Pedro de San Jose de Betancur
Franciscain, Fondateur, Saint
1621-1667

25

AVRIL

Pedro de Betancur, ou Pedro de San José de Betancur, en français Pierre de Bétancourt, naquit le 21 mars 1626 à Vilaflor dans l'Ile de Tenerife, aux Canaries, territoire espagnol. Il était l'aîné des cinq enfants d'une famille paysanne pauvre. Mais ses parents étaient des chrétiens fervents, pour qui la foi et l'amour de Dieu constituaient la plus grande des richesses. Leurs cinq enfants voyaient leur père prier avec ferveur, tandis que leur maman savait se priver en faveur des pauvres, malgré sa pauvreté. Le caractère de Pedro était très fort, dominateur et très orgueilleux, probablement un héritage d'un de ses aïeux, un gentilhomme normand qui avait conquis les Canaries au service d'Henri III de Castille.

Encore enfant, Pedro s'occupait du troupeau de son père qu'il conduisait dans les vallées et sur les plages de l'île. Après la mort de son père, Pedro abandonna son travail de berger pour cultiver la petite propriété familiale. Un jour, il entendit un de ses parents, Frère Luis de Betancur, un frère franciscain, parler de l'Amérique, de ses forêts, de ses richesses, mais aussi des Amérindiens et des Noirs réduits en esclavage. Une profonde compassion naquit ainsi dans le cœur de Pedro pour ces malheureux ainsi que le désir d'aller les évangéliser.

Mais Madame de Betancur avait des projets de mariage pour son fils. Pedro, qui ne partageait les intentions de sa mère alla consulter une tante habitant à proximité. Tous les deux prièrent longuement et ensuite, la tante montra à son neveu la route de la mer en affirmant:

— Tu dois aller à la rencontre de Dieu, comme Pierre marcha sur l'eau. Plein de joie, Pedro écrivit à sa mère "qu'un plus grand amour et un service de la plus haute importance le pressaient de tout quitter."

Pedro embarqua sur un bateau qui devait traverser l'Atlantique. Nous sommes en 1649. Pedro débarqua à La Havane, située sur l'île de Cuba. Deux ans plus tard, souhaitant rejoindre le continent américain, il s'engagea, pour payer son voyage, comme garçon de cabine. Il travailla sur le bateau avec tant d'ardeur, tant de dévouement et tant de gentillesse que lorsque le navire arriva à destination, le commandant ne voulut pas se séparer de Pedro; et Pedro comprit que c'était la volonté de Dieu. Mais peu de temps après, il tomba si malade qu'on dut le débarquer sur une plage du Guatemala, pays d'Amérique centrale qui appartenait à l'Espagne. Pedro s'adressa à un pêcheur qui lui parla de la ville de Santiago au Guatemala. Pedro comprit qu'il devait se rendre dans cette ville car une joie profonde et une force supérieure semblaient le pousser à y aller!

Le 18 février 1651, avant d'entrer dans Santiago, capitale du Guatemala qu'il avait rejointe à pieds, Pedro s'agenouilla, pria et baisa la terre. Il était deux heures de l'après-midi. Nous savons qu'à cette heure même, il y eut dans cette région un violent tremblement de terre. Alors, sans penser aux risques qu'il courait, Pedro alla porter secours aux victimes. Mais le lendemain, épuisé à la fois par sa maladie, son voyage et par son charitable dévouement, il se rendit à l'hôpital de Saint-Jean de Dieu qui accueillait les malades les plus délaissés, y compris de nombreux Amérindiens et des Africains. Curieusement, malgré la gravité de son état, Pedro guérit rapidement et alla travailler chez un boulanger. Témoin de la souffrance des esclaves, il s'intéressa à leur sort. Nous savons que Pedro chercha d'abord à améliorer leur situation, en partageant son propre salaire, et en les instruisant avec bonté. De plus, il récitait avec eux le Rosaire afin de transformer leurs mœurs dépravées.

