Pedro de Betancur, ou Pedro de San José de Betancur, en
français Pierre de Bétancourt, naquit le
21 mars 1626 à Vilaflor dans
l'Ile de Tenerife, aux Canaries, territoire espagnol. Il
était l'aîné des cinq enfants d'une famille
paysanne pauvre. Mais ses parents étaient des chrétiens
fervents, pour qui la foi et l'amour de Dieu
constituaient la plus grande des richesses. Leurs cinq
enfants voyaient leur père prier avec ferveur, tandis
que leur maman savait se priver en faveur des pauvres,
malgré sa pauvreté. Le caractère de Pedro était très
fort, dominateur et très orgueilleux, probablement un
héritage d'un de ses aïeux, un gentilhomme normand qui
avait conquis les Canaries au service d'Henri III de
Castille.
Encore
enfant, Pedro s'occupait du troupeau de son père qu'il
conduisait dans les vallées et sur les plages de l'île.
Après la mort de son père, Pedro abandonna son travail
de berger pour cultiver la petite propriété familiale.
Un jour, il entendit un de ses parents, Frère Luis de
Betancur, un frère franciscain, parler de l'Amérique, de
ses forêts, de ses richesses, mais aussi des Amérindiens
et des Noirs réduits en esclavage. Une profonde
compassion naquit ainsi dans le cœur de Pedro pour ces
malheureux ainsi que le désir d'aller les évangéliser.
Mais
Madame de Betancur avait des projets de mariage pour son
fils. Pedro, qui ne partageait les intentions de sa mère
alla consulter une tante habitant à proximité. Tous les
deux prièrent longuement et ensuite, la tante montra à
son neveu la route de la mer en affirmant:
— Tu dois aller à la rencontre de Dieu, comme Pierre
marcha sur l'eau.
Plein de joie, Pedro écrivit à sa mère "qu'un plus
grand amour et un service de la plus haute importance le
pressaient de tout quitter."
Pedro embarqua sur un bateau qui devait traverser
l'Atlantique. Nous sommes en 1649. Pedro débarqua à La
Havane, située sur l'île de Cuba. Deux ans plus tard,
souhaitant rejoindre le continent américain, il
s'engagea, pour payer son voyage, comme garçon de
cabine. Il travailla sur le bateau avec tant d'ardeur,
tant de dévouement et tant de gentillesse que lorsque le
navire arriva à destination, le commandant ne voulut pas
se séparer de Pedro; et Pedro comprit que c'était la
volonté de Dieu. Mais peu de temps après, il tomba si
malade qu'on dut le débarquer sur une plage du
Guatemala, pays d'Amérique centrale qui appartenait à
l'Espagne. Pedro s'adressa à un pêcheur qui lui parla de
la ville de Santiago au Guatemala. Pedro comprit qu'il
devait se rendre dans cette ville car une joie profonde
et une force supérieure semblaient le pousser à y aller!
Le
18 février 1651, avant d'entrer dans Santiago, capitale
du Guatemala qu'il avait rejointe à pieds, Pedro
s'agenouilla, pria et baisa la terre. Il était deux
heures de l'après-midi. Nous savons qu'à cette heure
même, il y eut dans cette région un violent tremblement
de terre. Alors, sans penser aux risques qu'il courait,
Pedro alla porter secours aux victimes. Mais le
lendemain, épuisé à la fois par sa maladie, son voyage
et par son charitable dévouement, il se rendit à
l'hôpital de Saint-Jean de Dieu qui accueillait les
malades les plus délaissés, y compris de nombreux
Amérindiens et des Africains. Curieusement, malgré la
gravité de son état, Pedro guérit rapidement et alla
travailler chez un boulanger. Témoin de la souffrance
des esclaves, il s'intéressa à leur sort. Nous savons
que Pedro chercha d'abord à améliorer leur situation, en
partageant son propre salaire, et en les instruisant
avec bonté. De plus, il récitait avec eux le Rosaire
afin de transformer leurs mœurs dépravées.
Un
jour, Pedro se rendit au couvent des Franciscains. Le
Père Fernand Espino le reçut avec bonté et, constatant
la valeur spirituelle de notre ami, le Père Fernand
l'invita à faire des études en vue du sacerdoce. Dès
lors, Pedro étudia jour et nuit, mais les résultats ne
correspondant pas à ses efforts, après avoir prié la
Sainte Vierge, il décida d'abandonner la voie du
sacerdoce, et d'entrer dans le Tiers-Ordre de
Saint-François dont il revêtit l'habit en janvier 1655.
