Noël Pinot naquit à Angers le 19 décembre 1747. Il était
le 16ème enfant d'une famille très
chrétienne, mais qui connut de très lourdes épreuves. En
effet, le jour même de la naissance de Noël, mourait le
petit frère qui l'avait
précédé,
et, deux mois plus tard, en février 1748, c'est une de
ses sœurs qui décédait, âgée de 12 ans. Ce décès fut
bientôt suivi de la mort d'une autre sœur de cinq ans et
demi. Enfin ce fut le papa, René Pinot, tisserand, qui
disparut à l'âge de cinquante ans, en 1756. Noël n'avait
que neuf ans. D'autres enfants étant également décédés,
il ne restait plus, pour travailler et gagner le pain de
la famille, que Pierre, âgé de quatorze ans. Cependant,
il y avait eu une grande joie dans la famille, en 1753,
lorsque le fils aîné, René, fut ordonné prêtre. Notons
ici que c'est lui qui enseigna les premiers rudiments de
latin à notre Noël, son petit frère, dès que ce dernier
lui eût exprimé son désir de devenir prêtre.
Noël entra au collège d'Angers, qui est devenu l'Hôtel
de ville d'Angers. Il entra ensuite au séminaire pour
étudier la philosophie. Notons que ce séminaire est
devenu l'École des Beaux-Arts, tandis que la chapelle
deviendra un temple protestant. Noël dut affronter
toutes sortes de péripéties et ne pourra aller au Grand
Séminaire que plus tard. Remarquons encore que ce Grand
Séminaire abrite maintenant un musée et la Bibliothèque
municipale. Noël Pinot fut enfin ordonné le 22 décembre
1770: il avait trente-trois ans. Lors de sa première
messe, il fut assisté par son frère aîné, prêtre, en
présence de leur maman.
Noël fut d'abord nommé vicaire à
Bousse,
dépendant de l'archiprêtré de La Flèche. Il devint
ensuite devient instituteur à l'école du village de
Montsabert à Coutures,
petite ville du Maine et Loire. Puis, il fut
nommé vicaire à
Corzé. En 1781, Noël Pinot revient à Angers
comme aumônier de l'Hôpital des Incurables. Il était à
peine de retour à Angers, auprès de son frère aîné,
chapelain à la cathédrale, que moururent sa sœur et sa
chère maman. Très actif auprès des incurables, Noël fut
particulièrement aimé d'eux, ces malades "qui le
chérissaient comme un père." En 1788, il fut nommé
curé du
Louroux-Béconnais. Cette paroisse étant
extrêmement pauvre, Noël Pinot voulut imiter saint
Martin de Tours; il se dépouilla de tous ses biens pour
les donner aux pauvres et devenir ainsi "le premier
pauvre de la paroisse." Cette paroisse était alors la
plus vaste de l'Anjou, mais aussi la plus pauvre, les
paysans ne pouvant cultiver qu'un peu de seigle.
Nous arrivons à la Révolution Française. Noël refusa de
prêter le serment exigé par la Constitution civile du
clergé, loi votée le 12 août 1790 et qu'il estimait
schismatique. Le 27 février 1791, il expliqua, en
chaire, à ses paroissiens du Louroux-Béconnais, pourquoi
il refusait ce serment. Commença alors pour ce pauvre
curé, comme pour des centaines d'autres en France, un
atroce chemin de Croix qui durera trois ans. Très vite,
un groupe de 50 gendarmes vint l'arrêter de nuit. Ils le
ligotèrent et l'emmenèrent à Angers, où il fut enfermé
dans la prison royale. Les tribunaux d'Angers et de
Beaupreau le condamnèrent à résider pendant deux ans à
huit lieues de sa paroisse, à Saint Macaire en Mauges,
dans le département du Maine et Loire. Cependant,
clandestinement, il poursuivait son ministère malgré les
risques encourus, allant de village en village. Il
retournait même parfois au Louroux où un prêtre jureur
l'avait remplacé. Cela dura de 1791 à 1793.
Ici une petite remarque s'impose: à partir de la fin de
1789, on commença à redessiner la carte administrative
de la France. Il fallait, en effet, modifier les noms
des lieux rappelant les périodes féodales ou
chrétiennes. Mais la paroisse du Louroux ne changea pas
de nom, car les "législateurs" ignoraient que ce
nom de localité venait du latin oratorium!
