KARL Leisner
Prêtre, Martyr, Bienheureux
1915-1945

12

AOÛT

Karl Leisner naquit à Rees, en Westphalie, en Allemagne, au nord-ouest du diocèse de Münster, le 28 février 1915. Son père était trésorier au tribunal; c'était un homme énergique, profondément attaché à la foi catholique reçue des ancêtres. Son épouse, la maman de Karl, était toujours aimable et bienveillante. Karl, éveillé, espiègle et débordant de vie, fréquenta d'abord l'école primaire, puis entra, en 1927, dans un lycée d'État. Très intelligent, il étudiait avec facilité et cherchait constamment à connaître le pourquoi des choses. Grâce à son aumônier de lycée, l'abbé Walter Vinnenberg, il développa ses talents d'organisateur et de meneur de jeunes, et quand Karl eut 12 ans, le prêtre lui proposa de créer une association de jeunesse, le groupe Saint-Werner. Karl accepta, puis, fervent chrétien, il s'engagea dans le mouvement de jeunesse catholique de Clèves, dont il devint responsable à l'âge de 18 ans en 1933. L'évêque de son diocèse, Mgr von Galen, lui confia alors la charge de responsable de la jeunesse pour l'ensemble du diocèse de Münster, en Westphalie. Comme Karl mettait régulièrement les jeunes en garde contre le nazisme, la GESTAPO commença alors à le surveiller. Je dois ajouter qu'en 1934, alors que les partisans de Hitler criaient: "Heil Hitler", Karl Leisner écrivait dans son journal: "Le Christ est ma passion, Heil."

Il faut également savoir que Karl Leisner avait connu, dès le lycée, le Mouvement de Schœnstatt, fondé par le Père Joseph Kentenich en octobre 1914. La spiritualité mariale du mouvement de Schœnstatt deviendra celle de Karl. Le nom: Schœnstatt, qui signifie "beau lieu", a pour origine le village de Schœnstatt proche de Koblenz. Ce mouvement catholique regroupait des laïcs et des consacrés. En 1934, Karl commença ses études de théologie à Münster. Il fut ordonné diacre le 25 mars 1939. Mais on découvrit vite qu'il avait un début de tuberculose; il fut donc envoyé au sanatorium de Saint-Blaise, en Forêt noire. Mais, ayant prononcé à haute voix une remarque détestable pour les nazis, concernant l'attentat manqué de Georg Elser contre Hitler, le 8 novembre 1939, Karl fut, le lendemain 9 novembre 1939, arrêté par la Gestapo. Karl fut d'abord emprisonné à Fribourg-en-Brisgau puis transféré au camp de concentration de Sachsenhausen et enfin à Dachau le 13 décembre 1940, sous le numéro 22356, dans le "Block 26". Ce fut alors, pour Karl Leisner, le début d'une histoire surprenante.

Dans le Block 26 de Dachau, il y avait environ deux mille huit cents prêtres allemands, autrichiens, polonais et d'autres pays d'Europe, ainsi que des pasteurs. Karl fut le premier clerc lié à Schönstatt interné à Dachau; plusieurs autres le suivirent, dont le fondateur Joseph Kentenich qui, en 1941, créa, dans le camp, un groupe de prêtres de Schönstatt,  groupe que rejoignit Karl. En juin 1943, il y avait trois groupes, dont celui de Karl qui choisit, pendant l’automne 1944 une devise commune: Victor in vinculis c'est-à-dire: "Vainqueur dans les chaînes".

