serai las d'être seul.

Parce que, Jésus, tu es avec moi,
Jamais je n'ai été plus proche de toi.
Reste avec moi, reste, doux Jésus,
Ta présence, pour moi, compense tout.

Paulette Leblanc

 

 

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