Lucien d'Antioche serait né en janvier 240, à Samosate,
ville de Turquie proche de la Syrie. Ses parents, très
pieux, lui donnèrent une excellente éducation.
Malheureusement ils moururent relativement jeunes et
Lucien,
qui avait atteint l'âge de douze ans, se
trouvant sans attache dans ce monde, vendit ses biens,
les distribua aux pauvres et se fit moine auprès de
saint Macaire qui faisait profession d'interpréter les
saintes écritures. Dès lors, Lucien qui vivait d'une
manière très austère, ne mangeant que du pain sec, des
herbes crues et des racines voulut consacrer sa grande
intelligence à la connaissance des Écritures, à la
défense et à l'enseignement de la vraie foi.
Lucien fut ordonné prêtre à Antioche, et, pour être plus
utile au peuple, il désira instruire la jeunesse, dans
les belles lettres et dans la pratique de la piété. Pour
cela, à l'exemple de son maître saint Macaire, il ouvrit
une école à Antioche dans laquelle de nombreux jeunes
gens vinrent se former et acquérir les leçons de
sciences humaine et de la vertu chrétienne.
Mais
Lucien voulait aussi venir en aide aux pauvres. Pour
avoir de quoi faire l'aumône, il utilisa ses facultés
exceptionnelles de rédaction et se mit à écrire des
documents qui lui permettaient de subvenir à son
entretien et celui des autres. Mais bientôt Lucien dut
entreprendre un ouvrage beaucoup plus complexe. Lucien
avait, en effet, remarqué que certaines personnes, dont
des païens, voulant traduire les livres sacrés,
glissaient beaucoup de contre sens. Par ailleurs, des
fautes s'étaient glissées dans les traductions de
l'Ancien et du Nouveau Testament, soit par
l'inexactitude des copistes, soit par la malice des
hérétiques. Il devait faire quelque chose. Il résolut
donc de revoir toutes les tra-ductions, et il entreprit
de traduire les textes de l'hébreu vers le grec. Cette
traduction fut très utile plus tard à saint Jérôme qui
rapporte que l'on se servait couramment des textes de
Lucien dans l'église d'Orient, de Constantinople et
jusqu'à Antioche. Et cela dura jusqu'au Ve
siècle.
Pendant ce temps, les persécutions antichrétiennes se
poursuivaient dans l'Empire romain. Dès son élection,
l'empereur Maximin renouvela les édits de ses
prédécesseurs, Dioclétien et Maximien, et continua à
poursuivre les fidèles du Christ. Sachant que le prêtre
Lucien était, de part sa position, l'un des plus solides
soutiens de l'église d'Antioche, l’empereur Maximin
résolut de le faire arrêter. Afin de ne pas s'exposer
inutilement au péril, Lucien se retira d'abord
secrètement dans la campagne voisine.
Hélas! vers 303, dénoncé par un apostat arianiste,
Lucien fut fait prisonnier; il passa neuf ans en prison.
Dans sa prison, Lucien continuait à écrire à ses fidèles
d'Antioche, pour les soutenir dans leur foi. Mais
l'empereur Maximin exigea que Lucien fût conduit à
Nicomédie, ville de Bithynie. Sur le chemin qui
traversait la Cappadoce, pour aller d'Antioche à
Nicomédie, Lucien rencontra quelques soldats qu'il avait
connus et qui, par peur des tortures, avaient renoncé
au christianisme. Lucien, plein de zèle et d'amour, leur
parla avec tant de charité et de conviction qu'ils
promirent de ne plus trahir le Christ. Ils tinrent leur
promesse et la plupart d'entre eux moururent martyrs
pour Jésus-Christ.
Enfin Lucien arrive auprès de Maximin qui veut le
convertir à ses dieux païens. Maximin offrit même à
Lucien de l'associer à son gouvernement et de le nommer
son conseiller s'il voulait sacrifier aux idoles. Mais
Lucien refusa. Aussi Maximin le fit-il conduire en
prison où il subit d'affreux traitements. Ainsi, Lucien
fut exposé à la dent des bêtes féroces; il subit les
divers supplices de la roue, du chevalet, du feu, et
d’autres encore. Mais chaque tourment aboutissait à une
miraculeuse victoire. Le héros chrétien fut enfin
reconduit en prison, où il passa quatorze jours dans les
privations et d'atroces souffrances.
L’Épiphanie approchait. Les disciples de saint Lucien
auraient bien voulu participer avec lui aux saints
mystères. C'est alors que Dieu fournit à son martyr la
force et les moyens de célébrer l'eucharistie. Il n’y
avait point d’autel, et le cachot infect n’était pas
approprié au sacrifice: Lucien dit alors à ses
disciples: "Ma poitrine servira d’autel, et vous qui
m’entourez, vous formerez le temple qui nous dérobera
aux regards des profanes."
Lucien ne voulait décidément pas mourir. Alors Maximin
revint à la charge. Lucien fut appelé devant le tyran,
qui l’interrogea de nouveau:
- Quelle est ta patrie? demanda l'empereur.
- Je
suis chrétien! Répondait Lucien
- Quelle est ta profession?
- Je
suis chrétien!
- Qui t’a donné le jour?
- Je
suis chrétien!"
N'obtenant rien d'autre, l'empereur ordonna de jeter
Lucien à la mer. Lucien fut donc attaché à une énorme
pierre puis lancé dans les flots. C'était le 7 janvier
312.
Il y
a quelques désaccords concernant la mort de saint
Lucien. Nous allons donc vous préciser ce qui n'est
peut-être qu'une légende. Nous savons que, du fond de sa
prison dans laquelle il resta neuf ans, Lucien écrivait
à ses fidèles. Quand il parut devant le tribunal, le
savant qu'était Lucien saisit cette occasion pour
présenter au juge une apologie de la religion pour
laquelle il souffrait. Lucien disait, entre autres: "Si
vous refusez de vous en rapporter à mon témoignage sur
la divinité de Jésus-Christ, vous n'avez qu'à consulter
vos annales et vos archives: vous y trouverez que du
temps de Pilate, pendant que le Christ était mis à mort,
le soleil disparut et l'univers fut enseveli dans les
ténèbres en plein midi."
Le
juge renvoya Lucien en prison, et défendit qu'on lui
donnât aucune nourriture. Puis, Lucien parut de nouveau
devant le tribunal: "Je suis chrétien!" était la
seule parole qu'il fût possible de lui arracher. Et
Lucien mourut… Mais l'empereur Maximin, plein de rage,
ordonna qu'on attachât une grosse pierre à la main
droite du corps et qu'on le jetât à la mer "afin d'en
ôter à jamais le souvenir". Le corps de Lucien
resta dans les eaux pendant quatorze jours. Le
quinzième jour, Lucien serait apparu à l'un de ses
parents et lui aurait indiqué l'endroit du rivage où se
trouvait son corps. Effectivement, une fois arrivés sur
place, ceux qui étaient partis chercher le corps,
aperçurent un grand dauphin qui le déchargea sur le bord
de mer et expira à côté de lui. Le corps ne comportait
aucune corruption ni mauvaise odeur si ce n'est que sa
main droite alourdie de la pierre était coupée. Peu de
temps après, la mer rapporta la main de Lucien au même
endroit.
La
vérité est souvent auréolée de légendes. Peu importe,
car cela signifie simplement combien Lucien, le saint
et très savant prêtre, était vénéré, déjà de son temps.
Paulette Leblanc |