Guillaume-Nicolas-Louis Leclercq, naquit à
Boulogne-sur-mer le 14 novembre 1745. Ses parents, des
négociants très chrétiens, élevèrent convenablement
leurs enfants. Nicolas fit ses études dans l'école
ouverte en 1710 par Saint Jean-Baptiste de la Salle,
école devenue très réputée. Cette école ayant ouvert, en
1744, une section spécialisée dans le commerce, Nicolas
y fit toutes ses études, et, en 1761, devint employé de
commerce.
Le
port de Boulogne connaissait alors des difficultés
commerciales importantes; aussi Nicolas fut-il obligé de
quitter son travail et partit à Paris. En effet, la
France menait alors la Guerre de Sept Ans, qui dura de
1756 à 1763, contre l'Angleterre et la Prusse. Il faut
savoir que la Guerre de Sept Ans opposait la
Grande-Bretagne et la Prusse à la France, l'Autriche, la
Suède, la Saxe, la Russie et finalement l'Espagne. Ce
conflit majeur est le premier à avoir été qualifié de
guerre mondiale, car il se déroulait non seulement en
Europe mais également en Amérique du Nord et en Inde.
Après un séjour de trois mois à Paris, Nicolas rejoignit
le noviciat des Frères des Écoles Chrétiennes situé à
Saint-Yon, près de Rouen, le 25 mars 1767, et prit le
nom de Frère Salomon. Après sa prise d'habit, le jour de
l'Ascension suivant, Frère Salomon enseigna à l'école
Saint Godard, confiée aux Frères de Rouen. Frère Salomon
gravit rapidement les échelons: il commença son
scolasticat, c'est à dire la période durant laquelle les
jeunes religieux achevaient leur formation spirituelle
après leur noviciat, à Maréville, en Meurthe et Moselle,
le 10 septembre 1770; puis Frère Salomon fit sa
profession religieuse le 28 mai 1772. Il devint
sous-directeur de l'école de Maréville en mai 1772, puis
directeur en novembre 1773 et procureur, on dirait
aujourd'hui économe, jusqu'en juin 1781. Il fit ensuite
son scolasticat supérieur à Saint-Yon jusqu'en mars 1782
et devint professeur des jeunes frères à la Maison-Mère
de Melun. En 1787, Frère Salomon devint le secrétaire du
Frère Agathon, le supérieur général. Malgré toutes ces
promotions, notre Frère Salomon manifestait toujours
beaucoup d'humilité et un grand amour pour les âmes. Il
était également très attentif à remplir parfaitement
toutes ses tâches et ses obligations.
Malheureusement, la Révolution française arriva et, en
1790, la Constitution Civile du Clergé obligea les
prêtres et les religieux à prêter le serment
d'obéissance à cette Constitution sous peine d'exil,
d'emprisonnement, voire de mort. Nous savons tous, en
effet, qu'après le renversement de la monarchie au début
de la Révolution Française, la cible la plus importante
pour les révolutionnaires, fut l’Église. Ainsi, en 1790,
la Constitution civile du Clergé imposée donnait à
l’État le contrôle de l’Église de France. Comme les
prêtres, les religieux devaient prêter le serment de
fidélité à la Constitution Civile du Clergé, mais la
plupart des Frères refusèrent. Ils durent donc
abandonner leurs écoles et leurs communautés et se
cacher, l’Institut n’ayant plus de statut légal.
Ayant, lui aussi, refusé de prêter le serment, Frère
Salomon vécut seul à Paris dans la clandestinité,
poursuivant ses activités. Mais, le 15 août 1792, il fut
arrêté et emprisonné au COUVENT DES CARMES devenu
prison. Dans ce couvent se trouvaient déjà de nombreux
évêques, des prêtres et des religieux. Le 2 septembre
1792, le Couvent des Carmes fut investi par des
révolutionnaires exaltés, et ce fut le carnage: 191
prêtres et religieux furent massacrés et moururent à
cause de leur foi.
Frère Salomon Leclercq fut béatifié le 17 octobre 1926
par le pape Pie XI, avec 188 de ses compagnons de
martyre. Il fut le premier martyr et aussi le premier
béatifié chez les Frères des Écoles chrétiennes. Sa fête
est célébrée le 2 septembre. Notez que l'on fête aussi,
le 2 septembre, les martyrs des Pontons de Rochefort,
qui moururent deux ou trois ans plus tard. Frère Salomon
Leclercq fut canonisé le 16 octobre 2016 par le pape
François.
Parlons maintenant de la spiritualité de Frère Salomon
Leclercq. Un archiviste de l'institut des Frères des
Écoles Chrétiennes, Frère Alain Houry écrivit que le
Frère Salomon "s’était engagé auprès des jeunes parce
qu’il était préoccupé par leur salut, c’est-à-dire pour
faire en sorte que leur vie prenne un sens nouveau et
plénier."
Lorsqu'en 1770 il fut envoyé à Maréville près de Nancy,
il se consacra, pendant plus de 10 ans, aux
pensionnaires et aux novices, avec beaucoup d'humilité.
En effet, il écrivit à sa sœur Rosalie, le 19 juin 1777,
qu'il rencontrait "beaucoup de sécheresse dans la
prière, des dégoûts et peu de progrès dans le bien."
Ceci montre bien que son âme cherchait toujours à
s'améliorer. Et, le 17 juillet 1788, nommé secrétaire du
supérieur général, il écrivait, toujours à sa sœur
Rosalie: "Priez Dieu seulement qu’Il m’accorde de
faire mon emploi, quel qu’il soit, pour son amour, qu’Il
détruise mon orgueil et qu’Il me donne l’humilité, en un
mot que je devienne un saint. Oh! Que j’en suis
éloigné!"
Enfin, le 15 août 1792, quelques heures seulement avant
d'être massacré, et comme prévoyant déjà le pire, il
écrivait à Madame Ricart, sa sœur Marie-Barbe: "Se
tenir en l’état où l’on voudrait être pour aller
paraître devant le Souverain Juge: telle doit être la
vie d’un chrétien qui a de la foi. Il doit regarder
toutes les choses d’ici-bas, richesses, plaisirs, bonne
chère comme de pures vanités, propres à amuser des
hommes de chair et de sang et incapables de contenter
une âme qui sait qu’elle est faite pour jouir de Dieu et
pour en jouir éternellement. Tâchez d’entretenir ces
sentiments et ces dispositions dans vos enfants que
j’embrasse avec bien de la tendresse. Si Dieu le permet,
j’irai vous joindre et mêler mes larmes avec les vôtres.
Mais non! Que dis-je, pourquoi pleurer puisque
l’Évangile nous engage à nous réjouir quand nous aurons
quelque chose à souffrir pour son nom? Souffrons
donc gaiement et avec action de grâce les croix et les
afflictions qu’Il nous enverra."
La
fête de Frère Salomon est célébrée le 2 septembre; on y
a joint celle des Frères martyrs des Pontons de
Rochefort, morts 2 ou 3 ans plus tard. Notons que parmi
les prisonniers des Pontons de Rochefort, il y avait
sept Frères des Écoles Chrétiennes dont quatre moururent
dans ces ignobles vieux bateaux: les pontons. Les trois
autres furent libérés en 1795.
Paulette
Leblanc |