Laura Montoya Upegui naquit le 26 mai 1874, à Jericó,
ville de Colombie. Jericó est
une municipalité colombienne située dans le département
d'Antioquia, dans la région du Sud-Ouest. Jericó
est aussi connu sous le nom
d'Athènes du Sud-Ouest, compte tenu de la culture de ses
habitants. Laura Montoya Upequi était la fille de
Juan de la Cruz Montoya et de Dolores Upequi. Seconde de
leurs trois enfants, Laura n'avait que deux ans
lorsque
son père, médecin et commerçant, fut assassiné en 1876,
pendant une des nombreuses guerres civiles qui, opposant
conservateurs et libéraux, ravagèrent la Colombie
pendant très longtemps. Il faut savoir, en effet, que
depuis la lutte pour l'indépendance au début du 19ème siècle
jusqu'à l'interminable conflit armé dont la guerre des
Mille Jours de 1899 à 1902, ou la période dite de la
Violencia de 1948 à 1960, la Colombie fut, pendant
deux siècles, le théâtre d'affrontements fratricides à
répétition.
Après la Guerre civile de 1876-1877, les biens de la
famille Montoya furent confisqués, et Laura, sa mère et
ses deux frères connurent une grande pauvreté. Laura fut
d'abord envoyée vivre chez sa grand'mère. Là, se sentant
délaissée et abandonnée, elle se réfugia dans la prière,
la méditation de l'Écriture sainte et l'Eucharistie.
Toutefois, à force de travail et de volonté, Laura
parvint à acquérir les bases nécessaires pour devenir
institutrice.
Quand elle eut 16 ans, la mère de Laura lui demanda de
contribuer à faire vivre la famille en devenant
institutrice. Laura enseigna d'abord dans plusieurs
écoles du département d'Antioquia, tout en se dépensant
sans compter pour faire connaître l'Évangile et le
catéchisme. Malgré les faiblesses de son éducation
autodidacte, elle fut admise à l'École normale
d'instituteurs de Medellin, la capitale d'Antioquia.
Pourtant, Laura, se sentait appelée à la vie religieuse,
et elle avait pensé devenir carmélite. Mais, sa
profession de maîtresse d'école la mettait en contact
avec de nombreuses populations notamment indiennes. Et
bientôt, elle comprit qu'elle devait se mettre au
service de ceux que la société colombienne considérait
avec le plus grand des mépris: les Indiens des forêts.
Mais comment faire?
Oui,
comment faire, car la majorité des gens jugeait ces
"féroces sauvages
comme étant la lie de la société,
justes bons à être
civilisés",
c’est-à-dire exploités, quand ils n'étaient pas réfugiés
dans la forêt et les montagnes que Laura se proposait de
parcourir pour les instruire et les évangéliser. Et
cela, même la plupart des prêtres y avaient renoncé.
Mais, en 1904, un ami prêtre fit découvrir à Laura la
situation des Indiens du Sud. Elle décida immédiatement
de se consacrer à leur éducation et à leur
évangélisation. Elle se tourna d'abord vers le président
colombien nouvellement élu, son compatriote de Medellin,
Carlos Restrepo, qui la reçut, et lui confia que son
propre père était un défenseur des Indiens, et il lui
promit son aide. Laura demanda alors aux Congrégations
Religieuses de l'aider, mais toutes lui répondirent que
leurs règles ne leur permettaient pas de sortir ainsi de
leurs maisons pour ces lieux trop pauvres et
inhospitaliers où Laura voulait les installer.
Laura
Montoya ne pouvait se résoudre à ce que des êtres
humains fussent privés de la Bonne Nouvelle de
Jésus-Christ. Aussi, désespérée, Laura écrivit-elle ses
difficultés au pape Pie X qui, quelques mois plus tard,
publia l’encyclique
Lacrimabili statu
concernant
"l’état
déplorable"
des Indiens, et demandant aux Évêques du continent
américain d’aider les opprimés… Après cet encouragement
pontifical, Laura Montoya s’adressa alors à l’Évêque
d’Antioquia qui accepta de financer son projet.
Âgée
de 40 ans, et soutenue par Mgr Maximiliano Crespo,
Évêque de Santa Fe de Antioquia, elle fonda ce qui
deviendra une famille religieuse "Les Missionnaires
de Marie Immaculée et de Sainte Catherine de Sienne",
œuvre religieuse très nouvelle, sans aucun lien avec ce
qui existait déjà en Colombie. En effet, le 5 mai 1914,
avec cinq compagnes, et sa mère Doloritas Upequi, Laura
institua le groupe des "Missionnaires catéchistes des
Indios". Ce petit groupe de femmes quitta Medellin
pour Dabeiba, localité des contreforts des Andes
colombiennes, située à l'est du département d'Antioquia.
