Jean Théophane Vénard
Missionnaire, Martyr, Saint
(1829- 1861)

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FÉVRIER

Jean-Théophane Vénard naquit le 21 novembre 1829 à Saint-Loup-sur-Thouet dans le département des Deux-Sèvres. Son père était un instituteur très pieux. Jean-Théophane, était le deuxième enfant des quatre enfants de sa famille: il avait une sœur aînée, Mélanie, et deux frères cadets, Eusèbe et Henri. Jean-Théophane grandit et fréquenta l'école de son village. Il allait aussi très souvent sur le coteau de Bel-Air où il menait paître la chèvre de son père tout en lisant les Annales de la Propagation de la Foi.

Théophane avait 9 ans, lorsqu'un jour, achevant de lire, avec une bergère, une brochure relatant la vie et la mort de Jean-Charles Cornay, décapité au Tonkin le 20 septembre 1837, il s'écria:

– Moi aussi je veux aller au Tonkin ! Moi aussi je veux mourir martyr !

Quand il eut douze ans, en 1841, Théophane entra au collège de Doué-la-Fontaine, situé à une cinquantaine de km de Saint-Loup-sur-Thouet afin d'y faire ses études secondaires. Jean-Théophane se montra très vite un élève très doué et très pieux, ce qui l’aidera à vivre le décès prématuré de sa maman au début de l'année 1843. Cet événement marque le début d'une relation très profonde avec sa sœur Mélanie.

En 1847 Théophane, âgé de 18 ans, traversa une grave crise spirituelle. Il avait même des doutes sur sa vocation. Il écrivit: "Depuis quelque temps, il y a quelque chose qui me tracasse: j'approche de la fin de mes classes et je ne connais pas encore ma vocation. Cela me tourmente. Toutefois, je me sens bien appelé à l'état ecclésiastique; je me dis: Oh! Que cela est beau d'être prêtre! Oh! Que cela est beau de dire une première messe! Mais qu'il faut être pur, plus pur, en quelque sorte, que les anges! Ainsi je suis dans le doute encore."

Malgré ses doutes, Théophane poursuivit ses études. Il entra au petit séminaire de Montmorillon en 1847. Enfin, en 1848, ce fut le grand séminaire de Poitiers. Théophane semblait heureux…  Il écrivit à sa sœur Mélanie: "C'est le paradis sur la terre. Que l'on est heureux dans la maison du Seigneur!" Théophane se passionnait aussi pour ses études: il apprit le grec et l'hébreu. C'est alors qu'il commença à s'intéresser de plus en plus aux missionnaires des Missions Étrangères de Paris. Le 21 décembre 1850, il était ordonné sous-diacre. Il demanda alors à son évêque Mgr Pie, l'autorisation de quitter le diocèse de Poitiers pour se rendre au séminaire des Missions étrangères où il entra le 3 mars 1851.

La situation politique était alors très tendue à Paris, suite au coup d'État du 2 décembre 1851 et à l'apparition des premières barricades le 4 décembre suivant. Se rendant compte du danger il voulut rassurer ses proches et écrivit à sa famille, lui expliquant en quelque sorte la réalité: "S'il y avait du danger, il serait pour tout le monde, surtout pour les riches mauvais chrétiens; car la classe ouvrière a été démoralisée par eux: elle ne croit plus à Dieu et elle veut jouir sur terre; et puisqu'elle ne possède rien, elle se révolte contre ceux qui possèdent." Il montre ainsi, incontestablement sa compréhension de la situation sociale de l'époque.

Au sein des Missions étrangères de Paris, Théophane fut ordonné diacre le 20 septembre 1851. Comme le besoin en missionnaires devenait urgent, il fut ordonné prêtre le samedi 5 juin 1852. Le 15 septembre suivant, il fut choisi pour aller en Chine. La cérémonie du départ eut lieu le 16 septembre à l'oratoire des Missions étrangères de Paris. Ce même 16 septembre 1852, Théophane Vénard partait pour Anvers avec quatre autres missionnaires. Les futurs missionnaires quittèrent Anvers le 23 septembre, mais durent faire escale à Plymouth, en Grande Bretagne, à cause d'une tempête en Mer du Nord. Ensuite, leur bateau passa le Cap de Bonne Espérance et arriva à Madagascar à Noël. Enfin! Voici les Indes orientales, et Singapour. Le voyage avait duré 5 mois.