Puis il devint le sacristain de l'église d'El
Calvario. Pedro priait beaucoup dans ce sanctuaire
tout en s'occupant des déshérités, visitant les
hôpitaux, les prisons, les pauvres, les affamés et les
émigrés sans travail; il catéchisait les enfants avec
des chants et des jeux. Sa bonté et sa sainteté étaient
si grandes que bientôt des foules nombreuses envahirent
l'église d'El Calvario…
Certes, la charité de Pedro, Frère Franciscain était
grande… mais il devait améliorer son caractère trop
entier, qu'il avait peut-être hérité de sa maman.
Heureusement, empli d'un esprit de joie et d'une grande
ferveur religieuse, et avec la grâce de Dieu, Pedro
réussit à corriger ses nombreux défauts, à se faire
petit aux yeux de Dieu et de ses frères. Et il
continuait à manifester, en plus de sa ferveur
religieuse, la Miséricorde de Dieu telle qu'elle sera
présentée, trois cents ans plus tard, par le Catéchisme
de l'Église catholique disant: "Les
œuvres de miséricorde sont les actions charitables par
lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses
nécessités corporelles et spirituelles... Sous ses
multiples formes: dénuement matériel, oppression
injuste, infirmités physiques et psychiques, et enfin la
mort, la misère humaine est le signe manifeste de la
condition native de faiblesse où l'homme se trouve
depuis le premier péché, et du besoin de salut. C'est
pourquoi cette misère humaine a attiré la compassion du
Christ Sauveur qui a voulu la prendre sur Lui et
s'identifier aux plus petits d'entre ses frères. C'est
pourquoi ceux que cette misère accable sont l'objet d'un
amour de préférence de la part de l'Église qui, depuis
les origines, en dépit des défaillances de beaucoup de
ses membres, n'a cessé de travailler à les soulager, les
défendre et les libérer. Elle l'a fait par
d'innombrables œuvres de bienfaisance qui restent
toujours et partout indispensables."
(numéros 2447 et 2448 du CEC).
Mais
comment Pedro de San José de Bétencourt réussit-il à
réaliser toutes ses œuvres? Poussé par le même esprit de
charité que sainte Rose de Lima, une sainte qui lui
était contemporaine, le Frère Pedro acheta, en février
1658, une pauvre maison qu'il nomma "la petite maison
de Notre-Dame de Bethléem." Là, il accueillit des
enfants vagabonds, blancs, métis, créoles, ou noirs.
Bientôt arrivèrent des convalescents pauvres renvoyés
des hôpitaux, des étudiants et des étrangers. Et c'est
ainsi que cet homme peu instruit devint le fondateur de
la première école gratuite d'alphabétisation d'Amérique
centrale et du premier hôpital pour convalescents des
terres espagnoles d'Amérique. Bientôt il fallut agrandir
le local et acquérir d'autres maisons. Avec quel
argent? Celui de la générosité des familles aisées qui
assuraient quotidiennement et à tour de rôle, la
nourriture des indigents vivant avec Pedro. Pour les
autres besoins, Pedro parcourait inlassablement les rues
de la ville, sollicitant de l'aide. De plus il avait une
confiance illimitée dans la Miséricorde de Dieu. Sa
charité universelle lui mérita le titre de "Mère du
Guatemala", titre décerné par le Pape Jean-Paul II,
lors de sa béatification, le 22 juin 1980.
Il
faut rappeler ici un autre apostolat mis en œuvre par
Pedro. Pendant la nuit, l'humble Tertiaire parcourait
les rues de la ville en agitant une sonnette et en
clamant tout haut: "Frères, souvenez-vous que nous
avons une âme, et si nous la perdons nous ne pourrons
pas la retrouver." Ainsi provoqua-t-il des
conversions dont la plus célèbre fut celle d'un jeune
homme noble, don Rodrigue Arias Maldonado, gouverneur du
Costa-Rica. Ce jeune homme était venu au Guatemala pour
recevoir une récompense du Roi d'Espagne. Une nuit,
alors qu'il était sur le point de gravement pécher, il
entendit la sonnette de Pedro. Don Rodrigue, furieux, se
précipita dans la rue, armé de son épée, et bien décidé
à faire taire ce personnage gênant. Mais Pedro, lisant
dans son cœur, lui raconta les faits qui venaient de se
produire. Comprenant alors qu'il avait affaire à un
saint, le gentilhomme avoua ses péchés. Le lendemain,
Rodrigue se rendit à l'hôpital et demanda son admission
dans la Communauté de Pedro qui répondit: "Ce n'est
pas encore le moment." Rentré chez lui, Rodrigue
trouva le billet royal du Roi Philippe IV lui accordant
le titre de Marquis de Talamanca ainsi qu'un riche
traitement. On lui annonçait aussi qu'il serait nommé
sous peu Vice-Roi de la nouvelle Espagne. Rodrigue
retourna à l'hôpital. Pedro l'accueillit en disant:
"Frère Rodrigue, la paix soit avec toi. Cette maison est
la tienne. À partir d'aujourd'hui, tu t'appelleras
Rodrigue de la Croix."
