Marie de la Passion de Neuville
Fondatrice des “Missionnaires de Marie”
1839-1904

15

NOVEMBRE

Hélène Marie Philippine de Chappotin de Neuville naît le 21 mai 1839 à Nantes, en Bretagne. Sa famille, catholique, appartenait à la petite noblesse bretonne. Son Père, Charles de Chappotin, était polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées. Sa mère, Sophie Galbaud du Fort était la nièce du général François Thomas Galbaud-Dufort. Autour du berceau d'Hélène se trouvaient ses quatre frères et sœurs ainsi que six cousins et cousines. Un oncle et une tante vivaient en effet avec les Chappotin dans un petit appartement proche de la cathédrale de Nantes. Heureusement, la plus grande partie de l'année se passait dans une vaste propriété de famille, le Fort, située à quelques kilomètres de la ville. 

Enfant douée et volontaire, Hélène révèle une grande maturité d'esprit, mais son caractère entier inquiète sa mère qui soigne particulièrement la formation religieuse de sa petite fille; cependant Hélène aime beaucoup les pauvres et sait se sacrifier pour eux. En 1847, Charles de Chappotin est nommé ingénieur en chef à Vannes. Il faut alors quitter la propriété du Fort pour un petit appartement et se séparer du reste de la famille. Privée de ses cousins, Hélène se réfugie dans la lecture. En 1850, elle fait sa première Communion, le jour de la Fête-Dieu. Plusieurs deuils venant frapper la famille, Hélène se pose la question: "Qu'est-ce qui vaut la peine d'être aimé?" Cette énigme la tourmentera pendant longtemps. 

En avril 1856, Hélène suit, à Nantes, une retraite avec les Enfants de Marie. Lorsque commença le dernier salut du Saint-Sacrement, une phrase traversa son esprit: "Je suis Celui qui t'aimera toujours plus que tu ne L'aimeras, Celui dont la Beauté est sans tache, sans mécompte, car Je suis l'Infini, Dieu." Certes, ce n'était qu'une pensée fugitive, mais la vie d'Hélène sera désormais transformée par l'amour de Dieu; bientôt elle comprit qu'elle devrait, plus tard, embrasser la vie religieuse. Hélène avait à peine 17 ans. En 1860 elle entrait chez les Clarisses, mais sa santé l’obligea à revenir dans sa famille qui d’ailleurs ne croyait pas à sa vocation. Enfin, en 1864, elle rejoignit le noviciat des Sœurs Réparatrices de Toulouse. On lui donna le nom de Sœur Marie de la Passion. Au début de 1865, alors qu'elle était encore novice, elle fut désignée pour aller à la mission du Maduré, au sud de l'Inde. Le 3 mai 1866, Marie de la Passion prononçait ses premiers vœux religieux, et presque aussitôt, elle était nommée supérieure de la maison de Tuticorin. En janvier 1867, on la nomma supérieure provinciale des trois maisons du Maduré. 

L'apostolat en Inde, était difficile. En 1874, on demanda à Sœur Marie de la Passion d'ouvrir un orphelinat et deux écoles à Ootacamund, un gros bourg situé au nord du Maduré. La réalisation de ces fondations se fit dans des conditions de grande pauvreté. De plus, pendant ce temps, au Maduré, la situation se dégradait par suite de multiples incompréhensions concernant les œuvres de la Congrégation et sa discipline. Mère Marie de la Passion fut relevée de sa charge de provinciale, mais conserva le supériorat de la maison d'Ootacamund. De plus, de nombreuses sœurs, mal conseillées, décidèrent de quitter la Congrégation. Mais une vingtaine d'entre elles vinrent rejoindre Mère Marie de la Passion. Mgr Bardou, l'évêque qui avait demandé la fondation d'Ootacamund, accepta de les recevoir. Toutefois, il envoya Marie de la Passion et deux de ses compagnes à Rome pour exposer la situation et trouver une solution. 

