Raymond de Peñafort ou Penyafort en catalan, naquit au
château de Penyafort à Vilafranca del Penedès, près de
Barcelone, dans la province de Catalogne, en Espagne.
Sa famille était alliée aux rois d'Aragon et aux comtes
de Barcelone. Il étudia à l'école cathédrale de
Barcelone où, à peine âgé de vingt ans, il commença à
enseigner
la rhétorique et la logique, puis de 1195 à 1210, il
enseigna le droit canon. En 1210 il partit poursuivre
ses études de droit à l'université de Bologne où, en
1216, il fut consacré Docteur in utroque jure. À
son retour à Barcelone, en 1222, il entra dans l'Ordre
des Frères Prêcheurs. Il avait 47 ans.
Revenons un peu en arrière. En 1210, pour aller à
Bologne, en compagnie d'un ami: Pierre Ruber, Raymond
fit la route à pied, en passant par Arles et Turin; les
deux amis s’étaient arrêtés quelques jours à Briançon
pour constater un miracle que venait d’opérer Notre-Dame
de Delbeza qui rendit les yeux et les mains à un jeune
homme mutilé par des brigands. Après avoir été reçu
docteur en 1216, Raymond resta à Bologne pour enseigner
le droit canonique. Remarquons qu'il avait déjà
résumé son enseignement du droit dans la
Summa iuris;
il rédigea aussi une
Summa pœnitencia
ou
Summa casuum,
afin d'aider les confesseurs à trouver une solution aux
cas de conscience qui leur étaient les plus fréquemment
soumis.
En
1229, le légat pontifical Jean d'Abbeville, chargé de
prêcher la croisade contre les Maures, le prit comme
assistant. Il fut si satisfait de lui qu'il le
recommanda au pape Grégoire IX qui, en 1230, appela
Raymond à Rome, le nomma pénitencier et le chargea de
rassembler les décisions prises par les papes depuis un
siècle. À partir des compilations antérieures
partielles, Raymond découvrit des décrétales,
lettres du pape ayant valeur de décrets, interdisant
formellement aux laïcs de s'immiscer dans la désignation
des évêques, droit que s'attribuaient les rois, les
empereurs, et autres autorités, et souvent la cause de
nombreuses déviations dans la vie de l'Église et de ses
autorités ecclésiastiques. Cette codification canonique
de 1234, la première officiellement promulguée par un
pape, est connue sous le nom de Décrétales de
Grégoire IX qui serviront de Code de Droit canonique
à l'Eglise Catholique romaine jusqu'en 1917.
Raymond de Peñafort était le confesseur du roi d'Aragon,
Jacques 1er. Il obtint le soutien de ce roi
pour fonder, avec Pierre Nolasque, l'Ordre de
Notre-Dame de la Merci, destiné à racheter les
chrétiens captifs des musulmans. L'Ordre de la Merci fut
approuvé, en 1235 par le pape Grégoire IX qui leur donna
la règle de saint Augustin. Notons au passage que, en
plus des trois vœux religieux de pauvreté, chasteté et
obéissance, les membres de cet ordre, surtout présents
en Espagne, s'engageaient, par un quatrième vœu, à
demeurer comme otages si cela était nécessaire pour la
délivrance de leurs frères chrétiens, quand ils
n'avaient pas l'argent nécessaire pour les racheter. Ce
vœu correspondait en effet aux besoins de l'époque,
quand les pirates barbaresques des pays du sud de la
Méditerranée, les musulmans, capturaient les chrétiens
et les revendaient comme esclaves en Afrique.
Même
durant son séjour à Rome, Raymond de Peñafort était
resté en contact avec le roi Jacques Ier. Il
l'incita à instaurer le tribunal de l'Inquisition en
Aragon, en 1232. De retour en Espagne, Raymond devint
Maître Général des Dominicains en 1238, et publia les
constitutions de l'ordre, version en vigueur jusqu'en
1924. De plus,
pour faciliter les
rapports avec les juifs, il fut à l'origine de la
fondation à Tunis d'une école de langues orientales. Et
c'est lui qui, préoccupé par l'islam, aurait suggéré à
Thomas d'Aquin d'écrire sa
Somme contre les
gentils
pour aider les missionnaires.
Épuisé par tant de travail, il dut, en 1240, renoncer à
sa charge de Maître Général des Dominicains et retourner
à Barcelone, d'où il partait souvent pour aller prêcher.
Il conseillait aussi le roi Jacques 1er
d'Aragon, qu'il aimait mais dont il réprouvait les
faiblesses. En 1242, il édita le premier manuel de
l’Inquisition.
Je
veux maintenant vous faire sourire. On a souvent chanté:
"le travail, c'est la santé…" C'est tout-à-fait
vrai car, pourtant épuisé, Raymond de Peñafort vivra
encore trente ans et ne mourra qu'en 1275, centenaire,
après avoir encore beaucoup travaillé. En effet, outre
la "Summa de pænitentia", Raymond de Penyafort a
laissé une œuvre écrite considérable dont la plupart des
ouvrages servirent longtemps de référence aux
Dominicains et à l’Université de Paris. Nous devons
signaler que ces ouvrages étaient surtout des réponses
très pratiques aux questions ou aux difficultés
rencontrées par des confesseurs ou des directeurs de
conscience. Raymond de Peñafort, appelé le "Doctor
humanus", donne surtout des jugements et des
conseils destinés à apaiser les pénitents de toutes les
classes de la société. Très fin, il cherchait à
sauvegarder la bonne foi des pénitents, surtout
lorsqu'on pouvait les juger proches des courants
hétérodoxes. Son mérite principal fut de travailler au
renouveau de la vie chrétienne, par la formation des
membres du clergé en matière de vie morale, de doctrine
et de prédication.
Nous
devons ajouter qu'en plus de ses nombreux travaux,
Raymond de Peñafort fit beaucoup d’apostolat auprès des
Juifs et des Musulmans. En ce qui concerne l'islam,
outre la fondation de l'Ordre de Notre-Dame de la Merci,
il encouragea saint Thomas d'Aquin à écrire "La somme
contre les gentils". Il fut aussi un adversaire
efficace de l’hérésie en Catalogne et en Espagne,
obtenant que Jacques 1er introduisît
l’Inquisition en ses Etats. Pour former les
missionnaires, il fonda quelques écoles de langues
orientales comme l'école arabe de Tunis (1245) et
l'école d'hébreu de Murcie (1266).
Raymond de Peñafort mourut à Barcelone le 6 (ou 7)
janvier 1275, entouré par les rois d'Aragon et de
Castille. Il fut béatifié par Paul III, en 1542, et
canonisé par Clément VIII, le 29 avril 1601.
Paulette Leblanc |