Louis-Joseph-Aloys-Stanislas Martin, naquit à Bordeaux
le 22 août 1823. Son père, Pierre-François Martin qui
vécut de 1777 à 1865, était militaire de carrière; en
conséquence, Louis sera élevé au hasard des garnisons de
son père. Dernier né d'une famille de trois filles et
deux garçons, Louis, après ses études, apprit le métier
d'horloger. En 1845, âgé de 22 ans, se croyant appelé à
la vie monastique, Louis s'adressa au monastère du
Grand-Saint-Bernard, mais on le refusa parce qu'il ne
connaissait pas le latin… Il séjourna alors pendant
trois ans à Paris, puis s'installa à Alençon et ouvrit
une horlogerie-bijouterie: il avait 27 ans. Pendant huit
années, chrétien fervent, il mena une vie laborieuse,
calme et méditative. À 34 ans, Louis était toujours
célibataire.
Zélie Martin, née Azélie-Marie Guérin, naquit le 23
décembre 1831 à Gandelain, près de Saint-Denis-sur-Sarthon,
dans Orne. Son père, Isidore
Guérin
qui était un ancien soldat de la Grande Armée de
Napoléon, se battit à Wagram, à Masséna avant de devenir
gendarme à Saint-Denis-sur-Sarthon. Sa mère,
Louise-Jeanne Macé était une paysanne assez dure. En
septembre 1844, ses parents s'installèrent à Alençon.
Zélie et Marie-Louise fréquentèrent le pensionnat des
religieuses des Sacrés-Cœurs de Picpus. Se croyant
appelée à la vie religieuse, Zélie voulut entrer comme
religieuse à l'Hôtel-Dieu, mais la supérieure l'en
dissuada.
Déçue, elle devint dentellière et se révéla très douée,
notamment pour la réalisation de la dentelle au point
d'Alençon, imitation du point de Venise, afin de le
concurrencer. En 1853, âgée seulement de 22 ans, elle
ouvre une boutique avec Marie-Louise. Mais sa sœur la
quitte pour entrer au couvent des Visitandines du Mans.
Nous
sommes en 1858. Louis a 35 ans. Un jour, en traversant
le pont de la Sarthe, il croisa Zélie qui avait 27 ans.
Ils se marièrent le 12 juillet 1858, dans l'église
Notre-Dame d'Alençon, ayant décidé de vivre comme frère
et sœur, dans une continence perpétuelle. Mais leur
confesseur les en dissuada, et les naissances se
succédèrent entre 1859 et 1873: neuf enfants, sept
filles et deux garçons. Mais quatre enfants, dont les
deux garçons moururent en bas âge.
Zélie consacre toute son énergie à son entreprise qui
emploiera jusqu'à une vingtaine d'ouvrières. À force de
labeur et d'épargne, les époux Martin ont acquis une
grande aisance financière. Aussi, en 1870, Louis vend-il
son horlogerie à un neveu, afin d'aider sa femme à
administrer sa production et son commerce, et à gérer
leurs biens.
Mais, en 1876, la maladie frappe la famille Martin.
C'est d'abord la sœur de Zélie, Marie-Louise, rongée par
la tuberculose, qui mourra le 24 février 1877. De son
côté, Zélie de plus en plus souffrante, consulta en
1876, un chirurgien qui comprit que la tumeur au sein
était inopérable: il était trop tard. Zélie Martin
décéda le 28 août 1877, à l’âge de 46 ans, en laissant
cinq enfants, dont la petite Thérèse née en 1873.