À Singapour, les missionnaires se séparent: deux d'entre eux prirent la route du Cambodge tandis que Théophane Vénard et ses deux amis,  Theurel et Lavigne, partirent pour la Chine. Ils arrivèrent à Hong Kong le 19 mars 1853 après 2 nouveaux mois passés en mer. À Hong Kong, Théophane Vénard devait attendre son affectation en Chine, tandis que son ami Theurel rejoignait le Tonkin. Théophane attendait… mais son envoi en Chine fut suspendu pour des raisons de sécurité. Après plus de quatorze mois d'attente, un nouvel ordre arriva des Missions étrangères de Paris: Théophane Vénard devait aller au Tonkin. Le 26 mai 1854, notre ami embarqua, avec Legrand de La Liraye, sur une jonque de contrebandier chinois. Le 23 juin 1854 tous les deux abordèrent clandestinement au Tonkin par la baie de Ha Long; aussi durent-ils se cacher, afin d'éviter les contrôles dans un pays ou les chrétiens étaient persécutés. En effet, l'édit de l'empereur du Viêt Nam Tu Düc condamnait  toute entrée de prêtre dans les territoires du Tonkin. Cet édit disait, entre autres: "Les prêtres européens doivent être jetés dans les abîmes de la mer ou des fleuves; les prêtres annamites, qu'ils foulent ou non la croix aux pieds, seront coupés par le milieu du corps, afin que tout le monde connaisse la sévérité de la loi." Et la terrible persécution se traduisait aussi par la condamnation à mort de toute personne se déclarant chrétienne.

Après de multiples péripéties, et grâce à quelques guides cochinchinois, nos deux amis arrivèrent enfin au Tonkin occidental. Ils atteignirent le Fleuve rouge et le remontèrent jusqu'à Vinh Tri où ils furent présentés à l'évêque le 13 juillet 1854. À son arrivée, une surprise attendait Théophane: l'évêque Pierre-André Retord préparait officiellement l'ordination de vingt-six clercs. En effet, la situation était différente dans le Tonkin occidental dont le vice-roi Hung de Nam-Dinh, beau-père de l'empereur, avait été guéri d'une maladie des yeux par le prêtre Paul Bao-Tinh. L'édit de l'empereur n'était donc pas appliqué.

Théophane Vénard s'intègra rapidement au sein des Cochinchinois, et apprit rapidement le vietnamien. Cependant, même si la situation était propice aux chrétiens dans le Tonkin occidental, Théophane dut néanmoins s'enfuir et se cacher de nouveau le 1er novembre. En effet, l'empereur, s'étonnant qu'aucun missionnaire n'eut été découvert et exécuté depuis 1852, décida d'envoyer des inspecteurs dans tout l'empire en 1857 pour faire appliquer les édits contre les chrétiens. Le 27 février 1857, deux de ces inspecteurs découvrirent des chrétiens et arrêtèrent le père Paul Tinh, responsable du séminaire. Les inspecteurs le conduisirent au vice-roi à Nam-Dinh qui, pour écarter de lui toute accusation de complaisance à l'égard des chrétiens, condamna à mort le père Paul Tinh et décida de faire détruire le séminaire. Ce changement de politique déchaîna alors une très forte persécution contre les chrétiens dont 1000 d'entre eux périrent.

Les missionnaires s'enfuirent. Théophane Vénard et l'évêque, Paul-André Retord se réfugièrent dans les montagnes de calcaire qui bordent le delta. L'évêque Paul-André Retord décida d'envoyer Théophane Vénard à Hoang-Nguyen, au sud d'Hanoï, là où les persécutions étaient moins importantes. Ravitaillé régulièrement par des chrétiens, Théophane Vénard tenta alors de poursuivre sa mission tout en se faisant discret. Bientôt, le 22 octobre 1858, Mgr Paul-André Retord mourut, emporté par la fièvre. Le père Theurel, nommé pour prendre sa succession, fut clandestinement ordonné évêque le 6 mars 1859. Théophane sera nommé directeur du séminaire.

