Ráfael Arnáiz Barón
Religieux trappiste, Saint
1911-1938

26

AVRIL

Raphaël Arnáiz Barón naquit à Burgos en Espagne, le 9 avril 1911, dans une famille de la haute bourgeoisie, profondément chrétienne. Raphaël était l'aîné d'une famille de quatre garçons. Il fut baptisé et confirmé à Burgos et, enfant, il commença ses études au Collège des Pères Jésuites de cette ville. En 1919, Raphaël fit sa première Communion. Au cours de ses années d'enfance, Raphaël fut souvent malade: des fièvres persistantes dues à de la colibacillose l'obligèrent même à interrompre ses études. Quand Raphaël fut guéri, son père, en remerciement de ce qu'il considérait comme une intervention spéciale de la Vierge Marie, le conduisit, à la fin de l'été de 1921, à Saragosse, et là, le consacra à la Vierge del Pilar. Cette consécration impressionna beaucoup le petit Raphaël.

Quand la famille dut aller à Oviedo, Raphaël poursuivit ses études secondaires, toujours chez les jésuites, mais au collège d'Oviedo, et obtint un baccalauréat scientifique. Il s'inscrivit ensuite à l'Ecole Supérieure d'Architecture de Madrid. Très intelligent, Raphaël avait aussi un sens aigu de l'amitié. Toujours joyeux, sportif et aimant le dessin et la peinture, la musique et le théâtre, il savait harmoniser ses études avec une vie spirituelle fervente et constante. Ainsi, à Madrid, pendant ses études universitaires d'architecture, dans son programme d'études et de vie très ordonnée et engagée, il avait prévu une longue visite quotidienne au Très Saint Sacrement et était très fidèle à participer à l'Adoration Nocturne.

En 1930, tout jeune bachelier, il avait obtenu comme cadeau de fin d’études de passer ses vacances d’été chez son oncle et sa tante, Leopoldo et María, ducs de Maqueda, près d’Avila. Ce fut le commencement d’une amitié spirituelle intense entre Raphaël et ses oncles.  À la fin de ces vacances, en septembre 1930, Raphaël passa quelques jours à la Trappe de San Isidoro de Dueñas; il fut séduit par le silence, enthousiasmé par la beauté du lieu, ravi par le Salve Regina qu'il avait entendu chanter pendant les Complies. En conséquence, en décembre 1933, il interrompit subitement ses cours universitaires, et le 16 janvier 1934, il entrait au monastère de San Isidoro, pour devenir moine.  

C'est alors que commença pour Raphaël une vie très douloureuse. Quatre mois après son entrée au monastère, il fut saisi par un diabète foudroyant; il avait perdu 24 kg en 8 jours. Raphaël, novice, dut rentrer dans sa famille pour être soigné. En janvier 1936, après une longue convalescence, il put entrer de nouveau à San Isidoro, mais comme simple oblat, car sa maladie ne lui permettait pas de suivre les exigences de la Règle. De ce fait, il ne fut pas autorisé à faire sa profession religieuse, c'est-à-dire à prononcer les trois vœux en usage chez tous les moines qui suivent la Règle de Saint Benoît: obéissance, conversion de vie et stabilité dans le monastère. Il  n'était donc pas considéré comme moine à part entière, mais cela ne l'empêcha pas de devenir un authentique contemplatif, comme oblat régulier. Il convient d'ajouter que la guerre civile espagnole, qui dura de 1936 à 1939, ne permettait pas l'approvisionnement des médicaments qui auraient pu le soigner.  

De nouveau, de septembre à décembre 1936, Raphaël dut quitter son monastère. Après une troisième sortie, de février à décembre 1937, il vécut son dernier séjour à la Trappe, du 15 décembre 1937 au 26 avril 1938. Raphaël acceptait amoureusement tout de Dieu, dans la recherche passionnée de la Volonté de Dieu et fasciné par la Sainte Face de Jésus crucifié. Il vivait également une tendre et filiale dévotion à la Vierge Marie.

Raphaël n'était qu'un simple oblat régulier; pourtant, peu de temps avant sa mort, le Père Abbé lui remit la coule, l'habit monastique qui est normalement réservé aux moines profès, et lui annonça qu'il serait ordonné prêtre dès qu'il aurait achevé ses études. Mais Raphaël décéda avant, à l'aube du 26 avril 1938, à 27 ans à peine. Il fut enterré dans le cimetière du monastère, et ensuite dans l'église abbatiale.

Très rapidement la renommée de sa sainteté se répandit au-delà des murs du monastère. En raison de la sainteté de sa vie, ses nombreux écrits spirituels se répandirent rapidement et furent recherchés avec grand profit pour ceux qui entraient ainsi en contact avec lui. Il est considéré  comme l'un des plus grands mystiques du XXème siècle.

Le 19 août 1989, le Saint Père Jean-Paul II, à l'occasion de la Journée Mondiale de la Jeunesse à Santiago de Compostelle, le proposa comme modèle aux jeunes de notre temps; le 27 septembre 1992, Jean-Paul II le proclamait bienheureux. Lors de sa canonisation, le 11 octobre 2009, le Pape Benoît XVI le présenta comme un ami, un exemple pour tous les fidèles, mais surtout pour les jeunes. 

Parlons un peu de la spiritualité de Raphaël Arnáiz Barón. Son Cœur brûlait de désirs infinis et divins. Jusqu’au bout, il se laissera conduire à travers les perplexités d’une vocation sans cesse contrariée par la maladie, la guerre et l’impossibilité de prononcer ses vœux monastiques. Ce mystère de dépouillement si dramatique n’a pu être vécu que grâce à un amour débordant pour le Christ, son Compagnon d’une expérience vécue, transcendante, d’Amour absolu. Son seul désir était de vivre pour aimer: aimer Jésus, aimer Marie, aimer la Croix, aimer son cher monastère. Raphaël était un trappiste dont la force le menait toujours à l’essentiel: "Dieu seul!"  