Pendant toutes ces démarches romaines, les Sœurs, mal logées, souffrirent de la faim et du froid. Heureusement les autorités se montrèrent favorables, et, dès le 5 janvier 1877, l'autorisation était donnée de fonder l'Institut des Missionnaires de Marie, exclusivement voué à la mission. Marie de la Passion rédigea un règlement de vie à soumettre à Mgr Bardou. À la base, elle mettait l'offrande de soi sans réserve pour l'Église et le salut du monde; puis venait l'imitation de Marie, suivant Jésus jusqu'au calvaire. Peu à peu des convictions se faisaient dans son esprit: une préparation spécifique était nécessaire aux missionnaires; il fallait aussi une meilleure connaissance des horizons culturels du pays où se situait la mission. Examinons quelques points de la pensée de Mère Marie de la Passion. 

Mère Marie de la Passion estimait que la raison de l'activité missionnaire de l'Église, "découle de la volonté de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il n'y a qu'un seul Dieu, et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme Jésus-Christ, qui s'est livré en rançon pour tous (1 Tm 2, 4-5); et il n'existe de salut en aucun autre." (Ac 4, 12) Bien que Dieu puisse, par des voies connues de Lui seul, amener à la foi des hommes qui, sans faute de leur part, ignorent l'Évangile, foi sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu, (He 11, 6) l'Église a le devoir impérieux d'évangéliser. (cf. 1 Co 9, 16) 

Mère Marie de la Passion avait une âme profondément missionnaire et avec ses 20 religieuses, elle désira former un groupement purement missionnaire. Ce fut la naissance, avec la bénédiction de Pie IX, des “Missionnaires de Marie”. De plus, Mère Marie de la Passion eut la joie d’être admise, avec ses Sœurs, dans le Tiers-Ordre franciscain sous le nom de “Franciscaines Missionnaires de Marie”. Désormais les choses allèrent vite. Mère Marie de la Passion se rendit en France pour y ouvrir un noviciat, à Saint-Brieuc où l'évêque l'accueillit chaleureusement. De nombreuses vocations se présentèrent. En 1878, eut lieu la première cérémonie de départ missionnaire de cinq novices pour l'Inde. 

Bientôt Mère Marie de la Passion dut aller à Rome. Là, elle rencontra le Père Raphaël Delarbre, un franciscain qui lui demanda de rédiger les Constitutions définitives de son Institut, et d'ouvrir une maison à Rome même. Mère Marie de la Passion s'adressa alors au Ministre général des Franciscains, le Père Bernardin, qui donna son plein accord. Il lui dira plus tard: "Quand j'ai vu votre désir d'appartenir à saint François, j'ai senti que c'était pour notre Ordre un bonheur et une grâce." 

Tout semblait aller aussi bien que possible. Malheureusement, en novembre 1882, une campagne de calomnies s'élèva et, le 16 mars 1883, Marie de la Passion était déposée de sa charge de Supérieure générale; il lui fut même interdit d'écrire à ses religieuses. De plus, la Congrégation de la Propagande, mal informée, trancha un litige financier avec la société de Marie Réparatrice au désavantage des Missionnaires de Marie, décision humainement désastreuse. 

Marie de la Passion était très éprouvée, et elle ressentait d'autant plus l'humiliation qu'elle n'avait pas pu se défendre; sa vie spirituelle en fut ébranlée. Elle dira: "Tantôt ma foi sombrait, tantôt il me semblait que Dieu me jugerait aussi sans m'entendre, et me condamnerait sans cause." Finalement, en février 1884, Léon XIII nomma un "chargé d'affaires" pour examiner la situation des Missionnaires de Marie. Après enquête, la vérité fut reconnue, et à la fin de juillet 1884, un chapitre réélisait, à l'unanimité, Mère Marie de la Passion comme Supérieure générale. L'épreuve avait été particulièrement douloureuse, mais elle permit à Mère Marie de la Passion de découvrir le plus grand missionnaire de son Institut, Jésus Lui-même, présent dans tous les tabernacles du monde. En 1888, elle écrira même: "On n'a pas assez compris la puissance de l'Eucharistie et de la prière jointe à l'action, pour la conversion des peuples."  