Nous sommes en 1793 à l'époque où les Vendéens se
soulevèrent. Ils délivrèrent Angers et Le Louroux. Noël
Pinot revint dans sa paroisse. Mais cette joie cela dura
peu car les Vendéens furent rapidement chassés par les
révolutionnaires. Pour échapper à ses ennemis, Noël
s'habilla en paysan et laissa pousser sa barbe. Il se
cachait le jour, et ne rencontrait ses paroissiens que
la nuit, dans des conditions souvent très difficiles,
surtout pendant l'hiver 1793-1794. Cela aurait pu durer
longtemps car les paysans le protégeaient; mais nous ne
devons pas oublier que sa tête était mise à prix et que
la chasse à l'homme avait commencé. Des militaires
sillonnaient le pays mais heureusement les paysans
avertissaient à temps leur prêtre et le cachaient. Noël
Pinot put ainsi assumer ses charges de prêtre et de curé
pendant 8 mois.
Cependant les forces physiques de Noël diminuaient,
ajoutant une nouvelle épreuve aux menaces continuelles
dressées par ""les Bleus". Mais un jour, Noël fut
dénoncé par un de ses anciens protégés, un certain
ouvrier-charpentier nommé Niquet. Ce traître le dénonça
aux autorités militaires
contre quelques pièces d'argent… Et Noël fut
arrêté dans la nuit du 8 février 1794 pendant qu'il
célébrait une messe clandestine au Louroux-Béconnais peu
avant minuit. La maîtresse de maison, une veuve, chez
qui la messe était célébrée, cacha le prêtre dans un
grand coffre mais les soldats le découvrirent et
profanèrent les hosties consacrées. Ligoté, le prêtre
dit "adieu" à ses fidèle et, apercevant une petite fille
il lui donna son chapelet en disant: "Prends, ma
petite Marie, prends ce chapelet, et garde-le en
souvenir de moi."
L'Abbé Noël Pinot fut conduit à Angers où il comparut
devant la Commission militaire révolutionnaire et fut
condamné à mort après une parodie de procès. Il fut
guillotiné le 3 ventôse an II, en fait le 21 février
1794, dans ses vêtements liturgiques. Il monta sur
l'échafaud en récitant les prières de la messe: "Introibo
ad altare Dei", je monterai jusqu'à l'autel de Dieu.
Noël Pinot fut béatifié par le pape Pie XI en 1926, au
cours de la première célébration de la fête du
Christ-Roi. Il fut canonisé le 19 février 1984 par le
pape Jean-Paul II.
Voici maintenant quelques petits détails intéressants.
La guillotine était installée à l'endroit même du maître
autel de l'église Saint-Pierre, qui avait été
complètement démolie. Guillotiné le vendredi 21 février
1794, Noël Pinot fut ensuite jeté dans la fosse commune.
Puis les autorités recherchèrent et conduisirent à la
mort tous les "suspects" qui auraient aidé Noël Pinot
durant sa "cabale". Eux aussi furent jetés dans cette
même fosse commune. Puis tous les restes furent mélangés
et transportés ailleurs, de sorte qu'on ne put retrouver
le corps du prêtre martyr.
*****
Mes
amis, si je vous ai parlé aujourd'hui d'un saint prêtre
terriblement martyrisé avant d'être mis à mort pendant
la révolution, c'est que les événements qui ont conduits
Noël Pinot au martyre et à la mort, sont très
comparables à ce que nous vivons actuellement. Devant le
spectacle de tant de chrétiens et même de prêtres
incapables de résister à l'esprit du monde, acceptant
même les lois ignobles qui sont constamment votées, dont
le mariage pour tous, l'avortement, l'euthanasie, etc…
choses totalement contraires à l'esprit de l'Évangile et
à la Loi de Dieu, comment réagissons-nous? Nous, qui
nous prétendons être de vrais chrétiens, serions-nous
capables d'accepter les persécutions que tant de
chrétiens héroïques de la Révolution française ont
vécues? N'oublions jamais que
"L’ouverture au monde"
expression si souvent entendue, ne signifie pas accepter
ce que vit le monde athée, mais aller vers les hommes du
monde afin de les évangéliser. Nous avons là, beaucoup à
méditer…
Paulette Leblanc |