Marija Petkovic, plus connue sous son nom religieux
Marija de Jésus Crucifié, naquit le 10 décembre 1892
dans la paroisse de Tous les Saints à Blato, sur l'île
de Korcula, île située dans la mer Adriatique et
appartenant à la Croatie. Marija était le sixième des
huit enfants d'Antonio et de Maria Petkovic. Les parents
de Marija, très riches, éduquèrent cependant leurs
enfants dans la foi chrétienne et une vie très pieuse.
Antonio, père de Marija, employait dans son entreprise
agricole, 750 journaliers. Très jeune encore, Marija,
qui manifestait un penchant pour la piété et la
miséricorde, et ayant constaté les souffrances et la
faim de la population de l'ile, décida de protéger les
pauvres, ses "frères choisis et aimés du Seigneur",
comme elle les appelait. Elle voulut donc se faire
religieuse, malgré l'opposition de sa famille qui
voulait la marier; mais elle hésitait entre la vie
apostolique et la vie contemplative.
En
attendant, Marija s'occupait des enfants des journaliers
qui travaillaient pour son père. Peu à peu elle décida
de s'orienter vers la vie contemplative. Mais son
évêque, Monseigneur Josif Marcelic, évêque de Dubrovnik,
lui montra la misère qui régnait partout en cette
période de crise: c'était pendant la guerre de
1914-1918, et la maladie que l'on appelait la grippe
espagnole commençait ses ravages. En conséquence, afin
d'aider les pauvres et les personnes dans le besoin,
Marija suivit les conseils de son évêque Mgr Josip
Marcelic, et le jour de l'Annonciation de l'année 1919,
elle fonda une institution religieuse, les Filles de
la Miséricorde "pour l'éducation et l'instruction
de la jeunesse féminine du lieu". En effet,
Marija de Jésus Crucifié Petkovic aimait rencontrer les
pauvres ainsi que les personnes marginalisées et
méprisées. Elle reconnaissait en eux le visage de Jésus
souffrant et se réjouissait de pouvoir les servir.
En
1928, Mgr Marcelic, s'inspirant de la Règle du
Tiers-Ordre de saint François, fit entrer canoniquement
la nouvelle Congrégation dans le droit diocésain. Trente
ans plus tard, le 6 décembre 1956, la congrégation fut
reconnue par Rome et ses constitutions approuvées.
Marija Petkovic, du diocèse de Dubrovnik, et les sœurs
de sa Congrégation, devaient unir leur vie spirituelle
et leur vie apostolique, afin de répandre la foi et
l'amour dans le monde des pauvres et des plus petits.
Elle-même, Marija, puisant sa force spirituelle dans la
prière, était capable de supporter les offenses les plus
cruelles, car elle faisait "de la pauvreté et de
l'humilité les plus grandes valeurs de sa vie". De
plus, elle suivait exactement les conseils des pasteurs
de l'Église, envers lesquels elle se montrait docile et
obéissante.
Ayant une véritable estime pour les directives de son
Évêque et du Souverain Pontife, elle incitait ses sœurs
à faire de même. Un jour, pour expliquer à ses Sœurs la
signification des constitutions, elle écrivit: "Les
constitutions sont la parole et la loi de notre
Seigneur... La sainte Règle est le livre de la vie, la
voie de la croix, la clé et le lien de l'amitié
éternelle."
Beaucoup de jeunes filles, attirées par cette vie de
générosité et d’oubli de soi, rejoignirent la Communauté
des Filles de la Miséricorde.
Sœur
Marija allait là où la nécessité l’appelait. C'est ainsi
que son Institut s’étendit en Vojvodine, en Macédoine et
en Serbie, malgré toutes les nombreuses difficultés qui
se présentaient. Au début de l'année 1936, un
Franciscain Missionnaire lui demanda d’envoyer vingt
Sœurs en Amérique du sud. Faisant confiance à la
Providence, et convaincue qu'elle devait s'engager dans
la mission, Sœur Marija de Jésus Crucifié envoya des
religieuses qui arrivèrent à Buenos Aires, en Argentine,
le 31 Mars 1936.
En
1940, Sœur Marija se rendit en Amérique du sud pour une
visite officielle de ses Communautés. Mais, comme elle
ne pouvait pas rentrer en Croatie comme prévu, à cause
de la 2ème Guerre mondiale, elle s'installa
en Argentine où elle resta pendant douze ans, jusqu’en
1952, et elle s'efforça de développer son œuvre, non
seulement en Argentine, mais également au Paraguay. De
retour en Europe, elle se rendit à Rome pour ouvrir la
maison mère. Marija après avoir gouverné sa Congrégation
pendant quarante ans fut victime en 1958, d’une
hémorragie cérébrale qui la paralysa partiellement. Dès
lors, convaincue que sa mission de direction de la
Congrégation devait cesser, elle renonça à sa charge,
tout en continuant à soutenir ses Sœurs; et cela dura
huit ans...
Marija mourut le 9 juillet 1966. Nous devons savoir que
jusqu'à sa mort, Marija exhorta toujours ses Sœurs afin
que,
par
leur comportement et leurs sacrifices, "elles
montrent que s'étaient incarnés en elles l'amour, la
bonté et la miséricorde de Dieu". Aujourd'hui, la
Congrégation
des
Filles de la Miséricorde travaille dans plusieurs pays
d'Europe et d'Amérique. Les sœurs s'occupent de
l'éducation des enfants et des jeunes, de l'assistance
aux personnes âgées et malades, de l'apostolat
paroissial, ainsi que de la promotion de la dignité de
la personne et du développement des missions.
