Michel Garicoïts, aîné de six enfants, naquit le 15
avril 1797 à Ibarre, une ancienne commune française du
département des Pyrénées Atlantiques, fusionnée depuis
le 25 juin 1841 avec Saint-Just pour former la nouvelle
commune de Saint-Just-Ibarre. Nous sommes en plein Pays
Basque.
Les
parents de Michel, Arnaud Garicoïts et Gratianne
Etchéverry, étaient des fermiers très pauvres mais
profondément chrétiens.
Arnaud et Gratianne, mariés pendant la Révolution
française, aidaient les prêtres réfractaires en fuite.
En effet, de très nombreux prêtres, traqués par les
révolutionnaires, se réfugiaient chez eux, et Arnaud,
très discrètement, les aidait à passer
la
frontière espagnole.
L'éducation de Michel fut difficile. Doté d'un
tempérament fort et violent, d'une force physique
exceptionnelle, il était très batailleur. Aussi
donna-t-il beaucoup de mal à sa maman. Plus tard il
dira: "Sans ma mère, je serais devenu un scélérat."
Un jour, alors qu'il avait dérobé quelque chose chez
un commerçant, sa mère lui dit:
"Serais-tu content qu'on fasse ainsi pour toi?
Michel se mordit les
lèvres et la parole de l'Évangile: "ne fais pas à
autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse" lui
revint en mémoire et le frappa si fort que, raconta-t-il
plus tard, "ce
fait et toutes ses circonstances ne s'effacèrent jamais
de ma mémoire."
Pour
corriger le tempérament difficile de son fils, Gratianne
ne l'accablait pas de longs discours, mais, elle le
tournait tout simplement, du monde visible vers le monde
invisible. Ainsi, un jour, devant le feu flamboyant du
poêle de la cuisine, elle lui dit:
— Mon fils, c'est dans un feu bien plus terrible que
Dieu jettera les enfants qui font le péché mortel.
Michel, tout tremblant, en
tira une saine leçon sur les fins dernières ainsi qu'une
vive horreur du péché. Cependant, plus souvent que
l'enfer, c'est le Ciel qui revenait dans les remarques
de sa mère. Et c'est ainsi que, grâce aux soins
attentifs de sa mère, Michel apprit à se tourner vers le
Seigneur, à être fidèle au Christ et à son Église. Ces
valeurs éducatives de la mère de Michel Garicoïts, ont
été mises en valeur par le pape Jean-Paul II qui
déclara, le 5 juillet 1997:
"Dans la démarche
spirituelle de Michel Garicoïts, sa famille a une place
importante... Grâce à elle, en notre temps où les
valeurs conjugales et familiales sont si souvent
bafouées, la famille Garicoïts demeure un exemple pour
les couples et pour les éducateurs, qui ont la
responsabilité de transmettre le sens de la vie et de
faire percevoir la grandeur de l'amour humain, ainsi que
de faire naître le désir de rencontrer et de suivre le
Christ."
En
1806 Michel alla à l'école et se montra un élève
brillant, mais dès 1809, il fut placé comme domestique
dans une ferme. Cependant, quand il sortait avec le
troupeau dont il avait la garde, Michel emportait
toujours un livre avec lui, pour apprendre la grammaire
et le catéchisme. Lorsqu'il eut fait sa première
communion, en 1811, l'Eucharistie devint sa grande soif.
Il écrira plus tard: "C'est
le Dieu fort: sans Lui, mon âme languit, elle a soif...
C'est le Dieu vivant: sans Lui, je meurs... Je pleure
nuit et jour quand je me vois éloigné de mon Dieu..."
Dès son plus jeune âge, Michel désira devenir prêtre.
