Hélène Marie Philippine de Chappotin de Neuville naît le
21 mai 1839 à Nantes, en Bretagne. Sa famille,
catholique, appartenait à la petite noblesse bretonne.
Son Père, Charles de Chappotin, était polytechnicien,
ingénieur des Ponts et Chaussées. Sa mère, Sophie
Galbaud du Fort était la nièce du général François
Thomas Galbaud-Dufort. Autour du berceau d'Hélène se
trouvaient ses quatre frères et sœurs ainsi que six
cousins et cousines. Un oncle et une tante vivaient en
effet avec les Chappotin dans un petit appartement
proche de la cathédrale de Nantes. Heureusement, la plus
grande partie de l'année se passait dans une vaste
propriété de famille, le Fort, située à quelques
kilomètres de la ville.
Enfant
douée et volontaire, Hélène révèle une grande maturité
d'esprit, mais son caractère entier inquiète sa mère qui
soigne particulièrement la formation religieuse de sa
petite fille; cependant Hélène aime beaucoup les pauvres
et sait se sacrifier pour eux. En 1847, Charles de
Chappotin est nommé ingénieur en chef à Vannes. Il faut
alors quitter la propriété du Fort pour un petit
appartement et se séparer du reste de la famille. Privée
de ses cousins, Hélène se réfugie dans la lecture. En
1850, elle fait sa première Communion, le jour de la
Fête-Dieu. Plusieurs deuils venant frapper la famille,
Hélène se pose la question: "Qu'est-ce qui vaut la
peine d'être aimé?" Cette énigme la tourmentera
pendant longtemps.
En
avril 1856, Hélène suit, à Nantes, une retraite avec les
Enfants de Marie. Lorsque commença le dernier salut du
Saint-Sacrement, une phrase traversa son esprit: "Je
suis Celui qui t'aimera toujours plus que tu ne
L'aimeras, Celui dont la Beauté est sans tache, sans
mécompte, car Je suis l'Infini, Dieu." Certes, ce
n'était qu'une pensée fugitive, mais la vie d'Hélène
sera désormais transformée par l'amour de Dieu; bientôt
elle comprit qu'elle devrait, plus tard, embrasser la
vie religieuse. Hélène avait à peine 17 ans. En 1860
elle entrait chez les Clarisses, mais sa santé l’obligea
à revenir dans sa famille qui d’ailleurs ne croyait pas
à sa vocation. Enfin, en 1864, elle rejoignit le
noviciat des Sœurs Réparatrices de Toulouse. On lui
donna le nom de Sœur Marie de la Passion. Au début de
1865, alors qu'elle était encore novice, elle fut
désignée pour aller à la mission du Maduré, au sud de
l'Inde. Le 3 mai 1866, Marie de la Passion prononçait
ses premiers vœux religieux, et presque aussitôt, elle
était nommée supérieure de la maison de Tuticorin. En
janvier 1867, on la nomma supérieure provinciale des
trois maisons du Maduré.
L'apostolat en Inde, était difficile. En 1874, on
demanda à Sœur Marie de la Passion d'ouvrir un
orphelinat et deux écoles à Ootacamund, un gros bourg
situé au nord du Maduré. La réalisation de ces
fondations se fit dans des conditions de grande
pauvreté. De plus, pendant ce temps, au Maduré, la
situation se dégradait par suite de multiples
incompréhensions concernant les œuvres de la
Congrégation et sa discipline. Mère Marie de la Passion
fut relevée de sa charge de provinciale, mais conserva
le supériorat de la maison d'Ootacamund. De plus, de
nombreuses sœurs, mal conseillées, décidèrent de quitter
la Congrégation. Mais une vingtaine d'entre elles
vinrent rejoindre Mère Marie de la Passion. Mgr Bardou,
l'évêque qui avait demandé la fondation d'Ootacamund,
accepta de les recevoir. Toutefois, il envoya Marie de
la Passion et deux de ses compagnes à Rome pour exposer
la situation et trouver une solution.