Marija, Sœur Marie de Jésus Crucifié, fut béatifiée
le 6 juin 2003, par le pape Jean-Paul II, en Croatie, au
cours de son voyage dans ce pays. Dans son homélie au
cours de la cérémonie de béatification,
le pape Jean-Paul II fit
remarquer que Sœur Marija, avait été "conquise par
l’amour de Dieu, ce qui l’avait décidée à se donner à
lui pour toujours en se consacrant totalement au bien
spirituel et matériel des plus pauvres ". Pour eux,
poursuivit le pape,
"elle fonda la
Congrégation des Filles de la Miséricorde, du
tiers-ordre régulier franciscain, avec pour tâche
précise de diffuser et de propager la connaissance de
l’amour divin par la pratique de la miséricorde
spirituelle et matérielle."
En
même temps, toujours dans son homélie, Jean-Paul II
mettait en garde ses auditeurs contre les leurres de
"la frénésie de la vie moderne qui peut conduire à
l’oubli voire à la perte de notre humanité. Peut-être
plus qu’à d’autres périodes de l’histoire,
disait-il, avons-nous besoin du génie de la
femme, capable de rendre l’homme plus sensible, quelles
que soient les circonstances."
Jean-Paul II encouragea aussi les femmes consacrées à
Dieu en disant: "Je pense aussi aux femmes consacrées
comme Marija Petkovic, qui ont répondu à l’invitation à
suivre sans réserve le Christ chaste, pauvre et
obéissant. Ne cessez pas de répondre fidèlement à
l’unique amour de votre existence, car la vie consacrée
n’est pas seulement un engagement généreux envers
l’homme, mais avant tout une réponse au don venu
d’En-Haut qui doit être accueilli avec une disponibilité
complète. Que l’expérience quotidienne de l’amour
gratuit de Dieu vous pousse à offrir votre vie sans
réserve au service de l’Église et de vos frères, en lui
confiant le présent et l’avenir".
Et
le pape fit l'éloge de Marija, "fille du diocèse de
Dubrovnik qui réussit dans sa vie spirituelle, à unir
l'œuvre apostolique de la diffusion de la foi au soin et
à l'amour pour les petits. Elle était capable de
supporter les offenses et elle fit de la pauvreté et de
l'humilité les plus grandes valeurs de sa vie".
Voici maintenant quelques détails chronologiques
concernant la vie de Sœur Marija de Jésus Crucifié.
Après son passage à l'école municipale, elle entra à
l'école ménagère de Blato, fondée par des religieuses
arrivées d'Italie, les Servantes de la Charité. En 1906,
elle devint Enfants de Marie, et rencontra l'évêque de
Dubrovnik, Mgr Josif Marčelić,
auquel elle fit part de son désir d'être religieuse; et
elle fit le vœu privé de chasteté. À partir de 1909
Marija fut la présidente des Filles de Marie. De plus,
elle aidait ses parents à la maison, et s'occupait de la
catéchèse dans sa paroisse. En 1911, après la mort de
son père elle se donna encore plus au service de sa mère
et de ses frères et sœurs. Pendant la Première Guerre
mondiale, en 1915, toujours sous le regard bienveillant
de son évêque, elle créa une première association: la
Société des Mères Catholiques, et, en 1917 elle prit la
tête du Tiers-Ordre franciscain. Elle participait
également à la soupe populaire organisée par les
Servantes de la Charité.
En
1919, Marija entra chez les Servantes de la Charité.
Mais la supérieure mourut deux mois plus tard, et les
religieuses retournèrent en Italie, à l'exception de
quatre, dont notre Marija. Avec l'accord de l'évêque,
ces quatre religieuses décidèrent de suivre la règle du
Tiers-Ordre franciscain, et, en hiver de la même année
1919, elles ouvrirent à Blato un centre d'hébergement,
une crèche et un orphelinat. L'été suivant, toujours sur
l'île de Korčula, mais à Pricba, Marija rédigea les
premières Constitutions de l'Ordre des Filles de la
Miséricorde. Cet Institut serait un Tiers-ordre
franciscain indépendant, avec pour mission de faire
connaître l'Amour divin et la Miséricorde, par des actes
de charité. L'évêque présidera la présentation de cette
nouvelle institution le jour de la fête de saint
François d'Assise, le 4 octobre 1920. Ce jour-là, Marija
prendra le nom de Marija od Propetoga Isusa, en français
Marija de Jésus Crucifié, et sera choisie comme mère
supérieure. Elle le restera jusqu'en 1952.
Les
Filles de la Miséricorde, pour assurer les moyens
matériels et financiers dont elles avaient besoin pour
aider les enfants pauvres et affamés, n'hésitèrent pas à
se rendre dans les plaines fertiles de Slavonie,
notamment à Backa. C'est là, qu'elles reçurent une aide
toute particulière du pape Pie XI. En 1923, Marija fonda
en Serbie, à Subotica d'abord, puis dans plusieurs
villes de Croatie, de Serbie et de Macédoine, des œuvres
pour les enfants. Par ailleurs, nous ne devons pas
oublier que pendant les trente-deux années de son
supériorat, Marija voyagea beaucoup, en Croatie, en
Italie, et en Amérique Latine et ouvrit des orphelinats,
des hôpitaux, des écoles. Enfin, en 1952, Marija vint à
Rome pour établir la maison-mère de la Congrégation.
Elle s'éteignit à Rome à soixante-quatorze ans, le 9
juillet 1966.
Paulette
Leblanc |