De
retour dans sa famille, en 1813, il en parla à ses
parents qui refusèrent car ils n'avaient pas les moyens
de lui payer des études. Heureusement sa grand'mère put
recourir à un prêtre qu'elle connaissait bien, le curé
de Saint Palais situé non loin de Bayonne. Le prêtre
prit Michel à son service dans son presbytère. Dès lors,
le jeune étudiant outre les tâches domestiques qu'il
devait assumer, se donna à fond à ses études, étudiant
sans cesse sur les chemins, en mangeant, et aussi durant
une partie de ses nuits. Il parvint à d'excellents
résultats. Après trois ans passés à Saint-Palais, Michel
fut envoyé à Bayonne pour rendre des services à l'évêché
tout en poursuivant de solides études à l'école
Saint-Léon. Enfin, en 1818, Michel entrera au Petit
séminaire d'Aire-sur-l'Adour, puis, en 1819, au grand
séminaire de Dax. En 1821, on lui confia un poste de
professeur au Petit Séminaire de Larressore; là, durant
ses temps libres, il poursuivait ses études de
théologie. Le 20 décembre 1823, il fut ordonné prêtre.
Au
début de l'année 1824, Michel fut nommé vicaire à Cambo,
pour assister le curé âgé et paralysé. L'abbé Garicoïts
gagna rapidement les cœurs de ses paroissiens. Ses
prédications claires et animées par l'amour de Dieu et
du prochain, attirèrent à l'église de nombreuses
personnes qui en avait oublié le chemin. Sa réputation
se répandit dans tout le pays basque et il passait des
journées entières au confessionnal, quitte à se priver
de repas. Il s'occupait personnellement du catéchisme
des enfants, sûr que la mission du prêtre était
d'enseigner les éléments de la doctrine chrétienne: en
effet, pour lui, les formules d'un bon catéchisme
restent pour beaucoup d'hommes dont la vie a été très
bousculée, le principal rappel chrétien à l'heure de la
mort. De plus, très souvent Michel se retirait à
l'église pour prier longuement devant le Très
Saint-Sacrement.
À la
fin de 1825, Michel Garicoïts fut nommé professeur de
philosophie au Grand Séminaire de Bétharram; il en
devint aussi l'économe. L'état de ce Séminaire était
lamentable, tant matériellement que spirituellement, le
Supérieur, très âgé n'ayant plus la force de gouverner
la maison. L'abbé Garicoïts réussit le redressement
devenu urgent. Peu à peu, grâce à ses qualités morales
il réalisa, avec l'appui des séminaristes, la réforme
indispensable. En 1831, le Supérieur du Séminaire
mourut, et l'abbé Garicoïts fut nommé directeur à sa
place. Malheureusement, cette même année, l'Évêque
décida de transférer le Séminaire à Bayonne… Et le
nouveau Supérieur du séminaire de Bétharram se retrouva
seul dans les grands bâtiments vides.
Les bâtiments du Séminaire
de Bétharram jouxtaient le sanctuaire consacré à la
Sainte Vierge depuis le 16ème siècle, où
beaucoup de miracles s'étaient produits. Des foules
nombreuses venaient toujours y prier la Très sainte
Vierge. L'abbé Garicoïts profita donc de ses temps
libres pour mettre en œuvre un apostolat fécond au moyen
de la confession et de la direction spirituelle. Il
visitait même, plusieurs fois par semaine, à Igon,
village situé à quatre kilomètres de Bétharram, les
Filles de la Croix, religieuses d'une Congrégation
récente dont la fondatrice, Jeanne-Élisabeth Bichier des
Ages, le soutiendra beaucoup. La maison religieuse d'Igon
dont Michel était devenu le directeur spirituel, se
consacrait surtout à l'apostolat en milieu populaire.
Michel, l'abbé Garicoïts, apprécia beaucoup ces
religieuses et, après une retraite spirituelle prêchée
par les jésuites, à Toulouse, en 1832, il désira devenir
jésuite. Mais le Père supérieur lui dit:
"Dieu vous veut plus que
Jésuite... Vous suivrez votre première inspiration, que
je crois venue du Ciel, et vous serez le père d'une
famille religieuse qui sera notre sœur. En attendant,
Dieu veut que vous restiez à Bétharram, en continuant
les ministères que vous y remplissez. Faites-y le bien
et attendez."