Le 15 janvier 1860, après avoir reçu l'autorisation de Mgr Theurel, Théophane Vénard se consacra à la Vierge Marie, par la prière de Louis-Marie Grignion de Montfort. À partir de ce moment, il signa ses lettres "MS" pour Mariae Servus. Il devait cependant continuer à se cacher. Le 30 novembre 1860, un traître ayant dénoncé la présence des chrétiens, Théophane fut découvert et arrêté. On le conduisit au palais du vice-roi à Hanoï où il fut enchaîné et enfermé dans une cage. Le vice-roi en personne vint l'interroger. Lors de l'interrogatoire, le missionnaire fit si bonne impression sur le vice-roi que celui-ci demanda qu'il fût emprisonné dans une cage plus grande.

Le matin du 2 février 1861, le préfet annonça à Théophane, la sentence: mort par décapitation. Comme on le voit, l'attente avait été longue pour le condamné enfermé dans une cage. Et ce 2 février 1861, le bourreau, ivre, dut s'y reprendre à 5 fois pour décapiter le condamné. Jean-Théophane Vénard avait 31 ans.

Théophane Vénard fut béatifié le 2 mai 1909 par le pape Pie X avec 33 autres martyrs d'Extrême-Orient. Le pape Jean-Paul II le canonisa le 20 juin 1988 avec les 117 martyrs du Viet-Nam. Sa fête qui était fixée au 2 février fut déplacée au 24 novembre, pour coïncider avec celle des autres martyrs du Viet-Nam.

Saint Théophane Vénard écrivit de nombreuses lettres à sa famille, lettres qui furent rassemblées par son frère Eusèbe, et publiées après sa mort. C'est ainsi que l'on peut découvrir les conditions difficiles de sa vie et de la vie des chrétiens à cette époque. Ainsi, vers 1859 Saint Théophane  écrivait: "Vous pourriez vous demander: comment ne devenez-vous pas fous? Toujours enfermés dans l'étroitesse de quatre murs, sous un toit que vous touchez de la main, ayant pour commensaux les araignées, les rats et les crapauds, obligés de toujours parler à voix basse, assaillis chaque jour par de mauvaises nouvelles: prêtres pris, décapités, chrétientés détruites et dispersées au milieu des païens, beaucoup de chrétiens qui apostasient, et ceux qui demeurent fermes envoyés aux montagnes malsaines sur lesquelles ils périssent abandonnés, et cela sans que l'on puisse prévoir quelle en sera la fin, ou plutôt, ne la prévoyant que trop, j'avoue qu'il faut une grâce spéciale pour résister à la tentation du découragement et de la tristesse."

Sur le plan spirituel, Théophane se sentait très proche de sainte Thérèse de Lisieux qui après avoir lu les écrits de Théophane s'écria: "Ce sont mes pensées, mon âme ressemble à la sienne." En effet, pour Théophane Vénard, la petitesse et la faiblesse étaient pour lui des atouts face aux difficultés. Pendant la dernière année de sa vie, face aux persécutions contre les chrétiens, c’est dans la confiance intérieure en Dieu qu’il puisait la force nécessaire pour ne pas se décourager. Il écrivit: "Me voilà donc entré dans l’arène des confesseurs de la foi. Il est bien vrai que le Seigneur choisit les petits pour confondre les grands de ce monde. Quand vous apprendrez mes combats, j’ai confiance que vous apprendrez aussi mes victoires. Je ne m’appuie pas sur mes propres forces, mais sur la force de celui qui a vaincu les puissances de l’enfer et du monde sur la croix."

C’est cette même confiance intérieure en Dieu que Thérèse développa dans son "Histoire d'une âme" dans laquelle elle écrivait: "Je sens toujours la même confiance audacieuse de devenir une grande Sainte, car je ne compte pas sur mes mérites, n'en ayant aucun, mais j'espère en Celui qui est la Vertu, la Sainteté Même, c'est Lui seul qui, se contentant de mes faibles efforts, m'élèvera jusqu'à Lui et, me couvrant de ses mérites infinis, me fera Sainte."

 

Nota: les deux dernières citations ont été retenues par l'auteur du texte publié par Wikipedia concernant la vie de saint Jean-Théophane Vénard.

Paulette Leblanc

 

 

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