Maria Sagheddu naquit à Dorgali, village situé sur la
côte orientale de la Sardaigne, le 17 mars 1914, dans
une modeste famille de bergers. Elle était le 5e
enfant d'une famille de huit. Son père Marcantonio
Sagheddu, qui
mourut
en 1919 alors que Maria n'avait encore que cinq ans, et
sa mère, Caterina Cucca étaient de fervents chrétiens
qui surent donner à leurs enfants le sens de l'amour et
de la vraie crainte de Dieu. Maria était une enfant
joyeuse, mais d'un caractère très affirmé, obstiné,
exigeant et impatient. Sa première Communion ne
modifiera pas son comportement. D'une nature étonnamment
vivace, elle s'absorbait facilement dans la lecture et
dans les jeux de cartes, et la piété n'était pas son
fort…
Maria se révéla très intelligente à l'école; elle
excellait surtout en arithmétique. Malheureusement, à
la fin du cours élémentaire, elle dut abandonner l'école
pour aider à la maison. Elle s'y montra sérieuse et
dotée d'un grand sens du devoir, compte tenu de la
pauvreté de sa famille, et cela malgré son mauvais
caractère car elle ne supportait pas qu'on lui fasse des
remontrances. Consciente de ses défauts, elle refusa
d'abord d'entrer dans les mouvements de jeunes de sa
paroisse, car elle ne se sentait pas prête à assumer
d'éventuels engagements.
En 1932, la sœur de Maria, Giovanna Antonia qui n'avait
que 16 ans, mourut. Or Maria aimait beaucoup cette sœur
souvent malade et qu'elle avait entourée de ses soins
affectueux. Maria réfléchit alors au sens qu'elle
devrait donner à sa propre vie. Elle comprit que la
religion était surtout la rencontre avec Quelqu'un, le
Christ qui conduit au Père. Dès lors, Maria accepta
d'être membre de l'Action Catholique, et sut donner une
partie de son temps au service des malades et des
personnes âgées. Peu à peu son caractère se transforma,
s'adoucit et elle devint même patiente voire méditative.
Quand elle eut atteint 21 ans, Maria entra à la Trappe
de Grottaferrata, commune située dans la province de
Rome; c'était le 30 septembre 1935. Ce couvent
cistercien de la stricte observance, de fondation
récente était très pauvre. Marie reçut le nom de Sœur
Maria-Gabriella, et malgré ses craintes de ne pas être
acceptée, à cause de son caractère, elle fut admise à la
profession et à l'émission des trois vœux de sa
congrégation: obéissance, conversion de vie et
stabilité, pour trois ans, le 31 octobre 1937, fête du
Christ-Roi. Elle écrivit à sa mère: "Maintenant je
suis certaine d'habiter pour toujours dans la maison du
Seigneur, et à cause de cela, ma joie est immense."
En janvier de cette même année 1937, était parvenu à la
Trappe de Grottaferrata le livret de la "Semaine de
prières pour l'Unité des Chrétiens" publié par l'abbé
Paul Couturier, prêtre français, grand apôtre de
l'Unité. Avec insistance, ce prêtre demandait la prière
des moniales pour que se réalisât "l'Unité des
Chrétiens, comme Dieu la voulait, par les moyens qu'Il
voudrait". Une moniale âgée avait offert sa vie pour
cette cause et était décédée un mois plus tard. Pour la
remplacer, Maria s'offrit totalement à Dieu afin que
l'Église retrouve son unité et que les chrétiens désunis
reviennent au Christ. Immédiatement après son offrande,
Sœur Maria-Gabriella, qui jusque là avait bénéficié
d'une excellente santé, tomba malade de tuberculose ce
qui la conduira à la mort après quinze mois de
souffrances.
Le soir du 23 avril 1939, Sœur Maria Gabriella termina
sa longue agonie, dans l'abandon total à la volonté de
Dieu. Son corps fut retrouvé intact lors de la
reconnaissance de 1957. Sœur Maria Gabriella fut
béatifiée le 25 janvier 1983, par le pape Jean Paul II,
44 ans après sa mort, dans la basilique de Saint Paul
hors les murs. Le pape Jean-Paul II, dans son encyclique
Ut unum sint (qu'ils soient un), du 25 mai 1995,
et afin de montrer que la collaboration de tous était
nécessaire, écrivit:
"Pour
réaffirmer cette nécessité,
j'ai voulu
proposer aux fidèles de l'Église catholique un modèle
qui me paraît exemplaire, celui d'une sœur trappistine,
Marie-Gabrielle de l'Unité, que j'ai proclamée
bienheureuse le 25 janvier 1983. Sœur Marie-Gabrielle,
appelée par sa vocation à être en dehors du monde, a
consacré son existence à la méditation et à la prière
centrées sur le chapitre 17 de l'Évangile selon saint
Jean, et elle a offert sa vie pour l'unité des
Chrétiens. Voilà ce qui est au centre de toute prière:
l'offrande totale et sans réserve de la vie au Père, par
le Fils, dans l'Esprit Saint. L'exemple de sœur
Marie-Gabrielle nous instruit, il nous fait comprendre
qu'il n'y a pas de moments, de situations ou de lieux
particuliers pour prier pour l'unité. La prière du
Christ au Père est un modèle pour tous, toujours et en
tout lieu."
Notons que
Maria-Gabriella, malgré son mauvais caractère, était
très appréciée de ses sœurs en raison de sa grande
disponibilité. Elle écrivit à sa mère:
"Bien que je sois
misérable et une indigne créature qui n'a rien fait
d'autre que l'offenser, Jésus ne m'a pas rejetée, mais
accueillie dans son Cœur. Lui, mon Créateur, n'a pas
dédaigné de m'appeler son épouse... Il a voulu faire de
moi l'objet de sa miséricorde. Quand je pense à cela, je
suis confondue, voyant le grand amour de Jésus et mon
ingratitude et ma non-correspondance à sa
prédilection..."
Paulette Leblanc |