Sainte
Rafqa naquit le 29 Juin 1832 à Himlaya, village de
montagne, situé à quelques kilomètres de Beyrouth, au
Liban. Elle était la fille unique de Mourad Saber al-Choboq
al-Rayès et de Rafqa Gemayel. Elle fut baptisée
le
7 Juillet 1832 et reçut le prénom de Boutrossieh
(Pierrette en français). Boutrossieh n'avait que 7 ans
en 1839, lorsqu'elle perdit sa mère. La pauvreté de son
père l'obligea à placer sa fillette de 10 ans, comme
servante chez Mr Asaad al-Badawi, dans une famille
chrétienne maronite de Damas. Elle y restera 4 ans,
jusqu'à l'âge de 14 ans.
Nous sommes
en 1847. Boutrossieh rentra donc à la maison où elle
trouva son père remarié avec une femme qui avait décidé
de marier sa belle-fille. Boutrossieh résista car elle
voulait devenir religieuse, et c'est le Père Joseph
Gemayel qui l'aida à entrer dans la Congrégation qu'il
avait fondée, les Mariamâtes, ou Mariamettes de Bikfaya,
le 10 février 1856. Après son noviciat, elle devint Sœur
Anissa et fut envoyée au séminaire de Ghazir, pour y
être chargée de la cuisine. Pour votre information, nous
devons signaler que, parmi les séminaristes du séminaire
de Ghazir, se trouvaient le Patriarche Élias Houayek et
l'Évêque Boutros al-Zoghbi. Sœur Anissa profita de son
séjour à Ghazir, pour, pendant ses moments libres,
approfondir ses connaissances de la langue Arabe, de la
calligraphie et du calcul.
Vers 1860,
Sœur Anissa fut transférée à Deir al-Qamar pour
enseigner le catéchisme aux jeunes filles. Elle passa
environ un an à Deir al-Qamar puis revint à Ghazir.
C'est durant cette année-là qu'elle assista aux
événements sanglants survenus au Liban: attaque du Liban
par les Druzes, et massacre des chrétiens. Sœur Anissa
sauva la vie d'un petit enfant en le cachant dans sa
robe. En 1863, on demanda à Sœur Anissa de rejoindre, à
Jbeil, une école de sa congrégation, pour instruire des
jeunes filles et les former aux principes de la foi
chrétienne.
Un an
après, elle fut transférée à Maad, à la demande de Mr
Antoun Issa. Elle y passa sept ans, durant lesquels elle
fonda une école pour l'éducation des jeunes filles.
Malheureusement, en 1871, la Congrégation des
Mariamettes fut dissoute… Sœur Anissa fit alors un rêve:
trois saints, Saint Georges, Saint Siméon le Stylite et
Saint Antoine le Grand, Père des moines, lui dirent:
– Entre
dans l'Ordre Libanais Maronite.
Sœur Anissa
entra donc au monastère de Mar Sémaan al-Qarn à Aito, au
nord du Liban. Elle devint alors Sœur Rafqa, Rafqa était
le prénom de sa mère. Rafqa fit sa profession le 25 août
1872. Dans ce monastère Mar Sémaan al-Qam, Sœur Rafqa
devint, par son observation des Règles, un exemple
vivant de vie religieuse pour ses compagnes, les
moniales.
Au bout de
treize années de vie régulière, le premier dimanche
d'octobre 1885, en la fête de Notre Dame du Rosaire,
Rafqa entra à l'église du monastère et se mit à prier,
demandant au Seigneur de la faire participer à sa
Passion Rédemptrice, disant:
– Pourquoi, mon Dieu, vous éloignez-vous de moi?
M'abandonnez-vous? Pourquoi est-ce que vous ne me
visitez pas par une maladie, m'auriez-vous oubliée?
Sa prière
fut immédiatement exaucée. Le soir, avant de dormir,
elle sentit un mal insupportable à la tête qui, par la
suite, atteignit ses yeux. L'intervention qu'un
chirurgien tenta, sans anesthésie conformément au désir
de Sœur Rafqa, échoua, et Sœur Rafqa perdit cet œil. Il
faut ajouter ici que lorsqu'un médecin de l'armée, à
Batroun, l'examina, il dit:
– La
douleur dont cette moniale souffre aux yeux est
indescriptible, car elle est dans le nerf optique, et sa
guérison est impossible."
Lorsque la douleur devenait insupportable, Rafqa
répétait:
– Pour la gloire de Dieu, en communion avec la passion
du Christ..., avec la couronne d'épines de votre tête,
Seigneur.