Pedro avait commencé seul son œuvre. Mais l'exemple de
sa charité incita de nombreux jeunes Tertiaires de
Saint-François à se joindre à lui pour secourir les
malheureux. Pedro organisa pour eux une vie commune où
la prière et la pénitence alternaient avec les œuvres de
charité. Bientôt Pedro voulut construire un grand
hôpital. Mais comment? À son évêque qui s'inquiétait,
Pedro déclara que Dieu y pourvoirait. De fait, la foi et
l'humilité de Pedro lui permirent de récolter peu à peu
les fonds nécessaires. Mais, Pedro était épuisé… Le 20
avril 1667, voyant la mort arriver, il désigna Rodrigue
de la Croix comme son successeur et, il le bénit par ces
mots: "Que Dieu te rende humble!". Pedro, plein
de joie, mourut le 25 avril suivant, en regardant un
tableau de Saint Joseph, et en disant: "C'est là ma
gloire..." Il avait 41 ans. Rodrigue de la Croix
exécuta fidèlement les volontés du fondateur et rédigea
les constitutions de l'Ordre de Bethléem. À côté des
Frères, "les Bethléémites", il accepta également
des Sœurs. En 1674, le Pape Clément X approuva les
règles du nouvel ordre religieux, règles établies à
partir de celles de saint Augustin.
Frère Pedro de San José de Bétancourt fut canonisé par
le pape Jean-Paul II, le 22 juin 1980. Le même pape Jean
Paul II le canonisa le 30 juillet 2002. Sa fête est le
25 avril. Il est le premier saint de l'Amérique
centrale.
Petite remarque: Lors de la journée mondiale de la
jeunesse, à Toronto, le 28 juillet 2002, le Pape
Jean-Paul II exhorta les jeunes à servir Dieu et leurs
frères. Il dit: "L'esprit du monde offre de multiples
illusions, de nombreuses parodies du bonheur. Il n'est
sans doute pas de ténèbres plus épaisses que celles qui
s'insinuent dans l'âme des jeunes lorsque de faux
prophètes éteignent en eux la lumière de la foi, de
l'espérance et de l'amour. La tromperie la plus grande,
la source la plus importante de malheur consistent dans
l'illusion de trouver la vie en se passant de Dieu,
d'atteindre la liberté en excluant les vérités morales
et la responsabilité personnelle... Jésus, l'ami intime
de chaque jeune, a les paroles de la vie. Le monde dont
vous hériterez est un monde qui a désespérément besoin
d'un sens renouvelé de la fraternité et de la solidarité
humaine. C'est un monde qui a besoin d'être touché et
guéri par la beauté et par la richesse de l'amour de
Dieu. Le monde actuel a besoin de témoins de cet amour.
Il a besoin que vous soyez le sel de la terre et la
lumière du monde." Et le pape ajouta: "Frère
Pedro est un héritage à ne pas perdre… Cet héritage doit
susciter chez les chrétiens et chez tous les citoyens le
désir de transformer la communauté humaine en une grande
famille, où les relations sociales, politiques et
économiques soient dignes de l'homme, et au sein de
laquelle soit promue la dignité de la personne à travers
la reconnaissance effective de ses droits inaliénables."
Ces paroles, ne sont-elles pas, pour nous, d'une
actualité exceptionnelle?
Homme très actif du XVII siècle, Saint Pedro de San José
de Bétancourt était aussi toujours uni à Dieu, ne
cessant jamais de prier et de méditer les mystères de la
vie de Notre Sauveur. Puissions-nous, nous hommes du XXI
siècle, qui ayant rejeté les commandements de Dieu
sommes tourmentés par l'absence de Dieu dans nos vies,
puissions-nous choisir saint Pedro comme modèle et
apprendre à prier avec lui.
Paulette Leblanc |