Un jour, Pedro se rendit au couvent des Franciscains. Le Père Fernand Espino le reçut avec bonté et, constatant la valeur spirituelle de notre ami, le Père Fernand l'invita à faire des études en vue du sacerdoce. Dès lors, Pedro étudia jour et nuit, mais les résultats ne correspondant pas à ses efforts, après avoir prié la Sainte Vierge, il décida d'abandonner la voie du sacerdoce, et d'entrer dans le Tiers-Ordre de Saint-François dont il revêtit l'habit en janvier 1655. Puis il devint le sacristain de l'église d'El Calvario. Pedro priait beaucoup dans ce sanctuaire tout en s'occupant des déshérités, visitant les hôpitaux, les prisons, les pauvres, les affamés et les émigrés sans travail; il catéchisait les enfants avec des chants et des jeux. Sa bonté et sa sainteté étaient si grandes que bientôt des foules nombreuses envahirent l'église d'El Calvario…

Certes, la charité de Pedro, Frère Franciscain était grande… mais il devait améliorer son caractère trop entier, qu'il avait peut-être hérité de sa maman. Heureusement, empli d'un esprit de joie et d'une grande ferveur religieuse, et avec la grâce de Dieu, Pedro réussit à corriger ses nombreux défauts, à se faire petit aux yeux de Dieu et de ses frères. Et il continuait à manifester, en plus de sa ferveur religieuse, la Miséricorde de Dieu telle qu'elle sera présentée, trois cents ans plus tard, par le  Catéchisme de l'Église catholique disant: "Les œuvres de miséricorde sont les actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles... Sous ses multiples formes: dénuement matériel, oppression injuste, infirmités physiques et psychiques, et enfin la mort, la misère humaine est le signe manifeste de la condition native de faiblesse où l'homme se trouve depuis le premier péché, et du besoin de salut. C'est pourquoi cette misère humaine a attiré la compassion du Christ Sauveur qui a voulu la prendre sur Lui et s'identifier aux plus petits d'entre ses frères. C'est pourquoi ceux que cette misère accable sont l'objet d'un amour de préférence de la part de l'Église qui, depuis les origines, en dépit des défaillances de beaucoup de ses membres, n'a cessé de travailler à les soulager, les défendre et les libérer. Elle l'a fait par d'innombrables œuvres de bienfaisance qui restent toujours et partout indispensables." (numéros 2447 et 2448 du CEC).

Mais comment Pedro de San José de Bétencourt réussit-il à réaliser toutes ses œuvres? Poussé par le même esprit de charité que sainte Rose de Lima, une sainte qui lui était contemporaine, le Frère Pedro acheta, en février 1658, une pauvre maison qu'il nomma "la petite maison de Notre-Dame de Bethléem." Là, il accueillit des enfants vagabonds, blancs, métis, créoles, ou noirs. Bientôt arrivèrent des convalescents pauvres renvoyés des hôpitaux, des étudiants et des étrangers. Et c'est ainsi que cet homme peu instruit devint le fondateur de la première école gratuite d'alphabétisation d'Amérique centrale et du premier hôpital pour convalescents des terres espagnoles d'Amérique. Bientôt il fallut agrandir le local et  acquérir d'autres maisons. Avec quel argent? Celui de la générosité des familles aisées qui assuraient quotidiennement et à tour de rôle, la nourriture des indigents vivant avec Pedro. Pour les autres besoins, Pedro parcourait inlassablement les rues de la ville, sollicitant de l'aide. De plus il avait une confiance illimitée dans la Miséricorde de Dieu. Sa charité universelle lui mérita le titre de "Mère du Guatemala", titre décerné par le Pape Jean-Paul II, lors de sa béatification, le 22 juin 1980.

Il faut rappeler ici un autre apostolat mis en œuvre par Pedro. Pendant la nuit, l'humble Tertiaire parcourait les rues de la ville en agitant une sonnette et en clamant tout haut: "Frères, souvenez-vous que nous avons une âme, et si nous la perdons nous ne pourrons pas la retrouver." Ainsi provoqua-t-il des conversions dont la plus célèbre fut celle d'un jeune homme noble, don Rodrigue Arias Maldonado, gouverneur du Costa-Rica. Ce jeune homme était venu au Guatemala pour recevoir une récompense du Roi d'Espagne. Une nuit, alors qu'il était sur le point de gravement pécher, il entendit la sonnette de Pedro. Don Rodrigue, furieux, se précipita dans la rue, armé de son épée, et bien décidé à faire taire ce personnage gênant. Mais Pedro, lisant dans son cœur, lui raconta les faits qui venaient de se produire. Comprenant alors qu'il avait affaire à un saint, le gentilhomme avoua ses péchés. Le lendemain, Rodrigue se rendit à l'hôpital et demanda son admission dans la Communauté de Pedro qui répondit: "Ce n'est pas encore le moment." Rentré chez lui, Rodrigue trouva le billet royal du Roi Philippe IV lui accordant le titre de Marquis de Talamanca ainsi qu'un riche traitement. On lui annonçait aussi qu'il serait nommé sous peu Vice-Roi de la nouvelle Espagne. Rodrigue retourna à l'hôpital. Pedro l'accueillit en disant: "Frère Rodrigue, la paix soit avec toi. Cette maison est la tienne. À partir d'aujourd'hui, tu t'appelleras Rodrigue de la Croix."