Le temps
passait… L'Ordre Libanais Maronite où vivait Rafqa
décida, en 1897, de fonder un nouveau monastère, le
monastère de Saint Joseph al-Dahr à Jrabta-Batroun. Six
moniales du monastère Mar Sémaan al-Qarn y furent
transférées; parmi elles, et malgré son handicap et sa
mauvaise santé, il y avait Rafqa. La raison était
simple: les sœurs, très attachées à Rafqa, étaient
convaincues que grâce à sa prière, le nouveau monastère
se développerait selon les désirs des supérieurs. Dans
un premier temps, Rafqa fut employée aux travaux
domestiques, ce qu'elle accomplit en toute simplicité et
humilité. Mais en 1899, Rafqa devint complètement
aveugle et paralysée. Atteinte de tuberculose ostéo-articulaire,
ses articulations se disloquèrent. Elle dut être alitée
et passa les sept dernières années de sa vie, étendue
sur le côté droit de son corps. Malgré ses grandes
souffrances, son visage demeurait paisible et rayonnait
d'une joie céleste. Rafqa priait jour et nuit. Elle
souffrait avec Jésus. Elle disait aux moniales:
– Mes
sœurs, faites des communions spirituelles autant que
vous pouvez, même jusqu'à mille par jour.
Par
ailleurs, Rafqa expliquait les règles et les vertus
monacales à ses sœurs et enseignait aux novices les
prières du bréviaire en syriaque.
Sœur Rafqa
passa 26 ans au monastère Mar Sémaan El Qarn, Aïto. Elle
y mena une vie exemplaire avec ses sœurs les moniales.
Le 22 mars 1914, Rafqa dit à sa supérieure: "
– Je
voudrais dire au-revoir à mes sœurs les moniales et
écouter leur voix avant ma mort.
Le
matin du 23 mars 1914 elle demanda la Sainte Communion
en disant: -Laissez-moi prendre avec moi ma
provision.
Les
derniers mots prononcés par Rafqa furent:
– Ô Jésus, ô Marie, ô Saint Joseph, je vous donne mon
cœur, mon âme... Entre vos mains je remets mon esprit.
Rafqa
mourut le 23 mars 1914 et fut enterrée dans le
monastère. Des miracles furent constatés sur sa tombe.
Après son enterrement, et pendant deux nuits de suite,
le tombeau de mère Rafqa fut splendidement illuminé. Le
pape Jean-Paul II la béatifia le 17 novembre 1985, suite
à la guérison miraculeuse d'Elisabeth Ennakl en 1938.
Elle fut canonisée le 10 juin 2001 par Jean-Paul II.
Rafqa
avait vécu 82 ans, dont 29 dans de très grandes
souffrances.
Nous devons
maintenant parler un peu de quelques-uns des miracles
qui s'accomplirent par l'intermédiaire de Rafka. Un
jeudi de la fête du Saint-Sacrement, Rafqa désirait
assister à la messe, mais il fut impossible de la
transporter. Pourtant, lorsque la messe commença, les
moniales virent Rafqa entrer dans l'église en rampant.
Stupéfaites, les moniales la firent asseoir sur un
coussin. Après la messe, Rafqa raconta:
– J'ai
demandé à Jésus de m'aider. Et tout à coup je sentis mes
pieds glisser du lit, je descendis à terre et me traînai
jusqu'à l'église".
Un autre
jour Rafqa récupéra la vue pendant une heure afin de
pouvoir contempler le nouveau monastère.
Et après la
mort de Rafqa d'autres miracles eurent lieu, notamment
celui de la guérison de la supérieure du monastère, Mère
Ursula Doumit qui souffrait, depuis sept ans, d'une
pustule extrêmement douloureuse sous le menton,
l'empêchant de boire. Une nuit, alors qu'elle était très
fatiguée et fiévreuse, quelqu'un frappa à sa porte et
lui dit:
– Prends
de la terre du tombeau de Rafqa, et enduis-en ta gorge.
Croyant que
c'était l'une de ses sœurs, Mère Ursula répondit:
– Pourquoi ne me laissez-vous pas dormir?
Personne ne
répondit. Mais bientôt la même voix reprit:
– Prends
de la terre du tombeau de Rafqa, et enduis-en ta gorge.
Comme
aucune sœur n'était venue la trouver pendant la nuit,
Mère Ursula prit de la terre du tombeau de Rafqa et
l'ayant dissoute dans de l'eau, en enduisit la pustule.
On lui offrit alors un bol de lait et elle le but sans
difficulté. Elle était guérie: la pustule avait
disparu... C'est pour cela que les sœurs du monastère
Saint-Joseph donnent de la terre du tombeau de Rafqa à
tous les infirmes qui lui en demandent avec foi. Et ils
guérissent.
Paulette
Leblanc |