Deuxième enfant d'une famille de cinq, Stanislawa
Rodzinska, qui deviendra, en religion, Sœur Maria-Julia,
naquit le 16 mars 1899, à Nawojowa en Pologne dans le
diocèse de Tarnowo, au sud de la Pologne. Ses parents
étaient très pieux; son père Michel Rodzinski, était
l'organiste de l'église du village. Il travaillait dans
une caisse d'épargne. La famille était très proche des
religieuses du Tiers-Ordre dominicain de Wielowski,
religieuses qui tenaient une école et une infirmerie. De
plus, elles catéchisaient les enfants de la région.
Elles donnaient aussi une éducation musicale de qualité
ce qui plaisait beaucoup, on le comprend, à la famille
Rodzinski.
Malheureusement,
Stanislawa perdit sa mère alors qu'elle n'avait que huit
ans, puis son père deux ans plus tard. Stanislawa et sa
petite sœur Janine, furent recueillies par les sœurs du
couvent dominicain. Là, stanislawa termina ses études
primaires. Elle commença ensuite des études supérieures
à Nowy Sącz pour devenir enseignante, mais elle ne
termina pas ces études parce qu'elle commença sa
formation religieuse au couvent de Wielowieś, comme
postulante. Enfin, le 3 août 1917, elle reçut l'habit
des religieuses dominicaines, et prit le nom de Sœur
Maria-Julia, à Cracovie. C'était alors la période de
l'occupation austro-allemande; Stanislawa avait dix huit
ans. Le 4 septembre 1918, elle reprit ses études au
Séminaire des Professeurs de la Sainte Famille à
Cracovie, ville de l'ancienne Pologne autrichienne qui
venait de rejoindre la nouvelle république polonaise. La
Pologne renaissait de ses cendres, et les religieuses
fondaient ou renforçaient les communautés dominicaines
du pays réunifié. Stanislawa obtint son diplôme en mai
1919.
La
Pologne renaissait de ses cendres, certes, mais le pays
était encore en guerre; à l'ouest la Pologne était en
conflit avec les Soviétiques, et à l'est, avec les
Lituaniens. Dans ces conditions, beaucoup d'enfants
étaient orphelins ou dans des situations de grande
détresse. Les sœurs fondèrent un orphelinat à Wilno qui
avait été au centre de la guerre polono-lituanienne,
ainsi qu'à Rava Ruska près de Lvov où les Polonais
luttaient contre les nationalistes ukrainiens
communistes. C'est alors que Stanislawa, surnommée
"la mère des orphelins", prononça ses vœux
perpétuels en 1924. Sœur Maria-Julia, Stanislawa, qui
organisait des écoles et des colonies de vacances pour
les enfants défavorisés fut nommée dans différentes
écoles de la Congrégation.
Religieuse dominicaine, Sœur Maria-Julia avait une
dévotion particulière pour le Rosaire. Âgée de 27 ans,
elle fut déléguée au chapitre capitulaire général. En
1934, elle était supérieure de la maison de Wilno. Comme
elle recueillait des enfants de toutes origines, les
autorités de la ville lui étaient très reconnaissantes.
Nous
sommes en septembre 1939, au moment où la seconde guerre
mondiale allait éclater. Wilno, devint désormais
Vilnius, et passa sous le contrôle des Soviétiques qui
l'agrégèrent à la République Socialiste Soviétique de
Lituanie. Sœur Maria-Julia dut fermer son école; mais
elle continua, en secret, à donner des cours de religion
et de polonais, langue désormais interdite. En effet,
après que l'armée soviétique eut occupé Vilnius, la
situation des Sœurs Dominicaines se détériora
rapidement. En septembre 1940, les sœurs qui
travaillaient comme enseignantes furent licenciées. Au
début, elles essayèrent de travailler comme personnel
technique mais en 1941 la maison pour les orphelins fut
placée sous le contrôle des autorités lituaniennes et
sœur Maria-Julia dut quitter son couvent pour toujours.
Le travail des Sœurs dominicaines qui durait depuis 1922
prenait fin. En mars 1942, la plupart des prêtres et des
religieux furent arrêtés. Sœur Maria-Julia ne fut pas
arrêtée et put aider à faire passer de la nourriture en
cachette aux prêtres emprisonnés. On disait aussi que
les sœurs dominicaines travaillant dans la clandestinité
organisaient des secours pour les Juifs qui se
cachaient.
Ainsi, les Dominicains ne quittèrent pas Vilnius. Avec
Sœur Maria-Julia, ils continuèrent à enseigner en
secret, pendant l'occupation allemande, jusqu'à ce que
Sœur Maria-Julia fût arrêtée par la Gestapo, en août
1943, avec trois autres sœurs, pour "activités
nationalistes" et collaboration avec les partisans
polonais. Sœur Maria-Julia et ses trois sœurs furent
torturées et emprisonnées non loin de Lukiszki, près de
Vilnius. Sœur Maria-Julia fut détenue pendant un an
dans une cellule de strict isolement, dans un petit bloc
de ciment où elle ne pouvait pas bouger. Les sœurs
emprisonnées furent torturées physiquement et
psychologiquement, tandis qu'un grand nombre de
prisonniers étaient exécutés. Lorsque le front
biélorusse se rapprocha de Vilnius au cours de l'été
1944, Stanislawa fut déportée avec d'autres prisonniers
politiques au camp de concentration de Stutthof près de
Dantzig, ou Gdansk, où elle arriva le 9 juillet 1944 et
reçut le numéro 40992, tatoué sur son bras.