Zélie se dévouait aussi beaucoup pour ses filles, et
elle avait compris le sens de sa vocation. Elle ne
cessait d'admirer la sainteté de son mari, ainsi que sa
bonté paisible. Sa petite dernière, Thérèse naquit en
janvier 1873. Pour qu'elles puissent recevoir une
éducation chrétienne, ses aînées furent envoyées au
pensionnat de la Visitation du Mans. Pourtant les soucis
ne manquaient pas, notamment la santé délicate de
Thérèse, qu'il fallut placer chez une nourrice du
village de Semallé. Fervents chrétiens, Zélie et Louis
assistaient tous les jours à la messe de 5h30. Ils
pratiquaient aussi le jeûne et la prière en famille et
respectaient scrupuleusement le repos du dimanche. Ils
savaient également mettre en pratique la charité
chrétienne, et, pour cela, ils visitaient les vieillards
seuls, les malades et les mourants. De plus, Zélie
s'occupaient de ses domestiques et de ses ouvrières,
souvent jeunes et inexpérimentées.
Louis Martin participait chaque semaine à l’adoration
eucharistique. Plein d'affection pour ses filles,
lorsque Zélie, son épouse, décéda, il quitta Alençon
pour Lisieux où habitait sa belle-famille, les Guérin.
Après l’entrée de Thérèse au Carmel, commença pour lui
l’épreuve de la maladie. Il fut même interné au Bon
Sauveur, l’hôpital psychiatrique de l’époque. Pendant
les périodes de rémission, on le voyait s’occuper des
malades qui l’entouraient. Il mourut le 24 juillet 1894
à 71 ans. Ce qui caractérise la sainteté des époux
Martin, c’est leur capacité à vivre "extraordinairement
bien" l’ordinaire de la vie. Leur confiance en Dieu
était immense et leurs relations de couple fondées sur
la prière et la générosité, peuvent être considérées
comme un modèle imitable pour toutes les familles qui
souhaitent la sainteté. Leur dernière fille, Thérèse
écrira: "Le bon Dieu s’est plu à m’entourer d’amour, mes
premiers souvenirs sont empreints des sourires et des
caresses les plus tendres." En pensant à ses parents,
elle dira qu’ils étaient plus dignes du ciel que de la
terre.
Louis et Zélie Martin ont été béatifiés, par le Pape
Benoît XVI, à l’occasion des 150 ans de leur mariage, le
19 octobre 2008. C'est l'anniversaire de leur mariage,
le 12 juillet, qui a été retenu comme jour de leur fête.
Parlons maintenant de la spiritualité de la famille
Martin.
Zélie fut une maman comblée mais aussi très éprouvée. De
1860 à 1873, neuf enfants naquirent au foyer Martin,
mais quatre mourront en bas âge, dont les deux seuls
garçons de la famille. Zélie éprouvait toujours une
grande joie à la naissance de chacun de ses enfants.
Elle disait: "J’aime les enfants à la folie, j’étais
née pour en avoir." La base de l'éducation des
enfants était la confiance. Zélie souhaitait que ses
enfants deviennent tous des saints. Cela ne l’empêchait
pas d’organiser des fêtes, des jeux et même d’acheter de
belles robes pour ses enfants. En famille, on priait
tous les jours et durant le mois de mai les filles
aiment apporter de belles fleurs à la statue de Marie:
la Vierge du Sourire.
En
novembre 1877, peu de temps après le décès de Zélie,
Louis Martin et ses cinq filles s’installèrent à Lisieux
pour se rapprocher d'Isidore Guérin, frère de Zélie. Ils
s'installèrent dans une maison bourgeoise, Les
Buissonnets. Louis se consacra alors à ses filles et
en particulier à Thérèse, qu'il appelait sa "Petite
Reine". Marie, âgée de dix-sept ans, prit en mains le
fonctionnement de la maison. Pauline, seize ans,
s'occupait de l'éducation des deux petites, Céline et
Thérèse. Le 15 octobre 1882, Pauline entra au carmel de
Lisieux. En août 1886, ce fut le tour de Marie, l'aînée
des filles. Après le départ de Léonie, il ne resta
autour de Louis que Thérèse et Céline, âgée de quinze et
dix-sept ans et demi.