Le 6 septembre 1944, Mgr Gabriel Piguet, évêque de Clermont-Ferrand, en France, déporté lui aussi, arriva dans le camp de Dachau, au block 26. Allait-il pouvoir, dans la clandestinité, ordonner prêtre Karl, de plus en plus malade? En effet, pour que l'ordination fût valable, il fallait obtenir l'approbation écrite de Mgr Clemens August von Galen, évêque du diocèse d'origine de Karl Leisner, ainsi que celle du cardinal Michael von Faulhaber, évêque de Munich, diocèse où était situé Dachau. Pourtant, les détenus réussirent à obtenir ces approbations dans le camp, ainsi que le saint chrême et le Pontifical, livre contenant le rite de l'ordination, grâce à une jeune fille de 20 ans qui avait accès à la plantation où travaillaient les détenus, et qui risqua sa vie plusieurs fois pour faire passer les éléments nécessaires à l'ordination. Et Karl Leisner, presque mourant, put être ordonné prêtre au cours de la messe de Gaudete, le 3e dimanche de l'Avent, le 17 décembre 1944. Il faut ajouter qu'un déporté russe avait fabriqué l’anneau épiscopal sur lequel il avait gravé l’image de Notre Dame de Dachau. Un bénédictin allemand façonna la crosse en chêne, pour l'évêque. Des protestants se chargèrent de la mitre et des ornements épiscopaux. Sans distinction de nationalités ou de confessions, tous les membres du block 26 œuvrèrent pour la réalisation du projet. On croit savoir que trois cent prêtres, représentant vingt pays, un pasteur et des séminaristes assistèrent à l'ordination de Karl. Dans les bâtiments voisins, 2300 prêtres suivirent en esprit l'ordination. Durant la cérémonie, pour couvrir le bruit des chants, un Juif avait joué, dehors, du violon… Cette ordination déjà était un grand pas vers la voie de l’œcuménisme.

Karl Leisner, enfin ordonné, ne célèbrera qu'une seule messe dans le camp de Dachau, celle de la fête de saint Étienne, le 26 décembre 1944. Il mourut le 12 août 1945, quelques semaines après la libération du camp de Dachau, par les troupes américaines. Karl avait trente ans. Le 16 juin 1945, du fond du cœur de Karl, jaillit une prière: "Ô toi, pauvre Europe, retourne à ton Seigneur Jésus-Christ! C'est là que se trouve la source des plus belles valeurs que tu déploies. Retourne aux sources fraîches de la vraie force divine!" En effet,  les idéologies qui avaient été la cause de tant de souffrances au cours du 20ème siècle, sont apparues dans une Europe qui avait voulu oublier ses fondements chrétiens... L'ordination de l'Allemand Karl Leisner, est vraiment pour tous les Européens un signe d'union, car elle préfigurait déjà une Europe réconciliée et unie, consciente de son enracinement évangélique et ecclésial. Karl Leisner fut béatifié le 23 juin 1996 par le pape Jean-Paul II. Sa fête est le 12 août.

Remarque importante: Le 8 octobre 1988, au cours d'une rencontre à Strasbourg avec des jeunes européens, Jean-Paul II donna, comme modèles à la jeunesse européenne, deux exemples: l'Allemand Karl Leisner, et le jociste Français Marcel Callo, qui avait écrit dans son journal, le 16 juin 1945, peu de temps avant sa mort: "Une seule chose t'est nécessaire pauvre Europe! Retourne à ton Seigneur Jésus-Christ! Là est ta Source pour tout ce que tu portes de plus beau. Retourne aux sources vives de la véritable force divine! Oh! Seigneur, permets-moi de te servir un peu comme instrument pour cela, je t’en supplie!" Ainsi, là où le nazisme avait voulu édifier le culte de la "race supérieure", Jean-Paul II donnait en exemple à la jeunesse européenne deux figures éminentes de la résistance allemande au nazisme.

Je voudrais maintenant vous donner quelques détails concernant la vie de Karl dans le camp de concentration de Dachau. Durant l’année 1941 et au début de 1942, des Messes furent célébrées clandestinement. Karl les servit plusieurs fois comme diacre, ce qui le comblait de joie. Le 15 mars 1942, Karl fut victime d’une hémorragie et envoyé à l’infirmerie, qu’il serait plus juste d’appeler mouroir. Et là, la charité de Karl se déploya auprès des malades, ce qui lui vaudra le nom d’ange de Dachau. Il signait les lettres qu’il pouvait envoyer par l'expression "Immerfroh", c'est-à-dire: Toujours joyeux.

Après sa libération par les troupes américaines, dans le sanatorium où il avait été envoyé, le 29 juin 1945, Karl reçut la visite de son père et de sa mère. Le 25 juillet, Karl put célébrer sa deuxième Messe. Ce jour-là, il termina son journal spirituel par ces mots: "Bénis aussi, ô Très-Haut, mes ennemis." Il lui restait huit jours à vivre. Il dira à sa mère: "Maman, je dois te confier quelque chose; cependant ne sois pas triste. Je sais que je vais mourir bientôt, mais je suis heureux."

Paulette Leblanc

pour toute suggestion ou demande d'informations