Après avoir parcouru plus de 200 kilomètres de mauvaises
routes de montagne, et traversé une forêt dans des
conditions difficiles, les Missionnaires Catéchistes
des Indios arrivèrent enfin à Dabeiba, en août 1914.
Dans ce petit village de montagne, les conditions
étaient très dures: Laura et ses compagnes
s’installèrent dans un vieux presbytère presque en ruine
à côté duquel l’église servait d’étable.
La
petite Communauté de femmes, se mit immédiatement au
travail et, au bout de quinze jours, une école put être
ouverte.
Malgré l'incompréhension ou le mépris de certains
responsables civils ou religieux de l'époque, Laura et
son équipe réalisèrent un excellent travail
d'évangélisation, malgré leur grande pauvreté. Peu à
peu, les nouvelles missionnaires s'imprégnaient de la
culture indienne; ces Missionnaires de Marie Immaculée
furent bientôt appelées les Lauritas. Pour
pérenniser son œuvre, Laura fonda, en 1917, la
"Congrégation des Missionnaires de Marie Immaculée et de
Sainte Catherine de Sienne". À Dabeiba, ces
missionnaires menaient une vie de grande pauvreté, de
service et d'évangélisation, tout en étant incomprises
et méprisées de plusieurs responsables religieux et
civils. Le mérite de ces premières Missionnaires
de Marie Immaculée était d'autant plus grand, alors que
leur seul but était l'évangélisation des Indiens
délaissés par l’Église et par la société, que de
nombreuses personnes leur avaient dit et redit qu'elles
ne rencontreraient que "la mort chez ces
sauvages".
Et
ces religieuses rencontrèrent bien des obstacles, venant
notamment des caciques, les chefs des tribus indiennes,
très méfiants. Mais, Mère Laura savait trouver les mots
pour faire tomber les barrières et comprendre toujours
mieux la culture indienne. En 2004, l’anthropologue
Patricia Tovar, professeur à l’Université pontificale
Javeriana écrivit: "La
méthode Missionnaire de Laura rejetait les autres écoles
de l’époque qui prêchaient une catéchisation incluant
l’abandon de la culture et de la langue comme pas
fondamental dans la Christianisation",
alors que les Missionnaires de Marie Immaculée savaient
utiliser cette culture originelle. La jeune
Congrégation de Marie Immaculée et de Sainte Catherine
de Sienne fut reconnue en 1916 par l’Évêque
d’Antioquia. Dès lors, Madre Laura s’enfonça plus loin
dans le monde des Indiens, afin de consolider son œuvre
dans un des postes Missionnaires installés au cœur de la
forêt. Malheureusement, quand elle revint à Debeiba,
Laura découvrit que cette petite ville avait été
détachée du diocèse d’Antioquia et confiée à une
préfecture apostolique dont le supérieur, un Carme,
voulait forcer les Religieuses à devenir Carmélites.
Après plusieurs années de combat, les religieuses
couramment appelées Laurites, durent quitter la
région.
Malade et handicapée, ne se déplaçant plus qu'en
fauteuil roulant, Laura Montoya se replia en 1940 à
Medellin, loin de la forêt et de ses chers Indiens.
Laura
Montoya mourut en 1949, à Medellin, laissant une œuvre
florissante. Le pape Jean-Paul II la béatifia en 2004.
Elle fut canonisée le 12 Mai 2013, par le pape François.
Sa fête est le 21 octobre. Laura Montoya était la
première sainte colombienne. Dans son homélie, au cours
de la cérémonie de canonisation, le Pape François,
sud-américain, salua le travail d’inculturation de Madre
Laura, soulignant comment elle était devenue la mère
spirituelle des Indiens
"en les
accueillant avec cet Amour appris de Dieu et en les
conduisant à Lui avec une pédagogie efficace qui
respectait leur culture et ne s’opposait pas à elle."
Les
Missionnaires de Marie Immaculée et de Sainte Catherine
de Sienne, surnommées les "Lauritas", sont toujours
présentes dans vingt pays, surtout en Amérique latine et
aux Caraïbes, mais aussi en Afrique. Les Sœurs
Missionnaires de Marie Immaculée et
Sainte-Catherine-de-Sienne, dites "Sœurs Lauritas", sont
toujours au service des populations autochtones à
travers l’éducation, la santé et les projets
communautaires.
Elles continuent à défendre une approche de
l’évangélisation qui prend en compte les cultures
indiennes et autochtones, notamment le souci de la
terre.
Paulette Leblanc |