Pendant toutes ces démarches romaines, les Sœurs, mal
logées, souffrirent de la faim et du froid. Heureusement
les autorités se montrèrent favorables, et, dès le 5
janvier 1877, l'autorisation était donnée de fonder
l'Institut des Missionnaires de Marie, exclusivement
voué à la mission. Marie de la Passion rédigea un
règlement de vie à soumettre à Mgr Bardou. À la base,
elle mettait l'offrande de soi sans réserve pour
l'Église et le salut du monde; puis venait l'imitation
de Marie, suivant Jésus jusqu'au calvaire. Peu à peu des
convictions se faisaient dans son esprit: une
préparation spécifique était nécessaire aux
missionnaires; il fallait aussi une meilleure
connaissance des horizons culturels du pays où se
situait la mission. Examinons quelques points de la
pensée de Mère Marie de la Passion.
Mère
Marie de la Passion estimait que la raison de l'activité
missionnaire de l'Église, "découle de la volonté de
Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés et
parviennent à la connaissance de la vérité. Car il n'y a
qu'un seul Dieu, et un seul médiateur entre Dieu et les
hommes, l'homme Jésus-Christ, qui s'est livré en rançon
pour tous (1 Tm 2, 4-5); et il n'existe de salut
en aucun autre." (Ac 4, 12) Bien que Dieu
puisse, par des voies connues de Lui seul, amener à la
foi des hommes qui, sans faute de leur part, ignorent
l'Évangile, foi sans laquelle il est impossible de
plaire à Dieu, (He 11, 6) l'Église a le devoir impérieux
d'évangéliser. (cf. 1 Co 9, 16)
Mère
Marie de la Passion avait une âme profondément
missionnaire et avec ses 20 religieuses, elle désira
former un groupement purement missionnaire. Ce fut la
naissance, avec la bénédiction de Pie IX, des
“Missionnaires de Marie”. De plus, Mère Marie de la
Passion eut la joie d’être admise, avec ses Sœurs, dans
le Tiers-Ordre franciscain sous le nom de
“Franciscaines Missionnaires de Marie”. Désormais
les choses allèrent vite. Mère Marie de la Passion se
rendit en France pour y ouvrir un noviciat, à
Saint-Brieuc où l'évêque l'accueillit chaleureusement.
De nombreuses vocations se présentèrent. En 1878, eut
lieu la première cérémonie de départ missionnaire de
cinq novices pour l'Inde.
Bientôt Mère Marie de la
Passion dut aller à Rome. Là, elle rencontra le Père
Raphaël Delarbre, un franciscain qui lui demanda de
rédiger les Constitutions définitives de son Institut,
et d'ouvrir une maison à Rome même. Mère Marie de la
Passion s'adressa alors au Ministre général des
Franciscains, le Père Bernardin, qui donna son plein
accord. Il lui dira plus tard:
"Quand j'ai vu votre désir
d'appartenir à saint François, j'ai senti que c'était
pour notre Ordre un bonheur et une grâce."
Tout
semblait aller aussi bien que possible. Malheureusement,
en novembre 1882, une campagne de calomnies s'élèva et,
le 16 mars 1883, Marie de la Passion était déposée de sa
charge de Supérieure générale; il lui fut même interdit
d'écrire à ses religieuses. De plus, la Congrégation de
la Propagande, mal informée, trancha un litige financier
avec la société de Marie Réparatrice au désavantage des
Missionnaires de Marie, décision humainement
désastreuse.
Marie de la Passion était très éprouvée, et elle
ressentait d'autant plus l'humiliation qu'elle n'avait
pas pu se défendre; sa vie spirituelle en fut ébranlée.
Elle dira: "Tantôt ma foi sombrait, tantôt il me
semblait que Dieu me jugerait aussi sans m'entendre, et
me condamnerait sans cause." Finalement, en février
1884, Léon XIII nomma un "chargé d'affaires" pour
examiner la situation des Missionnaires de Marie. Après
enquête, la vérité fut reconnue, et à la fin de juillet
1884, un chapitre réélisait, à l'unanimité, Mère Marie
de la Passion comme Supérieure générale. L'épreuve avait
été particulièrement douloureuse, mais elle permit à
Mère Marie de la Passion de découvrir le plus grand
missionnaire de son Institut, Jésus Lui-même, présent
dans tous les tabernacles du monde. En 1888, elle écrira
même: "On n'a pas assez compris la puissance de
l'Eucharistie et de la prière jointe à l'action, pour la
conversion des peuples."