L'abbé Garicoïts rentra à Bétharram et réfléchit à son
idée de former une communauté religieuse vouée à
l'enseignement, à l'éducation, à la formation religieuse
du peuple ouvrier et paysan, mais aussi à toutes sortes
d'autres missions. Dans ce but, il s'adjoignit trois
prêtres et forma une petite communauté qui se développa
rapidement. Bientôt le Père Garicoïts créa une
"mission" spéciale pour assurer le service du
sanctuaire de Bétharram, recevoir et confesser les
pèlerins et diriger des retraites. Car pour lui,
"posséder Dieu éternellement était le souverain bien de
l'homme, tandis que son souverain mal était la damnation
éternelle." Michel rappelait souvent les paroles de
Jésus nous mettant en garde contre l'enfer en disant:
"Au jour du jugement général, Dieu s'adressera à ceux
qui seront à sa gauche pour leur dire: 'Allez-vous-en
loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour
le démon et ses anges...' Et ils s'en iront au châtiment
éternel. Par contre, les justes iront à la vie
éternelle." (Mt 25, 41-46). Mais le Père Garacoïts
n'oubliait pas, pour autant, l'infinie Miséricorde du
Seigneur. Sans cesse il rappelait la tendresse de Dieu
manifestée dans son Incarnation, sa Passion et surtout
son Sacré-Cœur. Et il n'hésitait pas à redire que le don
du Saint-Esprit qui confère cette tendresse est le don
de Piété.
Après la révolution française, la France était à
rechristianiser. Pour cela il fallait d'abord
rechristianiser l'enseignement. C'est pourquoi le Père
Garicoïts ouvrit en novembre 1837, une école primaire à
Bétharram. Le succès fut immédiat. Aussi, en 1838,
fonda-t-il la Société des Prêtres auxiliaires du
Sacré-Cœur de Jésus. Pour notre Saint, éduquer un homme,
c'était le former, lui donner un métier et, ainsi, le
préparer à la vie éternelle. Encouragé par les résultats
merveilleux qu'il constatait chez les élèves, il ouvrit,
ou reprit, de nombreuses écoles dans la région.
Saint Michel Garicoïts avait communiqué un tel élan à
ses disciples que son institut essaima partout à travers
l’Europe, l’Amérique du Sud, jusqu’en Palestine et même
en Chine.
Nous
ne devons pas oublier que Michel Garicoïts priait
beaucoup et qu'il éclairait les âmes par une formation
doctrinale sérieuse en exposant les vérités de notre
foi.
Pourtant, malgré tous les succès qu'il remportait,
Michel Garicoïts rencontra beaucoup de difficultés à
faire reconnaître la Congrégation des Prêtres
auxiliaires du Sacré-Cœur de Jésus. Mais toujours il se
soumettait à son évêque… Ce n'est qu'après sa mort, au
cours des années 1870, que fut reconnue officiellement
par l'Église, la Société des prêtres du Sacré-Cœur de
Jésus.
L'activité du Père Michel était si débordante, se
partageant entre la direction des âmes, les écoles, sa
Congrégation et ses missions, et les Sœurs d'Igon, que
vers 1853, sa santé s'altéra. Il eut même quelques
attaques de paralysie. Durant le carême de 1863, une
crise particulièrement grave fit présager sa fin
prochaine. Le 14 mai 1863, jour de l'Ascension, il
s'éteignit en murmurant: "Ayez pitié de moi,
Seigneur, dans votre grande miséricorde." Il avait
66 ans.
Michel Garicoïts fut béatifié par le pape Pie XI le 15
mars 1923, et canonisé le 6 juillet 1947 par le pape Pie
XII. Sa fête qui avait été fixée le 14 mai fut ensuite
reportée au 15 mai.
Paulette Leblanc |