Pedro avait commencé seul son œuvre. Mais l'exemple de sa charité incita de nombreux jeunes Tertiaires de Saint-François à se joindre à lui pour secourir les malheureux. Pedro organisa pour eux une vie commune où la prière et la pénitence alternaient avec les œuvres de charité. Bientôt Pedro voulut construire un grand hôpital. Mais comment? À son évêque qui s'inquiétait, Pedro déclara que Dieu y pourvoirait. De fait, la foi et l'humilité de Pedro lui permirent de récolter peu à peu les fonds nécessaires. Mais, Pedro était épuisé… Le 20 avril 1667, voyant la mort arriver, il désigna Rodrigue de la Croix comme son successeur et, il le bénit par ces mots: "Que Dieu te rende humble!". Pedro, plein de joie, mourut le 25 avril suivant, en regardant un tableau de Saint Joseph, et en disant: "C'est là ma gloire..." Il avait 41 ans. Rodrigue de la Croix exécuta fidèlement les volontés du fondateur et rédigea les constitutions de l'Ordre de Bethléem. À côté des Frères, "les Bethléémites", il accepta également des Sœurs. En 1674, le Pape Clément X approuva les règles du nouvel ordre religieux, règles établies à partir de celles de saint Augustin.

Frère Pedro de San José de Bétancourt fut canonisé par le pape Jean-Paul II, le 22 juin 1980. Le même pape Jean Paul II le canonisa le 30 juillet 2002. Sa fête est le 25 avril. Il est le premier saint de l'Amérique centrale.

Petite remarque: Lors de la journée mondiale de la jeunesse, à Toronto, le 28 juillet 2002, le Pape Jean-Paul II exhorta les jeunes à servir Dieu et leurs frères. Il dit: "L'esprit du monde offre de multiples illusions, de nombreuses parodies du bonheur. Il n'est sans doute pas de ténèbres plus épaisses que celles qui s'insinuent dans l'âme des jeunes lorsque de faux prophètes éteignent en eux la lumière de la foi, de l'espérance et de l'amour. La tromperie la plus grande, la source la plus importante de malheur consistent dans l'illusion de trouver la vie en se passant de Dieu, d'atteindre la liberté en excluant les vérités morales et la responsabilité personnelle... Jésus, l'ami intime de chaque jeune, a les paroles de la vie. Le monde dont vous hériterez est un monde qui a désespérément besoin d'un sens renouvelé de la fraternité et de la solidarité humaine. C'est un monde qui a besoin d'être touché et guéri par la beauté et par la richesse de l'amour de Dieu. Le monde actuel a besoin de témoins de cet amour. Il a besoin que vous soyez le sel de la terre et la lumière du monde." Et le pape ajouta: "Frère Pedro est un héritage à ne pas perdre… Cet héritage doit susciter chez les chrétiens et chez tous les citoyens le désir de transformer la communauté humaine en une grande famille, où les relations sociales, politiques et économiques soient dignes de l'homme, et au sein de laquelle soit promue la dignité de la personne à travers la reconnaissance effective de ses droits inaliénables." Ces paroles, ne sont-elles pas, pour nous, d'une actualité exceptionnelle?

Homme très actif du XVII siècle, Saint Pedro de San José de Bétancourt était aussi toujours uni à Dieu, ne cessant jamais de prier et de méditer les mystères de la vie de Notre Sauveur. Puissions-nous, nous hommes du XXI siècle, qui ayant rejeté les commandements de Dieu sommes  tourmentés par l'absence de Dieu dans nos vies, puissions-nous choisir saint Pedro comme modèle et apprendre à prier avec lui.

 

Paulette Leblanc

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