Le 1er
mai 1887, Louis Martin subit une petite attaque qui le
laissa paralysé du côté gauche pendant quelques heures.
Mais l'intervention rapide de son beau-frère le tira
d'affaire. Après les péripéties que tout le monde
connaît, le 9 avril 1888, Thérèse entrait, elle aussi,
au carmel de Lisieux. Louis bénit sa fille et écrivit à
ses amis: "Ma
Petite Reine est entrée hier au Carmel. Dieu seul peut
exiger un tel sacrifice, mais il m'aide si puissamment
qu'au milieu de mes larmes, mon cœur surabonde de joie."
Toutes ces épreuves firent
que Louis Martin vieillit très vite. Céline écrit ainsi
à sa jeune sœur au Carmel: "Ce pauvre petit Père, il
me semble maintenant si vieux, si usé… J'ai le cœur
déchiré, je me figure qu'il mourra bientôt." Il
commençait en effet à souffrir d'artériosclérose et de
crises d'urémie qui provoquaient des pertes de mémoire.
Louis alterne dès lors les périodes de lucidité et les
rechutes… Et ce fut l'internement à l'asile du bon
Sauveur. Pendant un moment de lucidité il disait
parfois: "Je
sais pourquoi le bon Dieu m'a donné cette épreuve: je
n'avais jamais eu d'humiliation pendant ma vie, il m'en
fallait une."
En
juin, Isidore Guérin, craignant que le malade ne
dilapide son patrimoine, obtient de Louis un acte de
renonciation à la gestion de ses biens. Le vieil homme,
lucide ce jour-là, sanglote : « Ah ! Ce sont mes enfants
qui m'abandonnent! ». À Noël 1889, le bail des
Buissonnets est résilié, tandis que le carmel hérite
de quelques meubles.
Enfin, le 10 mai 1892, l'épreuve prend fin: Isidore
ramène Louis de l'asile de Caen. Le vieillard peut
rencontrer ses trois filles carmélites au parloir pour
la première fois depuis quatre ans, ce sera aussi la
dernière. Il est lucide, mais très amaigri et ne parle
pas. On l'installe chez les Guérin, où Céline et Léonie
s'occupent de lui. Le 27 mai 1894, il subit une violente
attaque qui paralyse son bras gauche. Il meurt le 29
juillet 1894, en présence de sa fille Céline. Le 14
septembre, Céline rejoint ses sœurs au carmel de
Lisieux. Louis et Zélie ont été officiellement proclamés
bienheureux, à Lisieux, le dimanche 19 octobre 2008,
sous le pontificat de Benoît XVI, par le cardinal José
Saraiva Martins qui déclara dans son homélie: "Parmi
les vocations auxquelles les hommes sont appelés par la
Providence, le mariage est l'une des plus nobles et des
plus élevées. Louis et Zélie ont compris qu'ils
pouvaient se sanctifier non pas malgré le mariage mais
à travers, dans et par le mariage, et que leurs
épousailles devaient être considérées comme le point de
départ d'une montée à deux. Aujourd'hui, l'Église
reconnaît dans ce couple la sainteté éminente de
l'institution de l'amour conjugal, telle que l'a conçue
le Créateur Lui-même." En déclarant Bienheureux
Louis et Zélie Martin l'Église offre à tous les couples
de la terre un modèle montrant que le mariage et la vie
de famille forment un chemin de sainteté aussi efficace
que celui de la vie religieuse. La vie commune des époux
Martin est un témoignage de sainteté qui se suffit à
lui-même. Ainsi, en vivant d'une prière constante qu'ils
partageaient en famille, en étant insérés dans la
société alençonnaise et dans la vie professionnelle, ils
eurent le souci des plus pauvres; pour Louis, au-travers
de la conférence St Vincent de Paul ou le cercle Vital
Romet, et pour Zélie, par l'attention qu'elle portait à
chacune de ses ouvrières dentellières.
Paulette Leblanc |