Raphaël a beaucoup écrit. Comme sa sainteté, ses écrits nous conduisent à Dieu. Nous lirons quelques-uns de ses textes. Dans son dernier cahier, le 23 février 1938, Raphaël écrivit: "Quelle hypocrisie que de dire qu’il n’a rien, celui qui a Dieu! Oui! Pourquoi le taire? Pourquoi le dissimuler? Pourquoi ne pas crier au monde entier, et publier aux quatre vents les merveilles de Dieu? Pourquoi ne pas dire aux gens, et à tous ceux qui voudront bien l’entendre: "Vous voyez ce que je suis? Vous voyez ce que j’ai été? Vous voyez ma misère qui se traîne dans la fange? Eh bien, ça ne fait rien, soyez émerveillés, malgré tout: j’ai Dieu! Dieu est mon ami. Que le sol se dérobe, que la mer se dessèche de stupeur, Dieu m’aime si tendrement, moi, que si le monde entier le comprenait, toutes les créatures deviendraient folles et rugiraient de stupéfaction! Bien plus, tout cela n’est rien. Dieu m’aime tellement que les anges eux-mêmes ne le comprennent pas… Comme est grande la miséricorde de Dieu! M’aimer, moi! Être mon ami, mon frère, mon père, mon maître!... Ah! mon Jésus, que dirai-je! Comment ne pas devenir fou! Comment peut-on vivre, manger, dormir, parler et avoir des relations avec tous?...  

Comment est-ce possible, Seigneur! Je sais, Tu me l’as expliqué déjà, c’est par le miracle de la grâce. Si le monde qui cherche Dieu le savait! Ignorants et insensés qui cherchez Dieu où Il n’est pas. Écoutez, et soyez dans l’étonnement. Dieu est dans le cœur de l’homme, je le sais. Mais écoutez, Dieu vit dans le cœur de l’homme, quand ce cœur vit détaché de tout ce qui n’est pas Lui. Quand ce cœur se rend compte que Dieu frappe à sa porte, et qu’il balaie et nettoie tous ses appartements pour se disposer à recevoir le Seul qui comble vraiment. Comme il est doux de vivre ainsi, avec Dieu seul dans le cœur. Quelle grande douceur que de se voir rempli de Dieu. Comme il doit être facile de mourir ainsi.

Faire ce qu’Il veut demande bien peu, ou plutôt rien du tout, car on aime sa volonté; même la souffrance et la douleur sont paix, car on souffre par amour. Dieu seul comble l’âme et la comble toute entière. Il n’y a ni créatures, ni monde, il n’y a rien pour la troubler, seule la pensée de pouvoir L’offenser et Le perdre la fait souffrir… Dieu est dans le cœur détaché, il est dans le silence de la prière, dans le sacrifice volontaire de la douleur, dans le vide du monde et de ses créatures.

Dieu est sur la Croix, et tant que nous n’aimerons pas la Croix, nous ne Le verrons pas, nous ne Le sentirons pas." 

Le 10 avril 1938, Raphaël écrivait encore: "Si nous sommes vraiment unis par amour à la volonté de Dieu, nous ne désirerons rien qu’Il ne désire, nous n’aimerons rien qu’Il n’aime, et en étant abandonnés à sa volonté, nous serons indifférents à quoi que ce soit qu’Il nous envoie, en quelque endroit qu’Il nous mette. Tout ce qu’Il voudra de nous, ne nous sera pas seulement indifférent: cela nous sera même agréable… Avec Jésus à mes côtés, rien ne me paraît difficile, et le chemin de la sainteté me semble à chaque fois plus facile… Les créatures me sont indifférentes, si elles ne me conduisent pas à Dieu. Je ne veux pas de la liberté, si elle ne me conduit pas à Dieu. Je ne veux pas de consolations, de plaisirs et de joies, je ne veux que la solitude avec Jésus, l’amour pour la Croix et les larmes de la pénitence. Mon Jésus, mon doux amour, ne permets pas que je sois séparé de Toi. Marie, ma Mère, sois ma seule consolation… 

Dans le monde on souffre... ce ne sont que soucis, désirs, espoirs... bien peu souvent réalisés. Dans le monde on pleure pour des affaires matérielles, viles et périssables. Dans le monde on pleure peu pour le Christ. Dans le monde on souffre peu pour Dieu.

Un matin, j'ai regardé à travers la fenêtre... Le soleil commençait à poindre. Une grande paix régnait sur la nature... Tout commençait à s’éveiller: la terre, le ciel, les oiseaux... Tout s’éveillait doucement... Tout obéissait aux divines lois, sans plaintes, et sans soubresauts, doucement, calmement, la lumière aussi bien que les ténèbres, le ciel bleu aussi bien que la terre dure couverte de la rosée de l’aube... Comme Dieu est bon, pensai-je... La paix habite partout sauf dans le cœur humain." 

Enfin, le 8 mars 1938, saint Rafaël Anais Baron avouait: "Dieu et sa volonté sont la seule chose qui occupe ma vie. Par sa miséricorde infinie, ce qui auparavant était désir véhément se tempère peu à peu. Comme la grâce de Dieu est immense, quand peu à peu, Il emplit une âme. Comme peu à peu se précise de plus en plus la vanité de tout ce qui est humain, et comme on parvient au contraire à se convaincre qu’en Dieu seul se trouve la sagesse véritable, la paix véritable, la vie véritable, l’unique nécessaire et l’unique amour et désir de l’âme."

Paulette Leblanc

 

 

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