En
août 1885, l'Institut était officiellement placé sous la
direction du Ministre général des Franciscains. Commença
alors un remarquable essor missionnaire. Ainsi, en 1886,
quatre fondations furent réalisées: deux à Ceylan, une
en Chine et une à Paris. À partir de 1886, les demandes
de fondation ne cessèrent d'affluer, chaque semaine,
puis presque chaque jour. Notons, au passage, que les
fondations réalisées en Europe l'étaient pour répondre
aux besoins de l'évangélisation des quartiers pauvres
des grandes villes. Pour subvenir aux besoins matériels
considérables, Marie de la Passion recourait au travail.
Elle écrivit: "Ce qu'il faut coûte que coûte, c'est
travailler, et trouver de l'ouvrage suffisamment pour
vivre." Les Sœurs s'adonnèrent donc aux travaux de
dessin, peinture, couture, lithographie, typographie,
tissage, etc. Mère Marie de la Passion veillait
particulièrement à la formation missionnaire de ses
Sœurs. Elle rédigea également un "Coutumier de la
Maîtresse des Novices", véritable traité de
formation spirituelle, ainsi que d'autres écrits
spirituels.
En
1890, l'Institut reçut son statut de droit pontifical:
il comptait alors 17 maisons et 495 Sœurs. Cependant,
les épreuves spirituelles de Mère Marie de la Passion se
poursuivaient. Elle voulait toujours Dieu, son amour, sa
gloire et elle s'abîmait dans le silence de l'adoration;
en même temps, elle doutait de son salut éternel. C'est
alors que le Père Bernardin lui dit: "Allons,
finissez-en une fois pour toutes, faites l'offrande
perpétuelle d'abandon de votre âme, de votre être, de
votre éternité, à Dieu." Les constitutions,
approuvées à titre expérimental le 17 juillet 1890, le
furent définitivement le 11 mai 1896. En novembre 1896,
à la fin du chapitre général, Mère Marie de la Passion
déclara, entre autres:
– Levez-vous et marchez! Je vous en supplie, marchez à
la suite de Jésus!
Dès
lors, les fondations se multiplièrent au Congo, au
Mozambique, au Canada, en Autriche, en Mongolie, en
Birmanie, et au Japon. Marie de la Passion se
préoccupait aussi des questions sociales et du sort de
la femme. Elle encouragea la création d'écoles
professionnelles et d'ateliers où les femmes pourraient
apprendre un métier et recevoir un juste salaire. En
1900, la grâce du martyre fut donnée aux Sœurs de
l'Institut, en Chine: à Tai-Yuan-Fou; la guerre des
Boxers provoqua le massacre de toute la mission,
notamment des sept Sœurs arrivées l'année précédente.
Pour les remplacer, Mère Marie de la Passion enverra un
nouveau groupe. Les religieuses martyres ont été
canonisées le 1er octobre 2000.
Mère
Marie de la Passion, malade, mourut à San Remo, en
Italie, le 15 novembre 1904, laissant 2069 religieuses
réparties en quatre-vingt-six fondations dans 24 pays.
Elle avait 65 ans. Elle fut béatifiée en 2002, par le
pape Jean-Paul II. Elle est fêtée le 15 novembre.
Maintenant voyons un peu quelle fut la spiritualité de
Mère Marie de la Passion.
Son
immense activité puisait son dynamisme dans la
contemplation des grands mystères de la foi, en
particulier dans le mystère de l'Unité-Trinité de Dieu,
Vérité-Amour, qui se donne à nous à travers le mystère
pascal du Christ. Jésus-Eucharistie était pour elle
"le grand missionnaire". Et la Vierge Marie traçait
la voie de sa donation sans réserve à l'œuvre de Dieu.
Par ailleurs, Mère Marie de la Passion avait grand soin,
non seulement de l'organisation extérieure des œuvres,
mais aussi et surtout de la formation spirituelle de ses
religieuses. Outre sa correspondance, elle suivait ses
missionnaires dispersées dans le monde, les invitant
constamment à une vie de sainteté.
Paulette Leblanc
Nota: les personnes qui désirent avoir plus
d'informations peuvent consulter les
Franciscaines Missionnaires de Marie
Maison Généralice
Via Giusti, 12
00185 ROMA, (Italie) |