Sœur
Maria-Julia fut affectée au bloc N° 27 dans le "camp
juif".
Il
avait été prévu d’exterminer rapidement les déportés de
cette section. Mais cela prit du temps parce que de
nouveaux trains de juifs arrivaient sans cesse.
Les
conditions de survie dans ces camps de concentration
sont très difficiles à décrire. La saleté, la vermine,
la surpopulation régnaient dans ces camps. Les rations
alimentaires étaient très faibles tandis que le travail,
épuisant et réalisé dans des conditions extrêmes était
insupportable. Par ailleurs, l'accès à l'eau était
limité et les conditions de vie étaient surtout des
conditions d'extermination. À cela s'ajoutaient des
supplices supplémentaires effectués par les prisonniers
de droit commun qui étaient toujours là, des criminels
allemands et des SS.
Pourtant, même obligée de vivre dans de telles
conditions, sœur Maria-Julia partageait son espoir et sa
force spirituelle avec les autres prisonniers. Cela
était très important compte tenu des traitements
inhumains qu'ils subissaient. Ainsi, là où se trouvaient
surtout des juifs, Sœur Maria-Julia institua des
réunions de prière, chose strictement prohibée dans le
camp où toutes les observances religieuses étaient
interdites. Sœur Julia aidait toujours les autres, quel
que fut leur nationalité. Elle était aimable avec tous
ceux qui étaient dans une trop grande détresse; elle les
consolait et les encourageait. Elle savait aussi leur
donner la force de surmonter leurs peurs et leurs
découragements.
En
novembre 1944, une épidémie de typhus se déclara dans le
camp dit "juif". En novembre 1944, on clôtura un secteur
du camp pour les malades atteints de typhoïde, et les
autorités du camp de concentration de Stutthof
laissèrent les femmes sans aucune aide. Sœur Maria-Julia
se porta volontaire pour les rejoindre. N'hésitant pas à
risquer sa vie, Sœur Maria-Julia Rodzińska se mit comme
au service des Juives du bloc 30, qui mouraient seules.
Dans ce "bloc de la mort" totalement isolé afin
d'éviter que la contagion se propage dans d'autres
parties du camp, Sœur Maria-Julia organisa le partage de
l'eau à boire, ainsi que la distribution des très rares
pansements et des médicaments qui leur étaient parfois
accordés. Elle poursuivit ce service même quand
elle-même fut infectée par le typhus.
Sœur
Maria-Julia Rodzińska, décéda du typhus le 20 février
1945, dans le bloc N° 27. Elle avait fait sacrifice de
sa vie. Elle fut béatifiée le 13 juin 1999, avec 108
autres martyrs de la Seconde guerre mondiale, au cours
du pèlerinage du pape Jean-Paul II en Pologne. Le 12
juin 2006, l'école primaire de Nawojowa prit le nom de
la bienheureuse sœur Maria-Julia Rodzińska.
Quelle fut la sainteté de la Bienheureuse Stanislawa?
Voici les qualités de Sœur Maria-Julia dont se
souvinrent ses élèves et ses sœurs.
Nous
savons déjà que, concernant ses préoccupations pour tout
ce qui concernait les pauvres et des abandonnés,
Stanislawa avait reçu de nombreuses récompenses des
autorités municipales. Dans sa fonction de supérieure,
elle insistait beaucoup sur l’importance de la vie
spirituelle de ses sœurs. Elle œuvra aussi comme
assistante d’une fraternité laïque dominicaine.
Voici maintenant quelques précisions sur ce qu'elle
vécut dans le camp de concentration de Stutthof. La vie
des prisonnières dans ce camp était terrible. Les femmes
les plus faibles étaient sélectionnées chaque jour pour
mourir gazées. Quoique la plupart des détenues de son
bloc fussent juives, issues de toute l’Europe, sœur
Maria-Julia organisa avec elles une prière commune
quotidienne. Après leur libération, les survivantes
évoquèrent son courage, sa prière, son espérance et sa
générosité. Elle partageait même ses si maigres repas
avec les prisonnières. Et ces dernières lui demandaient
d’intervenir lorsque des conflits surgissaient entre
elles.
Une
des prisonnières qui survécut à son emprisonnement dans
le camp de Stutthof, Ewa Hoff, a écrit de Maria-Julia:
"Elle était noble, désireuse d’aider, bonne. Dans le
camp, où toute pitié était totalement oubliée, elle
servait avec miséricorde". Au milieu des corps
putrides et affamés, elle apportait espoir et charité.
Elle réussit à tirer d’un amas de corps destinés à la
crémation une femme qui était encore en vie. Cette femme
qui survécut a, plus tard, rendu hommage à Sœur
Maria-Julia.
Paulette Leblanc |