Mes
amis, la vie de saint Raphaël de Saint Joseph Kalinowski
vous surprendra tous. Le 1er septembre 1835,
un polonais, Joseph Kalinowski, qui deviendra, en
religion, Raphaël de Saint Joseph, naissait à Wilno, en
Lituanie, petit pays Balte alors intégré dans l'Empire
russe. Joseph était le second fils d'Andrzej Kalinowski,
professeur de mathématiques et de Józéfina Polonska;
tous les deux étaient des nobles catholiques polonais.
Józef Kalinowski n'avait encore que quelques semaines
lorsque sa maman décéda; son père se remaria avec la
sœur de sa femme dont il eut trois enfants. Mais, neuf
ans plus tard, Andrzej perdit sa seconde épouse et se
remaria pour la troisième fois avec Zofia Puttkamer de
laquelle il aura quatre autres enfants.
Józef
fit de brillantes études, d'abord à l'Institut où
exerçait son père Andrzej Kalinowski. Cet institut, qui
avait été fondé par le gouvernement russe, sera plus
tard fermé par le Tsar. Le père de Jozef, devenu recteur
de l'institut, démissionnera pour des raisons de
conscience. Puis le Tsar se mit à persécuter les
Polonais, les Lituaniens et l'Église catholique.
Beaucoup de Polonais furent déportés en Sibérie ou
exécutés sur les places publiques. Józef Kalinowski
partit étudier à l'Institut supérieur d'agronomie à
Hory-Horki, mais insatisfait de la qualité des cours,
avec son cousin, Lucian Polonski, il s'inscrivit à
l'École de Génie militaire de Saint-Pétersbourg pour y
étudier les sciences exactes. En 1857, il obtint le
grade d'ingénieur-lieutenant. Il fut d'abord nommé
maître de conférences en mathématiques dans son
Académie, puis, en 1860, surintendant Ingénieur à la
forteresse de Brest-Litowsk, située sur la frontière
polonaise. Bientôt, il fut promu au grade de capitaine
d'état-major.
Mais
une nouvelle insurrection polonaise contre la Russie
éclata en janvier 1863. Józef, qui était très conscient
des désastres que cette insurrection allait provoquer,
dut accepter des responsabilités et devenir ministre de
la guerre contre la Russie pour la région de Vilna. Son
amour pour son pays ne lui permettait pas de refuser. Il
démissionna donc de son poste dans l'armée russe, quitta
Brest-Litowsk pour se rendre à Varsovie, et devint
ministre de la guerre contre la Russie pour la région de
Vilna.
Comme il l'avait prévu, les leaders de la révolte furent
arrêtés par les russes, jugés et pendus. De nombreux
Lituaniens et Polonais furent déportés en Sibérie. Dans
la nuit du 24 mars 1864, Joseph fut arrêté. Le 2 juin
1864 il était condamné à mort, mais sa peine fut commuée
à 10 années de travaux forcés en Sibérie. Le 22 juin
1864, à Perm, Jozef découvrit son frère Gabriel lui
aussi condamné à la déportation. Le voyage se fit à
pied. Après dix mois de souffrances atroces, les
déportés survivants arrivèrent enfin à Ussole, près du
Lac Baïkal, le 15 avril 1865. Joseph montrait beaucoup
de charité envers ses compagnons de misère. Il puisait
ses forces dans la prière. Il écrira plus tard: "Le
monde peut me priver de tout, mais il me restera
toujours un lieu caché qui lui est inaccessible: la
prière! En elle, on peut recueillir le passé, le présent
et l'avenir et les placer sous le signe de l'espérance.
Oh! Dieu, quel grand trésor tu accordes à ceux qui
espèrent en toi." Après 10 ans d'exil, Jozef fut
libéré, le 2 février 1874, mais ne fut pas autorisé à
retourner en Lituanie sa terre natale. Il se rendit donc
en Pologne.
À
son retour d'exil, Józef Kalinowski fut sollicité pour
devenir le précepteur du jeune prince Auguste
Czartoryski, qui avait 16 ans. Józef s'occupa des études
du jeune Auguste durant deux années et eut ainsi
l'occasion de l'accompagner à Paris. Durant ces deux
années, Jozef participa également à des activités
politiques et sociales en faveur des réfugiés polonais.
À l'automne 1876, Józef Kalinowski décida de se
consacrer totalement au Seigneur dans l'Ordre du Carmel.
Il quitta donc son élève Auguste en 1877 pour se rendre
en Autriche, au carmel de Linz afin de rencontrer le
provincial des Carmes Déchaux. Le 15 juillet 1877, Józef
entrait comme novice au couvent de Graz en Autriche, où
il prit le nom de Raphaël de Saint-Joseph. Il avait 42
ans. Il prononça ses premiers vœux le 26 novembre 1878
et partit faire des études de philosophie et de
théologie en Hongrie au couvent de Raab. Le 27 novembre
1881, il prononça ses vœux solennels et fut envoyé en
Pologne au couvent de Czerna. Il fut ordonné prêtre en
1882 par l'archevêque de Cracovie et devint prieur de ce
couvent l'année suivante.
Voyons maintenant l'œuvre de saint Raphaël de saint
Jozef que l'on a considéré comme le restaurateur du
carmel polonais. Son travail en Pologne fut très fécond.
Il fonda un carmel au Premislia en 1884 et à Lviv en
Ukraine, en 1888. Encouragé par le père Gotti, père
général de l'Ordre du Carmel, il fonda aussi un couvent
à Wadowice en Pologne et un petit séminaire pour
accueillir les hommes qui voulaient entrer au Carmel. En
1899, le Père Raphaël fut nommé Visiteur et Vicaire
provincial de l'ensemble de ces monastères. En 1906, il
prit la direction du collège de théologie de Wadowice.
De plus, il organisa le Tiers-Ordre séculier de la
Confraternité du Carmel. Enfin, notons qu'il était
partout apprécié comme directeur spirituel et comme
confesseur.
Le
Père Raphaël de Saint-Joseph mourut le 15 novembre 1907
au couvent de Wadowice. Il fut enterré dans le cimetière
du monastère de Czerna, près de Cracovie. Béatifié le 22
juin 1983 par Jean-Paul II à Kracovie, il a été
canonisé le 17 novembre 1991 par Jean-Paul II. Sa fête
a été fixée au 19 novembre.
Voyons maintenant l'œuvre de saint Raphaël de saint
Jozef.
Malgré sa vie particulièrement mouvementée, Joseph
laissa une œuvre littéraire substantielle. Ainsi, ayant
pu rassembler toutes les archives conventuelles
dispersées lors des suppressions d'anciens monastères,
il publia "Les Chroniques Carmélitaines" des monastères
et des couvents de Vilna, Varsovie, Cracovie et Lviv.
Il
publia également plusieurs fascicules de biographies
dont celle Thérèse de Jésus Marchoka qui vécut de 1603 à
1652, et était surnommée la Thérèse polonaise. Il
rédigea un livre sur Thérèse d'Avila lors du troisième
centenaire de sa mort, un opuscule sur le culte marial
dans le Carmel polonais, et un autre opuscule sur les
martyrs polonais du XVIIe siècle. Puis vinrent la
première traduction en polonais de l'Histoire d'une âme,
de sainte Thérèse de Lisieux, et la biographie de son
ami Hermann Cohen.
Paulette
Leblanc |