En août 1885, l'Institut était officiellement placé sous la direction du Ministre général des Franciscains. Commença alors un remarquable essor missionnaire. Ainsi, en 1886, quatre fondations furent réalisées: deux à Ceylan, une en Chine et une à Paris. À partir de 1886, les demandes de fondation ne cessèrent d'affluer, chaque semaine, puis presque chaque jour. Notons, au passage, que les fondations réalisées en Europe l'étaient pour répondre aux besoins de l'évangélisation des quartiers pauvres des grandes villes. Pour subvenir aux besoins matériels considérables, Marie de la Passion recourait au travail. Elle écrivit: "Ce qu'il faut coûte que coûte, c'est travailler, et trouver de l'ouvrage suffisamment pour vivre." Les Sœurs s'adonnèrent donc aux travaux de dessin, peinture, couture, lithographie, typographie, tissage, etc. Mère Marie de la Passion veillait particulièrement à la formation missionnaire de ses Sœurs. Elle rédigea également un "Coutumier de la Maîtresse des Novices", véritable traité de formation spirituelle, ainsi que d'autres écrits spirituels. 

En 1890, l'Institut reçut son statut de droit pontifical: il comptait alors 17 maisons et 495 Sœurs. Cependant, les épreuves spirituelles de Mère Marie de la Passion se poursuivaient. Elle voulait toujours Dieu, son amour, sa gloire et elle s'abîmait dans le silence de l'adoration; en même temps, elle doutait de son salut éternel. C'est alors que le Père Bernardin lui dit: "Allons, finissez-en une fois pour toutes, faites l'offrande perpétuelle d'abandon de votre âme, de votre être, de votre éternité, à Dieu." Les constitutions, approuvées à titre expérimental le 17 juillet 1890, le furent définitivement le 11 mai 1896. En novembre 1896, à la fin du chapitre général, Mère Marie de la Passion déclara, entre autres:  

– Levez-vous et marchez! Je vous en supplie, marchez à la suite de Jésus!  

Dès lors, les fondations se multiplièrent au Congo, au Mozambique, au Canada, en Autriche, en Mongolie, en Birmanie, et au Japon. Marie de la Passion se préoccupait aussi des questions sociales et du sort de la femme. Elle encouragea la création d'écoles professionnelles et d'ateliers où les femmes pourraient apprendre un métier et recevoir un juste salaire. En 1900, la grâce du martyre fut donnée aux Sœurs de l'Institut, en Chine: à Tai-Yuan-Fou; la guerre des Boxers provoqua le massacre de toute la mission, notamment des sept Sœurs arrivées l'année précédente. Pour les remplacer, Mère Marie de la Passion enverra un nouveau groupe. Les religieuses martyres ont été canonisées le 1er octobre 2000. 

Mère Marie de la Passion, malade, mourut à San Remo, en Italie, le 15 novembre 1904, laissant 2069 religieuses réparties en quatre-vingt-six fondations dans 24 pays. Elle avait 65 ans. Elle fut béatifiée en 2002, par le pape Jean-Paul II. Elle est fêtée le 15 novembre. 

Maintenant voyons un peu quelle fut la spiritualité de Mère Marie de la Passion.  

Son immense activité puisait son dynamisme dans la contemplation des grands mystères de la foi, en particulier dans le mystère de l'Unité-Trinité de Dieu, Vérité-Amour, qui se donne à nous à travers le mystère pascal du Christ. Jésus-Eucharistie était pour elle "le grand missionnaire". Et la Vierge Marie traçait la voie de sa donation sans réserve à l'œuvre de Dieu. Par ailleurs, Mère Marie de la Passion avait grand soin, non seulement de l'organisation extérieure des œuvres, mais aussi et surtout de la formation spirituelle de ses religieuses. Outre sa correspondance, elle suivait ses missionnaires dispersées dans le monde, les invitant constamment à une vie de sainteté.

Paulette Leblanc 


Nota: les personnes qui désirent avoir plus d'informations peuvent consulter les
Franciscaines Missionnaires de Marie
Maison Généralice
Via Giusti, 12
00185 ROMA, (Italie)

 

 

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